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Chapitre II Imagerie endoscopique panoramique multispectrale : détection,

III.3 Modélisation des interactions lumière-tissus

III.3.2 Applications de la méthode de Monte Carlo, Objectifs des travaux

Les méthodes probabilistes de simulation de type Monte Carlo (MC) permettent de traduire un problème déterministe en s’appuyant sur la loi des grands nombres. La méthode de MC est l’approche la plus largement étudiée pour simuler la propagation de la lumière dans les tissus biologiques qui constituent des milieux complexes et turbides [67] ; son principe est détaillé dans [Th8]. Brièvement, il consiste à propager un paquet d’énergie élémentaire (photon ou groupe de photons) pas à pas, avec un échantillonnage aléatoire de la longueur et de la direction des pas de déplacement, ainsi que de la proportion d’énergie absorbée dans chaque voxel élémentaire du milieu. Ces tirages aléatoires sont réalisés à partir des fonctions de distribution de probabilité qui dépendent des coefficients optiques du milieu (µa, µs, g). Le principal avantage de cette méthode est de fournir des résultats précis quelque soient les distances inter-fibres et une distribution spatiale détaillée de la fluence tout en tenant compte d’un grand nombre de paramètres tels que le spectre d’intensité de la source d’excitation, les caractéristiques de la sonde multi-fibrées (caractéristiques des fibres, géométrie de la sonde), les valeurs des coefficients locaux d’absorption et de diffusion, le caractère anisotrope de la diffusion dans les tissus, les valeurs d’indices de refraction et la présence de dioptres, etc.[116].

Wilson et al. [118] et Flock et al. [41] ont été parmi les premiers à appliquer la méthode de MC pour modéliser la propagation de la lumière dans des structures multi-couches de tissus. Entre 1992 et 1995, Wang et al. [116, 84] ont développé un code de référence “MCML” (Monte-Carlo for Multi-Layered media) largement exploité depuis pour simuler l’absorption et la diffusion de la lumière entre 350 et 1000 nm, dans différentes configurations expérimentales [37, 87], et sur différents tissus [75, 67, 111, 86]. La simulation de la fluorescence a, quant à elle, été partiellement implémentée dans quelques travaux. En 1997, Zeng et al. [123] ont simulé les interactions de fluorescence dans les tissus en 2 temps : calcul de la distribution de fluence de l’excitation à 442 nm par méthode de MC, excitation du fluorophore selon cette distribution et propagation de l’émission de fluorescence correspondante (modèle en 7 couches, bande spectrale de 470 à 750 nm). Sur le même principe, les simulations d’excitation de fluorescence à 476 nm et d’émission à 600 nm réalisées par Welch et al. en 1997 [117] ont montré que 90% de l’émission de fluorescence mesurée provient des couches du tissu jusqu’à 0.5 mm de profondeur. Müller et al. [81] ont validé en 2001 une méthode de compensation des contributions d’absorption et de diffusion tenant compte de la dimension spectrale des coefficients optiques et permettant d’obtenir un spectre de fluorescence intrinsèque du tissu. Ils précisent que cet algorithme n’est pas valide pour les fluorophores à haut rendement quantique et fortement absorbants et n’implémentent pas les émissions secondaires de fluorescence. En 2003, Liu et al. [67] ont été les premiers à décrire précisément un algorithme de simulation statistique de fluorescence avec une longueur d’onde d’excitation et une longueur d’onde d’émission. Ils ont ainsi proposé les expressions intégrables dans MCML des coefficients optiques de leur modèle en fonction de l’absorption et de la diffusion par le fluorophore et effectué une validation expérimentale rigoureuse sur fantômes avec une excitation à 460 nm et une émission à 520 nm. Chang et al en 2004 [24] ont montré grâce aux

III.3. Modélisation des interactions lumière-tissus simulations de MC que l’absorption de la lumière dans la couche épithéliale de tissus normaux et prénéoplasiques, est principalement due aux fluorophores endogènes qui la compose. Parmi les travaux récents, Ma et al. en 2007 [69] ont confirmé que la méthode de MC donnent de meilleurs résultats qu’un modèle d’approximation de la diffusion en fluorescence lorsque les fluorophores se trouvent localisés à proximité des fibres d’excitation et d’émission ou pour les petites distances inter-fibres.

Une des difficultés actuelles réside ainsi dans la simulation couplée de l’absorption, de la dif-fusion et de la fluorescence multiple (plusieurs fluorophores) dans les milieux multi-couches très diffusants et sur une large bande spectrale. Les travaux précédemment cités mettent également en évidence la nécessité de validations expérimentales rigoureuses des algorithmes de simulation développés avant leur application aux tissus biologiques. Les objectifs de nos travaux ont donc été :

– de développer une méthode de simulation de l’absorption et de l’émission spectrales de plusieurs fluorophores dans un modèle multi-couches implémentable dans un algorithme de type MCML (adapté à notre configuration expérimentale),

– d’effectuer une validation de l’algorithme ainsi développé en comparant les résultats de simulation et ceux expérimentaux de mesures en configuration de réflectance pour plusieurs distances inter-fibres et pour différents fantômes mono- et multi-couches contenant des éléments absorbants, diffusants et fluorescents.

III.3.3 Travaux réalisés et résultats obtenus

Les éléments détaillés relatifs à cette partie peuvent être trouvés dans [Th8] et [RI15] en intégralité page 223.

III.3.3.1 Algorithmes de Monte Carlo de base

L’algorithme de base développé est conforme à ceux classiquement employés dans les pro-blèmes de simulation de propagation de photons dans des tissus biologiques multi-couches [96, 116, 55]. On considère ainsi un milieu semi-infini constitué de N couches parallèles sur lequel sont posées une fibre d’excitation et plusieurs fibres de réception (diamètres, positions, indices de réfraction et ON selon la sonde mise en œuvre). Chaque couche est décrite par une épaisseur e(mm), un coefficient d’absorption µa(λ) (cm−1), un coefficient de diffusion µs(λ) (cm−1), un indice de réfraction n, et un facteur d’anisotropie g(λ).

Les photons source, avec un “poids” initial unitaire, sont injectés à partir des coordonnées d’origine de la fibre d’excitation. Chaque nouvelle direction de propagation est déterminée par un échantillonnage statistique de l’angle de déflection θ ∈ [0, π] (dont l’expression du cosinus est classiquement basée sur la fonction de phase de Henyey-Greenstein utilisée pour les tissus biologiques) et de l’angle azimuthal (angle formé avec le plan précédent) αin[0, 2π]. La distance parcourue par le photon dans la nouvelle direction est définie comme le pas variable ∆s tiré aléatoirement selon une densité de probabilité fonction des paramètres optiques de la couche tel que :

∆s = − ln ξ

µa+ µs (III.2)

avec ξ une variable aléatoire uniformément distribuée entre 0 et 1.

Après chaque pas, une partie du poids du photon est déposé à l’endroit où il se trouve puis le photon est propagé à nouveau jusqu’à ce que son poids atteigne un seuil minimum ou bien

Chapitre III. Spectroscopies optiques in vivo : identification et caractérisation tissulaire

qu’il sorte du milieu. Les poids restants des photons émergeant aux coordonnées des fibres de réception sont comptabilisés.

Depuis 2003, les principaux travaux publiés ont permis de valider des algorithmes de fluo-rescence dans le cas de modèles mono-fluorophore et/ou mono-couche [26, 74]. Liu et al [67] ont notamment défini une probabilité d’absorption de fluorescence liée au coefficient d’absorption du fluorophore µaf telle que :

p = µaf/(µa+ µaf+ µs) (III.3)

La validation expérimentale sur fantômes absorbant et diffusant s’est effectuée avec un fluo-rophore (FAD) à une seule excitation (460 nm) et une seule longueur d’onde d’émission (520 nm).

III.3.3.2 Modèle développé pour la simulation de fluorescence multiple

L’hypothèse de base fixée pour notre modèle multi-couches est que chaque couche du milieu peut contenir un ou plusieurs fluorophores répartis de façon homogène. Ensuite, notre idée est de caractériser chaque fluorophore à l’aide de 4 paramètres principaux : un coefficient d’absorption µaf(λ), un rendement quantique de fluorescence φ(λ), un spectre d’émission Sem(λ) et une valeur de concentration moléculaire.

La méthode proposée de simulation de fluorescence multiple se compose de trois étapes prin-cipales : absorption d’un photon par un fluorophore en fonction de son spectre d’absorption et de sa concentration dans le milieu, sélection d’une longueur d’onde d’émission en fonction du spectre d’émission, et enfin génération d’un photon de fluorescence dans une nouvelle direction. Tout d’abord, le pas ∆s est modifié en tenant compte du nombre de fluorophores n présents et de leurs coefficients d’absorption respectifs µafi(λ) (i ∈ [1, Nf], Nf le nombre total de fluorophore dans la couche) de sorte que :

∆s = −ln ξµ

t = −µ ln ξ

a+ Pn

i=1µafi+ µs (III.4)

avec ξ ∈ [0, 1] un nombre aléatoire généré à partir d’une distribution de probabilité uniforme. A chaque événement d’absorption, on détermine si le photon est absorbé par un chromophore ou un des fluorophore fi sur la base de leurs probabilités d’absorption respectives pabs et pfi telles que : pabs= µa µt , pfi = µafi µt et Nf X i=1 pfi + pabs+µs µt = 1 (III.5)

En fonction du tirage aléatoire (distribution uniforme) d’un nombre ξnorm ∈ [0, pabs+ Nf

X j=i+1

pfi], le photon est ainsi absorbé par :

un chromophore si 0 ≤ ξnorm< pabs, et le poids du photon est alors mis à jour conformément à la procédure habituelle avant de reprendre sa propagation,

un fluorophore fi si pabs + NXf−1 i=0 pfi ≤ ξnorm ≤ pabs + Nf X j=i+1 pfi (avec pf0 = 0, Nf ≥ 2). Dans ce cas, à partir du rendement quantique de fluorescence φ (probabilité de conversion en fluorescence), on détermine si le photon incident est converti ou non en un photon de fluorescence en effectuant un second tirage aléatoire d’un nombre ξ uniformément distribué entre 0 et 1 de sorte que :

III.3. Modélisation des interactions lumière-tissus – si φ < ξ ≤ 1, la conversion n’a pas lieu et le photon poursuit sa trajectoire après avoir

déposé une partie de son poids en référence à µafi de sorte que :

ωa= ωb    1 − µafi µa+X i µafi+ µs     (III.6)

où ωb, ωa sont les poids des photons avant et après absorption.

– si 0 ≤ ξ ≤ φ, le photon incident est entièrement absorbé et un photon de fluorescence est généré aux mêmes coordonnées dans le milieu. La première direction de propagation du photon émis est déterminée par un tirage aléatoire de l’angle de déflection θ ∈ [0, π] suivant une distribution uniforme.

Pour déterminer la longueur d’onde d’émission λj du photon de fluorescence généré en fonc-tion de la longueur d’onde d’excitafonc-tion du photon incident et du spectre d’émission Sfi

em(λ) du fluorophore concerné, nous avons tout d’abord défini la probabilité d’émission de fluorescence telle que : p[photon(λj)] = v0j) = v(λj) n X j=1 v(λj) (III.7)

où j ∈ [1, nλ] et nλ est le nombre total de points de discrétisation du spectre d’émission. Ensuite nous utilisons la fonction de distribution cumulative Cv0 telle que Cv0j) =

j X

i=1 v0i) pour déterminer la longueur d’onde d’émission de sorte que :



si ξ≤ Cv01) ⇒ émission à la longueur d’onde λ1

si Cv0j−1) < ξ ≤ Cv0j) for j ≥ 2, ⇒ émission à la longueur d’onde λj (III.8) toujours avec ξ ∈ [0, 1] à distribution uniforme.

Le modèle de fluorescence multiple dans un milieu multi-couches ainsi développé permet les effets de cascade (plusieurs événements consécutifs d’absorption – fluorescence) tout en respec-tant l’ordre des longueurs d’onde pour la génération de fluorescence (émission à une longueur d’onde supérieure).

III.3.3.3 Validation expérimentale sur fantômes

Le fonctionnement de notre algorithme a tout d’abord été testé en comparant nos résultats de simulation en absorption et diffusion sans fluorophore avec ceux de la littérature dans des configurations de paramétrage identique (coefficients optiques, épaisseur, nombre de photons. . . ). Les valeurs de réflectance diffuse moyenne et d’erreur standard obtenues sont en parfait accord avec celles publiées par Giovanelly [47], Prahl et al [96] et Wang et al [116] ce qui confirme le fonctionnement correct de notre algorithme en l’absence de fluorophore.

L’évaluation expérimentale des performances du modèle développé a été réalisée en com-parant les résultats obtenus en simulation et ceux issus des mesures sur 10 fantômes mono-et multi-couches liquides et solides de différentes complexités. Toutes les simulations ont été effectuées en lançant 40 millions de photons répartis sur 40 longueurs d’onde entre 400 et 800

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nm. L’instrumentation utilisée est celle décrite précédemment. L’écart entre les courbes de si-mulation et celles expérimentales est exprimé comme la moyenne des différences normalisées en valeur absolue telle que :

Errormean= 1 N N X i=1 Sexpi) − Ssimi) Sexpi) (III.9)

avec N le nombre de points de la courbe, Sexp(λ) et Ssim(λ) les spectres de réflectance expéri-mental et simulé respectivement.

Nous avons choisi l’encre indienne super noire comme absorbeur, les intralipides comme élé-ments diffusants et 3 fluorophores dont les spectres d’émission se chevauchent partiellement : éosine Y, fluorescéine et cryptocyanine. Les spectres d’absorption et d’émission de chaque fluo-rophore ont été caractérisés par spectrofluorimétrie dans l’éthanol et dans l’eau.

Quatre fantômes liquides ont été réalisé dans l’éthanol : chaque fluorophore seul et un mélange fluorescéine + cryptocyanine pour tester le fonctionnement de l’effet cascade. Pour les trois fantômes mono-fluorophore, l’erreur moyenne obtenue est inférieure à 2.5%. Pour le fantôme bi-fluorophores cette erreur est de 5.3% confirmant la très bonne concordance entre spectres simulés et mesurés.

Six fantômes solides (agarose et eau distillée) ont été composés comme suit : 1 mono-couche avec fluorescéine, 3 bi-couches mono-fluorophore avec fluorescéine en couche inférieure et encre ou intralipides ou encre + intralipides en couche supérieure, 1 bi-couches bi-fluorophores éosine au-dessus et fluorescéine en-dessous, 1 tri-couches bi-fluorophores encre / éosine / fluorescéine. Les différents résultats ont permis de montrer une très bonne correspondance entre les courbes simulées et expérimentales et d’interpréter les variations d’amplitude et de forme des spectres d’intensité de fluorescence rétro-diffusés, en présence de couches absorbantes et/ou diffusantes. Pour les fantômes mono-fluorophore (mono- et multi-couches) les erreurs moyennes obtenues augmentent avec le nombre de constituants du fantôme de 2.2% (fluorescéine seule) à 9.4% (éosine / fluorescéine), probablement du fait du nombre identique de photons injectés est le même quelle que soit la configuration. Pour les deux fantômes bi-fluorophores, les courbes simulées et expérimentales concordent bien également et les erreurs moyennes obtenues sont de 9.3% et 10.6% respectivement pour le bi- et le tri-couches. Les temps d’exécution vont de 6 à 34 minutes du fantôme le plus simple (mono-couche, mono-fluorophore) au plus complexe (tri-couches, bi-fluorophore).