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de soutien et d’opposition à l’éolien

2.5.2 Les avis des habitants sur les porteurs de projets et les « acteurs » de l’éolien

Une partie des avis recueillis lors des entretiens étaient centrés sur les acteurs de l’éolien au niveau local, notamment sur les élus et les sociétés de développement éolien. L’objectif est de comprendre le positionnement des habitants rencontrés sur cette thématique, afin de vérifier si la manière dont est développée le projet peut être source d’inacceptabilité.

2.5.2.1 Une défiance des habitants vis-à-vis des sociétés de développement éolien

Le développement éolien en France est en grande partie réalisé par des acteurs privés, que ce soit dans la conception ou l’exploitation du parc. Les cas étudiés en Champagne Berrichonne et en Vienne répondent à ce phénomène, les développements éoliens ont été réalisés (ou sont en cours de réalisation) par des sociétés privées.

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Cet aspect privé du développement éolien est assez logique dans la mesure où le coût de conception du projet et surtout de l’achat et de l’implantation des éoliennes est élevé, et ne pourrait pas être supporté par les communes rurales sur lesquelles sont implantées les aérogénérateurs. Le coût du développement d’un projet éolien est estimé à 1 300 euros par KW installé (source : ADEME, 2013), ce qui représente environ 2,6 millions d’euros par éolienne de 2 MW. La rentabilité du parc éolien dépend de la production issue des éoliennes, elle-même dépendante du vent. Néanmoins, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a mentionné dans un rapport de 2014 que les parcs éoliens étaient rentabilisés au bout de 15 ans (durée du contrat garantissant les tarifs d’achat obligatoires). Ces tarifs d’achat sont relativement élevés pour permettre un développement de l’éolien, qui serait impossible avec des tarifs plus faibles. Ils permettent ainsi une rentabilité intéressante, dans la mesure où les parcs éoliens peuvent avoir une durée de vie allant jusqu’à 25 ans (ce qui permet des retombées plus importantes, dans la mesure où le parc est amorti). Par ailleurs, la CRE a étudié la rentabilité de plusieurs parcs éoliens, dans ce même rapport datant de 2014, et a indiqué que « la moitié des parcs éoliens à terre du panel permettent d’atteindre des rentabilités significatives, voire très significatives, pour leurs actionnaires80 », ce qui a conduit l’organisme à émettre la recommandation suivante « la structure des tarifs d’obligation d’achat doit être revue afin d’éviter la rentabilité excessive des installations bénéficiant des meilleures conditions de vent81 ».

Ces éléments sont souvent repris par les habitants rencontrés, et notamment les opposants. Bien que certains habitants comprennent la logique d’un développement privé, en raison des coûts élevés, la plupart des habitants rencontrés ont eu un point de vue plus critique, et ont notamment condamné la rentabilité liée à l’exploitation des parcs éoliens.

Cette rentabilité est perçue par certains habitants interrogés comme la principale raison qui pousse les entreprises à développer des projets, tandis que la contribution à la transition énergétique et par extension à la protection de l’environnement est reléguée au second plan « « Alors globalement les questions que je me pose est-ce que, avant l'idée de produire de

l'électricité, le but n'est pas de de faire de l'argent ? » (habitant de Sainte-Lizaigne, décembre

2015), « je les connais peu je pense qu’elles sont très opportunistes et pressées de prendre leur

part du gâteau il y a quelque chose à prendre » (habitant de Brux, Vienne, juin 2016).

Ces avis sont partagés par l’ensemble de personnes rencontrées pour la réalisation des entretiens, que ce soit en Champagne Berrichonne ou dans le sud de la Vienne, chacun ayant des avis plus ou moins tranchés sur cet aspect de la filière éolienne. Bien qu’il soit critiqué et condamné pour la plupart des personnes rencontrées, certaines ont reconnu que cet aspect de rentabilité économique était normal dans la mesure où ce sont des projets portés par des acteurs

80 Commission de Régulation de l’Energie, Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine. Éolien terrestre, biomasse, solaire photovoltaïque, Page 29, Avril 2014

81 Commission de Régulation de l’Energie, Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine. Éolien terrestre, biomasse, solaire photovoltaïque, Page 4, Avril 2014

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privés ayant un impératif de rentabilité économique. Néanmoins, cela pose la question de l’image du « modèle » éolien, qui est perçu comme un business pour reprendre la terminologie de certains opposants, ce qui est souvent mis en opposition au caractère environnemental de l’éolien. Ce modèle de développement peut ainsi contribuer à une mauvaise image de l’éolien.

2.5.2.2 L’ancrage local des sociétés de développement éolien, source d’acceptabilité des projets

L’ancrage local des sociétés de développement éolien apparaît également comme un point important contribuant ou non à l’acceptabilité des projets éoliens. En effet, le développement par une société d’origine étrangère est jugé dommageable par certains habitants rencontrés « Et puis suivi par des sociétés locales et non pas par des sociétés internationales

qui s'occupent de ces grandes éoliennes faudrait que ce soit à taille humaine comme beaucoup de choses d'ailleurs » (habitant de Blanzay, avril 2016). Les sociétés de développement sont

pour une partie d’origine étrangère, et notamment allemande.

Les structures privées agissant dans le développement éolien sont nombreuses, et sont pour la plupart d’origine allemande et française. En effet, l’Allemagne est, en Europe, l’un des précurseurs pour la mise en place des énergies renouvelables, c’est pourquoi les sociétés allemandes sont représentées en France, plus qu’un autre pays.

Graphique n°20 : Pays d’origine des sociétés ayant des éoliennes implantées en France, en 2013

Source : http://www.thewindpower.net/

Les sociétés françaises sont plus nombreuses que les sociétés allemandes, 33 contre 13, mais la différence entre ces entreprises est leur taille et leur expérience. Les groupes français sont pour

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 6074,2 2719,2 290 144 47 45 30 10

Pays d’origine des sociétés ayant des éoliennes implantées en France, en 2013

MW installés en 2013

Lecture du graphique : les sociétés françaises, avaient, en 2013, 6 074.2 MW installés dans le pays, contre 2 719,2 MW pour les sociétés allemandes en France.

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la plupart de petites tailles, hormis quelques exceptions comme EDF Energie Nouvelle ou GDF Suez, avec un développement relativement récent, tandis que les groupes allemands tendent à avoir plus d’expériences dans le domaine, l’Allemagne étant leur premier secteur d’activité et d’implantation. Les sociétés étrangères, notamment allemandes, contribuent au développement éolien de la France, au même titre que les sociétés nationales. Néanmoins, une question se pose en termes d’acceptabilité quant à l’origine des sociétés. Dans la première partie, on a pu voir que l’acceptabilité de l’éolien au niveau local pouvait être influencée par la confiance accordée à l’entreprise, confiance se basant sur son sérieux, sa capacité à mener un projet, mais aussi sur sa réputation. Dans un contexte de made in France, la place des développeurs étrangers peut être fragilisée.

Dans les cas étudiés, ce sont effectivement des sociétés d’origine étrangère, qui ont néanmoins des filiales implantées en France. Malgré cette présence en France, leur manque d’ancrage local est également perçu négativement par les habitants rencontrés. Certains habitants vont également plus loin en indiquant également la fabrication « étrangère » des éoliennes « je

regrette seulement c'est qu'y pas eu de développement français au niveau des technologies parce que on a les capacités en France de faire du super matériel [ …] mais sur l'éolien qu'on installe là ça vient souvent de l'étranger » (habitant de Brux, juin 2016).

Par ailleurs, l’ancrage local de ces dernières pourraient permettre de renforcer leur légitimité. En effet, il semble qu’une société implantée localement et reconnue par les habitants ait plus de chances d’être acceptée qu’une société non présente sur le territoire.

L’ancrage local des sociétés de développement et leur « aspect économique » sont des thématiques qui sont revenues de façon commune en Champagne Berrichonne ou dans le Civraisien. En revanche, lorsqu’on s’attache à la mise en place du projet par la société de développement, des différences apparaissent, notamment sur certaines pratiques mises en avant comme facteur d’inacceptabilité par les habitants. Deux éléments ont été mis en avant par certains habitants interrogés, le premier est propre aux pratiques des entreprise parfois jugées « malsaines », et résultent d’une concurrence parfois accrue entre elles. Le second est lié au processus informatif et à l’association des habitants au projet (cette thématique revient également chez les habitants du Civraisien, mais avec des spécificités différentes).

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2.5.2.3 Des situations concurrentielles entre développeurs éolien pouvant être sources d’inacceptabilité

La concurrence entre sociétés de développement est un phénomène pouvant arriver sur des zones potentielles d’implantations intéressantes. En effet, une zone relativement grande (pour mettre un nombre important d’aérogénérateurs), bien ventée (garantissant ainsi une productivité intéressante) et sans grandes contraintes techniques, patrimoniales ou environnementales peut ainsi attirer les développeurs. La Champagne Berrichonne offre des zones relativement grandes, éloignées des habitations et sans contraintes rédhibitoires (couloirs aériens basse altitude, patrimoine classé à l’UNESCO par exemple). Dans le cas des projets étudiés en Champagne Berrichonne, la concurrence entre entreprises a eu lieu sur le projet de Saint-Pierre-de-Jards, où des agriculteurs ayant réalisés un entretien ont pu indiquer avoir été contacté par plusieurs entreprises afin de leur proposer un développement éolien sur leurs parcelles. Ces contacts sont également réalisés par la société avec les collectivités. Cette concurrence peut entraîner des doutes voire une inacceptabilité de l’éolien « il y a une lassitude

aussi des mairies ou des conseils municipaux parce qu’ils voient défiler plusieurs développeurs » (habitant de Saint-Pierre-de-Jards, agriculteur, décembre 2015). Par ailleurs,

une concurrence forte peut entraîner des pratiques douteuses de la part des développeurs, notamment vis-à-vis des agriculteurs et des élus. En effet, dans certains cas, il peut arriver que les chargés de développement « sécurisent » le foncier (en obtenant les signatures des promesses de bail de la part des propriétaires-exploitants agricoles) avant d’avoir informé les élus de leur démarche « Lorsque le promoteur vient dans un village ce qu’il fait avant peut-être

même d'allé solliciter le maire il va voir l'exploitant qui est au milieu de son champs […] il leur fait signer […] une promesse de bail et après si il veut revenir en arrière il ne peut plus »

(habitante de Ménétréols-sous-Vatan, avril 2016). Les propriétaires-exploitants ne seraient donc pas préparés à ce type d’approche selon l’habitante. Bien qu’il soit difficile d’indiquer si cela a eu lieu pour les projets étudiés, cette pratique est bien réelle. En effet, lors d’un stage de fin de master réalisé dans un bureau de développement éolien, il est apparu que les agriculteurs, pour la plupart, ne connaissait pas les types de baux qui leur était proposé par le développeur, ce qui entraînait une forme de méfiance pour certains82. De plus, les baux étaient relativement difficiles à comprendre pour une personne non initiée à des textes juridiques (de plus en plus de juristes travaillent sur les baux pour éviter des mises en justice. Les textes sont juridiquement solides mais ne permettent pas une compréhension aisée).

Ainsi, on peut se demander dans quelle mesure la concurrence entre sociétés peut être un frein au développement éolien ? Cette concurrence sur un même territoire peut conduire à une mauvaise image des sociétés et par extension à une mauvaise image de l’éolien. Elle peut se traduire par un démarchage important auprès des communes et des propriétaires-exploitants, de même que le début d’un développement sans l’accord des élus (signature des promesses de bail

82 L’une des missions du stage était de proposer un développement éolien aux propriétaires exploitants présents sur la zone potentielle, et de leur soumettre une promesse de bail. La plupart des agriculteurs rencontrés lors du stage prenaient plusieurs jours pour comprendre le document, certains demandant conseils à un avocat pour le décrypter.

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notamment, pouvant être réalisée avant la présentation du projet en mairie afin de « sécuriser » la zone).

Un autre élément lié aux pratiques de développement éolien est revenu avec insistance lors des entretiens réalisés, que ce soit en Champagne Berrichonne ou dans le Civraisien : il s’agit des processus d’informations et de concertations.

2.5.3 Le processus informatif, un élément d’appropriation des projets par les