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Approche du troisième corps

Chapitre 2 État de l’art

2.5. Apports de la tribologie

2.5.1. Approche du troisième corps

Le troisième corps est défini comme le volume de matières qui sépare deux solides en contact (premiers corps). Ces matières, dont la composition chimique est différente de celle des constituants des premiers corps, proviennent de l’usure des premiers corps et/ou d’une alimentation externe ; un troisième corps est dit « naturel » dans le premier cas et « artificiel » dans le second. Dans le troisième corps naturel, Denape et al (2001) différencient deux structures désignées comme des « écrans » : écran statique (épaisseur : 0,3 – 100nm) constitué de films (gaz adsorbés, oxydation, etc.) formés par l’interaction entre les surfaces des premiers corps et leur environnement ; et écran dynamique (épaisseur : 0,1 – 100µm) constitué de particules

Longtemps limité à l’estimation – avec la loi d’Archard (1953) par exemple – d’un volume d’usure, le troisième corps peut en réalité remplir d’autres fonctions comme (Godet, 1984) :

 La transmission des charges imposées par le système mécanique (voir le concept du triplet tribologique dans 2.5.1.2) d’un premier corps à l’autre.

Au concept du troisième corps initié par Godet s’ajoutent des travaux de Berthier qui a introduit d’autres notions comme le triplet tribologique, le circuit tribologique et les mécanismes d’accommodation (Berthier et al., 1989; Berthier, 1990). Ces ajouts permettent de développer une véritable théorie – « approche du troisième corps » – avec, comme pour d’autres théories de lubrification, des outils de description physique des phénomènes et de prédiction (force normale, frottement, etc.).

2.5.1.2. Triplet tribologique

Un triplet tribologique est composé de trois éléments distincts qui constituent le contact : le système mécanique, les premiers corps et le troisième corps (Figure 2.24). Le système mécanique détermine les conditions de contact (charges, environnement – température, humidité relative, etc. –, vitesses, etc.). A l’échelle d’un laboratoire, ce système peut être un tribomètre pion-disque ou un pendule SRT (2.3.4.1) comme dans cette thèse. A l’échelle 1, il peut s’agir d’un contact pneu/chaussée. Les premiers corps sont les solides en contact. Ils s’accommodent aux sollicitations transmises par le système mécanique (charges, vitesses) ; cette accommodation induit des déformations et des dégradations comme le détachement de matières (particules d’usure), la fissuration, la transformation tribologique des surfaces, etc. Enfin, le troisième corps est défini comme le volume de matière qui sépare les premiers corps.

Figure 2.24 Triplet tribologique (d’après Denape et al., 2001)

2.5.1.3. Mécanismes d’accommodation

Berthier et al (1989) ont défini des mécanismes d’accommodation pour tenir compte de la variété de modes de déformation et de dégradation des premiers corps. Selon ces auteurs, un mécanisme d’accommodation est lié à un « site » et un « mode d’accommodation ». Ils ont défini 6 sites et 5 modes comme illustrés dans la Figure 2.25.

Figure 2.25 Définitions des sites et des modes d’accommodation (d’après Denape et al., 2001)

Les 6 sites sont : S0 : le système mécanique ; S1 et S5 : les premiers corps ; S2 et S4 : les écrans statiques ; S3 : le troisième corps. Les 4 modes sont : M0 : la déformation élastique ; M1 : la déformation plastique ; M2 : la rupture ; M3 : le cisaillement ; M4 : le roulement.

Toutes les combinaisons entre les sites et les modes d’accommodation ne sont pas observables. D’après Denape et al (2001), neuf sont fréquemment observés (Figure 2.26) : (S0 + S1)M0 : déformation élastique des solides ; S1M1 : déformation plastique sans perte de matière ; S1M2 : fissuration en surface ; S1M3 : cisaillement en surface induisant des détachements de matières ; S2M3 : cisaillement dans l’écran statique ; S3M1 : déformation plastique du troisième corps ; S3M2 : fissuration dans la couche du troisième corps ; S3M3 : cisaillement dans la couche du troisième corps ; S3M4 : roulement des particules constituant le troisième corps.

2.5.1.4. Circuit tribologique

Les mécanismes d’accommodation décrits dans le paragraphe précédent induisent une circulation du troisième corps dans le contact. La notion de circuit tribologique a donc été introduite pour décrire les différents flux de troisième corps activés dans la zone du contact. Cinq flux ont été identifiés et présentés dans la Figure 2.27.

Figure 2.27 Circuit tribologique pour un contact élémentaire bidimensionnel (d’après Descartes and Berthier, 2002)

Le flux de source interne (Qsi) correspond au détachement des particules dû à la fissuration, les transformations tribologiques de surface (TTS), etc. Cela engendre la formation d’un troisième corps naturel. Le flux de source externe (Qse) provient de l’introduction d’un troisième corps artificiel entre les deux premiers corps. Le flux interne (Qi) est le flux de troisième corps circulant entre les deux premiers corps (les particules piégées). Le flux externe (Qe) est le flux de troisième corps qui s’échappe du contact. Ce flux se divise en deux composantes : le flux de recirculation (Qr) qui représente le troisième corps éjecté et puis réinjecté dans le contact ; et le flux d’usure (Qu) qui représente le troisième corps définitivement éjecté du contact.

Le circuit tribologique aide à établir un équilibre des masses entre ce qui rentre et ce qui sort du contact. L’équilibre des masses de ce système nécessite que la quantité des particules dans le contact (Mi) par unité du temps (dMi

dt) soit égale à la différence entre le flux source (Qs) (𝑄𝑠𝑖 + 𝑄𝑠𝑒) et le flux d’usure (Qu) (Descartes and Berthier, 2002).

Dans le cas d’un contact fermé (pas d’éjection, Qu = 0), le flux source (Qs) est inversement proportionnel à la quantité du troisième corps dans le contact (Mi). En effet, quand la quantité du troisième corps augmente, les contraintes dans les premiers corps diminuent. Dans ce cas, la quantité de troisième corps tend vers un maximum (𝑀𝑖𝑚𝑎𝑥) où le flux source s’arrête (Denape, 2014). Dans le cas d’un contact ouvert, l’éjection diminue la quantité du troisième corps piégé dans le contact. De ce fait, les contraintes dans les premiers corps et le flux source (Q ) augmentent jusqu’à atteindre une

1er corps (1)

1er corps (2)

Flux de recirculation Qr

Flux interne Qi Flux externe Qe Flux d’usure Qu Source interne Qi s Source externe Qe s

stabilisation à une certaine quantité de troisième corps (𝑀𝑖𝑠𝑡𝑎𝑏). Cela montre que le flux d’éjection contrôle le flux source. Par ailleurs, une quantité minimum (𝑀𝑖𝑚𝑖𝑛) est nécessaire pour activer l’éjection. Quand le flux source est égale au flux usure (𝑄𝑠 = 𝑄𝑢) et la quantité de troisième corps se stabilise entre les deux extrêmes 𝑀𝑖𝑚𝑖𝑛 et 𝑀𝑖𝑚𝑎𝑥, le stade de stabilisation est atteint (Denape, 2014).