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L’apport du temps dans l’analyse : la complémentarité apportée par la Time- Time-Geography

1. LES DIFFERENTES APPROCHES DISCIPLINAIRES DE L’ETUDE DES MOBILITES

1.2 L’apport du temps dans l’analyse : la complémentarité apportée par la Time- Time-Geography

choix dans le cadre d’approches telles les arbres de décisions ou encore les réseaux neuronaux (par exemple, Xie et al. 2003 ; Arentze et Timmermans, 2007 ; Karlaftis et Vlahogianni, 2011) rendues aujourd’hui possible par l’amélioration des performances informatiques.

Malgré certaines critiques, il est néanmoins indéniable que ce type d’approche aura permis de populariser l’utilisation de grandes bases de données à l’échelle désagrégée et d’accentuer la prise en compte des aspects comportementaux.

1.2 L’apport du temps dans l’analyse : la complémentarité apportée par la Time-Geography

La Time-Geography se diffuse dans un contexte où les améliorations apportées dans la prise en compte des comportements restent basées sur des principes économiques. Selon les partisans de la Time-Geography, puis de l’approche « espace-temps-activités », le déplacement ne peut être compris en étant divisé en une succession étagée de choix et ne peut être pris en tant que construction « rationnelle ». Les décisions prises par les individus se doivent, par exemple, d’être rapprochées des relations qu’ils entretiennent avec les autres membres de leur ménage, et du rôle que joue chaque personne au sein de ce même ménage (Pas, 1996).

9 Une grande part de ce postulat est globalement issue de la « théorie des jeux » (Morgenstern, Von Neumann, 1953).

Première partie : vers la formalisation du lien entre mobilité quotidienne et mobilité résidentielle

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1.2.1 Des origines à la diffusion

Les origines de la Time-Geography, puis de l’approche Espace-Temps-Activités, sont intimement liées à deux auteurs : le sociologue F. S. Chapin et le géographe T. Hägerstrand. Si F. S. Chapin (1974) a contribué à identifier différents comportements de déplacement à travers le temps et l’espace, T. Hägerstrand (1970) a, quant à lui, popularisé la prise en compte simultanée de l’espace et du temps dans les analyses et a mis en évidence les contraintes s’appliquant à l’individu dans ce même espace et ce même temps.

Au milieu des années 1960, l’objectif de T. Hägerstrand est l’étude de la population d’une commune suédoise dans le but d’obtenir une meilleure compréhension du fonctionnement des mobilités quotidiennes. T. Hägerstrand réalise une enquête et cartographie la mobilité d’environ 10 000 personnes. Afin d’analyser cette importante base de données, il utilise dans son modèle le temps et l’espace de manière simultanée afin de caractériser au mieux les processus (Lenntrop, 1999).

Ce n'est réellement qu'au courant des années 1970 que les concepts de la Time Geography commencent à se diffuser, non pas seulement du fait des divers articles d’Hägerstrand, mais aussi grâce à d’autres chercheurs tels A. Pred (1977), N. J. Thrift (1977), ou encore L. D. Burns (1979), qui ont appliqué la Time-Geography au fonctionnement urbain. Ainsi, B. Lenntrop (1976) réalise une étude sur l'amélioration du service des bus de la ville de Karlstad (Suède) : il révèle comment l’amélioration de ce service peut augmenter l'accessibilité de certaines zones de la ville en fonction des divers programmes d'activités. L. D. Burns (1979) a montré la variation du prisme d’accessibilité des individus en fonction des heures de pointe et des heures creuses. De même, il a mis en avant que les individus, lors de la réalisation d’activités prévues mais pouvant être réalisées à différents moments de la journée, sont capables de choisir le moment optimal pour effectuer le déplacement.

1.2.2 Les principes de la Time-Geography

Trois grands aspects sont mis en avant par le courant de la Time-Geography : le premier aspect réside dans le fait que les déplacements d’un individu sont représentés sur un plan tridimensionnel, montrant l’évolution de cette même personne, de manière simultanée dans l’espace et dans le temps (Fig.2). Les mouvements sont effectués vers et à partir d'endroits précis (stations), où l’individu reste pour une durée variable, en lien avec son activité. Chaque lieu où l’individu a choisi de se rendre fait écho à un projet

(motivation). Une chaîne d’activités, liant les différents déplacements effectués dans

Fig.2 - Schématisation du déplacement spatio-temporel X Y Z Te m ps Maison Travail Supermarché Ecole Temps de trajet Durée de l’activité Source : Hägerstrand, 1970

Le second aspect est la prise en compte du champ des possibles en matière de déplacement au sein de l’espace-temps. Il s’agit de la matérialisation spatiale et temporelle des lieux les plus « éloignés » effectivement atteignables par l’individu à un moment donné (Fig.3). Ce champ des possibles est déterminé par un ensemble de contraintes qui vont empêcher l’individu de se rendre au delà d’une certaine distance spatiale dans un temps imparti. T. Hägerstrand (1970) a identifié trois formes de contraintes limitant cette « enveloppe spatio-temporelle » :

Les contraintes de capacités (capability constraints) limitent l’individu de manière physiologique (besoin de dormir, de manger) ou technique (temps, énergie, etc.).

Les contraintes d’interactions (coupling constraints) réfèrent au besoin d’être à un endroit particulier à un moment précis, souvent dans le but d’interagir avec d’autres individus.

Les contraintes d’autorité ou de pouvoir (authority constraints) prennent en compte des lieux qui ne sont pas autorisés d’accès par l’individu, limitant d’emblée la pratique de certains espaces (par exemple un terrain privé ou interdit d’accès).

Le troisième aspect concerne les déplacements et leur enchaînement. La construction du déplacement doit être abordée en tant qu’élément indivisible et non comme un assemblage étagé de choix : le but est ici d‘éviter la perte de l’information due

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à l’aspect séquentiel de la prise de décision dans la construction des déplacements. Cette décomposition des déplacements en une somme d’éléments provoquerait en effet l’omission de l’information justement contenue dans cet enchaînement. Ceci tend à rejoindre la célèbre Métaphysique d’Aristote stipulant que « le tout est plus que la somme des parties ».

Fig.3 - Schématisation du prisme spatio-temporel

Source : d’après Hägerstrand, 1970 X Z Y Te m p s de t ra je t A ct iv ité 2

Espace potentiellement accessible

Temps T2 Temps T1 A ct iv ité 1

La Time-Geography, puis le courant « espace-temps-activités », a ainsi permis d’aborder le déplacement au travers d’une vision complémentaire aux aspects plus économiques qui prévalaient jusqu’alors. Ce courant a mis en avant que ne pas considérer la raison d’un déplacement revient à le vider de son sens et à se positionner qu’en tant qu’observateur, c'est-à-dire sans comprendre ce qui a conduit à sa réalisation. Or, c’est cette compréhension de ces raisons des déplacements qui a pour résultante de nous interroger sur l’ensemble des contraintes d’espace et du temps s’appliquant aux individus dans l’établissement de leur mobilité. Et ce sont encore ces contraintes qui tendent à limiter l’univers des choix et à façonner la manière dont les individus s’inscrivent et peuvent s’inscrire dans l’espace.

Ce courant de pensée souffre toutefois de certaines critiques. Ainsi, la Time-Geography ne prend pas en considération les activités humaines, les processus sociaux, ni même la perception du temps (Hallin, 1991). Par ailleurs, les analyses quantitatives ainsi que les représentations de ces analyses demeurent difficiles. Toujours est-il que cette approche a fait émerger et a popularisé l'importance du temps dans les déplacements. Elle a en cela ouvert la voix aux études de « l'accessibilité » non plus forcément orientée vers les sciences de l’ingénieur (par exemple, Miller, 1991 ; Lee et McNally, 1998 ; Kwan, 1999 ; Shaw et Yub 2009), mais également vers les sciences

humaines et sociales (par exemple McQuoid et Dijst, 2012 ; Scholten et al., 2012). Selon E. I. Pas (1996) ce « basculement », plutôt récent au regard de la théorie de la Time-Geography en elle-même, a été rendu possible par l’apparition et le développement des technologies informatiques (systèmes d'information géographiques, amélioration de la capacité de calcul des ordinateurs et de stockage des données, etc.), mais aussi par un regain d’intérêt institutionnel récent vis-à-vis de l’analyse de la demande en transport et, enfin, par la multiplication d’enquêtes détaillées sur les pratiques de déplacement des ménages

2. LE TEMPS ET L’ESPACE COMME LIENS DE CONJONCTION DE LA