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Les températures annuelles moyennes nécessaires à l’utilisation du modèle sont celles à la surface du revêtement routier, à l’interface remblai/sol naturel et la température du pergélisol. D’abord, la température superficielle du revêtement est calculée à partir de la méthode d’analyse développée par Dumais (2014) selon un bilan d’énergie simplifié. Les valeurs mensuelles de température de l’air, de vitesse du vent et de radiation solaire du site à l’étude sont requises. La température à l’interface est obtenue par simulation numérique et la température du pergélisol est estimée à partir d’études ou de relevés disponibles dans la littérature pour un site spécifique. La mise en graphique de ces températures en fonction de la profondeur permet d’observer le gradient de température dans les matériaux de remblai et dans le sol naturel. Afin d’atteindre une stabilisation thermique, la température à l’interface doit être égale ou moindre que la température du pergélisol, ce qui permet d’obtenir un gradient thermique nul ou négatif, et par conséquent, un flux de chaleur nul ou négatif. Un flux de chaleur négatif se traduit par une extraction de chaleur plus importante qu’un apport de chaleur dans le sol naturel, entrainant ainsi le refroidissement du pergélisol.

Des données thermiques enregistrées au site de Beaver Creek pour les sections témoin et L-BST sont exposées au tableau 6.1 afin de valider l’approche du modèle. Les températures annuelles moyennes de l’air et du sol à diverses profondeurs sous les deux sections sont mises en évidence pour la période de suivi allant de 2009 à 2012. Les températures présentées sont la température annuelle moyenne de l’air (TAMA), la température du sol en surface , la température au niveau du plafond du pergélisol ( ), la température à la profondeur de l’amplitude annuelle nulle ( ) et la température du pergélisol enregistrée par le capteur situé le plus en profondeur ( é ).

Tableau 6.1 : Températures annuelles moyennes de l’air et du sol des sections témoin et L-BST du site de Beaver Creek. Température (°C) 2009 2010 2011 2012

Témoin L-BST Témoin L-BST Témoin L-BST Témoin L-BST TAMA -3,9 -3,9 -2,9 -2,9 -4,3 -4,3 -5,4 -5,4 Tsurface -0,9 - 0,5 0,3 -1,4 -1,3 -1,2 -2,0 Tint -0,3 - 0,2 -0,7 -0,2 -0,9 -0,1 -0,9 Tplafond -0,3 - -0,2 -0,7 -0,2 -0,8 -0,2 -0,8 Taan -0,3 - -0,3 -0,6 -0,3 -0,6 -0,3 -0,6 Tpergélisol -0,6 - -0,6 -0,6 -0,6 -0,5 -0,5 -0,5

Les températures du sol regroupées au tableau 6.1 sont présentées sous forme de profil thermique à la figure 6.1. Les températures sous la section témoin sont illustrées par un triangle et par un cercle sous la section L-BST. Il est à noter que l’albédo de ces sections a été documenté par Dumais (2014) et était de 0,14 pour la section témoin et de 0,23 pour la section L-BST à l’été 2013.

D’abord, la mise en graphique des températures moyennes annuelles du sol en fonction de la profondeur permet de visualiser l’effet de la température superficielle du revêtement sur la température à l’interface remblai et sol naturel. La température à la surface du revêtement la plus élevé au cours de la période de suivi a été enregistrée en 2010. Également, en 2010, la TAMA enregistrée à Beaver Creek était la plus chaude au cours de la période de suivi, soit entre les années 2009 et 2012 et elle était de -2,9 °C, soit 2 °C plus élevé que la normale climatique pour la période 1981 à 2010, qui était de -4,9 °C. L’effet d’une TAMA plus élevé que la normale a entrainé une température superficielle du revêtement témoin et L-BST au-dessus de 0 °C, soit de 0,5 et de 0,3 °C respectivement. Ainsi, pour la section témoin, le décalage thermique en surface, soit la différence entre la température au plafond du pergélisol et la température superficielle du revêtement était négatif, soit de -0,7 °C alors qu’il était de -1,0 °C sous la section L-BST. À la section 1.1.1, il a été démontré que le pergélisol peut subsister à une température moyenne annuelle à la surface du sol située au-dessus de 0 °C, dû à l’effet du décalage thermique en surface (“thermal offset”). L’effet du décalage thermique est plus prononcé pour la section protégée et peut être dû à une hauteur du remblai plus faible (4,3 m comparativement à 5,2 m pour la section témoin). Le rehaussement du remblai routier permet de diminuer l’effet du décalage thermique étant donné que les matériaux granulaires ont généralement une faible teneur en eau comparativement à la couche de tourbe située à la surface du sol naturel. Aussi, l’interaction entre la température à l’interface remblai/sol naturel et la température la plus froide du pergélisol est importante puisque l’approche développée repose sur cette relation. L’analyse du bilan d’énergie annuel du sol permet de tirer des conclusions quant aux échanges de chaleur dans les matériaux de remblai et le sol naturel. La méthode utilisée vise un bilan d’énergie nul ou négatif pour atteindre la stabilisation thermique sous le remblai routier, c’est-à-dire une température du pergélisol égale ou plus faible que la température à l’interface. Ainsi, le pergélisol est hypothétiquement stable puisque l’extraction de chaleur est plus importante ou égale à l’apport de chaleur induite dans le sol naturel. Par exemple, en 2010, la température à l’interface sous la section témoin était positive, soit de 0,2 °C, et par le fait même, plus chaude que la température du pergélisol, démontrant une instabilité thermique, alors que, sous la section L-BST, la était de -0,7 °C et plus froide que la température du pergélisol, permettant ainsi de conclure que la section L-BST avait atteint une stabilité thermique.

Aussi, dans le cas de la section témoin du site de Beaver Creek, pour la période de suivi étudiée, la température du sol à l’interface était plus élevée que la température au niveau du plafond du pergélisol, excepté pour l’année 2009 où ces températures étaient similaires. Logiquement, si la température à l’interface est égale à la température du pergélisol une stabilité thermique est atteinte. Par contre, la température du pergélisol la plus froide sous la section témoin a été enregistrée à 10,3 m de profondeur et elle était de -0,6 °C, comme présenté à la figure 6.1, pour les années allant de 2009 à 2012. Ainsi, sous cette section, la température du pergélisol utilisée dans le calcul du décalage thermique en profondeur est celle enregistrée par le capteur situé à 10,3 m sous le sol naturel. Par conséquent, le gradient de température moyen annuel en profondeur est positif, impliquant un apport de chaleur plus important qu’une extraction de chaleur sous le remblai. De ce fait, le profil thermique de la section témoin indique que la stabilité n’est pas atteinte, et conséquemment, cette section est vulnérable à la dégradation thermique du pergélisol. Il est important de noter que la construction du site de Beaver Creek a débuté en avril 2008 et s’est terminée en juin de la même année. Pendant cette période, le régime thermique du pergélisol a été modifié de façon considérable puisque la construction en période estivale favorise habituellement le réchauffement du sol.

En ce qui concerne la section utilisant des granulats clairs installée au site de Beaver Creek, la température à l’interface obtenue des années de suivi est plus faible que la température du pergélisol située sous le sol naturel. Également, puisque l’interface remblai/sol naturel est situé sous le plafond du pergélisol et sa température est la plus froide enregistrée, le bilan d’énergie annuel est négatif. Puisque l’extraction de chaleur est plus importante que l’apport de chaleur dans le sol naturel, cette section permet de stabiliser thermiquement le pergélisol, selon la définition proposée par l’approche utilisée. Les conclusions tirées de la figure 6.1 correspondent aux observations décrites par M. Lepage (2015), soit que la section témoin n’a pas permis de limiter l’absorption de chaleur dans le sol naturel pendant la saison estivale comparativement à la section L-BST. Cette analyse démontre le potentiel de l’utilisation de surfaces à albédo élevé pour atteindre un bilan d’énergie négatif au centre de la route et ainsi, valide la procédure d’approche utilisée.