• Aucun résultat trouvé

Archives privées dans les bibliothèques et les musées

3.  Réflexion théorique

3.1   Etat de l’art et revue de la littérature professionnelle

3.1.3  Archives privées dans les bibliothèques et les musées

Pour des raisons historiques, culturelles, politiques ou pratiques, il existe à travers le monde différents modèles de gestion des archives privées. De grandes différences sont observables au niveau des structures étatiques et de la prise en charge des fonds entre des modèles centralisés (tel celui de la France) ou fédéralistes (celui de la Suisse). Des bibliothèques peuvent, dans de nombreux cas, posséder des fonds d’archives. Selon les pays, les Archives et les bibliothèques se sont développées indépendamment ou conjointement, ce qui explique la tradition de certaines bibliothèques de conserver des manuscrits et des archives (Williams 2006). Aussi bien Jenkinson que Schellenberg ne considèrent pas les papiers privés46 dans leurs définitions des archives (Fisher 2009). Cela peut expliquer à un niveau historique les traditions de conservation de manuscrits privés dans les bibliothèques et les musées (Hörsell 2013).

45 Par exemple des archives personnelles de professeurs d’université (Zenoni, Hagmajer 2009).

Depuis 1991, la Bibliothèque nationale suisse accueille, en plus de sa collection de manuscrits, les Archives littéraires suisses47. De nombreux legs de fonds privés, surtout dans les domaines scientifiques et culturels, sont conservés dans les cabinets des manuscrits des grandes bibliothèques ou dans des structures similaires. Les Archives cantonales collectent des fonds de nature économique, politique et sociale, alors que les bibliothèques ont plutôt tendance à collecter des fonds à caractère scientifique ou culturel (Zenoni, Hagmajer 2009). En Romandie, de nombreux fonds privés sont conservés par exemple au sein de la BPUN48, de la BCUL49 et de la BGE50. Odyssée, la base de données en ligne de cette dernière, décrit les fonds et les collections du Département des manuscrits et des archives privées (Bibliothèque de Genève. Département des manuscrits et des archives privées 2010)51.

On trouve également des documents d’archives, notamment des archives scientifiques, dans les bibliothèques de recherche. Y conserver des archives présente, en effet, l’avantage de leur mise en relation directe avec les publications qui sont issues de la recherche dans ces sources (Mouton 2007). Des archives de sociétés savantes sont aussi conservées par des bibliothèques. De nombreuses bibliothèques d’universités conservent des archives privées, comme c’est le cas à l’UNIGE. Cependant, comme le souligne Dominique Torrione-Vouilloz (2013, p. 20) :

« […] ces fonds de l’enseignement et de la recherche ont un statut bien particulier : ils sont généralement assimilés à des archives privées bien que le travail des professeurs soit rémunéré par l’institution universitaire relevant du domaine public ».

Le Répertoire sommaire des fonds manuscrits52 conservés dans plus de 260 bibliothèques et archives de Suisse signale les fonds manuscrits de particuliers et de familles conservés dans les archives, bibliothèques, musées et quelques collections privées. Ces fonds sont composés des papiers produits de manière organique dans l'activité d'une personne ou d'une famille, ainsi que de ceux qui ont été collectés au sujet d'une personne ou d'une famille. Les archives des personnes morales

47http://www.nb.admin.ch/sla/index.html?lang=fr (consulté le 21 février 2014).

48http://bpun.unine.ch/page.asp?sous_menu1=manuscrits&sous_menu2=0 (consulté le 21 février 2014).

49 La base de données des grands fonds manuscrits est disponible à l’adresse :

http://prdfmp.unil.ch/BCU_Fonds/home.php?-link=Accueil (consulté le 21 février 2014).

50 Archives privées de personnes et de familles : liste des fonds conservés à la Bibliothèque de Genève, Départements des manuscrits.

http://doc.rero.ch/record/13025 (consulté le 21 février 2014). 51 La base Odyssée est consultable à l’adresse :

http://w3public.ville-ge.ch/bge/odyssee.nsf (consulté le 21 février 2014). 52 Consultable via la base de données HelveticArchives :

(entreprises ou associations) figurent également dans le Répertoire. Le Répertoire fait aussi mention de fonds incomplets ou non catalogués (Probst 2006).

Les bibliothèques publiques sont, aux Etats-Unis et au Canada, des institutions qui conservent des archives privées très importantes concernant l’histoire régionale et locale (Rousseau, Couture 1994).

En France, le réseau des archives privées est constitué en grande partie des archives publiques et des Archives Nationales, mais peut également compter sur d’autres partenaires, notamment les bibliothèques et les musées. Ces établissements ont toujours conservé des manuscrits et des papiers d’écrivains, d’hommes politiques ou de savants, souvent constitués de documents réunis par des collectionneurs (Coeuré, Duclert 2011).

En Scandinavie, les archives privées ne sont pas clairement incluses dans les lois nationales sur les archives. Mais il y a une grande tradition de conservation de fonds privés dans les bibliothèques et musées en plus des missions poursuivies par les Archives nationales (Hörsell 2013).

« Both the Museum and the Library have acquired archival material throughout their history, especially manuscripts, and frequently in the form of large collections. Such material, often collected in the past simultaneously with related objects, has effectively complemented the many object-based collections. Today, material is acquired in the areas of the history of science, technology, medicine and industry, and of physical science and technology for which there is no local

or specialist repository » (Williams 2006, p. 25).

Un article de François Cartier analyse la question des archives en musées et constate

« […] combien peu connus sont les services d’archives œuvrant en milieu muséal, de même que la nature des archives conservées dans les musées, et surtout, combien leurs particularités sont peu étudiées » (Cartier 2005-2006, p. 34).

Les archives de musées existent en deux catégories. D’une part les archives institutionnelles, qui documentent l’histoire et les activités du musée. D’autre part, les fonds d’archives privées acquis en soutien à sa mission, aux thèmes en lien avec son mandat (Cartier 2005-2006). C’est cette deuxième catégorie de documents qui nous intéresse particulièrement ici. La présence d’archives privées dans un musée peut en effet constituer un complément non négligeable sur l’étude des collections permanentes.

Les milieux muséologiques et archivistiques ont de nombreux points en commun. En pratique, toutefois, une certaine forme d’imperméabilité entraîne un cloisonnement de ces deux disciplines (Cartier 2005-2006). La SAA s’est penchée sur les archives

conservées par des musées et propose des « Museum archives guidelines »53 destinées au développement de programmes d’archives pour tous types de musées (Society of American Archivists 2003). Un musée qui possède des archives documente non seulement son histoire, mais offre également des ressources informationnelles utiles au travail de son personnel et à la recherche de son public. Les archives privées dont il fait l’acquisition

« promote the museum's mission through their relation to subject areas of particular interest to the museum (e.g., science, anthropology, natural history, art, history) and which add value to the museum's collections and exhibition

programs » (Society of American Archivists 2003, p. 1).

Ces lignes directrices stipulent entre autres qu’un musée devrait se doter d’un archiviste professionnel, définir et rendre publique une politique d’acquisition d’archives, prévoir des conditions de conservation appropriées, décrire les fonds et rédiger des inventaires selon les principes et standards archivistiques, puis les rendre accessibles.

Françoise Bérard, conservatrice générale au Musée d’archéologie nationale54 nous a informé de l’existence pour les musées français d’un réseau appelé « Archives en musées ». Celui-ci est

« […] placé sous le patronage de l’autorité de tutelle des archives au niveau national (SIAF) et coordonné par la « Mission des archives » au Ministère de la Culture, et réunissant de nombreux professionnels. Les objectifs en sont la sensibilisation des personnels des musées à la question des archives et l’établissement de « bonnes pratiques » communes. L’un de ses groupes de

travail s’intéresse aux archives privées » (Bérard 2013)