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(A)

Du milieu naturel au milieu récepteur à travers les

diverses opérations caractéristiques des réseaux publics:

Avant d’étudier plus en détail les caractéristiques des réseaux publics en eau, il convient d’avoir une vision très générale des activités de ces services. La figure 3.1, ci- dessous, revient de manière simplifiée sur ce que représente, globalement, un système de réseau public en eau, celui-ci comprenant une activité « distribution » et une activité « assainissement ».

Figure 3. Figure 3. Figure 3.

Figure 3.1111 : cycle de l’eau simplifié du milieu naturel au milieu récepteur via les : cycle de l’eau simplifié du milieu naturel au milieu récepteur via les : cycle de l’eau simplifié du milieu naturel au milieu récepteur via les : cycle de l’eau simplifié du milieu naturel au milieu récepteur via les réseaux publics de distribution et d’assainissement.

réseaux publics de distribution et d’assainissement. réseaux publics de distribution et d’assainissement. réseaux publics de distribution et d’assainissement.

Les unités de distribution correspondent à un réseau géré et exploité par une même structure et délivrant une eau de même qualité. Elles prélèvent donc, en premier lieu, une eau brute, non traitée, issue d’une source, qui peut se révéler être une rivière, un lac, ou encore un aquifère souterrain. Ensuite, elles se chargent d’apporter cette eau vers une usine de traitement, dont le but est de la rendre potable et conforme aux normes en

réseau de distribution principal

usine de

retraitement

des eaux usées

usine de traitement –

potabilisation-stockage

ressource

Captage-prélèvement-adduction réseau secondaire (raccordements)

Consommateurs

(domestiques, industriels, agricoles)

du réseau public

collecteur principal- égouts

rejets

milieu

récepteur

stockage éventuel (barrages, bassins…)

vigueur, en général très strictement fixées par le législateur. Ainsi, l’eau potable peut être distribuée, via le réseau public, aux consommateurs, qu’ils en fassent, comme nous l’avons rapidement expliqué dans le deuxième chapitre, un usage agricole, industriel, commercial ou résidentiel.

Après usage, l’eau qui n’a pas disparu lors de la consommation est collectée et acheminée, à travers le réseau d’assainissement (égouts), vers une usine de traitement des eaux dites « usées », ou « usine d’assainissement », chargée de débarrasser ces eaux usées de leur capacité de pollution (toujours selon les normes en vigueur). Enfin, elle finit par être rejetée dans son milieu naturel, qui peut différer de celui dans lequel elle fut originellement prélevée. Ceci se produit à travers divers processus bien distincts.

Les services d’AEP recouvrent toutes les opérations ayant trait à la desserte d’eau potable depuis le lieu de prélèvement de l’eau brute dans son milieu naturel jusqu’au robinet ou les vannes de l’usager. Le processus d’AEP fait intervenir sept fonctions principales, chacune entraînant des dépenses spécifiques :

1. le captage : bien souvent (en France, mais également dans la plupart des pays industrialisés), l’eau brute destinée aux réseaux publics d’AEP ne requiert pas, pour l’exploitant, de s’acquitter du paiement de droits d’extraction. Néanmoins, il est nécessaire de disposer d’un permis d’extraction, délivré gratuitement, par les autorités. D’ailleurs, dans les zones où la ressource en eau n’est pas disponible en quantité ou en qualité suffisantes pour satisfaire à tous les usages concurrents (industrie, agriculture, réseaux publics), l’eau est assignée en priorité à son exploitation par les réseau publics et est ainsi prioritairement destinée à l’AEP ;

2. le transfert, ou adduction, c’est-à-dire le transport de l’eau brute, ou prétraitée, du lieu de captage aux ouvrages de stockage ou de traitement situés en aval (selon la qualité initiale de l’eau prélevée) et ce au moyen de canalisations ;

3. le traitement et le stockage de l’eau (avant1 et après traitement2) : le traitement peut être assimilé au véritable processus de production proprement dit de l’eau, qui vise à transformer une eau brute en une eau potable, c’est-à-dire satisfaisant les normes couramment, et légalement, admises pour la consommation humaine. Ils

1 On parlera alors de « barrages ».

sont, tous deux cependant, fonction de la qualité de l’eau brute mais surtout de l’envergure de la population desservie ;

4. la mise en pression : elle dépend de la capacité de stockage du système, et est assurée soit de façon gravitaire, soit par un équipement de pompage ;

5. la distribution : c’est la livraison de l’eau à l’abonné, via le réseau public, c’est-à- dire l’architecture des conduites de distribution et celles de branchement. Le réseau de distribution (comme celui d’assainissement, mais en sens inverse) se caractérise par un premier réseau de canalisations, le réseau principal, partant de l’usine de traitement et de production, et cheminant à travers l’agglomération desservie, et par un second réseau, le « réseau de branchements », chaque branche reliant chacun des abonnés, individuellement (maisons individuelles), ou collectivement (immeubles), à partir d’un nœud issu du réseau principal. Les canalisations sont installées, le plus couramment de manière souterraine, et sont prévues afin d’être utilisables sur le plus long terme possible : c’est pour cette raison que leur configuration doit permettre de satisfaire toute demande qui pourra s’adresser, à court, moyen et long terme, au service, ce qui nécessite d’anticiper celle-ci de manière fine, puisque toute croissance de celle-ci devra entraîner le développement du réseau1 ;

6. la desserte permanente des bornes incendie dans des conditions de débit et de pression bien définies, ainsi que la maintenance des installations affectées à ce service, sont également généralement assignées au réseau public de distribution d’eau potable, participant en cela au service public de lutte contre l’incendie ;

7. enfin, la gestion annexe au service : elle comprend le comptage2 via le relevé des compteurs, la facturation mais également l’information des usagers, les réponses à leurs questions…

1 On reviendra un peu plus loin sur cette notion de « développement » du réseau, car on ne parlera pas du même type de développement selon qu’il s’agit d’un accroissement de la demande, à nombre d’abonnés inchangé, ou d’un accroissement du nombre de connections.

2 Les systèmes de comptage des quantités d’eau consommées par les abonnés se généralisent désormais dans la plupart des pays industrialisés, et permettent de connaître précisément la consommation de chaque usager.

On peut également revenir sur les fonctions principales qui caractérisent les réseaux d’assainissement des eaux usées. D’une certaine manière, elles ne diffèrent que peu de celles détaillées précédemment et qui concernaient l’activité « distribution », puisqu’il s’agit là, maintenant, de rendre l’eau à son milieu naturel (on parlera ici alors de « milieu récepteur ») après traitement :

8. la récupération des eaux usées : elle se fait, chez chaque abonné au service, via des collecteurs, ce qui en constitue l’équivalent des branchements pour la distribution, le réseau des égouts constituant le parallèle du réseau de canalisations ;

9. le stockage et l’assainissement des eaux usées, celui-ci devant respecter les normes, également en vigueur, de qualité des eaux traitées avant rejet dans le milieu récepteur ;

10.l’adduction vers le milieu récepteur, après traitement ;

11.et, enfin, le rejet dans le milieu récepteur.

Ainsi qu’on peut donc l’observer, toutes ces activités réclament des investissements importants, afin d’établir les capacités de prélèvement, d’adduction, de production et de distribution en eau (comme celles de collecte et d’assainissement), tout en entretenant les réseaux.

(B)

Une « industrie » hautement intensive en capital :

Ainsi, et alors que ces deux activités (distribution et assainissement) peuvent être gérées de manière séparée, elles s’apparentent, l’une comme l’autre, à des industries traditionnelles, qui peuvent être définies comme constituant un « secteur économique regroupant les activités de transformation des produits » [Capul, Garnier, 1999, p. 21], puisqu’elle en partage certaines caractéristiques : production d’un bien (qui consiste donc soit à extraire, acheminer, potabiliser et distribuer une ressource naturelle, soit à la traiter comme un déchet), lucratif puisqu’elle permet de dégager des recettes à travers la tarification que ces services appliquent aux consommateurs, et, surtout, utilisation d’une multitude de biens de production, de l’eau brute à l’usage d’infrastructures et d’énergie. Mais ce qui distingue cette « industrie » des autres réside en deux traits essentiels et indissociables, et fait que celle-ci ne s’apparente ici, que de loin, à ces mêmes industries

« traditionnelles » : le fait qu’elle soit particulièrement « intensive en capital », et qu’elle touche à un domaine relevant du bien-être et de la santé publique.

La gestion des services d’AEP est, de loin, l’industrie de service public la plus intensive en capital qu’il soit. Beecher [1998] a mesuré l’intensité capitalistique de différentes industries de réseau américaines en utilisant le ratio « capital sur recettes annuelles » et a trouvé que, si ce ratio, pour les compagnies aériennes, le secteur des télécommunications, du gaz et d’électricité notamment, allait de 1 à 2,5 , celui issu de l’étude de plusieurs unités de gestion des réseaux publics d’eau s’étendait de 5 à 16. C’est la nature même de la technologie de distribution et d’assainissement d’eau qui explique les résultats trouvés par Beecher, qui revient justement sur la nature très lourde des infrastructures des services d’AEP pour expliquer une telle différence avec d’autres industries de réseau.

On pourra toutefois distinguer clairement, dans chacune des deux activités qui caractérisent cette industrie, deux fonctions principales :

o la fonction de production au sens large, qui regroupe les activités 1 à 4, ainsi que

l’activité 7 (gestion annexe) du processus d’AEP, et les activités 9 et 10 du processus d’assainissement ;

o la fonction de distribution de l’eau potable (activités 5 et 6) et de collecte des

eaux usées (activité 8), c’est-à-dire celle qui, pour ce qui est de la distribution, à partir des bassins de rétention, achemine l’eau vers les usagers à travers le réseau collectif (qui se compose d’un réseau principal, et de dérivations individuelles), et qui, pour ce qui est de l’assainissement, récupère, à travers un autre réseau séparé du premier, les eaux usées et les dirige vers une usine de traitement.

Ce qui distingue donc la première activité de la seconde, c’est justement le fait que, si la première relève d’une analyse industrielle plutôt classique, la seconde relève plutôt d’une analyse en termes de réseaux, dont on verra cependant qu’elles diffèrent, en termes de coûts notamment.

(C)

Le poids des coûts fixes :

• les salaires et les charges de personnel ;

• l’énergie, principalement utilisée pour pomper l’eau dans le réseau de distribution mais également dans le processus de potabilisation ;

• les fournitures, regroupant l’ensemble des achats nécessaires au bon fonctionnement du service : produits de traitement de l’eau, pièces de rechange, lubrifiant, achat d’eau de gros à un service voisin, etc ;

• la sous-traitance ;

• les frais divers ;

• les charges relatives aux investissements, garanties de renouvellement, amortissements.

Ainsi, les coûts variables à court terme étant ceux qui varient en fonction des quantités d’eau distribuée ou traitée à court terme1, on y intègrera notamment les coûts de l’énergie nécessaires au pompage, et les coûts des produits chimiques nécessaires au traitement de l’eau brute et des eaux usées. Enfin, certains coûts d’entretien et de réparation dépendent également de la quantité d’eau distribuée ou traitée.

L’Office International de l’Eau2 indique que l’examen des dépenses engendrées par la distribution de l’eau potable montre que les éléments de coûts proportionnels au volume (énergie, réactifs…) ne représentent (tableau 3.1) qu’un tiers du coût total de court terme, les deux tiers restant correspondant à des charges difficilement compressibles (salaires, frais financiers, amortissement…). En outre, les paiements au titre de la dette sont considérés comme fixes à court terme, justement parce que les variations enregistrées dans le volume d’eau distribuée n’ont aucune incidence sur eux. D’autres coûts fixes, enfin, se rapportent aux frais d’administration, à l’entretien périodique et au remplacement de l’équipement devenu obsolète, coûts fixes puisqu’ils ne varient, ni à la hausse, ni à la baisse des volumes d’eau produits. Par contre, les coûts de la main d’œuvre peuvent soulever des difficultés particulières : cependant, si une partie de ces coûts est liée au

1 On intègre dès à présent, cette notion d’horizon temporel, lié, ainsi que nous allons l’expliquer par la suite, à la capacité productive de l’entreprise en question.

volume de distribution ou de traitement, la part la plus considérable n’y est aucunement liée, et concerne les activités d’entretien du réseau et de gestion annexe (relation avec les usagers…). Et ces coûts, liés au réseau, sont particulièrement importants, car ces infrastructures donnent lieu à des investissements importants, conçus, fabriqués, puis amortis sur une longue période, et, surtout, irréversibles, en ce sens qu’ils ne peuvent être revendus en cas de cessation d’activité, d’autant plus qu’ils sont peu reconfigurables, c’est- à-dire ne pouvant difficilement être démontés ou affectés à d’autres usages que celui initialement prévu1.

Tableau 3. Tableau 3. Tableau 3.

Tableau 3.1111 : les composantes du coût à court terme du cycle de distribution de : les composantes du coût à court terme du cycle de distribution de : les composantes du coût à court terme du cycle de distribution de : les composantes du coût à court terme du cycle de distribution de l’eau en France. l’eau en France. l’eau en France. l’eau en France. POSTES POSTES POSTES

POSTES mmmmoyenneoyenneoyenneoyenne fourchettefourchette fourchettefourchette salaires salaires salaires salaires 35% de 20 à 50% électricité électricité électricité électricité 10% de 0 à 15% fourniture et sous fourniture et sous fourniture et sous

fourniture et sous----traitancetraitancetraitancetraitance 21% de 15 à 50% frais divers frais divers frais divers frais divers 8% de 5 à 15% frais financiers frais financiers frais financiers frais financiers 16% de 0 à 20% amortissements amortissements amortissements amortissements 10% de 8 à 25%

Source : Office International de l’Eau (2000), cité par Garcia (2001).

Armstrong et al. [1994], estimaient à environ 80 % la part des coûts fixes de court terme dans le secteur. Plus globalement, et pour donner un ordre de grandeur, on évaluait le ratio des coûts de fonctionnement2 courants par rapport aux coûts totaux à 10% dans le secteur eau au début des années 1990 aux États-Unis, alors que ce ratio était de 32% pour le gaz et de 57% pour l'électricité [Savedoff et Spiller, 1999, p. 5].

Toutefois, comme le remarque Garcia [2001, pp. 72-73], « il est difficile de représenter de façon adéquate la technologie d’AEP au moyen d’une fonction de coût représentative du service d’eau, tant l’environnement dans lequel le service évolue peut être différent ». L’investissement est, en effet, également plus conséquent selon la disponibilité géographique et temporelle de la ressource, mais également la nature de celle- ci on l’a vu (lacs, barrages, rivières ou nappes phréatiques). L’eau brute, prélevée, puis produite et distribuée aux usagers, à partir d’une nappe souterraine implique des coûts plus

1 Baumol, Willig et Panzar [1982] furent les premiers, au début des années quatre-vingt, à envisager l’existence de tels coûts fixes, nommés « irrécupérables », pour caractériser les secteurs de l’économie, et notamment les industries de réseau, et qui justifie leur position de monopole naturel.

importants de forage et de pompage alors que les coûts de traitement sont d’ordinaire plus conséquents pour les eaux de surface : si les premiers constituent des coûts fixes à court terme, les seconds sont plutôt variables, puisqu’ils appartiennent aux dépenses d’exploitation, ce qui peut alors modifier sensiblement la forme de la courbe de coût moyen de l’entreprise responsable du service. On insistera déjà ici sur le fait que ces coûts ne concernent que la fonction de production de l’activité distribution.

Ainsi, le poids des coûts fixes à court terme, comparé à celui des coûts variables en fonction des quantités distribuées, dans la fonction de coût des services de distribution et d’assainissement en eau1, nous amène à définir deux concepts économiques particulièrement utiles pour expliquer les modes de gestion qui vont pouvoir être suivis par ces services : les « économies d’échelle » et les « économies d’envergure ».

Section II: Rendements d’échelle et d’envergure dans les