Notation. On fixe (n, p)∈ N∗2 et on consid`ere un syst`eme lin´eaire de n ´equations `a p inconnues de la forme :
(S) :
α1,1x1 + · · · + α1,pxp =b1
... ...
αi,1x1 + · · · + αi,pxp =bi
... ...
αn,1x1 + · · · + αn,pxp =bn
,
o`u, pour tout (i, j)∈ {1, . . . , n} × {1, . . . , p},αi,j ∈K, pour tout i∈ {1, . . . , n},bi ∈K, lesp inconnues ´etantx1, . . . , xp, ´el´ements de K.
Propri´et´e. Notons M = (αi,j)1≤i≤n
1≤j≤p ∈ MK(n, p) la matrice de (S).
Ainsi (S)⇐⇒M X =B, o`uB = (bi)1≤i≤n∈Kn. Si (S) est compatible, l’ensemble des solutions de (S) est un sous-espace affine de Kp de dimension p−r, o`u r d´esigne le rang deM et dont la direction est Ker(M).
D´emonstration.
Supposons que (S) est compatible. Il existe X0 ∈Kp tel que M X0 =B.
Ainsi, (S)⇐⇒M X =M X0 ⇐⇒X−X0 ∈Ker(M)⇐⇒X ∈(X0+ Ker(M)).
Notation. SoientE etF desK-espaces vectoriels de dimensionspetn munis de bases e= (e1, . . . , ep) et f = (f1, . . . , fn). On noteu l’unique application lin´eaire de L(E, F) telle que mat(u, e, f) = M,x le vecteur de E dont les coordonn´ees dans e sontX et b le vecteur deF dont les coordonn´ees dansf sontB. Alors (S)⇐⇒u(x) =b.
Propri´et´e. L’ensemble des solutions de (S) est soit vide, soit un sous-espace affine deE de direction Ker(u).
Quatri`eme interpr´etation d’un syst`eme lin´eaire : A l’aide de formes lin´eaires.
Notons e∗ = (e∗1, . . . , e∗p) la base duale dee. Pour tout i∈ {1, . . . , n}, posons li =
p
X
j=1
αi,je∗j. Ainsi, (l1, . . . , ln) est une famille de formes lin´eaires telles que (S)⇐⇒[∀i∈ {1, . . . , n} li(x) =bi] et l’ensemble des solutions de (S) est
n
\
i=1
li−1({bi}).
C’est donc une intersection d’hyperplans affines, si pour tout i∈Nn, li 6= 0.
Propri´et´e. Si E est un K-espace vectoriel de dimension p, l’intersection der hyper-plans vectoriels de E est un sous-espace vectoriel de dimension sup´erieure `ap−r.
R´eciproquement tout sous-espace vectoriel de E de dimension p−r o`u r ≥ 1 est une intersection de r hyperplans de E, donc est caract´eris´e par un syst`eme de r ´equations lin´eaires.
D´emonstration.
Consid´erons r (avec r≥1) hyperplans de E, not´esH1, . . . , Hr.
Pour chaque i∈ {1, . . . , r}, il existe une forme lin´eaire non nulle `i telle que Hi = Ker(`i). Notons F =
r
\
i=1
Hi. Fixons une base e = (e1, . . . , ep) de E et notons `a nouveau e∗ = (e∗1, . . . , e∗p) la base duale dee.
Pour tout i∈ {1, . . . , r}, il existe (αi,j)1≤j≤p ∈Kp telle que `i =
p
X
j=1
αi,je∗j. Ainsi, pour tout x∈E,
x=
p
X
j=1
xjej ∈F ⇐⇒ ∀i∈ {1, . . . , r} li(x) = 0⇐⇒ ∀i∈ {1, . . . , r}
p
X
j=1
αi,jxj = 0.
Alors avec les notations pr´ec´edentes, F = Ker(u) et dim(F) = p−rg(u)≥ p−r, car la matrice de u poss`ede r lignes.
Pour la r´eciproque, soit F un sous-espace vectoriel de E de dimension p−r avec r≥1. Notons (fr+1, . . . , fp) une base deF, que l’on compl`ete en une base f = (f1, . . . , fp) de E. Notons f∗ = (f1∗, . . . , fp∗) la base duale def.
Six=
p
X
j=1
xjfj ∈E,x∈F ⇐⇒x1 =· · ·=xr = 0⇐⇒ ∀i∈ {1, . . . , r}, fi∗(x) = 0.
Ainsi, F est caract´eris´e par un syst`eme der ´equations lin´eaires.
De plus, en notant Hi = Ker(fi∗), [x ∈ F ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , r}, x ∈ Hi], donc F est l’intersection des r hyperplansH1, . . . , Hr.
Exemple. Dans un espace vectoriel de dimension 3 rapport´e `a une base (~ı, ~, ~k), une droite vectorielle D est caract´eris´ee par un syst`eme de 2 ´equations cart´esiennes de la forme :
−
→v = x~ı+y~+z~k ∈ D ⇐⇒
ax+by+cz = 0 a0x+b0y+c0z = 0 , o`u
a b c
,
a0 b0 c0
est une famille libre dans K3.
Propri´et´e. Soit E un espace affine de direction E et F un sous-espace affine de E dirig´e par F 6= E. On sait que F est l’intersection de r hyperplans vectoriels (o`u r = dim(E)−dim(F))H1, . . . , Hr, qui sont chacun le noyau d’une forme lin´eaire non nulle, not´eeϕ1, . . . , ϕr.
Il existeA ∈ E tel que F =A+F, donc M ∈ F ⇐⇒−−→
AM ∈F ⇐⇒(∀i∈ {1, . . . , r} ϕi(−−→
OM) =ϕi(−→
OA)).
Cette derni`ere condition constitue un syst`eme d’´equations de F.
Ainsi, tout sous-espace affine de E peut ˆetre caract´eris´e par un syst`eme d’´equations lin´eaires.
Corollaire. Tout sous-espace affine strictement inclus dans E est une intersection d’un nombre fini d’hyperplans affines.
7 D´ eterminants
7.1 Applications multilin´ eaires
D´efinition. Soient p∈N∗ et (E1, . . . , Ep) une famille de pK-espaces vectoriels.
Soient F unK-espace vectoriel et f une application de E1× · · · ×Ep dans F. f est une application p-lin´eaire si et seulement si, pour toutj ∈Np
et pour tout (a1, . . . , aj−1, aj+1, . . . , ap)∈E1× · · · ×Ej−1×Ej+1×. . .×Ep, l’application Ej −→ F
xj 7−→ f(a1, . . . , aj−1, xj, aj+1, . . . , ap) est lin´eaire.
D´efinition. Uneapplication bilin´eaire est une application 2-lin´eaire.
Notation.
— Lp(E1, . . . , Ep;F) d´esigne l’ensemble des applicationsp-lin´eaires deE1×· · ·×Ep dans F. C’est un sous-espace vectoriel deF(E1× · · · ×Ep, F).
— On note Lp(E, F) =Lp(E, . . . , E
| {z }
pfois
;F).
— Enfin, on note Lp(E) =Lp(E,K).
Les ´el´ements deLp(E) sont appel´es des formes p-lin´eaires sur E.
Exemple. L’application (R2)3 −→ R
((x, x0),(y, y0),(z, z0)) 7−→ xy0z0−2x0yz0+ 3x0yz est une forme trilin´eaire sur R2.
Notation. Pour la suite de ce paragraphe, on fixe p∈N∗ et deux K-espaces vectoriels E et F.
Propri´et´e. Soit u1, . . . , up p applications lin´eaires de E dans K. Alors l’application
u: Ep −→ K
(x1, . . . , xp) 7−→
p
Y
i=1
ui(xi) est une forme p-lin´eaire.
D´emonstration.
Soient j ∈Np et (a1, . . . , aj−1, aj+1, . . . , ap)∈Ep−1. Notons v : E −→ K
x 7−→ u(x1, . . . , xj−1, x, xj+1, . . . , xp). Pour tout x∈E,v(x) =
Y
1≤i≤p i6=j
ui(xi)
uj(x), or uj est lin´eaire, donc v est lin´eaire.
Ainsi, u est une forme p-lin´eaire.
Propri´et´e. On suppose que E est de dimension finie n ∈N∗ et on note
e = (e1, . . . , en) une base de E. Une application f de Ep dans F est p-lin´eaire si et seulement s’il existe une famille (αu)u∈Npn de vecteurs de F telle que, pour tout (x1, . . . , xp) = (
n
X
i=1
ai,jei)1≤j≤p ∈Ep, f(x1, . . . , xp) = X
u=(i1,...,ip)∈Npn
ai1,1. . . aip,pαu. D´emonstration.
• Supposons que f ∈Lp(E, F). Soit (x1, . . . , xp) = (
n
X
i=1
ai,jei)1≤j≤p ∈Ep. f(x1, . . . , xp) =f(
n
X
i=1
ai,1ei, x2, . . . , xp),
donc en utilisant la lin´earit´e selon la premi`ere variable, f(x1, . . . , xp) =
n
X
i=1
ai,1f(ei, x2, . . . , xp), puis f(x1, . . . xp) =
n
X
i=1
ai,1 n
X
j=1
aj,2f(ei, ej, x3, . . . , xp).
Le d´eveloppement dex1a n´ecessit´e l’utilisation d’une variable not´eei, puis le d´eveloppement de x2 a n´ecessit´e l’utilisation d’une seconde variable not´ee j. Pour d´evelopper x1, x2, . . ., xp, nous avons besoin de p variables. Nous allons les noter i1, i2, . . ., ip, ce qui impose de renommeri et j eni1 et i2. Ainsi,
f(x1, . . . xp) =
n
X
i1=1 n
X
i2=1
ai1,1ai2,2f(ei1, ei2, x3, . . . , xp). En poursuivant ce calcul, on ob-tientf(x1, . . . , xp) = X
u=(i1,...,ip)∈Npn
ai1,1. . . aip,pf(ei1, . . . , eip).
• R´eciproquement,Lp(E, F) ´etant unK-espace vectoriel , il suffit de montrer que pour tout u = (i1, . . . , ip) ∈ Npn, l’application
Ep −→ K (
n
X
i=1
ai,jei)1≤j≤p 7−→ ai1,1. . . aip,p est p-lin´eaire, mais il s’agit de l’application
Ep −→ K (x1, . . . , xp) 7−→
p
Y
j=1
e∗i
j(xj) , or les applications coordonn´eese∗j sont des formes lin´eaires, donc d’apr`es une propri´et´e pr´ec´edente, cette application est bien une forme p-lin´eaire.
D´efinition. Soient σ∈ Sp et f ∈Lp(E, F).
On note σ(f) : Ep −→ F
(x1, . . . , xp) 7−→ f(xσ(1), . . . , xσ(p)).
On v´erifie queσ(f) est une application p-lin´eaire de E dans F. Propri´et´e. L’application Sp×Lp(E, F) −→ Lp(E, F)
(σ, f) 7−→ σ(f) , est une op´eration du groupe (Sp,◦) sur l’ensembleLp(E, F).
D´emonstration.
Soient (σ, σ0)∈ Sp2, f ∈Lp(E, F) et (x1, . . . , xp)∈Ep. σ0(σ(f))(x1, . . . , xp) =σ(f)(xσ0(1), . . . , xσ0(p)).
Notons (y1, . . . , yp) = (xσ0(1), . . . , xσ0(p)). Ainsi, pour touti∈Np, yi =xσ0(i), donc σ0(σ(f))(x1, . . . , xp) =f(yσ(1), . . . , yσ(p)) = f(xσ0(σ(1)), . . . , xσ0(σ(p))), ce qui prouve que
∀(σ, σ0)∈ Sp2 ∀f ∈Lp(E, F) σ0(σ(f)) = (σ0σ)(f).
De plus, IdNp(f) =f, donc (σ, f)7−→σ(f) est bien une op´eration de groupe.
D´efinition. Soitf ∈Lp(E, F).f est une application p-lin´eaire sym´etrique si et seulement si pour tout σ∈ Sp, σ(f) =f.
f est une application p-lin´eaire antisym´etrique si et seulement si pour tout σ ∈ Sp,σ(f) = ε(σ)f, o`u ε(σ) d´esigne la signature de la permutation σ.
Propri´et´e. Soit f ∈Lp(E, F).
f est sym´etrique si et seulement si pour toute transpositionτ deSp, τ(f) =f. f est antisym´etrique si et seulement si pour toute transposition τ deSp, τ(f) =−f.
D´emonstration.
Supposons que pour toute transposition τ deSp, τ(f) = −f.
Soit n ∈N∗. NotonsR(n) l’assertion suivante :
pour toute famille de n transpositions (τ1, . . . , τn), (τ1◦ · · · ◦τn)(f) = (−1)nf.
Par r´ecurrence surn, il est simple de montrer queR(n) est vraie pour tout n∈N∗. Soit σ ∈ Sp. L’ensemble des transpositions engendre Sp, donc il existe un nombre fini de transpositions, not´eesτ1, . . .,τn, telles queσ =τ1◦ · · · ◦τn.
D’apr`esR(n), σ(f) = (−1)nf =ε(σ)f.
Ainsi, f est une application p-lin´eaire antisym´etrique.
La r´eciproque est simple `a prouver.
Pour d´emontrer quef est sym´etrique si et seulement si pour toute transposition τ de Sp, τ(f) =f, il suffit d’adapter la d´emonstration pr´ec´edente.
Exemples.
— L’application Kp −→ K
(x1, . . . , xp) 7−→ x1× · · · ×xp est p-lin´eaire sym´etrique.
— L’application
(K2)2 −→ K (
a b
,
c d
) 7−→ ad−bc= det(
a b
,
c d
) est une forme bilin´eaire antisym´etrique.
D´efinition. Soit f ∈ Lp(E, F). f est une application p-lin´eaire altern´ee si et seulement si elle annule toutp-uplet de vecteurs deEcontenant au moins deux vecteurs
´ egaux.
Propri´et´e. Soit f ∈Lp(E, F).
Sif est altern´ee, alors elle est antisym´etrique.
Lorsque car(K)6= 2, altern´ee⇐⇒antisym´etrique.
D´emonstration.
Pour simplifier, on se limite au cas o`u p= 2, mais le principe de la d´emonstration est valable dans le cas g´en´eral : il suffit d’adapter au prix de notations plus lourdes.
Supposons que f est altern´ee. Soitx, y ∈E.
0 =f(x+y, x+y) = f(x, x) +f(y, y) +f(x, y) +f(y, x) =f(x, y) +f(y, x), donc f(x, y) = −f(y, x).
On suppose que f est antisym´etrique et que car(K)6= 2. Soit x∈E.
f(x, x) = −f(x, x), donc (2.1K)f(x, x) = 0, or 2.1K 6= 0, donc f(x, x) = 0.
Remarque. Lorsque K est de caract´eristique 2, l’´equivalence n’est plus vraie. Par exemple l’application f : (Z/2Z)2 −→ Z/2Z d´efinie par f(x, y) = xy est dans L2(Z/2Z), mais elle n’est pas altern´ee carf(1,1) = 16= 0. Pourtant elle est sym´etrique, donc antisym´etrique, car dans K=Z/2Z, 1K =−1K.
Propri´et´e. f ∈ Lp(E, F) est altern´ee si et seulement si pour tout (x1, . . . , xp) ∈Ep, f(x1, . . . , xp) ne varie pas lorsque l’on ajoute `a l’un desxi une combinaison lin´eaire des autres xj.
Plus formellement, f est altern´ee si et seulement si
∀(x1, . . . , xp)∈E1× · · · ×Ep ∀i∈Np ∀(αj)j∈Np\{i} ∈Kp−1 f(x1, . . . , xp) = f(x1, . . . , xi−1, xi+X
j6=i
αjxj, xi+1, . . . , xp) .
Propri´et´e. f ∈Lp(E, F) est altern´ee si et seulement si l’image parf de toute famille li´ee de vecteurs est nulle.
D´emonstration.
Supposons que f est altern´ee.
Si (x1, . . . , xp) est li´e, il existe (α1, . . . , αp)∈Kp tel que
p
X
i=1
αixi = 0, avec (α1, . . . , αp)6= 0. Il existej ∈ {1, . . . , p}tel queαj 6= 0. Ainsi,xj = −1
αj X
1≤i≤p j6=i
αixi, donc f(x1, . . . , xp) =f(x1, . . . , xj−1,0, xj+1, . . . , xp) = 0.
R´eciproquement, supposons que l’image par f de toute famille li´ee de vecteurs est nulle. Tout p-uplet de vecteurs de E contenant au moins deux vecteurs ´egaux est li´e, donc son image par f est nulle. Ceci prouve que f est altern´ee.
Corollaire. SiE est de dimensionn ∈N∗ et si p > n, toute forme p-lin´eaire altern´ee surE est nulle.