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Quand on pense à investir l’espace public comme lieu de création artistique, d’autres « artistes » s’en approprient par le graffiti pour son caractère anonyme et éphémère. Ils interviennent dans la rue en marge du monde de l’art par une contre-culture « art de rue » et tente d’échapper à l’autorité municipale. Négligé par des politiques culturelles, mais largement répandus au milieu du XXe siècle, ils ont été rejetés par les conventions de l’art avant d’être finalement plus ou moins admis comme un art en fonction des prédicats artistiques et esthétiques pour l’évaluer. Jusqu’aux années 1960 ou 1970 (respectivement en Europe et aux États-Unis), ce sont des « artistes » clandestins de milieux défavorisés souvent associés à la culture hip-hop, qui arpentent les rues en apposant des « tags » (en référence à la signature peinte brutalement sur les murs à la bonbonne de peinture) dans les endroits publics communément appeler les «ghettos». L’étiquette d’une attitude largement controversée, le cliché le plus courant est l’image des rues de New York à une époque où l’on retrouvait des signatures peintes rapidement à la bonbonne d’une seule couleur sur les murs. D’ailleurs, ce phénomène est tellement répandu dans la ville que Chalfant et Prigoff qualifiaient la ville de New York comme le « centre capital de la culture du graffiti » dans l’ouvrage Spraycan Art (1987). On rapporte souvent dans les ouvrages dédiés à cette culture des regroupements d’artistes tels que les TC5 (The Crazy Five) et les Hollywood Africains classés parmi les fondateurs influents de la culture du graffiti à New York dans les années 1970. La Figure 40 présente Blade, l’un des membres du regroupement TC5 dans les années 1960-1970.

source : http://2.bp.blogspot.com Figure 40. Blade du regroupement TC5 dans les années 1960-1970.

Subséquemment à la simple signature peinte en noire, au raffinement des techniques avec l’utilisation de la couleur et des lettres «balounes», le graffiti a puisé dans les disciplines graphiques et picturales. La simple signature artistique est devenue un slogan engagé, environnemental et dénonciateur à une justice sociale.

Art « contemporain »

Les artistes des années 80 et 90 ont adopté une pensée critique sur le changement social et changeant les manières de diffuser l’art sur la place publique. On parle de différents types de relations entre les arts et le public. Le geste artistique prenait en compte le contexte et la situation dans lequel il s’inscrivait, en dénonçant souvent le pouvoir politique ou les conditions sociales et en tenant compte de l’environnement matériel et symbolique où il se manifestait. Il a été dans plusieurs cas un élément autoréflectif par lequel l’artiste proposait une œuvre critique sur l’espace où il opérait. L’artiste américaine Barbara Krugger, que nous avons déjà mentionnée, est connue pour sa prise de position exprimée par ses oeuvres artistiques dans l’espace public. Dès les années 80, elle quitte les espaces institutionnels d’expositions pour intervenir directement dans l’espace public. Dans ses projets artistiques, elle dénonce par la critique les conditions des femmes et des enfants, la consommation, etc. Notamment, son affiche Untitled (Your body is a battleground) qu’elle a réalisée pour une marche sur Washington (Figure 41). Récemment, ses affiches ont recouvert les autobus de New York en 1997 (Figure 42) et celles scolaires de Los Angeles en 2012 pour souligner

l’importance de l’éducation (Figure 43). Ses oeuvres intègrent un contexte où l’art est utilisé dans une stratégie visant une réflexion sur l’environnement des lieux où elle intervient.

source : www.arthistoryarchive.com

Figure 41. Kruger, Barbara. Untitled (Your body is a battleground), (1989).

source : http://24.media.tumblr.com Figure 42. Kruger, Barbara. Des bus recouverts de ses affiches à New York (1997).

source : www.galleristny.com

Figure 43. Kruger, Barbara. Des bus scolaires recouverts de ses affiches à Los Angeles (2012).

4.4 Modes d’expression émergents

En considérant les pratiques et les modes d’expression artistique en art public au-delà de son statut établi par les politiques en matière de sélection (Politique d’intégration, cadre d’intervention) ou d’autorisation (procédures pour l’installation d’oeuvres temporaires et éphémères) préétablies, nous observons des nouveaux modes d’expression dans l’espace public. Les œuvres « contemporaines » ne se comptent plus et l’expérience esthétique se fonde sur le métissage et l’hybridation. Selon Laplantine et Nouss, « le métissage ne se

donne pas dans la constance et la consistance, mais s’élabore dans le décalage et l’alternance. On reconnaît le métissage par un mouvement de tension, de vibration, d’oscillation qui se manifeste à travers des formes provisoires se réorganisant autrement »

(Laplantine et Nouss, 2001). L’art qui relève de cette esthétique s’oppose à ce qui est fixe, figé, stabilisé par des critères d’évaluations conformistes. Il est en mouvement, dynamique et relationnel (Berthet, 2007). L’éclatement des frontières de l’art dans l’espace public (sortant des catégories traditionnelles) contribue à perturber l’arbitraire des conventions.

L’installation et ses multiformes

Dans son acceptation artistique actuelle, l’usage du terme « installation » s’est généralisé dans plusieurs modes d’expression artistique. Ce mode décèle certaines caractéristiques communes principalement liées à l’appropriation d’un lieu et de l’inscription (ou de la pénétration) du public dans une œuvre tridimensionnelle (Lartigaud, 2007). Multiforme,

hybride et généralement éphémère, l’installation s’articule entre l’architecture et la scénographie. Elle exploite une spatio-temporalité et des variations sensorielles dans une multitude d’interventions plastiques. Le concept apparaît dans l’idée où l’œuvre d’art n’est plus l’objet autonome exposé en galerie, mais devient un objet de réflexion et de questionnements avec le lieu où il s’expose. L’œuvre reconfigure l’aspect d’un lieu et modifie le rapport d’échelle avec le spectateur (Morris,1966-69). On reconnaît que le Land art (des années 70) avec ses formes extrêmes et dimensions colossales a demandé une implication maximale du spectateur dans l’œuvre qu’on pourrait qualifier d’installation. C’est également durant ces années que l’institution a récupéré ce mode (et sans contredit à contresens avec le souhait des artistes qui le pratiquaient) avec une surenchère de la dimension spectaculaire qui a souvent dilué le propos de l’artiste (Lartigaud, 2007). Un principe s’éloigne donc de la notion traditionnelle d’une œuvre.

Sous une apparence scénographique, on peut percevoir une performance comme une installation éphémère telle que le démontre l’œuvre d’Abramovic à Toronto en 1982 (Figure

44) ou celle de Neumark (Figure 45). La seconde est présentée dans le cadre de

l’événement D’un millénaire à l’autre, tenu à Montréal en 2000 où le spectateur assiste, voire même participe, à une mise en scène dirigée par l’artiste.

source : http://1.bp.blogspot.com Figure 44. Abramovic, Marina et Urlay.

Nightsea Crossing, Toronto, (1982).

source : www.collectionscanada.gc.ca Figure 45. Neumark. The art of conversation, Montréal, dans le cadre du projet D’un millénaire à l’autre, (2000).

Aujourd’hui, les multiformes d’installation prennent de plus en plus d’ampleur dans les espaces publics, donc nous portons une attention sur quelques événements encadrés par la Ville de Montréal afin de démontrer la diversité de ses modes d’expressions. Récemment à

Montréal, des événements comme Paysages Éphémères (tenu dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal de 2005 à 2011) ont présenté de multiples installations et transformations temporaires de lieux. Cet événement démontre bien que l’intervention artistique ainsi que son encadrement dans l’espace public se multiplie et ne se résume pas qu’à l’appropriation d’un lieu par l’artiste. Des artistes ont présenté des oeuvres (Figures 46