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1.2 Mod´ elisation de comportements ` a la rupture

1.2.3 Approches de la rupture quasi-fragile

elastique en facteur d’intensit´e des contraintes (’K-dominance’). On parle alors d’hypoth`ese de plasticit´e confin´ee. Enfin, les ´eventuels transferts d’´energie chimique ou thermique en pointe de fissure sont n´eglig´es.

Les c´eramiques ´etant une famille de mat´eriaux aux comportements majoritairement lin´eaires ´

elastiques, les hypoth`eses pr´ec´edentes sont satisfaites. A basse temp´erature en particulier, la forte ´energie des liaisons iono-covalentes des c´eramiques empˆeche le mouvement des dislocations et donc toute forme de plasticit´e. La rupture fragile intervient `a partir de d´efauts pr´eexistants dans la microstructure [LAW 93].

1.2.3 Approches de la rupture quasi-fragile

Pour de nombreuses c´eramiques quasi-fragiles (Sec.1.1.4), les hypoth`eses pr´ec´edentes de la M´ecanique Lin´eaire Elastique de la Rupture ne sont pas satisfaites. Des approches alternatives ont ´et´e propos´ees afin de mod´eliser leur rupture.

Approche ´energ´etique de la rupture quasi-fragile

Pour d´ecrire et quantifier les diff´erentes sources de dissipation d’´energie lors de la fissuration, il existe diff´erentes approches analytiques et exp´erimentales.

De mani`ere g´en´erale, il est possible de d´efinir diff´erentes ´energies mises en jeu lors de la fissuration : Wtot qui correspond `a l’´energie totale dissip´ee, Wf `a l’´energie dissip´ee par la fissu-ration et la cr´eation de nouvelles surfaces et Wd l’´energie dissip´ee de mani`ere diffuse `a travers l’endommagement du mat´eriau (Fig.1.17). A partir de ces diff´erentes grandeurs ´energ´etiques, la r´esistance de la fissure R est d´efinie par [EFT 75] :

R= 1 B(∂Wf ∂a +∂Wd ∂a ) = 1 B ∂Wtot ∂a (1.24)

Cette d´efinition de R est une g´en´eralisation de l’´equation 1.8 pour le taux de restitution d’´energie G. Dans le cas lin´eaire ´elastique fragile, cette grandeur R est ´egale tout au long de la fissuration au taux G.

Figure 1.17: M´ethodes d’estimation des diff´erentes ´energies mises en jeu lors de la fissuration quasi-fragile.

Plus couramment, l’int´egrale J est utilis´ee pour d´ecrire la rupture non fragile de nombreux mat´eriaux. Son principe a ´et´e g´en´eralis´e par Rice [RIC 73]. Si cette int´egrale J est ´egale en ´

elasticit´e lin´eaire au taux de restitution d’´energie G, elle correspond, dans le cas non fragile, `

a un nouveau param`etre JIc utilisable comme crit`ere de propagation. Calculer num´eriquement cette int´egrale avec l’´equation 1.22 est d´elicat car sa valeur n’est plus ind´ependante du choix du contour Γ comme c’est le cas en ´elasticit´e lin´eaire. Exp´erimentalement, il est possible de calculer J `a partir de la courbe force-d´eplacement P− u enregistr´ee lors d’un essai. La valeur J est alors ´egale `a :

J= 2Wn

B(H− an) (1.25)

o`u Wn est l’aire sous la courbe P− u d’une ´eprouvette en train de se fissurer (Fig.1.17), H − an

la longueur du ligament non fissur´e au cycle n et B l’´epaisseur de l’´eprouvette. A partir de cycles de charge-d´echarge, on consid`ere qu’`a chaque cycle n il s’agit d’une nouvelle ´eprouvette comportant une fissure de longueur an et n´ecessitant l’´energie Wn pour que la propagation continue. Il convient de citer les m´ethodes de Sakai [SAK 83] et de Garwood [GAR 75] qui proposent d’autres mani`eres de calculer ces grandeurs ´energ´etiques `a partir de la r´eponse force-d´eplacement d’une ´eprouvette fissur´ee. Quelle que soit la m´ethode utilis´ee, il est n´ecessaire de connaˆıtre pr´ecisement la position de la pointe de fissure au cours de l’essai.

Pour certaines applications tr`es sp´ecifiques, des auteurs ont parfois propos´e des modifications quant `a la d´efinition de ces quantit´es ´energ´etiques [HAS 94, SHA 95]. De nouveau, comparer les

valeurs de J ou de R `a celle de G permet de pr´eciser dans quelle mesure le comportement `a rup-ture du mat´eriau est ´eloign´e de la MLER. Enfin, il existe ´egalement pour la rupture quasi-fragile des techniques bas´ees sur l’analyse de l’ouverture de la fissure (CTOD, ’Crack Tip Opening Displacement’ ; CMOD, ’Crack Mouth Opening Displacement’). Ceci a ´et´e d´evelopp´e dans le cadre, entre autres, de la rupture du b´eton [SHA 95].

Approche asymptotique de la rupture quasi-fragile

De nombreux auteurs ont constat´e que l’approche en facteurs d’intensit´e des contraintes n’´etait pas directement appropri´ee `a la rupture non-fragile [BOR 85, BUE 08a]. Le mat´eriau n’´etant plus ´elastique fragile, son comportement `a rupture sort du cadre de la MLER et de ses hypoth`eses (Sec.1.2.2).

Il est alors possible de proposer une nouvelle d´efinition des facteurs d’intensit´e des contraintes classiquement d´efinis `a partir de l’intensit´e de la singularit´e des champs de contrainte (Eq.1.15). Les valeurs des facteurs KI, KII et KIII peuvent ´egalement ˆetre obtenues `a partir des champs de d´eplacement (Eq.1.14). Il apparaˆıt alors deux types de facteurs `a partir des ´equations 1.16 et 1.17 [BUI 78].

Les facteurs d’intensit´e des contraintes statiques, Kσj, repr´esentent l’intensit´e du champ de contrainte en pointe de fissure. Ils correspondent `a ceux d´ecrits dans l’´equation 1.15 :

KσI = li m r →0 √ 2πr σ22(θ = 0) KσII = li m r →0 √ 2πr σ21(θ = 0) (1.26)

Les facteurs d’intensit´e des contraintes cin´ematiques, Kuj, repr´esentent l’intensit´e du champ de d´eplacement en pointe de fissure :

KuI = li m r →0 µ κ+ 1 r 2π r u2(θ = 0) KuII= li m r →0 µ κ+ 1 r 2π r u1(θ = 0) (1.27)

En ´elasticit´e, les champs de contrainte et de d´eplacement sont proportionnels aux mˆemes fac-teurs Kj. Les deux types de facteurs d’intensit´e des contraintes statiques et cin´ematiques sont ´

equivalents (Sec.1.2.2). Il convient aussi de remarquer que ces facteurs ne sont pas sensibles aux mˆemes ´echelles. Les Kσj s’expriment en √r

(Eq.1.13) et les Kuj en 1/√r

(Eq.1.14). Les facteurs d’intensit´e des contraintes statiques Kσj repr´esentent surtout les champs m´ecaniques au voisinage du front de fissure. A l’inverse, les facteurs d’intensit´e des contraintes cin´ematiques Kuj refl`etent principalement les champs loin de la fissure. En mode mixte, une nouvelle d´efinition du taux de restitution d’´energie G est propos´ee [BUI 78] :

G = 1

E(KuIKσI + KuIIKσII) (1.28)

Si cette distinction entre Kσj et Kuj est commun´ement admise et utilis´ee en rupture dynamique [R´ET 05, GRE 08], il semble qu’elle n’ait jamais ´et´e employ´ee dans le cadre de la rupture quasi-fragile.

R´esistance `a la propagation de fissure : les courbes-R

Le param`etre J propos´e par Rice permet, entre autres, de mod´eliser le comportement `a rupture des c´eramiques non-lin´eaires. Un autre outil est largement utilis´e pour quantifier la r´esistance `a la propagation de fissure des c´eramiques : les courbes-R. Elles correspondent `a une augmentation des param`etres K, G, J ou R en fonction de l’avanc´ee de la fissure da. Dans la litt´erature, ces courbes sont majoritairement trac´ees en termes de facteur d’intensit´e des contraintes Kr en fonction de a. Les courbes-R permettent d’illustrer tr`es facilement l’influence des diff´erents m´ecanismes de renforcement au sein du mat´eriau [SWA 90, MUN 07].

Pour un mat´eriau fragile, la courbe-R est constante puisqu’il n’y a aucune augmentation de la r´esistance lors de la propagation (Eq.1.24). Dans ce cas, le seuil critique pour le facteur d’intensit´e des contraintes Kr est constant et ´egal `a la t´enacit´e KIc [TAN 03, XAV 08].

Si des m´ecanismes de renforcement se d´eveloppent au sein de la FPZ, la valeur du facteur critique Kr augmente et correspond `a une dissipation d’´energie suppl´ementaire. On parle alors de courbe-R croissante (Fig.1.10 et 1.18). Au tout d´ebut de la propagation de la fissure, le seuil Kr est faible puisque les deux faces de l’entaille ne peuvent interagir. Quand la fissure commence `a se propager, une zone endommag´ee se d´eveloppe `a la pointe de la fissure. A l’int´erieur de cette zone ainsi qu’au niveau des l`evres de la fissure qui viennent d’ˆetre cr´e´ees, des m´ecanismes de renforcement et de dissipation d’´energie peuvent apparaˆıtre : le seuil Kr `a franchir augmente. Cela peut conduire au ralentissement voir mˆeme `a l’arrˆet de la propagation de la fissure [SHA 95]. A partir d’une certaine longueur de fissure, les m´ecanismes atteignent un r´egime permanent pour lequel la zone FPZ n’augmente plus mais se translate simplement avec l’avanc´ee de la fissure. Le seuil Kr atteint alors sa valeur maximale Kmaxr et la courbe-R atteint un plateau (Fig.1.18).

Figure 1.18: Diff´erentes courbes-R selon la fragilit´e du mat´eriau [SHA 95].

Pour obtenir ces courbes-R, la m´ethode la plus courante consiste `a utiliser l’´equation 1.21 pour calculer l’´evolution du facteur d’intensit´e des contraintes Kr lors de la propagation. Une nouvelle fois, il est n´ecessaire de connaˆıtre la longueur de la fissure tout au long de l’essai.

Ces courbes-R ont ´et´e obtenues et analys´ees pour de nombreux mat´eriaux, permettant de caract´eriser l’influence d’´eventuels m´ecanismes de renforcements [MUN 07]. Citons l’analyse de l’´evolution des ph´enom`enes de dissipation d’´energie dans la FPZ qui a ´et´e faite dans le cas des c´eramiques poreuses [CHE 04, CHE 06]. A notre connaissance, aucune courbe-R n’a ´et´e calcul´ee en utilisant la distinction entre facteurs d’intensit´e des contraintes statiques et cin´ematiques.

L’un des inconv´enients principaux des courbes-R est leur d´ependance aux effets de taille et de g´eom´etrie. Il est en effet possible d’obtenir une diff´erence entre deux courbes-R mesur´ees sur deux ´echantillons r´ealis´es `a partir du mˆeme mat´eriau mais avec une g´eom´etrie diff´erente [COT 87].

Estimation de longueurs de fissure

Que ce soit pour les m´ethodes de Rice, de Sakai ou de courbes-R, la d´etermination de param`etres adapt´es `a la m´ecanique de la rupture non-lin´eaire n´ecessite de connaˆıtre pr´ecisement la longueur de fissure au cours d’un essai. L’accroissement de la fissure ∆a peut ˆetre estim´e de diff´erentes mani`eres.

De mani`ere intuitive, des m´ethodes optiques ont ´et´e utilis´ees pour suivre la position de la pointe de la fissure sur la surface polie d’un ´echantillon en utilisant un microscope ou un objectif [GRE 02, BOR 85]. L’utilisation de telles m´ethodes visuelles peut s’av´erer subjective en cas, soit de faibles ouvertures au niveau des l`evres de la fissure, soit de microstructures complexes. Dans le cas de mat´eriaux fortement poreux, il est d´elicat de polir suffisamment la surface pour localiser la pointe de la fissure. Dans ces diff´erents cas, il est pr´ef´erable utiliser des m´ethodes indirectes pour estimer l’accroissement de fissure.

L’une des techniques les plus utilis´ees est la m´ethode des complaisances. Elle consiste `a estimer l’accroissement de la fissure `a partir de la variation de la complaisance C de l’´eprouvette [TAD 85]. La longueur de fissure an est calcul´ee de mani`ere it´erative `a partir de sa longueur initiale a0 et de la hauteur H de l’´echantillon :

Cn = un Pn, (1.29) an= an−1+ (H− an−1 2 )( Cn− Cn−1 Cn ) (1.30)

Figure 1.19: D´efinitions de la complaisance, avec ou sans cycles de charge-d´echarge.

L’hypoth`ese majeure de cette m´ethode est que toute r´eponse non-lin´eaire de la courbe force-d´eplacement P − u provient de l’accroissement de la longueur de la fissure principale. Cette m´ethode est adapt´ee aux mat´eriaux ´elastiques [KNI 86a, KNI 86b, TAN 03, XAV 08] mais ne peut pas tenir compte de ph´enom`enes non-lin´eaires d’endommagement dans la FPZ d’un mat´eriau. En cas d’endommagement diffus ou de m´ecanismes de renforcement, il apparaˆıt une raideur suppl´ementaire `a l’ouverture de la fissure, la longueur estim´ee `a partir de la complaisance globale est donc fauss´ee. C’est pourquoi il a ´et´e propos´e de calculer la variation de complaisance `

a partir d’un essai de cycle et de d´echarge (Fig.1.19). La complaisance C

est alors recalcul´ee `

cycl´ee a ´et´e utilis´ee par exemple pour des mat´eriaux carbon´es [ARN 90], elle a n´eanmoins ´et´e remise en cause lors de l’analyse de composites `a matrice c´eramique [BOU 90, YOT 99]. Dans le cas o`u ce sont des d´ebris de mat´eriaux qui gˆenent la refermeture des l`evres de la fissure `a la d´echarge, le calcul de complaisance apparente C

est effectivement fauss´e et il convient alors de conserver la d´efinition initiale de C (Eq.1.29). L’utilisation de C

permet certes d’´eviter que la fissure soit d´etect´ee trop tˆot en cas d’endommagement diffus mais conduit ensuite `a des longueurs tr`es fortement sous-estim´ees puisque la quantit´e C

varie peu d’un cycle `a l’autre. L’utilisation de m´ethodes indirectes pour estimer des longueurs de fissures sur des mat´eriaux quasi-fragiles est une probl´ematique importante dont d´epend la caract´erisation pr´ecise de leur comportement `a rupture.

Pour appliquer au mieux les th´eories et m´ethodes de la rupture d´ecrites dans cette section 1.2, il est n´ecessaire de connaˆıtre les sp´ecificit´es des diff´erents essais m´ecaniques habituellement utilis´es sur les mat´eriaux c´eramiques.