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L'apprentissage du son des lettres

Chapitre 2. Déterminants éducatifs et cognitifs de la connaissance des lettres

2. L’apprentissage des lettres à l'école maternelle

2.2 L'apprentissage du son des lettres

Les enfants connaissent moins bien le son des lettres que leur nom (le son de six lettres à 4 ans, huit sons à 5 ans versus le nom de quatorze lettres à 4 ans), selon l'étude de Treiman et al. (1996) menée en Amérique du nord. Les enfants semblent apprendre le son des lettres en faisant appel à leur connaissance du nom des lettres, puisque les enfants sont plus capables d’apprendre les sons des lettres inclus dans les noms des lettres (comme le b et le f) que d’apprendre les sons qui ne sont pas inclus dans le nom des lettres (comme le w et le h) (Treiman et al., 1998).

Les enfants apprennent les sons inclus dans les noms des lettres (CV et VC) plus tôt que les sons qui ne se produisent pas dans le nom des lettres. Par exemple, chez les enfants anglophones, le son [h] est appris plus tard que le son des autres consonnes (Treiman et al., 1998). Par ailleurs, l’apprentissage du son des consonnes CV est plus facile que celui des consonnes VC (Bouchière et

al., 2010; Ecalle, 2004 ; Evans et al., 2006 ; McBride-Chang, 1999 ; Treiman et al., 1998). Le son dans les consonnes CV est peut être plus accessible (e.g., [b] dans /be/) que celui dans les consonnes VC (e.g., [f] dans /εf/). (Bouchière et al., 2010).

L’apprentissage du son des lettres est plus facile pour les consonnes de type CV (b, d, j, k, p, q, t, v, z) qui ont leurs sons au début de leurs noms en français (Ecalle, 2004) et en anglais (Evans et al, 2006 ; McBride-Chang, 1999 ; Treiman et al., 1998). Share (2004) a fait la comparaison entre deux groupes d’enfants israéliens accueillis en Kindergarten (cette structure accueille des enfants âgés de 5 ans en moyenne) : un groupe qui a appris l'association entre six signes et le nom de six lettres et un autre groupe qui a appris l'association entre ces signes et six mots qui ont des significations en hébreu. Les enfants des deux groupes ont suivi ensuite des séances d’entraînement d'association entre ces signes et les sons de six lettres. Les résultats ont démontré que les enfants du premier groupe qui ont appris le nom des lettres ont eu de meilleurs scores dans la connaissance du son des lettres. Par contre, l’auteur n'a pas trouvé que les lettres CV sont plus faciles à apprendre que les lettres VC comme dans les études antérieures; au contraire il a trouvé un avantage mais non significatif pour les lettres VC.

Piasta, Purpura, et Wagner (2010) ont également trouvé que les enfants qui ont reçu un enseignement du nom et du son des lettres apprennent à produire plus de sons de lettres que les enfants ne recevant que l'enseignement du son ou ceux du groupe contrôle ayant appris des nombres. Les enfants qui ont bénéficié d’un enseignement du nom et du son des lettres ont été meilleurs dans la dénomination des lettres que les enfants du groupe qui n'ont eu que l'enseignement du son. Par ailleurs, l’apprentissage du son des lettres par les jeunes enfants est plus facile quand le son de la lettre correspond au premier son d’un mot connu, d'après De Jong (2007). Les enfants ont appris le son des lettres plus rapidement dans le cas de similarité que dans la condition d'apprentissage sans similarité phonologique.

Pour vérifier le rôle de la connaissance du nom des lettres dans l'apprentissage de leur son, une étude de Levin, Shatil-Carmon & Asif-Rave (2006) a été menée auprès d’enfants israéliens de 5 ans. Dans une première phase, les enfants ont bénéficié d’un entraînement soit sur le nom soit sur le son des lettres suivi par un test de connaissance du nom et du son des lettres. Dans la deuxième phase, les enfants qui ont appris le nom des lettres sont invités à apprendre leur son et inversement pour l’autre groupe. A l’issue de la deuxième phase, les enfants ont été testés une seconde fois sur leur connaissance du nom et du son des lettres pour comparer la facilitation nom- son à celle de son-nom. Les auteurs ont trouvé que l'apprentissage du son des lettres n'est pas plus facile que celui du nom de lettres. Les enfants qui ont appris d'abord le nom des lettres n'ont pas

trouvé que l'apprentissage du son des lettres est plus facile. La facilitation nom-son a été produite seulement dans le cas des lettres CV ; par contre, les enfants ont bénéficié de leurs connaissances du son des lettres quand ils devaient apprendre les noms des lettres. Cette étude n’a pas permis d’établir un impact différencié des différentes modalités d'apprentissage (le nom d'abord ou le son) sur la connaissance du nom et du son des lettres par les enfants.

Une étude expérimentale avec des enfants brésiliens d'âge préscolaire parlant le portugais a été menée afin de déterminer si les enfants bénéficient de leurs connaissances du nom des lettres et de la conscience phonologique dans l'apprentissage des relations lettres-sons (Cardoso-Martins, Mesquita, & Ehri, 2011). Les résultats de cette étude comme celle de Treiman et al., (1998) auprès d’enfants américains ont démontré la contribution de la connaissance du nom des lettres dans l'apprentissage des sons des lettres quand leur son est inclus dans leur nom. Cependant, les résultats ont montré que tous les sons des lettres n’étaient pas aussi faciles à apprendre à partir de leurs noms. Les enfants apprenaient les sons qui se situent au début des noms mieux que ceux au milieu des noms des lettres. Apprendre les sons qui sont au milieu des noms des lettres est très difficile pour les enfants, même après dix essais d'après Cardoso-Martins et al. (2011) et indépendamment du fait qu'ils connaissent ou non les noms des lettres. Les résultats des enfants concernant la connaissance du son des lettres qui se situe au début de leur nom comme le [b] sont meilleurs que quand le son est à la fin comme le [f] d'après Treiman et al. (1998). Cette étude a montré également que l'apprentissage du son des lettres est d’autant plus difficile que le son des lettres dépend de leur association avec d’autres lettres. Les enfants qui ont participé à l’étude de Castles, Coltheart, Wilson, Valpied, & Wedgwood (2009) ont rappelé moins de 50% du son des lettres présentées malgré un entraînement intensif à la reconnaissance de huit sons pendant 18 séances. D’après les auteurs, le fait que les enfants de cette étude connaissaient peu de noms de lettres pourrait contribuer très probablement à leur difficulté à apprendre les sons des lettres.

Le nom des lettres joue un rôle dans l'apprentissage du son des lettres situé au début de leur nom même si les enfants ont des capacités phonologiques limitées (Castles et al, 2009). Ces résultats rejoignent ceux de Treiman, Pennington, Shriberg, et Boada (2008) qui ont montré qu’un grand nombre d'enfants bénéficient de leurs connaissances du nom des lettres pour apprendre les sons; d’après les auteurs, la conscience phonologique ne serait pas impliquée dans ce processus.

L'écriture inventée des jeunes enfants est peut-être la meilleure preuve que les enfants utilisent leur connaissance du nom des lettres comme un guide pour apprendre les correspondances lettres-sons. Un exemple en est donné dans l'étude de Treiman (1994) : les enfants d'âge préscolaire utilisent souvent la lettre Y, dont le nom commence par le son [w] en

anglais, pour orthographier le son [wai] (par exemple, l'orthographe "YF" pour écrire "wife"), malgré le fait que la lettre Y n'a pas ce son. Un phénomène similaire a été observé chez les lecteurs Portugais/brésilien étudiés par Pollo, Treiman, & Kessler (2008, cité par Cardoso-Martins et al., 2011). L'apprentissage du son des lettres ne serait pas accompli en une seule séance et doit être répété au fil du temps.