FIGURE 1.8 – Exemples de forme de feuille (Hasim et al.,2016).
(Efroni et al., 2010). L’initium foliaire (le bombement du tissu pr´ealable `a l’apparition de
l’or-gane) apparaˆıt `a la ZP du m´erist`eme. Avant son apparition, nous observons une concentration
locale de l’hormone auxine l`a o`u il ´emergera. Cette hormone est fabriqu´ee par les cellules. Il
est en outre connu que l’auxine dans le m´erist`eme acc´el`ere localement la croissance du tissu
(Maugarny-Cal`es, 2017). Cette hormone peut aussi ˆetre transport´ee dans le tissu. Notamment,
la prot´eine Peptidyl-prolyl cis-trans isomerase NIMA-interacting1 (PIN1) est un transporteur
d’efflux de l’auxine situ´e `a la membrane cellulaire (Huang et al., 2010) (Figure 1.9B) : elle
pompe l’hormone de l’int´erieur de la cellule vers l’ext´erieur. Dans le m´erist`eme,PIN1est
pola-ris´ee : elle est localis´ee dans une cellule vers les maxima d’auxine dans son voisinage (Luichtl
et al.,2013) (Figure1.9C).
Les maxima d’auxine n’apparaissent pas al´eatoirement sur le m´erist`eme. Tout d’abord, ils
´emergent successivement. Ensuite, un nouveau maximum d’auxine apparaˆıt toujours dans la ZP.
De plus, il apparaˆıt toujours dans la r´egion qui est la plus ´eloign´ee des maxima qui l’ont pr´ec´ed´e,
ce qui sugg`ere qu’il existe une r´egion d’inhibition dans son voisinage dans laquelle aucun autre
maximum ne peut apparaˆıtre. Chez Arabidopsis thaliana, le nouveau maximum forme avec le
centre du m´erist`eme et le maximum pr´ec´edent un angle de137.5◦ (voir Figure 1.9A). Ensuite,
au fur et `a mesure que les cellules de la ZP se divisent, le maximum d’auxine est repouss´e vers
l’ext´erieur du m´erist`eme, laissant ainsi la place dans la ZP pour qu’un nouvel organe apparaisse.
Ce processus a ´et´e reproduit `a l’aide d’un mod`ele physique (Douady and Couder, 1992) (voir
Figure 1.9D). Dans ce dispositif, des billes charg´ees magn´etiquement pour se repousser (cela
reproduit la zone d’inhibition introduite plus haut) sont d´epos´ees sur une surface entour´ee d’un
bord magn´etique qui les attire. En faisant varier la vitesse de d´epˆot des billes, les auteurs ont pu
reproduire diff´erents motifs phyllotaxiques, notamment les spirales observ´ees dans la nature.
FIGURE 1.9 – M´ecanisme d’apparitions de primordia sur un m´erist`eme. (A,B, E et F : plante
d’Arabidopsis thaliana). (A) Une micrographie ´electronique `a balayage d’un m´erist`eme qui
montre la zone centrale ZC, la zone p´eriph´erique ZP, des initia et des primordia. (B)
Localisa-tion subcellulaire dePIN1 : GFPdans les cellules ´epidermiques `a l’apex. Les fl`eches blanches
indiquent la polarit´e de PIN1 : GFP dans les cellules ´epidermiques de l’apex (Huang et al.,
2010). (C) Couche ´epidermique de type sauvage (Luichtl et al.,2013). Les sch´emas de la
pa-roi cellulaire et de la localisation dePIN1 ainsi que le flux d’auxine sont pr´esent´es. (D) Trois
photographies de simulation exp´erimentale d’un mod`ele physique de phyllotaxie (Douady and
Couder, 1992). (E-F) Fronti`eres entre les primordia et le m´erist`eme form´ees par des cellules
allong´ees (Burian et al., 2013). (E) Une micrographie ´electronique `a balayage qui montre les
r´egions fronti`eres entre le m´erist`eme et les primordia. (F) Carte de courbures `a la surface du
m´erist`eme.
2.2 La feuille au stade pr´ecoce
A son apparition, l’initium est compos´e d’un petit nombre de cellules et a une forme simple.
Ces cellules vont continuer `a se diviser activement et l’initium se d´eveloppe en un
primor-dium, c’est-`a-dire l’organe au stade le plus pr´ecoce. `A cette ´etape, les primordia commence
`a ce s´eparer les uns des autres et des zones fronti`eres commence `a se former. Ces zones sont
form´ees de cellules allong´ees dans le sens orthogonal `a l’axe principal de croissance du
primor-dium (Burian et al.,2013) (Figures1.9E et1.9F).
Les g`enes de la famille CUP-SHAPED COTYLEDON 1, 2 et 3 (CUC1-3) sont
indispen-sables `a la mise en place des zones fronti`eres. Il faut noter que CUC1 et CUC2 font tous
deux partie de la famille des g`enes NO-APICAL-MERISTEM (NAM), ce qui n’est pas le cas
de CUC3. Chez Arabidopsis thaliana, CUC3 est significativement exprim´e dans les cellules
des zones fronti`eres, et participe ´egalement au processus de s´eparation entre les organes et le
m´erist`eme (Burian et al.,2013). Des mutants dans lesquels ces g`enes sont affect´es ont ´et´e isol´es
chez plusieurs esp`eces, notammentArabidopsis thaliana(Mayer et al.,1991;Barton and
Poe-thig, 1993;Jurgens et al., 1994) et Petunia(Souer et al., 1984). ChezArabidopsis thaliana, le
double mutantcuc1-cuc2est d´epourvu de cotyl´edons et de m´erist`eme (Mayer et al.,1991), donc
il n’y a pas de d´eveloppement de feuilles. Des plantes portants des all`eles faibles de ces g`enes,
donc dans lesquels les g`enes sont exprim´es plus faiblement, chez Arabidopsis thaliana ou le
p´etunia, d´eveloppent des cotyl´edons fusionn´es en forme de coupe (Meyerowitz, 1994) (c’est
d’ailleurs de l`a que les g`enesCUCtiennent leur nom). Quand ils d´eveloppent des feuilles, elles
sont peu ou pas dentel´ees (moins de dents, moins de lobes). Au contraire, dans des plantes o`u
ces g`enes sont sur-exprim´es, les dentelures sont plus prononc´ees. Ces r´esultats indiquent donc
que les g`enesNAM/CUC sont ´egalement importants pour le d´eveloppement des dentelures des
feuilles. Nous reviendrons sur ces mutations dans la Section2.4.
2.3 Formation des nervures
Les motifs des nervures foliaires fascinent depuis longtemps les scientifiques. Ce syst`eme
est form´e d’un r´eseau continu de faisceaux vasculaires, compos´es principalement de deux tissus,
lexyl`emeet lephlo`eme, qui transportent respectivement la s´eve brute (eau et sels min´eraux) et
la s`eve ´elabor´ee (produits de la photosynth`ese), (Evert et al.,2006). `A l’initiation d’une feuille,
dans la Figure 1.10A-F, des files de cellules montre une expression importante de DR5. Ces
cellules sont `a l’origine de la formation des nervures.
Il a ´et´e montr´e que l’auxine et son transport polaris´eviala prot´einePIN1jouent un rˆole dans
la sp´ecification des cellules sous-´epidermiques de la feuille qui se diff´erencieront en cellules du
r´eseau vasculaire. La Figure1.10 montre dans de jeunes primordia les motifs en formation des
files de cellules qui formeront les futures veines et qui sont marqu´ees pr´ecocement par PIN1
(Figure1.10).
La forme de la feuille et les motifs des r´eseaux de veines ne sont pas ind´ependants. Par
exemple sur la Figure 1.11, les principales veines marquent aussi les principales dentelures.
Comme nous le verrons plus loin, des mod`eles expliquant la mise en place de la forme de la
feuille en lien avec la formation des nervures ont ´et´e propos´es (Section5.4).
FIGURE1.10 – Apparition des nervures (Scarpella et al.,2006). (A-C) Marqueur de la prot´eine
PIN1. (D-F) Marqueur de la diff´erentiation de cellules. On remarque que le signalPIN1pr´ec`ede
la diff´erentiation puisque par exemple la boucle lat´erale (`a gauche) visible en A n’est pas encore
visible en D.
2.4 Formation des dentelures
La formation des dentelures `a la marge foliaire est le r´esultat d’une croissance diff´erentielle
sur le contour, c’est-`a-dire d’un m´elange d’acc´el´eration et de r´epression locales de la croissance
FIGURE1.11 – Les diff´erents traits qui caract´erisent une feuille (Cope et al.,2012).
du tissu (Malinowski,2013;Vlad et al.,2014). Ces dentelures apparaissent de fac¸on s´equentielle
sur le contour : sur la Figure1.7C qui montre par exemple l’´evolution de la forme de la onzi`eme
feuille de la rosette chez la plante mod`ele Arabidopsis thaliana (voir Section 1.3.1), les
nou-velles dents apparaissent les unes apr`es les autres `a la base de la feuille (donc du cˆot´e du p´etiole).
Dans le cas des feuilles simples d’Arabidopsis, les g`enesCUC2etCUC3qui interviennent
au niveau du m´erist`eme pour s´eparer les organes (Section 2.2) sont aussi exprim´es dans les
creux des dents (Hasson et al.,2011). Ces g`enes r´epriment localement la croissance du tissu et
donc contrˆolent la profondeur des dents (Nikovics et al.,2006) (Figure1.12A). Dans le cas des
feuilles compos´ees (la feuille de tomate ou de l’ancolie par exemple) les mˆemes g`enes sont
ex-prim´es aux creux des folioles, ce qui permet leur s´eparation (Brand et al.,2007)(Figure1.12B).
En ce concerne l’hormone auxine, elle permet l’acc´el´eration locale de la croissance du tissu
(Hay, 2006;Kawamura et al.,2010) et donc contrˆole la hauteur de la dent. Comme mentionn´e
pr´ec´edemment (Section2.1), c’est cette hormone qui pr´edit pr´ecocement dans le m´erist`eme les
endroits o`u les initia d’organe apparaˆıtront et elle a un rˆole identique `a la marge de la feuille
en marquant les sites de formation des dents. En conclusion, il apparaˆıt que les g`enes exprim´es
lors de l’apparition et la s´eparation des feuilles sur le m´erist`eme jouent ´egalement des rˆoles
similaires dans le processus d’apparition des dents `a la marge des feuilles.
Dans le document
Quantification et modélisation de la morphogenèse foliaire
(Page 38-43)