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Les danses de l’attention

Mais le dire n’a pas que cette fonction de (critique) rétrospective dans le Contact Improvisation : il est aussi impliqué, en direct, dans la pédagogie de la pratique. Comme

134 Isabelle Ginot insiste sur cette même distinction en insistant sur le caractère stratégique de la parole dans les pratiques somatiques : celle-ci a une fonction efficace sur l’action, son ordre de vérité n’est donc pas celui de la description de ce qui s’est passé (même si c’est ce qu’il se donne comme objectif) mais de la transformation de ce qui est témoigné. C’est important de le souligner si l’on ne veut pas être dupes dans nos lectures : les textes écrits par les contacteurs sont au moins autant des manières de penser leur pratique qu’ils sont des manières d’agir sur leur pratique. (cf. Isabelle Ginot, « Discours, techniques du corps et techno-corps. À partir et non à propos de Conscience du corps de Richard Shusterman » dans Paule Gioffredi (dir.), À l[a’r]encontre de la danse contemporaine : porisités et

dans ces pages, nous n’avons de cesse d’emprunter aux paroles des enseignants, sous forme d’extraits de leurs ateliers, il est temps de nous poser la question de la manière dont ces paroles fonctionnent : comment parle-t-on pour donner à danser dans le Contact Improvisation ?

Remarquons que, dans le Contact Improvisation comme ailleurs, la parole pédagogique tisse, de manière souvent tacite et discrète, deux grandes catégories d’énoncés : les uns ayant traits à la direction du mouvement, et les autres ayant trait à la

direction de l’attention. On reconnaît, ici, les deux pôles, moteurs et sensitifs du geste : la

direction du mouvement s’adresse au déploiement moteur, la direction de l’attention à son pendant sensitif. Ce pourquoi, bien sûr, l’un influence l’autre. Si je vous dis « levez la main », votre attention se portera probablement sur votre main (sauf si vous avez une blessure à l’épaule, par exemple, auquel cas votre attention se portera prioritairement à cette articulation). Inversement, si je vous dis, « pensez à votre genou » ou « sentez le sol sous vos pieds », ces appels à vos gestes de penser ou de sentir feront probablement changer votre posture (par exemple, vous pencherez peut-être votre tête en direction de vos jambes pour aller voir votre genou ou vos pieds).

Empruntons à la chorégraphe Lisa Nelson le terme d’attentionographie135 pour

désigner la part du travail au studio ou sur scène qui consiste à étudier les mouvements de l’attention dans la danse.

Le mot d’attentionographie contraste avec l’autre terme habituellement utilisé pour parler de la création de danses scéniques : la chorégraphie. Étymologiquement, chorégraphie veut dire : tracer ou écrire (graphein : « gratter », « graver », et puis par

135 Attentionography (2014) est le titre d’une série de spectacles que Lisa Nelson a dansés à Paris et à São Paulo. Mais son étude des mouvements de l’attention anticipe largement ces spectacles. cf. par exemple, sa description d’une partition qu’elle s’est donnée pour certaines représentations de PA RT (1978-2002) qu’elle danse avec Steve Paxton : « La structure était solo-duo-solo-duo. Il n’y avait aucun autre matériau préétabli, sinon l’enregistrement de l’opéra de Robert Ashley (Private Parts) qui donnait un environnement à la danse pour se développer, et puis nous avions des costumes, que nous avons essayé de conserver à peu près identiques tout du long. C’est la seule danse que j’ai faite où ma seule partition personnelle était de « danser ». Mais à l’intérieur de cette partition, il y a eu une période où j’ai utilisé une autre partition intérieure, que j’ai appelée « lire à voix haute ». Dans la danse, je lisais l’espace, et moi-même contenue dans l’espace. En un sens, je rendais visible ce qui me touchait dans l’espace. » (Lisa Nelson avec Nita Little, « Tuning Scores », Movement Research, 2006 ; movementresearch.org/publications/critical-correspondence/lisa-nelson-in-conversation-with-nita-little)

métonymie « écrire ») des mouvements ordonnés (choreia)136. La plupart du temps, dans

la création d’une danse, chorégraphie et attentionographie travaillent ensemble : une danse est en effet inséparable de ce que l’on y fait et ce que l’on y sent, quelle que soit la méthode employée par le chorégraphe pour la transmission.

En ballet par exemple, la cinquième position pour les bras (couronne) peut être décrite comme une manière de porter les bras à l’arrondi au-dessus et légèrement en avant par rapport à la tête. Mais comment le danseur se rapporte-t-il à ses propres mouvements ? Est-ce qu’il tient une couronne imaginaire ? Est-ce qu’il est sensible à l’espace négatif dessiné par ses bras ? Est-ce qu’il reçoit la position de ses membres dans l’espace et dans le temps ? Tout cela à la fois ? L’option à préférer est parfois transmise par le chorégraphe, parfois par le maître de ballet au cours de l’entraînement, parfois ne relève que de la manière unique dont chaque danseur sait—d’un savoir qui n’est pas toujours explicite—être « l’auteur de son expérience » comme nous le disions plus haut avec Chrysa Parkinson. La chorégraphie et l’attentionographie sont ainsi les deux composants de l’art de faire des danses, ne serait-ce que parce que les danseurs- interprètes ont pour tâche, indépendamment de ce que leur demande le chorégraphe directement ou non, de trouver une certaine plasticité attentionnelle qui leur permette de naviguer d’un univers chorégraphique à un autre.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, un certain nombre d’artistes chorégraphiques

ont cherché à isoler la fonction attentionographique dans leur travail, et conçu des entraînements spécifiques fondés sur des directives exclusivement dédiées à donner formes aux gestes de l’attention, sans prendre soin, ou en ne prenant soin que minimalement, des autres gestes. Une grande part de l’enseignement et des motifs qui soutiennent le Contact Improvisation relève d’une telle tendance à attentionographier plutôt qu’à chorégraphier. Nous examinerons ces techniques attentionographiques en en

136 Dans la Grèce ancienne, et notamment chez Platon, choreia est en effet indifféremment utilisé pour désigner les mouvements orbitaux des planètes et les mouvements ordonnés des chœurs de danseurs dans la tragédie (cf. A. P. David, The Dance of the Muses: Choral Theory and Ancient Greek Poetics, New York (NY), Oxford University Press, 2006, p. 23-24). Ce double usage s’est maintenu jusque dans nos langues contemporaines lorsque nous parlons de la chorégraphie des nuages dans le ciel, ou du ballet des voitures et des piétons dans les rues de nos villes.

cherchant des paradigmes chez quelques artistes contemporains du Contact Improvisation, qui serviront de modèles pour lire ses stratégies attentionnelles.

Mais avant de nous plonger dans ces attentionographies, justifions de la place que nous lui accordons dans notre philosophie des gestes en insistant sur ceci que, pour nous, l’attention n’est pas tant quelque chose que l’on a, que quelque chose que l’on fait.

On définira ainsi le geste attentionnel (geste qui correspond au verbe anglais

attending, du vieil anglais tenden, « entretenir un feu », « prendre soin ») comme le geste

qui distribue des saillances dans un champ perceptif. Suivons, ici comme ailleurs, les paroles d’un danseur, Daniel Lepkoff, pour en détailler la mélodie :

« Dans le cours ordinaire des événements, la plupart de nos actions sont profondément automatisées. Marcher, par exemple, est ordinairement une activité qui ne requiert quasiment aucun effort. Mais imaginons que nous nous retrouvions à marcher sur un lac gelé : incertains de la solidité de la glace, notre marche, au lieu de son allure gracieuse et sans effort, se syncope, hésite ; nous tendons l’oreille aux sons de la glace qui pourrait commencer à rompre ; nous testons, nous sentons le soutien qu’elle nous offre dans toutes ses subtilités en faisant passer le poids d’un pied sur l’autre. La frontière entre ce que nous imaginons et ce qui est réel se floute légèrement. Dans cette situation, le mouvement de notre attention s’intensifie : notre attention est au-devant de nous et précède nos mouvements. Dans mon travail au studio, j’expérimente avec un état physique dans lequel le mouvement de l’attention précède l’implication dans l’action physique137. »

Dans la situation que décrit ici Lepkoff, faire attention est une série de gestes qu’on pourrait dire de précaution : il marche plus lentement, il teste, revient en arrière, ses mouvements sont des antennes au moins autant que des avancées sur la glace, chaque pas étant franchi en attendant la résonance qu’il provoque dans la glace. Son « mouvement de l’attention » n’est pas un mouvement métaphorique : c’est une qualité de sa mélodie motrice, qu’il peut ainsi chercher à transposer dans des temps où l’urgence

137 Daniel Lepkoff et Simone Forti, « The Movement of Attention », Movement Research, 2005 ; movementresearch.org/publications/critical-correspondence/mrpj-29-improvisation-is-dead-long-live- improvisation-the-movement-of-attention-an-interview-with-daniel-lepkoff-by-simone-forti

de la situation ne la force pas, comme l’est le travail au studio.

Cette manière de faire attention n’est toutefois pas la seule. Scruter, par exemple, en est une autre : c’est le geste où je plisse les yeux, fronce le nez, tend le cou, et focalise ma vision fovéale sur un emplacement pour faire apparaître ses contours avec plus de vivacité—je « repasse les contours » de la chose perçue, comme dit Bergson138. Rêvasser,

à l’autre bout du spectre des manières de faire attention, peut aussi se décrire comme un geste précis : la tête en l’air, les muscles détendus, les pieds joueurs.

En parlant ainsi des diverses manières de faire attention, nous nous débarrassons de l’illusion selon laquelle les pondérations du champ perceptif que les directions de l’attention permettent s’effectueraient sur un fond en lui-même inchangé. Il n’y a pas un champ neutre inattentif constant au sein duquel je pourrais déplacer mon attention comme on déplace une lampe-torche sur un paysage nocturne, éclairant de-ci de-là une réalité qui, par elle-même, resterait inchangée. On ne met pas des lunettes attentionnelles comme on mettrait des lunettes de vue : l’attention n’est pas un simple changement de focale au sein d’un champ perceptif stable. Le champ perceptif n’est tel qu’il est qu’en tant que l’attention le pondère de cette manière, et non d’une autre : ce n’est donc pas que je perçois quelque chose et qu’ensuite je « fais » attention à certaines régions de ce champ ; le percevoir, c’est déjà le pondérer attentionnellement. Comme dit Merleau-Ponty, « la première opération de l’attention est de se créer un champ, perceptif ou mental139 ». C’est-à-dire que la première

opération de l’attention est de tendre ou détendre (ad-tensio) le champ au sein duquel elle pourra se déplacer. En ce sens, l’attention est bien un geste : c’est-à-dire un faire qui est identiquement un faire-paraître.

Les autres êtres mobiles, en particulier les autres êtres humains (du moins dans un contexte neurotypique), ont tendance à me provoquer à faire attention. Ils m’y provoquent souvent par leurs seuls mouvements : en général, les choses qui bougent attirent ainsi davantage mon attention que les choses stables, qui ont tendance à la

138 Henri Bergson, Matière et mémoire, op. cit., p. 112 : « Supposons (…) que l’attention implique un retour en arrière de l’esprit qui renonce à poursuivre l’effet utile de la perception présente : il y aura d’abord une inhibition de mouvement, une action d’arrêt. Mais sur cette attitude générale viendront bien vite se greffer des mouvements plus subtils, dont quelques-uns ont été remarqués et décrits, et qui ont pour rôle de repasser sur les contours de l’objet aperçu. »

laisser divaguer140. Les êtres humains, dans un contexte social, peuvent fonctionner

comme attracteurs (quand ils me parlent par exemple) ou comme déflecteurs (quand ils pointent du doigt ou regardent avec insistance dans une certaine direction)141. On peut

supposer que c’est en vertu de cette fonction sociale de l’attention que l’attention est connotée du côté du soin offert à l’autre, comme dans l’expression française « être attentionné » et dans les expressions verbales comme « donner » ou « prêter son attention ». L’attention n’est en effet pas un geste qui ne serait que cognitif142. C’est aussi,

ou d’abord, un geste de la relation.

Munis de cette justification de la gestualité de l’attention, nous pouvons voir à présent de quels styles il est question de faire attentionographie dans le Contact Improvisation. Gageons que nous gagnerons ainsi à diversifier notre conception de l’attention, non pas à partir d’une phénoménologie transcendantale, non pas à partir des données de la science143, mais à partir de pratiques qui s’acheminent à la travailler.

Attentionographie (0) : Laisser flotter la langue

Proposons d’abord, avant d’entrer dans les pratiques de l’attention du Contact Improvisation, une réflexion générale sur la fonction de l’attentionographie dans son rapport à l’improvisation. À la fin des années 1970, Bill T. Jones a conçu une pratique où s’entrecroisent la parole et le geste dansé qui peut nous servir d’instrument pour aiguiser cette compréhension.

Cette pratique s’appelle : « laisser flotter la langue » (floating the tongue). Laisser

140 D. E. Berlyne, « Attention to change », British Journal of Psychology, vol. 42(3), août 1951.

141 Janet Metcalfe et Herbet S. Terrace (éd.), Agency and Joint Attention, New York (NY), Oxford UP, 2013. 142 Ou si c’est une cognition, c’est une cognition qui enveloppe une éthique. Jouant sur la parenté, justifiée

par l’étymologie, entre processus attentionnels et gestes attentionnés, les philosophes du care passent souvent de l’un à l’autre : le premier des gestes attentionnés, c’est de remarquer l’autre, d’être attentif à ce qu’on dit et à l’effet de ce qu’on dit sur l’autre. cf. par exemple Sandra Laugier, « L’éthique comme politique de l’ordinaire », Multitudes, #37-38, 2009, p. 84 : « une première façon d’exprimer le care : faire attention à, être attentionné (…). Attention serait alors une traduction possible en français du terme

care et de son sens éthique : il faut prêter attention à ces détails de la vie que nous négligeons (qui a

nettoyé et rangé cette salle où nous sommes ? qui s’occupe de mes enfants en ce moment ?) »

143 Travail massif qui a été réalisé par Nathalie Depraz dans Attention et vigilance. À la croisée de la

phénoménologie et des sciences cognitives, Paris, Puf, 2014. Au reste, Nathalie Depraz ne s’appuie pas

seulement sur la phénoménologie et les sciences cognitives, comme le titre le laisse à penser, mais aussi sur des expériences pratiques : de pédagogie, de thérapie, de méditation...

flotter la langue provient d’un exercice de Yoga où le yogi s’entraîne à sentir le poids de sa langue dans sa bouche : la langue devient alors comme une image du poids de la tête et du corps en général, en suspension entre la terre (le bas de la mâchoire) et le ciel (le palais). Après s’être exercé à cette sensation, l’interprète s’enjoint à bouger en recevant ses instructions des fluctuations réflexes de l’agilité de la langue : le moindre de ses petits mouvements oriente la chute de la tête, et avec elle, celle du reste du corps. Les mouvements de la langue sont, dans la tête, « comme un pilote en son navire »—une sorte de personnage miniature à l’intérieur du crâne dont les gesticulations font varier le grand corps qui le contient144. Suit, de là, une improvisation, qui forme le prélude à quatre

nouvelles étapes, qui sont le véritable objet de la pratique. Il s’agit d’un exercice de mémoire, qui s’échelonne ainsi : (1) je m’apprends une phrase de mouvements ; (2) je reprends la phrase de mouvements, tout en décrivant chaque geste avec la plus grande minutie possible (comme si je l’enseignais) ; (3) je reprends la phrase à l’exact, tout en prononçant tout ce qui me passe par la tête, « sans censure » ; (4) je reprends la phrase tout en prononçant tout ce qui me passe par la tête, mais maintenant « ce que je dis affecte ce que je fais et ce que je fais affecte ce que je pense, et ce que je dis145. » Un des

buts entretenus par cette courte forme était de montrer à ses collaborateurs, mais aussi aux spectateurs—la partition en a été reprise dans divers spectacles, dont Floating the

Tongue (1978) interprété par Bill T. Jones lui-même dans les années 1980 et 1990 et par

Leah Cox dans les années 2000—que la danse n’est pas qu’une affaire de mouvements techniques. Danser, c’est aussi un certain état de l’esprit.

Chez Bill T. Jones, cet état d’esprit est le mieux adéquatement décrit comme trait

d’esprit (wittiness, ou wit qu’on a déjà rencontré plus haut avec le witness du Mouvement

Authentique : celui qui voit). Dans le wit, ce n’est pas tant que les danseurs parlent avec

144 cf. Barbara Browning, « Incessant Daily Negotiations: Bill T. Jones’s ‘‘Floating the Tongue’’ », TDR, vol. 49(2), Summer 2005, p. 89 : « Flotter la langue ne veut pas dire la fixer en état de flottaison, mais laisser la langue être traversée de petites fluctuations et observer son retour à l’immobilité. Jones commence sa phrase : sa tête tombe légèrement vers l’avent, puis vers l’arrière. Son épaule droite s’enroule vers l’avant, puis vers l’arrière. Son bras gauche en extension, l’épaule vers l’avant, puis coupe en diagonale au travers du torse. Ces mouvements isolés, apparemment abstraits s’accumulent, circulent le long de sa colonne jusqu’à son bassin, le long de ses hanches : mouvement en balancier de la jambe qui reste en suspend. L’implication du corps est maintenant intégrale. »

145 Bill T. Jones, retranscription d’après un extrait du spectacle Breathing Show (2008), consultable sur youtu.be/NOSsDHLooi0

humour : c’est plutôt qu’ils montrent, d’instant en instant, la conscience large et claire de la situation ; qu’ils reconnaissent, sans détour, où ils sont, d’où ils parlent, pourquoi ils sont en train de faire ceci plutôt que cela. Dans le wit des danseurs de Bill T. Jones, il y a la manifestation d’une certaine présence d’esprit à ce qui se fait. La parole en est l’indicatrice : non qu’elle soit absolument nécessaire, mais elle sert de rappel à ce simple fait—que les danseurs ne sont pas ici simplement en train de bouger, et qu’un imaginaire, une pensée active soutiennent, d’instant en instant, leurs gestes. Telle serait la fonction du dire dans sa danse : manifester et aiguiser le wit, donner les moyens aux danseuses, d’être les témoins de leurs propres mouvements, et d’incorporer cette intelligence motrice à leurs gestes.

Pourquoi ce rappel est-il nécessaire ? Et peut-on en généraliser la nécessité à d’autres pratiques de danse comme le Contact Improvisation ? Argumentons que ce rappel est nécessaire en raison de ce qu’on pourrait appeler le paradoxe de la dextérité. Le paradoxe de la dextérité s’énoncerait ainsi : à mesure que croît mon expertise dans ma capacité à me mouvoir, ma tendance à penser-en-mouvement décroît. Ce qui est une autre manière de dire que mieux je sais bouger, moins j’ai à penser que je bouge. Nous avons dit que nous considérions les gestes comme des verbes, et que les verbes mal nommés en français comme d’action ou d’état étaient aussi invariablement des gestes de perception. Quand je saute, ce n’est pas seulement que je fais quelque chose, c’est aussi que je perçois quelque chose, et ces deux-là sont indissociables : je perçois et je fais tout à la fois le mouvement de mes membres et de mon tronc, le choc sous mes pieds à la réception, la perturbation de mon équilibre, le bruit et le toucher de l’air sur ma peau... ; mais aussi en un autre sens, je perçois et je fais la variation des sons à mon entourage, la

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