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augmentent-elles la consommation de soins ?

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 182-187)

Sommaire

Introduction . . . 167

1 Contexte et hypothèses théoriques . . . 170

2 Données et méthodes . . . 176

3 Résultats : l’efet des remises sur l’accès aux soins . . . 196

4 L’efet hétérogène des transferts de fonds . . . 203

5 Discussion et conclusion . . . 209

Bibliographie . . . 216

Annexes . . . 217

Ce chapitre fait l’objet d’un article co-écrit avec Florence Jusot. Il a été accepté par la Revue économique et sera publié à la rentrée 2018. Une autre partie du chapitre fait l’objet d’un document de travail en anglais en cours de inition avant sa soumission.

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Introduction

Les remises de fonds de migrants jouent un rôle essentiel dans l’économie des pays de départ. Leur contribution au PIB en est un indicateur. Les petits pays en développement ont une plus forte dépendance aux migrations que les grands pays émergents comme l’Inde et la Chine, qui sont pourtant les premiers pays receveurs de remises au classement mondial. Par exemple, les remises de fonds représentent 29% du PIB au Népal, 30% au Kirghizistan et 42% au Tadjikistan (Ratha et al., 2016) ; 25% des ménages péruviens reçoivent des transferts qui comptent pour un cinquième de leur ressource (Cox et al., 1998). En temps de crise économique, durant une période de transition post-conlit ou de résilience post-catastrophe naturelle, les remises de fonds des migrants sont un véritable soutien indispensable aux ménages restés au pays, particulièrement aux plus pauvres (Duval et Wolf, 2016).

Depuis les années 2000, la recherche sur les migrations a produit un nombre croissant d’études de l’impact des remises sur la consommation de biens durables et non durables et sur l’investissement productif des ménages restés au pays. Outre les situations d’urgence, les remises peuvent avoir un efet de long-terme sur la croissance, à travers l’accumulation de capital économique et humain (Clément, 2011 ; Rapoport et Docquier, 2006 ; Taylor et Mora, 2006). Par exemple, un certain nombre d’études ont estimé un efet positif des transferts de fonds envoyés par les migrants sur l’achat de biens durables dans diférents pays comme le Tadjikistan (Clément, 2011), le Mexique (Taylor et Mora, 2006 ; Zarate-Hoyos, 2004) ou l’Albanie (Castaldoet al., 2007). D’autres études se sont concentrées sur les efets de long terme des remises sur le capital humain, notamment sur l’éducation des enfants de migrants (Bennett et al., 2013 ; Gatskova et al., 2017 ; Hanson et Woodruf, 2003 ; McKenzie et Rapoport, 2006).

Dans ce même champ, la littérature en économie des migrations accorde aussi une place à l’usage des remises dans le domaine de la santé, entre satisfaction de la demande de soin et accumulation de capital humain. La plupart des études s’intéressent alors à l’efet des remises sur l’état de santé, les outcomes, des personnes bénéiciaires (Böhme et al., 2015 ; Frank et Hummer, 2002 ; Hildebrandt et al., 2005 ; Kanaiaupuni et Donato, 1999). Pourtant, peu d’études ont estimé l’efet des remises sur l’accès et la consommation de soins des ménages restés au pays, à besoin donné (Amuedo-Dorantes et al., 2007 ; Valero Gil, 2009).

Dans ce chapitre, nous regardons si les remises de fonds envoyées par les migrants ont aussi un impact sur l’accès aux soins des familles, restées au Tadjikistan, en se concen-trant sur plusieurs indicateurs de consommations (dépenses de santé et renoncement) et en tenant compte des besoins. Cette question est particulièrement importante dans les pays où les transferts représentent une part signiicative des ressources des ménages et dotés d’un système de santé laissant une grande partie des soins à la charge du patient,

les exposant ainsi à un risque de dépenses de santé catastrophiques ou de renoncement aux soins. Elle est d’autant plus cruciale lorsque le pays connaît une forte émigration, comme c’est aussi le cas au Tadjikistan, puisque de nombreuses études ont montré que les personnes qui migrent sont en moyenne en meilleure santé (Abraido-Lanza et al., 1999 ; Jusot et al., 2009 ; Moullan et Jusot, 2014). En raison de cette sélection à la migration, les pays où une forte proportion de la population émigre peuvent avoir un état de santé plus dégradé, justiiant un besoin de soins plus important. Pourtant, peu de travaux se sont intéressés à l’inluence des remises de fonds sur la consommation de soins des ménages.

Les remises de fonds peuvent alors être utilisées contre un risque de santé, soit ex post, on parle alors de risk-coping, soit ex ante, on parle alors de risk-sharing. Depuis les années 1980, la recherche sur les migrations considère que la décision de migrer est prise collectivement par le ménage (Chort et Senne, 2015) ou qu’elle s’inscrit dans un réseau de solidarités informelles (Lautier, 2004), ayant pour but de faire face aux risques inanciers dans des situations de vulnérabilité ou d’incertitude. Les remises de fonds envoyées par les migrants depuis l’étranger peuvent ainsi être interprétées comme une assurance. De nombreux articles (Lucas et Stark, 1985 ; Shaw, 1988 ; Stark, 1995 ; Stark et Lucas, 1988) se sont intéressés aux aspects assurantiels de la migration, expliquant la décision de migrer comme moyen de diversiier le portefeuille (Azam et Gubert, 2002). Les ménages, adverses aux risques et vivant dans un pays sans assurance, se prémuniront du risque en allouant leurs membres dans des régions qui ne sont pas exposées aux mêmes chocs naturels ou économiques. Morten (2016) montre que la migration et les autres modes d’assurance informelle dans l’économie agricole locale en Inde sont substituts : réduire le coût de l’un réduit la demande de l’autre. Il serait alors possible d’appliquer le même raisonnement au risque de santé et de dépenses catastrophiques qui en découlent dans certains pays. En Colombie, par exemple, le recours à la migration peut se substituer à l’endettement des ménages confrontés à des chocs de santé et non couverts par une assurance (Ambrosius et Cuecuecha, 2013).

Si les migrations font partie d’un dispositif informel d’assurance contre le risque i-nancier induit par la maladie et le risque de dégradation de l’état de santé en cas de non couverture des besoins de soins, la réception de remises de fonds pourrait être endogène aux besoins et à la consommation de soins. Bien qu’il soit diicile de prouver que les mé-nages s’assurent contre un risque de santé en envoyant des membres à l’étranger, quelques articles ont étudié l’efet des transferts sur la santé en tenant compte de l’endogénéité potentielle de la réception de remises (Amuedo-Dorantes et Pozo, 2011 ; Kan, 2016). Ce-pendant, peu d’études à notre connaissance discutent les mécanismes à l’œuvre et le sens des biais d’endogénéité.

Nous nous trouvons ici à l’intersection de la littérature d’économie du développement sur l’usage des remises de fonds, d’économie de la santé et d’économie des migrations interrogeant leur rôle assurantiel. Ce chapitre contribue de plusieurs façon à la littérature

existante.

Tout d’abord, nous étudions l’efet des remises sur l’accès aux soins à l’aide d’indica-teurs de consommation : les dépenses en soins ambulatoires, les dépenses en cas d’hospi-talisation et le renoncement. Nous estimons l’efet sur les premières à l’aide d’un modèle en deux parties, une méthode usuelle en économie de la santé (Jones, 2000), plutôt qu’à l’aide d’une régression linéaire ou d’un Tobit (Kan, 2016). Ceci permet de distinguer l’ef-fet à la marge extensive, approchant l’el’ef-fet sur le recours aux soins, de l’el’ef-fet à la marge intensive, approchant l’efet sur la couverture de besoins de soins plus importants.

Deuxièmement, nous étudions puis traitons l’endogénéité potentielle des transferts, qui est plus souvent supposée qu’analysée dans la littérature, à l’aide d’un instrument original fondé sur la proportion de ménages avec migrant parmi un sous-échantillon de voisins tirés aléatoirement, comme un proxy du réseau disponible et donc du coût de la migration. Les deux articles existants sur ce sujet au Tadjikistan ne se prêtent pas à cette analyse. Clément (2011) analyse l’inluence de la réception de transferts domes-tiques et internationaux sur l’allocation des dépenses - dont les dépenses de santé - à l’aide d’un appariement entre ménages bénéiciaires et non bénéiciaires. Il se base sur des caractéristiques observables n’incluant pas les besoins de soins. Kan (2016) suppose seulement l’endogénéité et la traite, mais l’instrument qu’elle mobilise, étant à un niveau communautaire, soufre de sa faible variabilité.

Troisièmement, pour vériier que l’efet sur le montant des dépenses correspond à un efet sur la consommation et non uniquement à un efet inlationniste, nous mesurons l’efet sur le renoncement aux soins. Il s’agit d’une variable plus subjective mais pertinente car directement liée à la perception du besoin et de son état de santé, qui inluence le fait de déclarer avoir dû repousser ou renoncer à des soins.

Enin, comme Duval et Wolf (2016) qui ont montré que les remises soutiennent plus les ménages ayant une faible consommation totale, nous étudions l’hétérogénéité de l’efet des transferts en diférents points de la distribution des dépenses de santé. Or, les consé-quences en termes d’équité, rarement étudiées, iraient plutôt dans le sens contre-intuitif d’une accentuation des inégalités horizontales d’accès aux soins. Chauvet et al. (2015) ont montré que les remises de fonds qui contribuent à réduire la mortalité infantile ont un efet plus marqué chez les plus riches, ce qui en fait une source d’inégalité. En ce qui concerne le Tadjikistan, Clément (2011) ne mentionne que l’efet des transferts de fonds sur les dépenses des diférents quintiles de revenus et Habibov (2011) analyse l’impact des dépenses directes sur l’égalité d’accès, mais ne mentionne pas le rôle des migrations.

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