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4. Résultats et analyses des données : un terrain argentin

4.3 Résultats et analyses des entretiens

4.3.1 Application de l’analyse de contenu

La gestion des entretiens des huit enseignantes a démarré avec l‟utilisation de MAXQDA (version 2018), logiciel conçu pour la recherche qualitative. Comme nous avons décidé de travailler à partir des données écrites, nous avons d‟abord transcrit les huit entretiens puis, traité les textes de manière à pouvoir procéder au codage par

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thèmes. Grâce à ce codage thématique, nous avons organisé l‟information afin de pouvoir mieux retracer la pensée enseignante.

Dans les témoignages recueillis, les informatrices ont raconté des épisodes d‟évaluation significatifs ayant marqué leurs parcours de formation, devenant le premier code retenu : biographie évaluative. Nous soutenons que ces bribes de récit de vie, loin d‟être anodins, peuvent nous renseigner à propos de la genèse des représentations mises en mots dans les entretiens. Le vécu subjectif autour des pratiques d‟évaluation pourrait conditionner, à notre avis, le rapport au métier de l‟enseignant-évaluateur. Le deuxième code choisi est celui des définitions d’évaluer sous forme de nuage de mots apparentés. Cette question s‟est avérée la plus inconfortable pour les informatrices mais celle fournissant le plus/beaucoup de matière au niveau de l‟analyse. Le fait de résumer en un mot exige, non seulement un effort de conceptualisation qui résulterait de l‟existence d‟une réflexion au préalable, mais aiderait à dévoiler les représentations cachées. Ces représentations ne sont probablement pas celles qui, à la fin, guident les actions mais sont là et jaillissent spontanément comme empreintes de la biographie évaluative. Nous avons également retenu deux codes en rapport avec les représentations et les

conceptions sur la lecture-compréhension en FLE à l‟université, et sur l‟évaluation de

cette modalité de lecture au sens large. Nous faisons la différence entre représentations et conceptions car, pour nous, ces dernières ont trait à la réflexion du sujet sur ses représentations alors que celles-ci sont à repérer par le chercheur. La mise en regard des représentations et des conceptions sur les domaines de la lecture-compréhension et de l‟évaluation peuvent nous fournir des éléments d‟analyse concurrents et divergents dans le sens où, par exemple, une idée exprimée à propos de la lecture peut s‟inscrire dans une même ligne de pensée ou bien entrer en conflit avec une autre énoncée au sujet de l‟évaluation. Ce qui vient d‟être dit pour le champ représentationnel a également été appliqué aux choix méthodologiques décrits par les informatrices. Les exemples d‟actions méthodologiques effectives témoignés par les répondantes nous ont permis de croiser à nouveaux les données afin de dresser un profil plus complet. Les codes retenus après traitement sont ceux qui figurent dans le Tableau 9.

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Codes retenus

Exemples

Biographie évaluative

« l’expérience d’évaluation à la française que j’ai faite quand j’ai commencé le DEUG, ce qu’on appelait le DEUG et la licence, elle a été très MARQUANTE parce que c’était une évaluation où il y avait la RÉFLEXION » Ana [R1 : S003].

Définition d’évaluer « évaluer est en rapport avec l’obligation, obliger, euh » Delfina [R6 :

S184].

Représentations/conceptions sur l’évaluation

« Il y a des moments pour faire une évaluation formative et il y a des moments pour faire une évaluation sommative » Sofía [R3 : 080].

Représentations/conceptions sur la lecture-compréhension

« la compréhension c’est l’interprétation et pour moi, le plus important, c’est comment ils interprètent, pas comment ils comprennent le texte » Nadia [R7 : S243].

Choix méthodologiques « en général, je ne cherche pas à évaluer des questions relatives euh au

lexique, au vocabulaire ou à la grammaire » Tamara [R2 : 041].

Tableau 9 : Codes retenus pour l'analyse de contenu

Le logiciel MAXQDA a été également employé pour calculer la fréquence de mots. Pour établir les listes des termes pertinents, nous nous sommes basée sur les questions de recherche. Ce sont ces questions qui nous ont guidés pour construire la liste d‟inclusion (contenant les mots à analyser) de chaque informatrice à partir de laquelle le logiciel opère ce calcul. Une fois ces listes obtenues, la fonctionnalité « nuage de mots » nous a permis de créer une image des mots les plus représentatifs de chaque répondante. Grâce à cette représentation visuelle rapide, nous avons obtenu une sorte de carte mentale de chaque enseignante.

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Figure 3 : Nuage de mots de Sofía Figure 4 : Nuage de mots de Flora

Figure 5 : Nuage de mots de Virginia Figure 6 : Nuage de mots de Delfina

Figure 7 : Nuage de mots de Nadia Figure 8 : Nuage de mots de Julia

A la lecture de ces nuages de mots, il apparaîtrait que les focalisations des enseignantes sont très variées. Elles peuvent néanmoins être classées, grosso modo, comme suit :

 Centration sur l‟apprenant (Ana, Virginia)

 Centration sur le processus d‟évaluation (Tamara, Delfina)

 Centration sur les textes et les consignes (Julia, Nadia)

 Centration sur l‟enseignant et sur les instruments (Flora)

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Le repérage de ces tendances a fourni des pistes intéressantes qui seront reprises et croisées avec les verbalisations des informatrices lors des analyses. Par ailleurs, le croisement de mots relatifs à évaluer, prononcés par les huit enseignantes lors du réseau associatif, nous a permis de construire également ce nuage. Les termes les plus fréquents sont : « mesurer » (trois fois) et « contrôler » (deux fois). Les trente-six mots ou énoncés restants n‟apparaissent qu‟une seule fois (Figure 9).

Figure 7 : Nuage global autour du mot "évaluer"

Même si la fréquence de ces deux verbes n‟est pas élevée, elle est assez éloquente car elle montre une tendance qui sera confirmée par les deux champs sémantiques constitués par les trente-huit occurrences. Nous avons observé, d‟une part, que soixante pour cent des mots prononcés ont une orientation plutôt docimologique (« comparer », « mettre des notes ») et que les quarante pour cent restant affichent une orientation vers l‟herméneutique25

(« observer », « faire marche arrière ») (voir tableau en Annexe 20). Avant de passer à l‟analyse des entretiens, nous voulons exposer également quelques résultats concernant les cas de translanguaging, alternance des langues chez les bilingues à des fins de communication (García et al., 2016 : 2), repérés dans les verbalisations des répondantes. Suivant une approche positive à la diversité langagière, une attitude flexible envers les cas de translanguaging des interviewées non seulement privilégie la sécurisation linguistique et le respect des ancrages identitaires, mais

25 Rappelons que les distinctions ne sont pas aussi tranchantes mais, que pour des raisons de clarté, nous

les présentons comme des tendances vers ces deux pôles. Pour une analyse plus détaillée voir Première partie, Chapitre 2.

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favoriserait la mobilisation de toutes les ressources langagières disponibles pour exprimer la pensée et faciliter son appréhension. Ces phénomènes sont synthétisés dans le Tableau 10 :

Phénomène

Entretien en français mots en

espagnol

Entretien en espagnol mots en français

Mots dont la traduction ne représente pas exactement la

même réalité

‘posgrado’ (Ana) ; ‘módulo de lectura’ (Nadia)

Mots appartenant au jargon de l’éducation dont la traduction freinerait le fil du

discours

‘parciales’, ‘trabajos prácticos’ (Nadia) ; ‘promovido’, ‘dévolución’ (Tamara)

‘corrigé’ (Julia) ; ‘écoute’ (Flora)

Expressions exprimant mieux l’idée dans la langue cible

‘décortiquer la langue’ (Julia)

Rappel de consigne de travail ‘élaborez le circuit de production-réception’

Récit d’une anecdote

Passage à l'espagnol pour raconter une anecdote et pour décrire des faits interculturels, des

comparaisons entre la culture française et la culture argentine. (Virginia)

Tableau 10 : Occurrences de translanguaging observées

Pour les entretiens réalisés en français, soit dans la L2 de toutes les enseignantes, le passage à l‟espagnol a lieu dans deux cas bien distincts. Il s‟agit, d‟un côté, des mots du métier de l‟enseignement („parciales‟, „promovido‟) et, d‟un autre côté, du récit d‟une anecdote justement sur un problème de traduction. Il faut ajouter un mot qui pose souvent des problèmes pour les hispanophones concernant la division scolaire de l‟année. Comme en Argentine chacune des deux périodes a une durée approximative de quatre mois, deux informatrices ont employé « quatrimestre » (et non pas quadrimestre,

ni semestre), mot inexistant en français mais similaire au mot cuatrimestre utilisé dans

le cadre scolaire argentin. Pour les entretiens effectués en espagnol, on constate l‟émergence également de mots du métier tels que „corrigé‟ et „écoute‟, ainsi que la verbalisation d‟une consigne typique en lecture-compréhension portant sur le circuit de

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production-réception d‟un texte. Ces résultats seront récupérés lors des analyses dans la mesure où ils apporteraient des éléments permettant de mieux cerner les représentations des interviewées sur le sujet de notre recherche.