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IV. Article 19 du Statut de Rome de la CPI

2. En fait

Le 31 mars 2010, la Chambre préliminaire II permet au Procureur d’enquêter proprio motu sur la situation en République du Kenya.103 Le 15 décembre 2010, il lui demande l’émission des citations à comparaître de William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey, Joshua Arap Sang, Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali pour les exactions qui auraient été commises après les élections présidentielles de 2007-2008 au Kenya soit pour crimes contre l’humanité. Celle-ci s’exécute le 8 mars 2011 en émettant ces citations à comparaître pour le 7 avril 2011, lesquelles se sont déroulées le 7 et 8 avril 2011. Afin de confirmer les charges, des audiences sont prévues le 1er septembre 2011 pour l’affaire concernant William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang et le 21 septembre 2011 pour l’affaire concernant Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali.104

99 Ibid., article 19 paragraphes 7.

100 Ibid., article 19 paragraphe 9.

101 Ibid., article 19 paragraphe 10.

102 TRIGEAUD Laurent, « Article 19 », in Fernandez Julian, Pacreau Xavier, Statut de Rome de La Cour pénale internationale, Commentaire article par article, op. cit., p.745 à 748 ; BOURDON William, DUVERGER Emmanuelle, La Cour pénale internationale, Le statut de Rome, op. cit., p.107 et 108 ; HALL Christopher K.,

« Article 19 », in Otto Triffterer (éd.), Commentary on the Rome Statute of the International Criminal Court, Observers’ Notes, Article by Article, op. cit., p.651, 652 et 655 à 666 ; MOREL Sophie, La mise en œuvre du principe de complémentarité par la cour pénale internationale, Le cas particulier des amnisties, op. cit., p.186 à 195 ; STIGEN Jo, « The admissibility procedures », in Stahn Carsten et El Zeidy Moahamed M., The

International Criminal Court and Complementarity, From Theory to Practice, op. cit., Volume 1, p.540 à 542 et 545 à 556 ; BATROS Ben, « Evolution of the ICC jurisprudence on admissibility », in Stahn Carsten et El Zeidy Moahamed M., The International Criminal Court and complementarity, From theory to practice, Volume I, op.

cit., p.586 à 589 et FAIRLIE Megan A., POWDERLY Joseph, « Complementarity and burden allocation », in Stahn Carsten et El Zeidy Moahamed M., The International Criminal Court and complementarity, From theory to practice, Volume I, op. cit., p.667 à 682.

103 CPI, Situation en République du Kenya, Affaire n° ICC-01/09-03 et ses annexes, Bureau du Procureur, Request for authorization of an investigation pursuant to Article 15, 26 novembre 2009 et CPI, Situation en République du Kenya, Affaire n° ICC-01/09-19-Corr-tFRA, op. cit.

104 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11, Fiche d’information sur l’affaire, ICC-PIDS-CIS-KEN-01-012/13_Fra ; CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Uhuru Muigai Kenyatta, Affaire n° ICC 01/09-02/11, Fiche

d’information sur l’affaire, ICC-PIDS-CIS-KEN-02-009/13_Fra et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura et Uhuru Muigai Kenyatta, Affaire n° ICC 01/09-02/11, Fiche d’information sur l’affaire, ICC-PIDS-CIS-KEN-02-005/12_Fra.

Le 31 mars 2011, le gouvernement kényan soulève l’exception d’irrecevabilité motivée par la violation du principe de complémentarité à l’égard des deux affaires en prétendant que les autorités kényanes sont déjà en train de conduire des enquêtes. Le 30 mai 2011, la Chambre préliminaire II ne donne pas suite à la demande du gouvernement kényan et décrète que les affaires sont recevables.105 Le 6 juin 2011, le gouvernement kényan fait appel des décisions rendues par la Chambre préliminaire II déclarant les affaires recevables106 mais, le 30 août 2011, la Chambre d’appel confirme ces décisions.107

Il est intéressant de relever que, déjà, la décision d’ouvrir une enquête avait été prise car il avait été établi que les autorités kenyanes avaient été incapables de créer un tribunal pour juger les auteurs des crimes commis après les élections présidentielles de 2007-2008. En effet, la Chambre préliminaire II avait affirmé « que les renseignements disponibles font apparaître certaines défaillances ou une réticence de la part des autorités nationales s’agissant de régler la question des violences électorales en général, (…) [que] la Chambre a déjà conclu à l’absence d’enquêtes nationales relativement aux éléments principaux qui pourraient définir la ou les affaires potentielles portées devant la Cour [et qu’] en l’absence d’enquêtes au niveau national (…), l’affaire serait recevable au regard de l’article 17 du Statut »108.

Le Kenya, Etat compétent, est-il resté inactif dans ces deux affaires ? Dans ses décisions relative à l’exception d’irrecevabilité, la Chambre préliminaire a d’abord cherché à savoir si l’affaire faisait l’objet d’une enquête de la part de l’Etat kényan au sens de l’article

105 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-101-tFRA, Chambre préliminaire II, Décision relative à l’exception d’irrecevabilité de l’affaire soulevée par le Gouvernement kényan en vertu de l’article 19-2-b du Statut, 30 mai 2011 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-96-tFRA, Chambre préliminaire II, Décision relative à l’exception d’irrecevabilité de l’affaire soulevée par le Gouvernement kényan en vertu de l’article 19-2-b du Statut, 30 mai 2011.

106 ICC, Situation in the Republic of Kenya, In the case of the Prosecutor v. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-01/11-104, The Appeals Chamber, Appeal of the Government of Kenya Challenging the Admissibility of the Case Pursuant to Article 19(2)(b) of the Statute, 6 june 2011 et ICC, Situation in the Republic of Kenya, In the case of the Prosecutor v. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-109, The Appeals Chamber, Appeal of the Government of Kenya Challenging the Admissibility of the Case Pursuant to Article 19(2)(b) of the Statute, 6 june 2011.

107 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-307-tFRA, Chambre d’appel, Arrêt relatif à l’appel interjeté par la République du Kenya contre la Décision relative à l’exception d’irrecevabilité de l’affaire soulevée par le Gouvernement kényan en vertu de l’article 19-2-b du Statut rendue par la Chambre préliminaire II le 30 mai 2011, 30 août 2011 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-274-tFRA, Chambre d’appel, Arrêt relatif à l’appel interjeté par la République du Kenya contre la Décision relative à l’exception d’irrecevabilité de l’affaire soulevée par le Gouvernement kényan en vertu de l’article 19-2-b du Statut rendue par la Chambre préliminaire II le 30 mai 2011, 30 août 2011.

108 CPI, Situation en République du Kenya, Affaire n° ICC-01/09-19-Corr-tFRA, op. cit., §186 et 187, p.74à76/86.

17 paragraphe 1 alinéa a du SdR109 comme le prétendait ce dernier110. La problématique essentielle tenait au fait que le gouvernement kényan affirmait que « les enquêtes menées au niveau national doivent englober tout personne, pourvu que celle-ci ait le même niveau hiérarchique »111. Or, comme vu précédemment, pour qu’une affaire soit jugée irrecevable par la CPI, les enquêtes nationales doivent concernées la même personne et le ou les mêmes comportements délictueux ciblés par la CPI (même affaire). C’est pourquoi, la Chambre a fait part de son doute quant à la volonté réelle du Kenya à enquêter sur les suspects, n’a pas cru au fait que des enquêtes concernant les six suspects étaient en cours et a conclut à une situation d’inaction.112

Dans ses arrêts relatif aux appels interjetés par le Kenya à l’encontre des décisions relatives à l’exception d’irrecevabilité, la Chambre d’appel va examiner les arguments du Kenya selon lesquels ces décisions seraient entachées d’erreurs de droit, d’erreurs de fait et de vices de procédure.113 Quant à l’erreur de droit, qui seule nous intéresse, la Chambre d’appel déclare que « c’est à juste titre que la Chambre préliminaire a appliqué le critère de « même personne/même comportement » »114 et finit par attester de la recevabilité des affaires.

A noter que le Kenya a fait part de son intention de se retirer du SdR. Les partisans de la CPI115 constatent que cette intention a été émise peu après les premières auditions du vice président William Samoei Ruto par la CPI alors que le président Uhuru Muigai Kenyatta

109 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-101-tFRA, op. cit., §51 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-96-tFRA, op. cit., §47.

110 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-101-tFRA, op. cit., §13 à 16 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-96-tFRA, op. cit., §12 à 15.

111 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-101-tFRA, op. cit., §60 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-96-tFRA, op. cit., §56.

112 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-101-tFRA, op. cit., §60 et 70 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-96-tFRA, op. cit., §56 et 66.

113 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-307-tFRA, op.cit., §26 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-274-tFRA, op.cit., §25.

114 CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11-307-tFRA, op.cit., §47 et CPI, Situation en République du Kenya, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-274-tFRA, op.cit., §46.

115 Parmi tant d’autres : la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, la Coalition pour la Cour pénale internationale, etc.

faisait l’objet d’un mandat d’arrêt tandis que les opposants à la CPI116 affirment que celle-ci a de l’ONU118, le Procureur annonça l’ouverture d’une enquête.119 Le 16 mai 2011, ce dernier demanda à la Chambre préliminaire I l’émission des mandats d’arrêts de Muammar Mohammed Abu Minyar Kadhafi, Saif Al-Islam Kadhafi et d’Abdullah Al-Senussi pour les exactions qui auraient été perpétrées depuis le 15 février 2011en Libye soit pour crimes contre l’humanité. Ces mandats seront émis par la Chambre préliminaire I120 le 27 juin 2011.121 A noter que le mandat d’arrêt de Muammar Mohammed Abu Minyar Kadhafi fut retiré suite à son décès.

Le 1 mai 2012, le Gouvernement libyen a soulevé l’exception d’irrecevabilité motivée par la violation du principe de complémentarité devant la Chambre préliminaire I dans l’affaire Saif Al-Islam Kadhafi122 mais le 31 mai 2013, cette dernière a rejeté cette contestation en déclarant l’affaire recevable.123

La Lybie, Etat compétent, est-elle restée inactive par rapport à cette affaire ? Dans sa

116 Parmi tant d’autres : le président kenyan Uhuru Kenyatta, le président ougandais Yoweri Museveni, le président rwandais Paul Kagame, etc.

117 BERTHEMET Tanguy, « Les présidents africains contestent le Cour pénale internationale », Le Figaro, 14 octobre 2013 ; Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Sommet de l’Union Africaine sur la Cour pénale internationale : La protection des dirigeants au détriment des victimes et de la paix, 13 novembre 2013 et Coalition pour la Cour pénale internationale, Africa and ICC, Fiche d’information, 25 mai 2009.

118 Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 1970, Doc. ONU S/RES/1970, 26 février 2011.

119 CPI, Ouverture d’une enquête en Libye par le Procureur, Bureau du Procureur, Communiqué de presse, 2 mars 2011.

120 CPI, Situation en Jamahariya arabe libyenne, Affaire n° ICC-01/11-12-tFRA, Chambre préliminaire I, Décision relative à la requête déposée par le Procureur en vertu de l’article 58 du Statut concernant Muammar Mohammed Abu Minyar QADHAFI, Saif Al-Islam QADHAFI et Abdullah AL-SENUSSI, 27 juin 2011 ; CPI, Situation en Jamahariya arabe libyenne, Affaire n° ICC-01/11-13-tFRA, Chambre préliminaire I, Mandat d’arrêt à l’encontre de Muammar Mohammed Abu Minyar Qadhafi, 27 juin 2011 ; CPI, Situation en Jamahariya arabe libyenne, Affaire n° ICC-01/11-14-tFRA, Chambre préliminaire I, Mandat d’arrêt à l’encontre de Saif Al-Islam Qadafhi, 27 juin 2011 et CPI, Situation en Jamahariya arabe libyenne, Affaire n° ICC-01/11-15-tFRA, Chambre préliminaire I, Mandat d’arrêt à l’encontre d’Abdullah Al-Senussi, 27 juin 2011.

121 CPI, Situation en Jamahariya arabe libyenne, Le Procureur c. Saif Al-Islam Gaddafi et Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11, Fiche d’information sur l’affaire, ICC-PIDS-CIS-LIB-01-007/13_Fra, 22 octobre 2013.

122 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-130-Red, Pre-trial Chamber I, Application on behalf of The Government of Libya pursuant to Article 19 of the ICC Statute, 1 may 2012.

123 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-344-Red, Pre-trial Chamber I, Decision on the admissibility of the case against Saif Al-Islam Gaddafi, 31 mai 2013.

décision concernant l’exception d’irrecevabilité, la Chambre préliminaire I a commencé par regarder si l’affaire faisait l’objet d’une enquête de la part de l’Etat libyen au sens de l’article 17 paragraphe 1 alinéa a du SdR124, comme prétendu par ce dernier125. Elle a rappelé que l’enquête nationale devait porter sur la même personne et le ou les mêmes comportements délictueux visés par elle (même affaire). Néanmoins, elle a précisé qu’elle n’attendait pas que la Libye enquête sur les comportements de Saif Al-Islam Kadhafi énumérés aux paragraphes 35 à 65 de la décision relative à la requête déposée par le Procureur en vertu de l’article 58 du Statut (voir note de bas de page n°120) mais qu’il était plutôt attendu qu’elle enquête sur les comportements décrits dans le mandat d’arrêt délivré contre lui. La Chambre a constaté que plusieurs investigations étaient menées par l’Etat libyen mais que les preuves qu’elle avait ne lui permettaient pas d’affirmer que l’enquête nationale recouvrait les mêmes comportements que ceux du mandat d’arrêt et a rajouté que l’apport de nouvelles preuves serait dénué d’utilité étant donné que de sérieux doutes pèsent quant à la volonté et à la capacité de l’Etat libyen de mener à bien l’enquête.126

La Lybie a-t-elle la volonté et la capacité de poursuivre ? La Chambre préliminaire I a constaté que le système judiciaire libyen existait et qu’il était fonctionnel mais à néanmoins constaté l’indisponibilité de ce dernier dans le cadre de cette affaire étant donné que les autorités libyennes n’étaient pas capables d’effectuer le transfert de Saif Al-Islam Kadhafi et que rien ne montrait que ce problème allait être résolu dans un futur proche. De plus, elle n’était pas persuadée que les autorités libyennes étaient capables d’obtenir les témoignages nécessaires et releva que ces dernières n’avaient pas démontré comment elles allaient résoudre le fait que l’accusé n’avait pas encore d’avocat. C’est pourquoi, elle conclut à l’incapacité de la Libye au sens de l’article 17 paragraphe 3 du SdR et donc à la recevabilité de l’affaire, l’incapacité ou le manque de volonté y menant alternativement.127

Le 2 avril 2013, le Gouvernement libyen a également soulevé une exception d’irrecevabilité à nouveau motivée par la violation du principe de complémentarité devant la

124 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-344-Red, op. cit., §52 à 55.

125 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-130-Red, op. cit. et ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-344-Red, op. cit, §25 à 41.

126 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-344-Red, op. cit., §73 à 137.

127 Ibid., §199 à 220.

Chambre préliminaire I dans l’affaire Al-Senussi.128 Cette fois, la Chambre préliminaire I a admis la demande du gouvernement en déclarant l’affaire irrecevable le 11 octobre 2013.129 La Défense a saisit la Chambre d’appel en contestation de cette décision.130

La Lybie, Etat compétent, est-elle restée inactive dans cette affaire ? Dans sa décision relative à l’exception d’irrecevabilité, la Chambre préliminaire I a d’abord cherché à vérifier les dires de l’Etat libyen selon lesquels il était en train d’enquêter sur l’affaire131 au sens de l’article 17 paragraphe 1 alinéa a du SdR132. La Chambre préliminaire I a commencé par vérifier que l’enquête nationale porte sur la même personne et le ou les mêmes comportements ciblés par elle.133 Comme dans l’affaire Saif Al-Islam Kadhafi, elle a précisé qu’il n’était pas nécessaire, dans cette affaire, que l’enquête recouvre les comportements listés dans la décision relative à la requête déposée par le Procureur en vertu de l’article 58 du Statut (voir note de bas de page n°120) mais qu’il était plutôt attendu qu’elle recouvre les comportements visés dans le mandat d’arrêt délivré à l’encontre d’Abdullah Al-Senussi.134 La Chambre préliminaire I a examiné le matériel fourni par la Libye (déclarations des témoins, documents de preuves, documents concernant les voyages, documents médicaux, les ordres dactylographiés, les écoutes téléphoniques et autres). Elle a mis en évidence les comportements délictueux reprochés à Abdullah Al-Senussi dans le mandat d’arrêt délivré contre lui, puis a comparé ces comportements avec ceux poursuivis par la Libye d’après le matériel fourni et a finalement conclut qu’il s’agissait bien des mêmes comportements. Elle affirma donc que la Libye enquête sur la même affaire à l’encontre de la même personne soit Abdullah Al-Senussi et ceci pour les mêmes comportements criminels qu’elle lui reproche.135

La Lybie a-t-elle la volonté et la capacité d’enquêter ? De fait, il faut encore vérifier qu’il n’existe pas un manque de volonté ou une incapacité de la Libye à enquêter car cela

128 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-307-Red2, Pre-trial Chamber I, Application on behalf of The Government of Libya pursuant to Article 19 of the ICC Statute, 2 april 2013.

129 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-466-Red, Pre-trial Chamber I, Decision on the admissibility of the case against Abdullah Al-Senussi, 11 octobre 2013.

130 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-468-Red, The Appeals Chamber, Appeal on behalf of Abdullah Al-Senussi against Pre-Trial Chamber I’s « Decision on the admissibility of the case against Abdullah Al-Senussi », and Request for Suspensive Effect, 17 Octobre 2013.

131 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-307-Red2, Pre-trial Chamber I, Application on behalf of The Government of Libya pursuant to Article 19 of the ICC Statute, 2 april 2013.

132 ICC, Situation in Libya, In the case of Prosecutor v. Saif Al-Islam and Abdullah Al-Senussi, Affaire n° ICC-01/11-01/11-466-Red, op. cit., §24 à 30.

133 Ibid., §65 à 67.

134 Ibid., §68 à 79.

135 Ibid., §80 à 168.

rendrait l’affaire irrecevable devant la CPI.136 Pour ce faire, la CPI utilise le matériel fourni par les différentes parties.137 D’après elle, concernant le manque de volonté (article 17 paragraphe 2 du SdR), rien n’indique que l’enquête libyenne vise à soustraire Al-Senussi de sa responsabilité pénale (alinéa a), aucun retard injustifié n’a été observé dans la procédure (alinéa b) qui n’est d’ailleurs pas conduite de façon arbitrale (alinéa c). C’est pourquoi, la Chambre préliminaire I a conclut qu’il n’y a pas manque de volonté de la part de la Libye.138 Concernant l’incapacité (article 17 paragraphe 3 du SdR), elle relève que la Libye n’est pas incapable de se saisir de l’accusé étant donné qu’Abdullah Al-Senussi est entre les mains des autorités libyennes. Elle note qu’il existe certes une lacune dans la protection des témoins mais que cela ne fait pas de la Libye un pays incapable de recueillir les éléments de preuves et les déclarations de témoins utiles à la procédure. Elle observe aussi que l’instabilité de la

rendrait l’affaire irrecevable devant la CPI.136 Pour ce faire, la CPI utilise le matériel fourni par les différentes parties.137 D’après elle, concernant le manque de volonté (article 17 paragraphe 2 du SdR), rien n’indique que l’enquête libyenne vise à soustraire Al-Senussi de sa responsabilité pénale (alinéa a), aucun retard injustifié n’a été observé dans la procédure (alinéa b) qui n’est d’ailleurs pas conduite de façon arbitrale (alinéa c). C’est pourquoi, la Chambre préliminaire I a conclut qu’il n’y a pas manque de volonté de la part de la Libye.138 Concernant l’incapacité (article 17 paragraphe 3 du SdR), elle relève que la Libye n’est pas incapable de se saisir de l’accusé étant donné qu’Abdullah Al-Senussi est entre les mains des autorités libyennes. Elle note qu’il existe certes une lacune dans la protection des témoins mais que cela ne fait pas de la Libye un pays incapable de recueillir les éléments de preuves et les déclarations de témoins utiles à la procédure. Elle observe aussi que l’instabilité de la

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