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Les modèles de propagation du son dans des suspensions solides font le plus souvent des compromis dans la description du couplage entre les différents phénomènes décrits précédemment.

Modèle ECAH

Le modèle le plus utilisé en spectroscopie ultrasonore est le modèle ECAH (du nom de ses auteurs, Epstein et Carhart [1953] et Allegra et Hawley [1972]). Il présente l’avantage de prendre en compte la diffusion de l’onde, la dissipation visqueuse, les effets thermiques, ainsi que l’atténuation intrinsèque à chacune des deux phases. En revanche, la construction du modèle limite son utilisation à des suspensions très diluées. En effet, le modèle est construit à partir du cas d’une particule isolée, en écrivant les équations de conservation (de la masse, de la quantité de moment et de l’énergie) pour les deux phases, deux équations d’état thermodynamiques, et en appliquant les conditions de continuité en surface de la particule. Le passage à la suspension dans son ensemble est réalisé en considérant que l’effet des particules est strictement additif, ce qui suppose qu’elles n’interagissent pas entre elles et donc que la suspension est suffisamment diluée. En pratique, le modèle se traduit par l’équation suivante pour le coefficient d’atténuation :

𝛼 = −3 2 𝜔2(1 − 𝜀) 𝑐2𝑟 𝑝3 ∑(2𝑛 + 1)𝑅𝑒(𝐴𝑛) ∞ 𝑛= (III.30) où 𝜔 𝑒𝑡 𝑐 représentent respectivement la pulsation et la célérité de l’onde, (1 − 𝜀) la fraction volumique des particules, et rp leur rayon.

Cette expression, en apparence simple, fait intervenir une série dont les coefficients 𝐴𝑛 sont des nombres complexes, fonctions de nombreux paramètres. Cette complexité

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mathématique (rendant délicate l’intégration dans un code de calcul) et surtout la limitation sur la concentration de la suspension empêchent l’utilisation de ce modèle dans le cadre de ce travail.

Modèle de phases couplées

Ce modèle est plus adapté pour les suspensions concentrées. En revanche, à la différence du modèle précédent, il ne tient compte que de la dissipation visqueuse, ce qui limite son application au cas où la longueur d’onde est grande devant la taille des particules (pour pouvoir négliger le phénomène de diffusion de l’onde), et nécessite aussi d’avoir un contraste de densité élevé (pour que les effets thermiques puissent être omis). La première condition est respectée dans ce travail (pour rappel, 𝜆 = 7,5 𝑐𝑚 dans l’eau à 20 𝑘𝐻𝑧, tandis que les billes sont (sub-)millimétriques).

La construction du modèle est présentée par différents auteurs (Atkinson et Kytömaa [1992]; Dukhin et Goetz [1996]; Gibson et Toksöz [1989]; Harker et Temple [1988]). Les équations finales sont susceptibles de différer d’un auteur à l’autre en fonction de l’expression utilisée pour la traînée des particules. La version présentée ici est celle proposée par Atkinson et Kytömaa [1992].

Le modèle se base sur une description eulérienne des deux phases, c’est-à-dire qu’elles sont toutes deux considérées comme un milieu continu. Pour chacune de ces phases, on écrit les équations de continuité, de conservation de la quantité de mouvement et de fermeture. En considérant une évolution spatiale 1D des variables, ces équations s’écrivent pour la phase fluide (occupant une fraction volumique 𝜀) :

𝜕𝜀𝜌𝑓 𝜕𝑡 + 𝜕𝜀𝜌𝑓𝑢𝑓 𝜕𝑥 = 0 (III.31) 𝜌𝑓𝜀 ( 𝜕𝑢𝑓 𝜕𝑡 + 𝑢𝑓 𝜕𝑢𝑓 𝜕𝑥) = − 𝜕 𝜕𝑥+ 𝐹𝑝/𝑓 (III.32) 𝜌𝑓= 𝜌𝑓(1 + 𝑝 𝒳𝑓) (III.33)

L’équation de conservation de la quantité de mouvement (III.32) ne fait pas intervenir de contraintes visqueuses au sein du fluide qui, loin des particules, est donc considéré comme parfait ; cela amène à négliger la dissipation intrinsèque au fluide. Cependant la dissipation visqueuse autour des particules va se retrouver dans le terme 𝐹𝑝/𝑓 qui désigne la force volumique appliquée par les particules au fluide. L’équation de fermeture (III.33) exprime la variation de la masse volumique du fluide en fonction de sa compressibilité 𝒳𝑓 et de la pression acoustique 𝑝.

Ces équations s’expriment de la façon suivante pour la phase solide : 𝜕(1 − 𝜀)𝜌𝑝 𝜕𝑡 + 𝜕(1 − 𝜀)𝜌𝑝𝑢𝑝 𝜕𝑥 = 0 (III.34) 𝜌𝑝(1 − 𝜀) ( 𝜕𝑢𝑝 𝜕𝑡 + 𝑢𝑝 𝜕𝑢𝑝 𝜕𝑥) = −𝐹𝑝/𝑓 (III.35)

47 𝜌𝑝 = 𝜌𝑝(1 + 𝑝 𝒳𝑝) (III.36) C’est dans le terme de force volumique que réside le cœur du modèle. Ce terme fait intervenir entre autres la force de flottabilité, la trainée visqueuse, la force de Basset (ou force d’histoire) et la force de masse ajoutée. Après linéarisation des équations (III.31) à (III.36) (sous l’hypothèse de petites oscillations), on peut retrouver une équation de Helmholtz (voir chapitre suivant) dont le nombre d’onde est donné par les équations suivantes : 𝑘2 = 𝜔2𝒳∗(𝐴 + 𝑖𝜔𝐵)𝜌 ∗+ 𝑖𝜔𝜌 𝑝𝜌𝑓𝜀 𝐴 + 𝑖𝜔𝐵 + 𝑖𝜔𝜀𝜌′ (III.37) 𝐴 = 9𝜇 2𝑟𝑝2(1 + 𝑟𝑝 𝛿) (III.38) 𝐵 = 𝜌𝑓(𝜀 2+ 9 4 𝛿 𝑟𝑝) (III.39) 𝛿 = √2𝜇/𝜌𝑓𝜔 (III.40) 𝜌∗= (1 − 𝜀)𝜌𝑝+ 𝜀𝜌𝑓 (III.41) 𝜌′ = 𝜀𝜌𝑝+ (1 − 𝜀)𝜌𝑓 (III.42) 𝒳∗ = (1 − 𝜀)𝒳𝑝+ 𝜀𝒳𝑓 (III.43)

Le paramètre 𝛿 représente l’épaisseur des couches visqueuses autour de chaque particule. Il faut noter que l’écriture de 𝐹𝑝/𝑓 suppose que ces couches ne se superposent pas ce qui se traduit par la condition suivante :

𝛿 ≪ ℎ/2 (III.44)

Où ℎ est la distance moyenne entre deux particules et s’écrit : ℎ = 𝑟𝑝1 − 𝜂

1/3

𝜂1/3 avec 𝜂 = (1 − 𝜀)/(1 − 𝜀)𝑚𝑎𝑥 (III.45)

Cette condition se traduit par : 𝜔 ≫ 𝜔𝑐𝑟𝑖𝑡 =

4𝜇 𝑟𝑝2𝜌𝑓

𝜂2/3

(1 − 𝜂1/3)2 (III.46)

Dans le cas présent, (1 − 𝜀)𝑚𝑎𝑥 valant 0,635 pour un lit dense de particules sphériques

monodisperses, on obtient au maximum 𝜔𝑐𝑟𝑖𝑡 = 145 rad.s-1 (𝜀 = 0,5, 𝑟

𝑝 = 1 mm). Ceci

valide l’utilisation de ce modèle puisque 𝜔 125000 𝑟𝑎𝑑. 𝑠−1 pour 𝑓 = 20 𝑘𝐻𝑧. Coefficients d’atténuation

Il est possible d’estimer la valeur des coefficients d’atténuation liés à la dissipation thermique et visqueuse à partir des expressions théoriques issues respectivement des travaux de He et Ni [2006] et de Dukhin et al. [1996] et présentées ci-dessous :

48 𝛼𝑡ℎ =3 (1 − 𝜀) 𝑇 𝑐 𝜌 𝐾 2 𝑟𝑝2 ( 𝛽 𝐶𝑝 𝜌 − 𝛽𝑝 𝐶𝑝𝑝 𝜌𝑝) 2 𝑅𝑒(𝐻) (III.47) 𝐻 = (( 1 1 − 𝑧 𝑖) − 𝜏 tanh(𝑧𝑝) 𝜏𝑝tanh(𝑧𝑝) − 𝑧𝑝) −1 (III.48) 𝑧𝑝 = 𝑟𝑝 (1 + 𝑖) √𝜔 𝜌𝑝 𝐶𝑝𝑝 2𝜏𝑝 (III.49) 𝑧 = 𝑟𝑝 (1 + 𝑖) √𝜔 𝜌 𝐶𝑝 2𝜏 (III.50) 𝛼𝑣𝑖𝑠𝑐 =1 − 𝜀 2 (𝑘 ( 𝜌𝑝 𝜌 − 1) 2 𝑆 𝑆2+ (𝜌𝑝 𝜌 + 𝐴) 2) (III.51) 𝑆 = 9 4 𝑏 𝑟𝑝 (1 + 1 𝑏 𝑟𝑝) (III.52) 𝐴 = 0,5 + 9 4 𝑏 𝑟𝑝 (III.53) 𝑏 = (𝜋 𝑓 𝜈 ) ,5 (III.54) Dans ces équations, l’indice 𝑝 se rapporte au solide dispersé et 0 se rapporte au fluide. On retrouve dans ces équations la conductivité thermique (𝐾), la vitesse de l’onde (𝑐), sa fréquence (𝑓) et sa pulsation (𝜔), la masse volumique (𝜌), la capacité calorifique (C𝑝), le coefficient de dilatation thermique (𝛽), le nombre d’onde (𝑘) et la viscosité cinématique (𝜈).

ii)

Ecrantage acoustique

La principale source d’atténuation des ultrasons de puissance réside dans les bulles de cavitation elles-mêmes. Ce phénomène, connu en anglais sous le nom d’« acoustic shielding », s’explique par une dissipation de l’énergie lors de l’oscillation non linéaire des bulles de cavitation. Ces oscillations sont notamment décrites par le modèle de Louisnard [2012a]. Ce modèle sera utilisé et présenté dans le chapitre suivant. Expérimentalement, cet écrantage acoustique se traduit par un plafonnement, voire une diminution des performances sonochimiques, lorsque l’on augmente la puissance d’émission (Findik et al. [2006]; van Iersel et al. [2008]; Sivakumar et Gedanken [2004]). Findik et al. [2006] observent ainsi un optimum de puissance de 0,2 𝑊 sur la gamme de puissance explorée (0,1 − 0,4 𝑊) vis-à-vis de la dégradation de l’acide acétique. Sivakumar et Gedanken [2004] constatent un phénomène similaire pour la décomposition de 𝐹𝑒(𝐶𝑂)5 avec un

49 optimum à 1,4 𝑊. 𝑚𝐿−1. van Iersel et al. [2008] mesurent quant à eux l’activité

sonochimique par suivi de l’oxydation de l’iodure de potassium (par spectrophotométrie). Il n’y a pas ici d’extremum observé, mais un palier d’activité au-delà d’une puissance d’émission de 100 𝑊. Les auteurs montrent de plus, via des observations par tomographie laser, que cette stabilisation est due à une densification du nuage de bulles avec l’intensité ultrasonore. Ils confirment par des mesures acoustiques, via un capteur piézoélectrique, que l’onde est atténuée par ces bulles, avec une diminution prononcée du signal reçu à une puissance d’émission proche de 125 𝑊. Des mesures acoustiques similaires, avec le même type de capteur, sont présentées par Tzanakis et al. [2017]. Elles mettent en évidence un signal moins intense lorsque la puissance d’émission est réglée à 100% plutôt que 50% de la capacité du générateur. Mandroyan et al. [2009] quantifient l’activité chimique des bulles de cavitation par dosimétrie Fricke et réalisent en parallèle une quantification des bulles présentes dans le réacteur par tomographie laser. Leurs conclusions sont que l’élévation de la puissance d’émission n’entraîne pas forcément une amélioration de l’activité chimique. De plus, ils remarquent qu’à une fréquence de travail de 40 𝑘𝐻𝑧, la quantité de bulles atteint un maximum pour une puissance de 70 𝑊. Ils mentionnent un phénomène similaire pour une fréquence de 20 𝑘𝐻𝑧, en précisant qu’il intervient dans ce cas à puissance plus élevée sans donner de valeur chiffrée pour cette dernière.

I.3. Etat de l’art sur les techniques de

caractérisation de l’énergie ultrasonore et