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Autres interprétations de l’anomalie de rotation

Dans le document Supersolidité et Plasticité Quantique (Page 38-41)

1.2 Expériences principales

1.2.3 Autres interprétations de l’anomalie de rotation

Nous présentons des interprétations différentes de celle proposée par Kim et Chan pour interpréter leur résultats expérimentaux sur l’oscillateur de torsion.

1.2.3.1 Théorie de la réponse linéaire : susceptibilité de rotation

Certains groupes ont développé d’autres modèles physiques pour interpréter les mesures d’oscillateur de torsion dans l’hélium 4 solide. Certains théoriciens [72, 73, 74] ont signalé que la quantité physique mesurée dans l’oscillateur de torsion n’était pas le moment d’inertie de l’oscillateur de torsion mais plutôt la susceptibilité de rotation du système χ soumis à un couple de torsion extérieur Γ. En transformée de Fourier temporelle, le déplacement angulaire θ de l’oscillateur est :

On peut trouver la reformulation du problème de l’oscillateur de torsion en terme de susceptibilité dans la thèse de B. Hunt [75] ainsi que dans [74] et [76]. La suscep-tibilité χ(ω) représente la fonction de réponse du système total composé de l’inertie de rotation de l’oscillateur, l’inertie de l’hélium 4 solide, les constantes de raideur ainsi que la dissipation dans le système. Dans ce formalisme, trouver la fréquence propre du système revient à trouver les pôles de la fonction χ(ω) avec ω complexe, c’est-à-dire résoudre :

χ−1(ω) = 0 (1.13)

L’inverse de la susceptibilité χ−1(ω) peut se représenter comme la somme d’une

contribution venant de l’oscillateur de torsion seulement χ−1

0 (ω) et d’une

contribu-tion venant de l’hélium seulement g(ω).

χ−1(ω) = χ−10 (ω) − g(ω) (1.14)

La réponse de l’hélium est donc toute comprise dans cette seule fonction g(ω), cette fonction peut revêtir différentes formes pour différents modèles physiques. Dans ce formalisme seule la fonction g(ω, T ) dépend de la température. On constate que dans le cas particulier où la cellule de torsion n’est pas suffisamment rigide, la situation n’est pas si simple puisqu’il y a un couplage entre la fonction de réponse

de l’oscillateur vide et celle du cristal4He jouant le rôle de colle. On peut cependant

laisser ce problème de coté et considérer les différentes formes possibles de la fonction g(ω). Dans le modèle de transition supersolide tel que celui proposé par Kim et Chan, la fraction supersolide se découple du reste du système, la fonction de réponse de l’hélium 4 solide a dans ce cas la forme suivante :

gss(ω, T ) = −IHe



1 −ρs(T )ρ 

ω2 (1.15)

où IHe est le moment d’inertie, ρ la densité et ρs la densité superfluide au sein du

cristal 4He. Kim et Chan observent un pic de dissipation à la température où le

changement de période apparaît. Cette forme de susceptibilité n’introduit pas de dissipation et ne peut donc interpréter l’intégralité des résultats observés dans les expériences d’oscillateurs de torsion. L’interprétation de Kim et Chan de 2004 de l’observation d’une anomalie de rotation en termes de fraction supersolide est donc contestable parce qu’ils n’observent pas la signature habituelle d’une fraction super-fluide dans la mesure de la dissipation en fonction de la température. On rappelle que dans l’hélium 4 liquide, à mesure que l’on baisse la température en dessous de la température de transition, la dissipation diminue (cf. Fig. 1.1). En revanche, d’autres formes de susceptibilité peuvent faire apparaître ce pic de dissipation au centre de la transition. Il y a la susceptibilité de Debye utilisée, par exemple, pour décrire la polarisation d’un milieu diélectrique sous l’effet d’un champ électrique oscillant à la pulsation ω où le temps de relaxation τ est le temps caractéristique nécessaire aux dipôles rigides pour se retourner et changer d’orientation dans le champ électrique variable.

gd(ω, T ) = g0

Le modèle de Debye décrit dans cet exemple le fait qu’aux basses fréquences (ω ≪ 1/τ ), les dipôles permanents suivent instantanément les variations sinusoïdales du champ et qu’aux hautes fréquences (ω ≫ 1/τ), les dipôles n’ont plus le temps de s’aligner dans le champ variable. Dans les mesures d’oscillateur de torsion, l’utilisa-tion de la susceptibilité de Debye permet de capturer l’allure de la dépendance en température de la période et de la dissipation prises séparément mais échoue quanti-tativement lorsque on essaye d’ajuster les deux quantités en même temps. D’autres susceptibilités ont été proposées dans le but d’ajuster au mieux la période et la dissipation en même temps. Une susceptibilité de Debye "améliorée" a été proposée

par Nussinov et al. [72] considérant une distribution de temps de relaxation (τs).

Cette susceptibilité est habituellement utilisée pour décrire les verres. Il y a aussi la susceptibilité du modèle décrivant l’hélium 4 solide comme un milieu élastique ayant une friction interne, c’est-à-dire un milieu viscoélastique [74, 77].

De manière générale ces susceptibilités permettent d’ajuster plus ou moins les résultats expérimentaux obtenus dans les oscillateurs de torsion mais en revanche n’expliquent pas l’origine du phénomène physique sous-jacent conduisant à cette susceptibilité de rotation. Notamment, les excitations dont il est question dans ces susceptibilités de Debye ou vitreuses ne sont pas définies. On remarque cependant que dans les oscillateurs où l’anomalie de rotation observée est due à la variation du module élastique de l’hélium 4 solide, ce type de susceptibilités de Debye pourrait

s’interpréter en termes de piégeage des impuretés3He sur les dislocations. En effet,

l’utilisation d’une susceptibilité de Debye permet d’ajuster remarquablement bien les mesures du modules de cisaillement dans les expériences de Syshchenko et al. [68] à condition de prendre une distribution d’énergies de piégeage ou ce qui revient au même une distribution de temps τ de relaxation.

1.2.3.2 Effet élastique sur l’oscillateur de torsion

L’anomalie élastique trouve une interprétation satisfaisante en terme de piégeage

des dislocations par les impuretés 3He, bien qu’elle soit critiquée par Anderson [78].

On peut donc se poser la question de l’effet de cette anomalie élastique sur la me-sure de la période dans les oscillateurs de torsion. À priori, il est possible de calculer

facilement l’effet d’une augmentation du module de cisaillement du solide 4He sur

la mesure de la période. Un calcul analytique et une simulation numérique par éléments finis ont été réalisés dans le cas d’un oscillateur de torsion de géométrie cylindrique dans l’article de Clark et al. [40]. Ils trouvent qu’une augmentation de 20 % du module de cisaillement comme celle reportée dans les expériences de Day et Beamish induit une fraction supersolide apparente dans leurs mesures d’oscilla-teur de torsion insuffisante pour interpréter les variations de périodes observées. Il n’est pas exclu cependant que l’effet de la rigidité de l’hélium sur l’oscillateur de torsion soit plus importante que celle calculée dans ces travaux. A ce sujet, Maris et Balibar [79] ont montré que l’anomalie élastique de l’hélium 4 solide pouvait avoir une plus grande influence sur les mesures d’oscillateur de torsion si celui-ci n’était pas suffisamment rigide. Ils ont également montré que la fraction supersolide appa-rente pouvait dans ce cas être aussi grande que celle reportée dans les expériences d’oscillateur de torsion. Nous donnerons des précisions sur l’importance de l’effet

élastique dans les expériences d’oscillateur de torsion au chapitre 4. Toutefois, il semblerait que de récentes expériences d’oscillateurs de torsion [28, 80] construites de telle sorte que l’effet élastique puisse être ignoré, ont montré qu’il subsistait une

fraction supersolide dans les cristaux 4

He. La fraction observée (∼0.003 %) est ce-pendant sensiblement plus faible que celles reportées auparavant et ils ne mesurent pas de pic de dissipation.

1.2.3.3 Modèle de glissement du solide 4He

Le modèle de J. G. Dash et J. S. Wettlaufer de 2005 [81] propose une autre interprétation de l’effet observé dans l’oscillateur de torsion de Kim et Chan. Ils montrent que si les conditions de non glissement du solide sur les parois de la cel-lule de l’oscillateur ne sont pas parfaitement remplies alors la variation de période mesurée pourrait s’expliquer par la présence d’un film superfluide sur ces parois.

1.2.3.4 Modèle de vortex

Une description de l’effet supersolide en termes de vortex a été proposée par Anderson [82, 73]. Il suggère que de la masse peut s’écouler par l’intermédiaire des

vortex dans le solide quantique4He. Il invoque pour cela un "liquide de vortex",

c’est-à-dire un enchevêtrement de vortex interconnectés. Ce liquide de vortex prolifère à la transition et par son interaction avec le réseau cristallin peut conduire à une augmentation de la rigidité du système.

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