Chapitre I. Etude Bibliographique
I.2. L’arc sous vide et son contrôle par AMF
I.2.1. Faibles distances inter-électrodes
I.2.1.1. Arc sans AMF
I.2.1.1.1 Régime diffus supersonique
La représentation la plus communément admise d’un arc en régime diffus est schématisée sur
la Figure I-9 [58]. L’arc est pour la plus grande part de son volume constitué d’un plasma
électriquement neutre s’écoulant de la cathode vers l’anode, bordé de deux zones de charge
d’espace assurant la continuité du potentiel électrique entre les électrodes et le plasma [11].
La région à proximité immédiate de la cathode est le siège d’une hausse brutale du potentiel
électrique. Les jets de plasma émis par les spots se mélangent près de la cathode pour former
un plasma homogène, qui s’écoule de manière supersonique en direction de l’anode en
traversant une zone dite hydrodynamique (aussi appelée colonne positive). Dans cette zone, le
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potentiel électrique augmente lentement, ce qui fait que le champ électrique a pour effet
d’attirer les électrons vers l’anode et a un effet répulsif sur les ions. A faible courant, l’anode
est considérée comme passive. Le voisinage de l’anode est le siège d’une variation du
potentiel électrique qui contrôle la densité de courant électronique transitant par la gaine
anodique. En supposant que les électrons sont à l’équilibre thermodynamique local, la chute
de potentiel anodique s’exprime en fonction de la densité de courant électronique imposée par
le circuit 𝑗
𝑒𝑎et de la densité de courant électronique d’origine thermique
𝑗
𝑡ℎ= 𝑒𝑛
𝑒√𝑘
𝑏𝑇
𝑒⁄2𝜋𝑚
𝑒[59] :
Tant que 𝑗
𝑒𝑎< 𝑗
𝑡ℎle saut de potentiel anodique reste négatif, ce qui est normalement le cas
pour un arc en régime diffus.
Figure I-9 : Représentation schématique de la structure du plasma d ’arc en régime diffus et du profil du potentiel électrique dans l’espace inter-électrodes (échelles spatiales non respectées) [58].
I.2.1.1.2 Transition du régime diffus vers le régime concentré
A fort courant (lorsque la densité de courant dépasse quelques 10
6A/m² [58]), l’arc transite
vers un régime d’arc concentré. Dans ce régime, la densité de courant au sein de la colonne
𝜑
𝑎=𝑘
𝑏𝑇
𝑒𝑒 ln
𝑗
𝑒𝑎17
d’arc peut atteindre des valeurs très élevées (de l’ordre de 10
8A/m² [60]). La très faible section
de la colonne d’arc fait que la densité d’énergie transmise par l’arc à l’anode est beaucoup
plus forte qu’en régime diffus. Le pied anodique de l’arc voit alors sa température augmenter
et il apparaît à l’anode une région lumineuse (appelée spot anodique) émettant une importante
quantité de vapeurs, qui en interagissant avec le plasma issu de la cathode produisent un
plasma secondaire. Du côté cathodique, les spots sont regroupés sur une toute petite fraction
de la cathode. Le régime concentré est ensuite stabilisé par les forces de Lorentz issues de
l’interaction entre la forte densité de courant au sein de la colonne et le champ magnétique
induit [13].
La transition entre le régime diffus et le régime concentré est un phénomène complexe, dont
les causes sont encore discutées dans la littérature. Elle peut s’effectuer suivant deux
mécanismes qui agissent éventuellement de manière combinée [61] : le premier mécanisme
est associé à une « instabilité de la gaine anodique » et le second mécanisme est lié à des
effets magnétohydrodynamiques.
Le premier mécanisme est associé à une baisse de la densité du plasma au voisinage de
l’anode, aussi appelée « pénurie d’ions » [62]. Deux phénomènes sont communément
avancés pour expliquer la pénurie d’ions. Elle peut être liée à l’expansion radiale des
jets de plasma émis par les spots cathodiques [63] qui fait que le plasma ne reste pas
confiné dans l’espace inter-électrodes [64]. Elle peut aussi être le résultat de la
présence de spots sur la surface latérale de la cathode qui émettent un jet de plasma
dirigé hors de l’espace inter-électrodes [65]. Cette pénurie d’ions impacte la densité de
courant électronique thermique au voisinage de l’anode, ce qui provoque une hausse et
un changement de signe de la chute de potentiel dans la gaine anodique (elle devient
positive). L’accroissement de la chute de potentiel anodique se traduit par un
accroissement de l’énergie apportée à l’anode par le plasma et donc par une hausse de
la température anodique [66]. Il s’ensuit un forte production de plasma secondaire au
niveau de l’anode qui se traduit par un accroissement de la densité de plasma au
voisinage de la cathode provoquant finalement la concentration des spots [66] et le
passage à l’arc concentré [61].
La transition du régime diffus vers le régime concentré peut intervenir également sous
l’effet des forces de Lorentz produites par l’interaction du courant d’arc et du champ
magnétique auto-induit. Ces forces sont responsables d’une constriction du plasma et
de la densité de courant. Cela se traduit par une augmentation de la pression au cours
de l’écoulement du plasma vers l’anode, ralentissant l’écoulement des ions et faisant
chuter le nombre de Mach [58]. Lorsque le régime d’écoulement devient transsonique
au voisinage de l’anode, une onde de choc caractérisée par une augmentation brutale
de la densité et par une chute brutale de la vitesse ionique (Figure I-10.a) se forme. Le
comportement de l’arc au moment du choc a été étudié par Schade [61] à l’aide d’un
modèle transitoire de la zone d’écoulement hydrodynamique de l’arc. D’après ce
modèle, l’onde de choc se déplace rapidement vers la cathode avec l’augmentation du
courant. Le modèle prédit ensuite l’apparition d’un vortex donnant lieu à une chute
localisée de la densité ionique au voisinage de l’anode et à une réduction du diamètre
de l’arc. L’arc devient instable et la tension se met à croître brutalement, comme le
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montre la Figure I-10.b. Selon Schade, cette succession de phénomènes est associée à
la formation d’un spot anodique et au développement consécutif d’un arc concentré.
Le mécanisme prépondérant gouvernant la transition entre les régimes diffus et concentré
dépend principalement du ratio entre le rayon des contacts et la distance inter-électrodes.
Lorsque celui-ci est faible, la pénurie d’ions est très importante et la constriction de l’arc a
lieu sous l’effet de la déstabilisation de la gaine anodique. A contrario, lorsque ce ratio est
élevé, les effets magnétohydrodynamiques deviennent prédominants .
a b
Figure I-10 : (a) Evolutions de la densité et de la vitesse ionique le long de l ’axe de symétrie calculées en l’absence d’AMF à 6 instants espacés de 100µs illustrant le déplacement d’une onde de
choc de l’anode vers la cathode [61], (b) Evolution de la tension d’arc en fonction ducourant d’arc entre deux électrodes en cuivre calculée pour différents ratios entre le rayon des électrodes et la distance inter-électrodes. La croix correspond au point d’apparition d’une onde de choc. Le cercle
correspond au courant pour lequel le modèle n’admet plus de solution stable [61].