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208. L’on étudiera successivement l’armement à la pêche en droit français (§ 1) et en droit comorien (§ 2).

§ 1 Armement à la pêche en droit français

209. Dispositions générales. La filière pêche est un secteur important771 tant au plan économique qu’en terme d’aménagement du territoire. Quatrième rang des pêches maritimes en Europe, avec 11 % des captures communautaires, la France métropolitaine compte 63 ports de pêche, 39 halles à marée, 12 organisations de producteurs, 600 entreprises de mareyage et de transformation772. Au 28 février 2014, la France compte 7160 navires représentant 8,2% de la flotte de l’union

européenne773. Cette flotte est composée majoritairement de bateaux de moins de

12 mètres et de 18 % de navires de 12 à 24 mètres, en métropole774. La filière, tournée vers l’avenir, s’appuie sur des technologies toujours plus innovantes pour avoir de meilleures connaissances775 et gestion de la ressource : identification et ciblage, sélectivité, etc. Les projets de navire de pêche du futur - notamment celui porté par Breizh Marine Consult 776répondent aux enjeux clés, notamment l’économie d’énergie, la polyvalence, l’ergonomie et la sécurité, qui permettront aux acteurs de rester toujours plus compétitifs face à la demande croissante de produits de la mer.

771 21 529 Millions de CA ; 40 940 emplois ; 640 513 tonnes de produits (source : France Agri Mer 2009).

772 Source : Cluster maritime français : données du site en mars 2015 www.cluster-maritime.fr. 773 Ibid.

774 Ibid. 775 Ibid.

776 Yannick Hémeury de Breizh Marine Consult a conçu la maquette d’un navire de pêche innovant : il s’agirait d’un navire ergonomique dans lequel on serait debout partout, une étrave inversée et un moteur hybride diesel-électrique le plus simple possible Le bateau est actuellement en tests à l’école Centrale de Nantes. Trois exemplaires ont déjà été commandés (source : cluster maritime français).

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En effet, avec une population mondiale estimée à 9 milliards d'habitants en 2050777, la pêche et l'aquaculture aideront à faire face aux besoins alimentaires. Les perspectives données par l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), mettent en valeur l’importance de la part du poisson dans l’apport en protéines, ce qui favorisera l’essor économique du secteur. Au-delà de la capture et de l’élevage, les avancées en recherche et développement (R&D) ouvrent des perspectives dans la valorisation des produits, coproduits et sous-produits de la pêche et de l’aquaculture. Le Pôle Aquimer778 est un leader dans ce domaine et rassemble des industries spécialisées. C’est pourquoi, de la production à la distribution, en passant par la transformation et l’industrialisation, c’est toute une chaîne de valeur qui se structure autour de cette valorisation qui répond aux besoins de différents marchés : nutritions humaine et animale, cosmétologie, santé, etc. 210. Types de pêches pratiquées En France. Quatre types de pêche sont pratiqués en France: 1). La grande pêche, qui concerne les navires de plus de 1.000 tonneaux de jauge brute (TJB), et les navires de plus de 150 TJB dont les marées durent plus de 20 jours ; 2). La pêche au large, qui concerne les navires dont les marées durent entre 4 et 20 jours ; 3). La pêche côtière, pour les marées de 1 à 4 jours et 4). La petite pêche, pour les marées de moins de 24 heures779.

211. Exploitation. La pêche française est très encadrée, aussi bien au niveau européen780 qu’au niveau national. En France, cet encadrement est mis en œuvre au travers du « permis de mise en exploitation » (PME) qui est l’autorisation administrative préalable obligatoire, délivrée par l’autorité administrative avant toute nouvelle entrée en flotte ou toute modification de capacité. Ce permis de mise en exploitation (PME) doit être délivré selon les modalités prévues par le décret loi du 9

777 Cluster maritime français, op.cit.

778 Créé en 1999 et labellisé Pôle de Compétitivité en 2005, AQUIMER est spécialisé dans la valorisation des produits aquatiques. Son rôle est de faciliter l’émergence d’idées et de projets de R&D, de leur montage à la recherche de financements, jusqu’à la mise sur le marché. Son ambition est de favoriser la compétitivité des entreprises, les aider à pérenniser et développer leurs activités par l’innovation et le développement de projets collaboratifs (source : cluster maritime français).

779 Ph. Delebecque, op.cit, n° 494.

780 Règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l'exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche.

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janvier 1852 et le décret n°93-33 du 8 janvier 1993781. La recherche des profits de la pêche peut inspirer diverses formes juridiques d’armement. L’on peut trouver les formes d’entreprises de la navigation commerciale, mais aussi, le fait d’individus isolés, propriétaires, exploitant leurs petits navires782. Cependant, les copropriétés et les sociétés de pêche se développent. Pour Delebecque783, le mouvement de concentration des entreprises est favorisé par le coût de plus en plus élevé des chalutiers à moteur, devenus parfois des usines flottantes de conserverie. Les formes particulières de rémunération des matelots (engagement à la part) y contribuent.

la petite navigation à la pêche ne constitue pas une opération commerciale, et les litiges qui la mettent en cause relèvent des tribunaux civils, sous réserve de la compétence particulière des prud’hommes pêcheurs784. La Cour de justice de la communauté européenne (CJCE) ne semble pas apprécier, et l’on se demande pourquoi cette institution785. Il s’agit d’une institution qui se rattache aux anciennes corporations de métiers et que la révolution n’a pas abolie. Seules, certaines prud’homies de la Méditerranée (arrondissement de Toulon) ont conservé un pouvoir judiciaire : pouvoir de répression des infractions à la réglementation de la pêche commises par des pêcheurs professionnels et jugements de contestations entre pêcheurs à l’occasion des faits de la pêche786. Quant à l’armement pour la pêche « industrialisée », il constitue une forme d’exploitation commerciale787. La jurisprudence en a pris acte788, de même que le législateur. Toute activité de pêche maritime pratiquée à titre professionnel à bord d’un navire, et en vue de la commercialisation des produits, est réputée commerciale, sauf lorsqu’elle est exercée à titre individuel sur des navires d’une longueur inférieure ou égale à douze mètres ou effectuant habituellement des sorties de moins de vingt quatre heures789.

781 Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture, circulaire DPMA/SDRH/C2010-9634, 11 oct. 2010.

782 Ph. Delebecque, op.cit, n° 495. 783 Ibid.

784 P. Bonassies et C. Scapel, op.cit, n° 106.

785 V. Ord. C-209-07, DMF 2009 HS 13, n° 17, obs. Crit. P. Bonassies. 786 Ph. Delebecque, op.cit.

787 Ibid.

788 Com. 22 janv. 2002, DMF 2002.686 et les obs. 789 Article 931-1, C. rural et de la pêche.

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§ 2 Armement à la pêche en droit comorien

212. Dispositions générales. La pêche comorienne est une filière très importante pour l’économie du pays. A elle seule, développée, permettrait de résorber une bonne partie du chômage. Ces dernières années, elle est en phase de développement. Elle passe d’une forme traditionnelle caractérisée par l’emploi de pirogues à balancier non motorisés, à une pêche artisanale, caractérisée par l’emploi de petites embarcations, de 6,3 à 7,1m, en fibre de verre, non pontées et motorisées ayant une puissance motrice n’excédant pas 25CV. Actuellement, la filière tend vers une industrialisation soutenue par les accords de pêche et d’investissement. A ce titre, une société nationale de pêche est créee, et en ce moment, en exercice. Cette société est financée par la commission de la Ligue Arabe pour le développement de l’union des Comores. Elle permettra de développer l’économie de l’Union des Comores par l’amélioration du secteur de la pêche et le développement d’une pêche industrielle. Dans ce même cadre du développement du secteur de la pêche, des accords de pêche ont eu lieu entre les Comores et des partenaires étrangers,

notamment l’union européenne. Cet accord autorise des navires européens à pêcher

sur les eaux comoriennes, en contre partie d’une contribution financière dont pratiquement la moitié servira à soutenir le secteur de la pêche de l’Union des comores. Avec 734900 habitants et 1800km2 de superficie en 2013790, l’Union des Comores est parmi les pays à plus forte densité, environ 408habitants au km2. Outre ces données, l’union des Comores dispose d’une superficie du plateau continental

de 900km2 et une longueur de côtes de 427 km791. La mer Comorienne est réputée

riche en ressources halieutiques, ce qui explique en partie la convoitise de la part des pays étrangers. En 2013, selon une estimation théorique, l'abondance des poissons de la ZEE des Comores était de l'ordre de : 3 000 tonnes pour les démersaux et pélagiques néritiques (sublittoral) de l’étroit plateau insulaire de 900 km² et 18 000 à 20 000 tonnes pour les pélagiques océaniques compris dans un rayon de 50 km autour de l'archipel792. Et malgré une telle richesse, la production de poisson n’arrive pas à satisfaire la consommation nationale, et le pays se trouve

790 Source : Banque mondiale 2013 : www.banquemondiale.org

791 Source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), mars 2003. 792Source : COFREPECHE, MRAG, NFDS et POSEIDON, 2013. Évaluation rétrospective et prospective du protocole de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l'Union européenne et l’Union des Comores, Contrat cadre MARE/2011/01 - Lot 3, contrat spécifique n° 4, Bruxelles, 111 p.

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contraint d’importer du poisson. En plus, le poisson reste une denrée trop chère pour les plus pauvres. En 2003, Les Comores ont produit 12200 tonnes, et importé 722 tonnes de poissons793. Cela peut être expliqué en partie par le peu de moyens jusqu’alors mis en place pour gérer et soutenir le développement des pêches aux Comores. Dans ce paragraphe, l’on rendra compte de la structure et caractéristiques de la pêche de l’Union des Comores.

213. Pêche industrielle et semi-industrielle. Pour le moment (juillet 2015), elles sont inexistantes au Comores au niveau national. Cependant, par des accords de pêche, des navires étrangers la pratiquent dans les eaux comoriennes. Dans ce sens, un accord de partenariat dans le domaine de la pêche (APP) a été conclu en janvier 2005 pour une période de 7 ans. Reconduit de manière tacite pour une durée identique le 1er janvier 2012, il court maintenant jusqu'au 31 décembre 2018. Le protocole afférant à cet accord a pris effet le 31 décembre 2010 pour une période de trois ans. Avec un tonnage de référence de 4 850 tonnes, il permet à 45 thoniers senneurs et à 25 palangriers de surface d'accéder aux eaux comoriennes794. La contribution financière annuelle provenant du budget de l’Union européenne relative à ce protocole est de 615 250 EUR dont pratiquement la moitié est destinée au soutien de la politique des pêches de l'Union des Comores. Un rapport a estimé à 5000 tonnes, les captures totales des pêcheries industrielles étrangères réalisées

dans les eaux comoriennes795. Comme évoqué ci-dessus (supra, n° 212), la pêche

comorienne est en phase d’industrialisation. Une société nationale de pêche des Comores est déjà en exercice, et les travaux restant, avancent considérablement. La construction des bâtiments est achevée à 95%. Sur les 46 bateaux destinés à la pêche industrielle (36 bateaux de 9m et 10 bateaux de 18 m), 16 bateaux sont

793 FAO., op.cit.

794Source : COFREPECHE, MRAG, NFDS et POSEIDON, 2013. Évaluation rétrospective et prospective du protocole de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l'Union européenne et l’Union des Comores, Contrat cadre MARE/2011/01 - Lot 3, contrat spécifique n° 4, Bruxelles, 111 p.

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terminés et 17 en cours796. Pour former des professionnels de la pêche industrielle, un institut de formation de pêche a été inauguré en 2014797.

214. Situation de l’industrie. En dehors de la société nationale de pêche évoqué ci- dessus, pratiquement, seuls les chantiers navals de création récente existent aux Comores: en Grande Comores, deux chantiers de fabrication de canots de pêche en fibre de verre de 18 à 23 pieds, et également deux chantiers à Anjouan, avec une potentialité de production d’une soixantaine d’embarcations par an798. En termes d’emplois, une vingtaine de personnes sont concernés par cette fabrication799. En amont de la pêche, seuls quelques rares fournisseurs de matériel importé (matériel de pêche et moteurs principalement) se sont établis surtout en Grande Comores. Moins d’une douzaine d’emplois ont été créés. C’est principalement dans la commercialisation des produits de la pêche que réside la presque totalité des emplois créés. Pourtant cette commercialisation reste très traditionnelle, et la transformation est quasiment absente800.

215. Pêche artisanale et pêche traditionnelle. La pêche artisanale se caractérise par l’emploi de petites embarcations, de 6,3 à 7,1m en fibre de verre, non pontées et motorisées ayant une puissance motrice n’excédant pas 25 CV. Leur nombre a été estimé à 1 500801. Les techniques de pêche pratiquées sont la palangrotte et la pêche à la traîne. En général, hormis la bonne pratique des pêches traditionnelles, le niveau technique des pêcheurs est limité et relativement bas. Quant à la pêche traditionnelle, elle se caractérise par l’emploi de pirogues à balancier non motorisées. Leur nombre a été estimé à 3 500802. La technique de pêche la plus pratiquée est la palangrotte sur les espèces démersales.

216. Utilisation des captures. La totalité des produits de la pêche est commercialisée localement ou autoconsommée, en frais. Il n’y a pratiquement

796 Etat d’avancement du projet de la société nationale de pêche, 10ème forum économique des îles de l’océan indien, Comores 2014.

797 Ibid.

798 Source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2003, op.cit. 799 Ibid.

800 Source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2003, op.cit. 801 Ibid.

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aucune transformation si ce n’est un peu de fumage pour approvisionner les hôtels, et un peu de salage-séchage en période de fortes productions où la commercialisation en frais est saturée. En cette période, une part non négligeable de la production est altérée. Il existe de grandes différences selon les îles, même si l’évolution de la production a permis de créer le métier de « revendeur ». En Grande Comores, ce métier est réalisé presque exclusivement par des femmes, les « watchouzi ». Le pêcheur vendra alors soit à une femme de sa famille (épouse, mère ou sœur), soit à une autre femme, généralement non originaire du village du pêcheur. A Anjouan, les pêcheurs vendent aux consommateurs une partie de leur production, mais depuis peu, avec l’augmentation de la production, sont apparus des revendeurs, hommes en forte majorité, qui ont permis un écoulement plus diversifié, vers les marchés de l’intérieur803. Des pêcheurs d’embarcation motorisées (les plus grosses) vont jusqu’en Grande Comores où ils bénéficient de meilleurs prix. Ils débarquent à Moroni, ainsi que dans le Sud de l’île. Les pêcheurs transportent eux mêmes leurs poissons à cause de la lenteur du transport maritime et du manque de réfrigération. A Mohéli, il existe aussi des revendeurs, hommes ou femmes, mais le pêcheur vend souvent directement au consommateur. Notons un réseau de grossistes qui exportent le poisson Mohélien en débarquant à Moroni (environ 1 600 tonnes en 1999), et à Anjouan (800 tonnes en 1999)804. Il y a aussi une différence entre la Grande Comores où le poisson est rarement pesé dans la transaction « pêcheur-watchouzi », alors qu’il est systématiquement pesé à Anjouan et Mohéli, peut-être à cause de l’habitude de vente directe aux consommateurs.

217. Exploitation. Tous les navires de pêche comoriens peuvent librement pêcher dans la zone économique exclusive (ZEE) des Comores805. Quant aux navires de pêche étrangers, ils ne peuvent être utilisés pour pêcher ou remplir une activité annexe à la pêche dans les eaux comoriennes sans licence délivrée par le Ministère chargé des pêches806. Ce dernier, lorsqu’il décide d’octroyer la licence, précise les

803 : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2003, op.cit 804 Ibid.

805 Art. 7-C, Loi N°82-005/AF, relative à la délimitation des zones maritimes de la République Fédérale Islamique des Comores.

806 Art. 1, 2 et 3, Loi N° 82-015, relative à l’activité des navires de pêche étrangers dans les zones maritimes comoriennes.

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conditions générales dans lesquelles cette licence est octroyée807, notamment, les zones dans les limites desquelles le navire est autorisé à pêcher ; la ou les périodes pendant lesquelles le navire est autorisé à pêcher ; les poissons et produits de la mer pouvant être pris par espèces, tailles, sexes, âge et volumes de prises … etc. La liste est loin d’être exhaustive.