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Président de l’Agence du service civique, ancien haut-commisaire à la Jeunesse. Les premières promotions du service civique arrivent au terme de leur engagement. Il est intéressant d’entendre la plupart des jeunes affirmer que cette période les a fait grandir, pour reprendre leurs mots, qu’elle leur donne une légitime fierté, qu’elle leur a donné le sentiment d’être utiles dans une société qui a du mal à leur trouver une place. La loi qui l’a créé, votée à la quasi-unanimité, a moins de dix-huit mois, mais déjà les propositions fusent pour le transformer. Quelles évolutions peut-on imaginer ?

Pourquoi, tout d’abord, ne pas concrétiser une proposition malheureusement inaboutie du Livre vert sur la jeunesse ? Prolonger l’obligation scolaire qui s’arrête à 16 ans par l’obligation pour tous les jeunes mineurs de 16 à 18 ans d’être soit scolarisés, soit en apprentissage, en formation professionnelle, en emploi ou en service civique. Et la res- ponsabilité de la faire respecter incomberait aux pouvoirs publics. Cela mettrait fin à ces situations inacceptables de mineurs hors de tout parcours. Le service civique serait utile pour celles et ceux qui sont prêts à abandonner toute idée de formation et qui ont besoin d’un autre cadre que celui du lycée. La loi a déjà ouvert la porte à cette évolution. Il y a déjà une forte demande de service civique chez les 16-18 ans, bien supérieure à l’offre disponible. Il est dommage de devoir dire non à un adolescent qui souhaite s’engager pour reprendre son élan.

Prenons ensuite la question d’une possible concurrence avec les « emplois jeunes ». Il serait regrettable que cela soit au détriment de la montée en charge du service civique. Le service civique est bien davantage qu’une simple réponse à la difficulté d’insertion professionnelle des jeunes. Il ne faut pas remplacer un engagement vo- lontaire, qui peut se faire en France ou à l’étranger, par un emploi subventionné. Le service civique, c’est avant tout une possibilité offerte de vivre un engagement désin- téressé au service de l’intérêt général, partie intégrante d’un vrai projet de société, indépendamment de la question du chômage.

Ce projet de société passe-t-il par un service civique obligatoire ? Rappelons le paradoxe d’avoir annoncé le service civique volontaire à grande échelle en 2005 (Jacques Chirac et Dominique de Villepin), puis de ne l’avoir fait que vivoter, de l’avoir prôné comme obli- gatoire en 2007 (Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, de manière plus ambiguë), puis à nouveau volontaire (rapport de Luc Ferry en 2008 et loi en 2010), pour en revenir à la perspective de l’obligation à l’approche de 2012. N’est-ce pas paradoxal, alors que beaucoup de postulants ne peuvent l’accomplir, faute de places suffisantes ?

La crainte exprimée à l’encontre du caractère volontaire était de n’attirer que certains profils : ne seraient volontaires que les jeunes diplômés, soutenus par papa-maman, avec un entourage familial propice aux valeurs d’engagement, au détriment de jeunes ayant moins de repères. Elle est aujourd’hui dissipée par les faits, grâce surtout à l’implication militante d’asso cia tions comme Unis-Cité. Le service civique est bien le reflet de la di- versité de la jeunesse avec 20 % des jeunes qui viennent des quartiers prioritaires de la politique de la ville, un tiers qui n’a pas le bac, mais aussi des jeunes qui choisissent l’engagement après un excellent parcours dans l’enseignement supérieur.

Le rendre obligatoire, c’est courir plusieurs risques. Le premier est de le dire et de ne pas le faire. Tenir l’engagement pris par le président de la République d’ouvrir le service civique à 10 % des jeunes, ce sera déjà 500 millions d’euros, dont une partie qu’il faut encore trouver. Obligatoire, ce serait 2 milliards au bas mot. Le deuxième risque serait

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d’amoindrir la qualité des missions et de transformer une envie en corvée. Le troisième, c’est de faire passer comme message aux jeunes « nous avons du mal à vous insérer dans la vie professionnelle, mais nous vous contraignons à ce qui pourrait alors s’apparenter à un sous-emploi ».

Pour concilier ces différentes positions, voilà ce que je propose : inscrire le service ci- vique dans le parcours des 16-18 ans, dans le cadre d’une obligation d’être dans un parcours d’emploi, de formation ou d’engagement. Et traduire l’idée que consacrer du temps à la collectivité s’applique à tous, toutes générations confondues. Le service civique serait universel, pouvant s’accomplir selon deux modalités. Les jeunes pourraient faire le choix de sa forme actuelle, six à douze mois d’engagement indemnisé. Les autres devraient justifier de six mois de bénévolat sur une période de dix ans, dix week-ends par an, ou une participation régulière à une association d’intérêt général. Ce serait valable pour tous, sans raviver de coupure entre les générations.

Ainsi, le service civique qui connaît des débuts prometteurs serait consolidé, renforcé et permettrait à de nombreux jeunes de considérer cette période comme valorisante dans leur cursus. Et pour l’ensemble de la société, il deviendrait normal que la citoyenneté pleine et entière comprenne le vote, le respect des lois, la contribution aux charges pu- bliques et, désormais, un peu de temps pour la collectivité.

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En lien avec le thème de l’ouvrage,