• Aucun résultat trouvé

Etat de l’art sur les fibres optiques dopées terres rares et leurs procédés de fabrication

4. Atténuations dans la silice vitreuse

L’atténuation se définit comme la perte d’intensité de l’onde lumineuse se propageant dans la fibre sur un kilomètre. Elle est exprimée par l’équation "𝑃𝑒𝑟𝑡𝑒𝑠 (𝑑𝐵. 𝑘𝑚−1) = 10. 𝐿𝑜𝑔 (𝑃0

𝑃1) ", où P0 représente la puissance d’entrée du signal lumineux, et P1 la puissance du signal après 1 kilomètre de fibre. Deux classes d’atténuations peuvent être distinguées : celles qui sont intrinsèques au matériau, et celles qui sont dues aux imperfections.

Figure 20 : Etapes de fabrication d’une fibre optique microstructurée : (a) étirage des capillaires et des baguettes, (b) assemblage autour d’une baguette centrale (futur cœur de la fibre), (c) étirage de la canne, (d) manchonnage.

37

a. Atténuations intrinsèques à la silice vitreuse

Les atténuations intrinsèques à la silice sont irréductibles, et liées à la structure du matériau (vibrations des liaisons Si-O, diffusion Rayleigh…).

i. Absorption ultraviolette

Les niveaux d’énergie permis aux électrons dans le verre se regroupent en deux bandes dites de valence et de conduction. A température ambiante, il n’y a pas de niveau vide dans la bande de valence, ce qui n’est pas le cas dans la bande de conduction. Ces deux bandes sont séparées par un gap d’énergie Eg, qui vaut environ 9 eV dans le cas de la silice. Pour qu’il y ait absorption des électrons dans la bande de conduction, il faut que l’énergie du rayonnement électromagnétique soit supérieure à Eg, c’est-à-dire que la longueur d’onde du rayonnement soit inférieure à λ𝑔 = ℎ𝑐

E𝑔, soit 140 nm. Les fibres optiques fonctionnant généralement à des longueurs d’onde plus importantes, ce phénomène est négligé.

ii. Absorption infrarouge

L’absorption infrarouge est due aux modes de vibration du réseau de silice, ainsi qu’aux vibrations des liaisons formées entre la silice et les dopants. L’absorption n’est importante que pour des fréquences proches de la fréquence d’oscillation de la liaison Si-O, ce qui correspond à une gamme de longueurs d’onde situées entre 8 et 12 µm, soit très loin dans l’infrarouge. Néanmoins, les harmoniques de ces modes de vibration peuvent absorber jusqu’aux environs de 1,6 µm. De plus, l’ajout de phosphore ou de bore par exemple, fait apparaître de nouveaux modes absorbant à 1,5 µm. En dessous de cette valeur, leur absorption est négligeable par rapport à la diffusion Rayleigh.

38

iii. La diffusion Rayleigh

La structure aléatoire de la silice à grande distance engendre des variations locales de l’indice de réfraction. Lorsque l’onde électromagnétique rencontre un défaut local de dimension inférieure à sa longueur d’onde, elle est diffusée dans toutes les directions de l’espace. C’est la diffusion Rayleigh. Certaines directions sont telles que la condition de réflexion totale à l’interface cœur/gaine n’est plus satisfaite, et une partie de la lumière est alors perdue. L’intensité diffusée est proportionnelle à λ-4, où λ représente la longueur d’onde. Le spectre total d’atténuation intrinsèque dans une fibre de silice, regroupant les trois phénomènes présentés précédemment, est représenté figure 21 [95].

b. Atténuations extrinsèques à la silice vitreuse

Les atténuations extrinsèques à la silice, dites réductibles, sont dues aux procédés de fabrication de la fibre. Les mécanismes prépondérants sont l’absorption des impuretés chimiques (ions

Figure 21 : Spectre total d’atténuation intrinsèque de la silice vitreuse. Extrait de [95]

39

métalliques et groupes hydroxyles) et la diffusion des défauts de fabrication (imperfections mécaniques et géométriques de la fibre).

i. Atténuation due à la présence d’ions métalliques

Leur incorporation dans la matrice de silice provient essentiellement de la pureté des matières premières. Comme on le voit sur la figure 22 [95], 1 ppm d’impureté d’ions métalliques peut engendrer des pertes importantes. Mais, généralement, les précurseurs liquides utilisés dans l’industrie de la fibre ont des degrés de purification optimale. De plus, les méthodes de synthèse de fibre en phase vapeur comportent par définition une distillation des sources qui assure un fort degré de pureté des vapeurs injectées. Ceci s’explique notamment par le fait que les ions métalliques se présentent sous formes de chlorures ayant des pressions de vapeur nettement inférieures à celles des réactifs utilisés. Ainsi, on atteint aujourd’hui des taux d’impuretés d’ions métalliques de l’ordre du ppb (partie par milliard).

Les spectres d’absorption, de chaque élément, présentés sur ce graphique résultent de la présence d’ions sous différents nombres d’oxydation :

 Sur la plage de longueur d’onde 400  1600 nm, la seule bande d’absorption du manganèse se situe aux alentours de 470 nm [96]. Le manganèse est alors sous forme Mn3+.

 La forte absorption du nickel à 410 nm est attribuée à l’ion Ni2+ en coordinance 6, alors que quelques bandes moins intenses à 525 et 650 nm reflètent une coordinance 4 de cet ion [95].

 Si l’ion Cr6+ est responsable de la très forte absorption dans l’UV, en dessous de 400 nm [97], les autres bandes, notamment à 460 et 625 nm, sont attribuées à l’ion Cr3+[98]. C’est le deuxième élément le plus absorbant entre 800 et 1000 nm.

40

 L’ion V3+ est responsable de l’absorption la plus importante du vanadium à 725 nm [99]. D’autres bandes beaucoup moins intenses sont attribuées à la présence d’ions V4+ (1100 et 595 nm) et V5+ (dans l’UV) [96]. C’est l’élément le plus absorbant dans la région 800  1000 nm.

 L’absorption majeure du cobalt à 685 nm est due à la présence d’ions Co2+ en coordinance 4, alors que les deux autres bandes intenses à 610 et 515 nm sont attribuées à l’ion Co2+ en coordinance 6 [96].

 Une large bande d’absorption allant de l’UV à 600 nm environ résulte de la présence de l’ion Fe3+ en coordinance 4 [96], [100]. Quelques bandes d’intensités plus faibles apparaissent à 1100 nm en présence d’ion Fe2+[95].

 Dans la silice vitreuse, le cuivre est introduit sous la forme d’ions Cu+ absorbant fortement dans l’UV, et de très faibles bandes apparaissent entre 800 et 1100 nm [95].

Figure 22 : Atténuation dans la silice vitreuse due à la présence d’un ppm de certains éléments métalliques. Extrait de [95]

41 ii. Atténuation due à la présence de groupes hydroxyles

L’excitation de la vibration de la liaison O-H est à 2,73 µm, et n’est donc pas gênante (figure 21). Mais ses deux premiers harmoniques à 1,38 µm et 950 nm créent des pics d’absorption importants (figure 23). A cela, il faut ajouter un pic plus faible à 1,23 µm qui correspond à l’excitation des liaisons Si-O et O-H couplées. Lorsque la teneur en OH est trop importante dans la fibre, les pics dans l’infrarouge peuvent recouvrir le proche infrarouge et le visible. La diminution de la teneur en groupes hydroxyles est donc un facteur primordial et contraignant lors de la fabrication des préformes.

La figure 23 présente l’atténuation totale due aux différents effets évoqués précédemment dans de la silice vitreuse de haute qualité. Trois plages de longueurs d’onde d’atténuation « faible », marquées en orange sur la figure, apparaissent. Elles représentent les fenêtres « historiques » utilisées dans les télécommunications : la première est centrée à 900 nm, la deuxième à 1,3 µm et la dernière à 1,55 µm. Depuis l’évolution du laser à fibre, la plage de longueur d’onde centrée à 1 µm est très utilisée (dopage en néodyme ou en ytterbium).

iii. Les autres origines des pertes dans une fibre optique

Les fibres optiques sont utilisées pour de nombreuses applications, et peuvent subir des conditions assez poussées en pression et température, où de nombreuses contraintes sont appliquées. Que ce soit à cause de ces conditions extrêmes ou bien de leur utilisation, des courbures et/ou des micro-courbures peuvent apparaître le long de la fibre. Ces dernières peuvent fortement atténuer la lumière si des précautions ne sont pas prises lors de la fabrication des câbles optiques. En pratique, les courbures sont aujourd’hui maitrisées et leur effet peut être négligé lorsque le rayon de courbure est faible par rapport à un rayon de courbure critique propre à chaque matériau [101]. La présence de bulles ou de défauts dans le guide d’ondes génère également des fortes atténuations car ils agissent comme des diffusants de lumière [102].

42

5. Les procédés de fabrication de préformes de fibres optiques dopées