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Polarisation et susceptibilité électrique

Une bonne manière d’appréhender rapidement le processus Raman est sa description classique en terme de polarisation et susceptibilité électrique. C’est donc par là que nous allons commencer.

En effet, sous l’action d’un champ électrique extérieur (en l’occurrence, ici, celui de l’onde lumineuse incidente) une polarisation électrique est induite dans le milieu. Dans le cas de champs électriques de la lumière de faibles intensités, comme c’est le cas dans nos expériences de spectroscopie Raman2, la polarisation induite découle du champ électrique appliqué lors de l’illumination par une onde lumineuse :

P = ε0χEi (2.1)

avec ε0 la permittivité du vide3 et χ le tenseur de susceptibilité électrique d’ordre deux. En considérant que le champ électrique incident Ei peut s’exprimer sous la forme d’une onde plane :

Ei = E0cos(ki· r − ωit) = E0cos(ki· r − ωit)ei (2.2)

avec eile vecteur unitaire de polarisation de la lumière incidente tel que E0//ei, il découle de l’équation (2.1) que la polarisation électrique peut également s’exprimer sous la forme d’une onde plane :

Pi = P0cos(ki· r − ωit) = ε0χE0cos(ki· r − ωit) (2.3)

Processus de diffusion par une excitation harmonique

La susceptibilité électronique va être modulée par les fluctuations temporelles du système, comme par exemple par les fluctuations temporelles du réseau atomique, c’est à dire les vibrations du réseau, ou phonons. Je m’intéresse, dans ce qui suit, à la description classique de la diffusion Raman pour des excitations phononiques, mais notons qu’il est possible de décrire de la même manière d’autres types d’excitations.

Pour des déplacements atomiques u de faible amplitude, l’approximation de la réponse linéaire nous permet d’exprimer la susceptibilité électronique en fonction de sa dérivée pre-mière par rapport à u :

2. Un calcul rapide d’ordre de grandeur en assimilant la puissance à la norme du vecteur de Poynting nous donne une intensité de champ électrique de l’ordre du volt par mètre pour des puissances laser de l’ordre de la dizaine de milliwatts.

χ = χ 0+ ∂χ ∂u ! 0 u avec4 u = u0cos(q · r − ωt) (2.4)

En combinant les expressions des équations (2.3) et (2.4), on obtient l’expression de la polarisation électrique en fonction des fluctuations du premier ordre de la susceptibilité électrique par rapport aux petits déplacements atomiques :

P =ε0E0eiχ 0cos(ki· r − ωit) + ε0E0eiu0 2 ∂χ ∂u ! 0 cos[(ki− q) · r − (ωi− ω)t] + ε0E0eiu0 2 ∂χ ∂u ! 0 cos[(ki+ q) · r − (ωi+ ω)t] (2.5)

On peut remarquer le premier terme de l’équation (2.5), que nous noterons pour la suite PR, est indépendant de la fréquence de l’excitation phononique et ne dépend que de la fréquence de l’onde lumineuse incidente. Il s’agit du terme à l’origine de la diffusion élastique (ou diffusion Rayleigh) et qui provient du terme χ

0, donc simplement de l’illumination de la matière par un champ incident. Les deux termes suivants, que nous noterons PS et PAS, font intervenir les fluctuations temporelles de la susceptibilité électrique dûes aux vibrations du réseau et ont quant à eux des fréquences différentes de celle de l’onde incidente. Ils sont donc à l’origine de la diffusion inélastique (Raman) de la lumière par le cristal et correspondent respectivement à la création et à la destruction d’une excitation de vibration du réseau cristallin de fréquence ω et de vecteur d’onde q (processus Raman Stokes et Anti-Stokes).

Champ électrique de la lumière diffusée

Le champ électrique de l’onde diffusée, Es, dépend de cette polarisation induite. Dans ce paragraphe, je vais détailler l’obtention de l’expression du champ électrique de la lumière diffusée, lors d’un processus de création d’une excitation (q, ω), à partir du terme Stokes, PS, de la polarisation induite. Ce terme est donné en équation 2.5 et peut se réécrire :

PS(ks, ωs) = PS(ks, ωs).ei(ks.r−ωst).eP (2.6) où



ks= ki− q

ωs= ωi− ω (2.7)

4. On suppose que les déplacements atomiques peuvent s’écrire sous la forme d’une oscillation harmonique simple. Notons que toute excitation de type harmonique pourrait également correspondre à ce traitement classique, comme par exemple un magnon.

Dans la zone de l’échantillon illuminé par le faisceau laser incident, c’est à dire dans un volume V = L3 avec L la longueur de pénétration de la lumière dans l’échantillon, cette polarisation induite est non nulle5 et va générer à son tour un champ électrique dans l’échantillon que nous appellerons Eind. Ce champ a la même fréquence ωsque la polarisation induite dont il est issu. Son vecteur d’onde en revanche, que nous noterons Ks, n’est pas nécessairement le même que celui de la polarisation (ks) et la dépendance spatiale de Eind

se détermine à partir des équations de Maxwell :

rot(rot(Eind)) −η 2 sω2s c2 Eind= ω 2 s ε0c2.PS(ks, ωs)eP.ei(ks.r) (2.8) La solution de cette équation s’exprime comme la somme d’une contribution homogène solution de l’équation libre et d’une contribution particulière :

Eind= Ehei(Ks.r)+ Epei(ks.r) (2.9) La solution particulière correspond à l’onde contrôlée par la polarisation induite, PS et son vecteur d’onde est imposé par cette dernière. La partie homogène, elle, correspond physi-quement aux ondes électromagnétiques de fréquence ωs existant librement dans le matériau en l’absence de polarisation induite par la lumière incidente et vérifie :

Eh· Ks= 0 avec Ks= ηsωs

c (2.10)

En substituant l’expression (2.9) dans l’équation de Mawxell-Gauss et en résolvant l’équa-tion différentielle ainsi obtenue, on trouve :

Ep = K 2 sPS− (ks· PS)ks ε0η2 s(k2 s − K2 s) (2.11)

En posant les conditions aux limites de la zone illuminée de l’échantillon, en 0 et en L, on obtient :    Eh = Ep = 0 EheiKsL+ EpeiksL= EiKsL s (2.12)

avec Es l’amplitude du champ électrique de la lumière diffusée hors de l’échantillon. Après élimination de la partie homogène et substitution de Ep avec l’expression (2.11), on obtient l’expression du champ électrique de la lumière diffusée :

Es = Ks.PS ε0ηs(k2 s− K2 s).es. e i(ks−Ks).L− 1 (2.13) où PS correspond à la norme du terme Stokes de la polarisation induite, ηs est l’indice de réfraction du milieu sondé, L est la longueur de diffusion dans l’échantillon, et es correspond au vecteur unitaire de polarisation du champ électrique diffusé.

5. Au delà de la longueur de pénétration de la lumière dans le matériau la polarisation induite s’annule avec le champ incident.

Intensité Raman diffusée

La moyenne sur un cycle de l’intensité lumineuse de l’onde diffusée (ks, ωs) est donnée par :

Im = 2ε0sEsEs (2.14) L’intensité totale diffusée est obtenue en intégrant le champ diffusé à une fréquence donnée (équation (2.13)) sur les fréquences ωs du spectre et en sommant les contributions d’intensité pour tous les vecteurs d’onde ks présents dans les termes Stokes de la polarisation induite. Le résultat doit également être moyenné en fonction des fluctuations de l’amplitude PS6 de la polarisation induite, ce qui donne :

Is = 2ε0sX ks Z dωs Z dωs0K 2 sK20 s ε2 0η4 s hesPS(ks, ωs) · es.PS(ks, ω0s)i × e−i(ks−Ks)L− 1 ei(ks−K0 s)L− 1 (2.15)

où h...i représente la moyenne sur les fluctuations de PS. Cette moyenne est égale au produit de la moyenne à ωs fixé par une fonction de Dirac :

hesPS(ks, ωs) · es.PS(ks, ωs0)i = hesPS(ks) · es.PS(ks)iω s· δ(ωs− ωs0) (2.16) d’où Is =X ks Z dωs2cK 2 s ε20η3 s hesPS(ks) · es.PS(ks)iω s · |ei(ks−Ks)L− 1|2 (2.17) Pour simplifier l’expression (2.17), on peut utiliser la limite :

lim

L→∞

|ei(ks−Ks)L− 1|2

(ks− Ks) = 2πL δ(ks− Ks) (2.18) Dans le cas où la zone de diffusion dans l’échantillon n’est pas infinie, c’est à dire dans les cas réels, la fonction de delta de Dirac peut être remplacée par une fonction plus large spectralement mais dont la valeur en dehors de 0 reste faible tant que |ks− Ks| < 2π/L, ce qui est généralement le cas et la limite (2.18) reste en général applicable.

De plus, le passage à limite continue pour la sommation sur les vecteurs d’ondes ks de la polarisation induite s’écrit :

X ksV (2π)3 Z Z dksdΩ k2s (2.19)

avec Ω l’angle solide de diffusion.

L’intensité de la lumière diffusée (pour un processus Stokes et à une énergie ~ωs) dans un angle solide dΩ est alors donnée par :

Is = V ηsL2ε0c3 Z dΩ Z dωsω4s hes.PSs)es.PSs)i (2.20)

où V = L3 correspond au volume sondé dans l’échantillon et h...i représente la moyenne sur les fluctuations de la polarisation induite.

Le traitement détaillé de cette approche classique est donné en référence [Hayes, 2004]. Notons que cette description classique a été faite en considérant la susceptibilité électrique et non pas la polarisabilité, qui est une grandeur locale, puisque nous nous intéressons ici à la création d’un mode de vibration collectif. Bien évidemment, au niveau local, le champ électrique de l’onde lumineuse module la polarisabilité des nuages électroniques entourant les différents atomes et une description locale du processus est également envisageable.