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Aperçu de pays : La Mauritanie

CHAPITRE 2: Les causes structurelles et immédiates et les facteurs d’entretien

2.3 Aperçu de pays : La Mauritanie

En plus des facteurs liés à sa situation géographique de pays sahélien, la Mauritanie partage des caractéristiques communes avec le Mali et d’autres pays du Sahel, comme examiné ci-après. Ces caractéristiques apparaissent clairement dans les causes structurelles des conflits armés et de l’insécurité découlant des conséquences qui se produisent dans ses voisins sahéliens.

Le contexte de la Mauritanie

La Mauritanie est devenue un intervenant important des évolutions politiques et sécuritaires du Sahel. Aux niveaux géographique, ethnique, culturel, politique et diplomatique, elle occupe une position unique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. Elle partage des frontières avec l’Algérie et le Sahara occidental au nord, avec le Mali (régions d’Hodh Charghi et d’Hodh El Gharbi) à l’est et au sud-est et avec le Sénégal au sud-ouest. En raison de cette position unique, la Mauritanie doit affronter différents défis d’ordre sociopolitique. Sa grande étendue et les milliers de kilomètres de frontières qu’elle partage avec le Mali et l’Algérie l’exposent aux effets des conflits armés et des situations d’insécurité qui marquent la région, y compris à des afflux de réfugiés et aux activités de groupes irrédentistes.

Sur le plan politique, la Mauritanie a été dominée par des coups d’État et par des régimes militaires autoritaires. Hormis une courte période de 17 mois, en 2007-2008, pendant laquelle elle a connu un régime démocratique, la Mauritanie n’a cessé d’être gouvernée depuis 1978 par des officiers ayant pris le pouvoir à l’issue de coups de

30 République du Mali, Livre blanc sur le ‘Problème du Nord’ du Mali, Bamako : publication officielle de la Répu-blique du Mali, décembre 1994 ; se reporter également à l’accord d’Alger à l’adresse :http ://saadlounes.a.s.f.un-blog.fr/files/2010/05/accordsdalgerjuillet2006.pdf (visité le 22 août 2014).

31 Tiébilé Dramé, « La situation politique et sécuritaire, un an après le coup d’État du 22 mars 2013 ». Allocu-tion prononcée le 20 mars 2013 à l’hôtel Laïco El Farouk de Bamako. Disponible à : l’adresse http ://www.ma-liweb.net/politique/la-situation-politique-et-securitaire-un-an-apres-le-coup-detat-du-22-mars-2013-136474.

html (visité le 27 août 2014).

force. Elle est probablement le pays qui a connu le nombre le plus élevé de putschs, de putschs manqués et de complots pour la prise du pouvoir en Afrique de l’Ouest32. Le pays compte une population estimée à 3,1 millions de personnes, dont environ 59 % vivent dans des zones rurales. Cette population se compose en grande partie d’enfants de moins de 14 ans (44,5 %). Les personnes de plus de 64 ans ne représentent que 3,6 % de la population. C’est à dire que, pratiquement, seulement environ 52 % de la population (groupe d’âge de 14 à 64 ans) constitue une population active potentielle33. Le sous-sol de la Mauritanie est richement doté en minerai de fer, en or et en cuivre.

La pêche occupe une place importante et le pays a un potentiel agricole immense.

Son économie repose essentiellement sur trois domaines. Les activités du secteur primaire comprennent surtout la culture de céréales (mil, sorgho, riz non décortiqué, maïs, blé, orge), l’élevage (bovins, chameaux, caprins et ovins) et la pêche. Le secteur secondaire est constitué presque entièrement d’industries extractives (pétrole, or, cuivre, fer) et les transports et les communications prédominent dans le secteur tertiaire. L’industrie minière est le premier moteur de la croissance économique de la Mauritanie contemporaine. Il représente 20 % du PIB et domine entièrement le secteur secondaire, dont la contribution au PIB est de 24,8 %. Depuis 2009, la Société nationale des industries minières (SNIM) poursuit un programme de développement et de modernisation pour accroître la production nationale. C’est ainsi que la production de minerai de fer est passée de 11,417 millions de tonnes en 2010 à 11,975 millions de tonnes en 201334.

Le paysage politique de la Mauritanie est déterminé en grande partie par la composition sociale du pays et les défis qui en découlent. Les Mauritaniens sont tous musulmans et se répartissent entre Maures Noirs métissés (40 %), Maures (30 %) et Noirs (30 %)35. Deux groupes sont dominants au plan culturel : les Arabo-Berbères, à la peau claire, et les Négro-Africains. Le pays a connu des tensions politiques et sociales attisées par des divisions ethniques, par le monopole des Arabo-Berbères au sein de l’administration, par les effets latents de l’esclavage et par la volatilité politique (surtout entre 1989 et 1992). Une évolution sociopolitique importante a été l’émergence des Haratines en tant que force sociale et politique potentielle, dont les leaders combattent les formes actuelles de l’esclavage ainsi que les vestiges qui en subsistent au sein de la société mauritanienne36.

Causes structurelles des conflits armés et de l’insécurité

L’État postcolonial : L’insécurité ressentie par la majorité des Mauritaniens a trait aux conséquences d’une pauvreté très répandue et à la non-satisfaction de besoins

32 Boubacar N’Diaye, «The Legacy of Mauritania’s Colonels : West Africa’s Next Crisis?» article non publié sous revue.

33 Direction du Travail, Ministère de l’emploi, Office national de la statistique, Ministère des affaires écono-miques et du développement, Bureau international du Travail, Mauritanie – Enquête de référence nationale sur l’emploi et le secteur informel 2013 (ENRE-SI), Nouakchott, Catalogue de données MRT-ENRE-SI-2013-V01, octobre 2014, 47 p., (réédition).

34 République islamique de Mauritanie (RIM), Rapport macroéconomique 2013 et prévisions 2014-2015, Nouakchott, Ministère des affaires économiques et du développement, rkapport de la Direction générale de la politique économique et des stratégies du développement, Direction de la prévision et de l’analyse écono-miques, février, 2014, p.8.

35 Voir http ://countrystudies.net/Mauritania.

36 Voir http ://fr.alakhbar.info/6616-0-MANIFESTE-Pour-les-droits-des-Haratines-au-sein-dune-Mauritanie -unie.html (visité le 09/02/2014).

essentiels. Elle est également nourrie par le manque de réactivité de l’État postcolonial et par l’absence de sécurité physique et psychologique, qui prévalent dans une grande partie du Sahel en raison du terrorisme et du radicalisme. Au moment de son indépendance, la Mauritanie a souffert de l’absence complète d’infrastructures administratives, institutionnelles et sociales dont elle avait besoin pour progresser sur la voie de la cohésion nationale et d’une gouvernance soucieuse des impératifs de la population.

Les politiques de l’identité : La division entre Arabo-Berbères et Négro-Africains constitue une importante ligne de fracture en Mauritanie. Elle a été exacerbée par l’incapacité des dirigeants de l’ère postcoloniale immédiate de façonner une identité nationale. Les politiques adoptées, qui visaient à bâtir une identité exclusivement arabe, n’ont pas manqué de susciter des sentiments d’anxiété et de crainte au sein d’une grande partie de la population non arabe. Cet écart entre la composante noire de la population, ou du moins une grande partie de celle-ci, et l’État constitue une source d’insécurité indéniable en raison de l’imprévisibilité des conséquences du moindre incident.

Stress environnemental : Une partie importante de la Mauritanie est désertique et connaît un manque chronique de pluies, ce qui expose l’activité agricole dans le nord du pays et sur les terres agricoles dans le sud du pays aux caprices de la nature et rend la production aléatoire. Depuis 1968, la Mauritanie est touchée par des sécheresses récurrentes qui ont réduit son cheptel et soumis une grande partie de ses populations, tant nomades que sédentaires, à des situations de famine et de malnutrition chronique. La diminution de l’étendue des pacages a ajouté aux causes de l’insécurité, déclenchant des crises très graves et des conflits entre les communautés, à l’intérieur de la Mauritanie et au-delà de ses frontières.

Environnement géopolitique : Située dans un milieu marqué par des conflits, la Mauritanie a subi les contrecoups de décennies de tensions et de rivalités entre le Maroc et l’Algérie à propos du Sahara occidental. Le pays doit contrôler plus de 5 000 km de frontières terrestres, en plus de 750 km de côtes sur l’Atlantique. Compte tenu de l’intensité des trafics de toutes sortes et de l’atmosphère de violence et d’incertitude qui règnent dans la région sahélienne/ouest-africaine, l’exercice d’un tel contrôle lui pose des défis qui sont d’autant plus redoutables que ses capacités administratives sont limitées. Les frontières de la Mauritanie avec le Mali sont particulièrement poreuses, ce qui permet à des groupes armés et à des trafiquants de se livrer à leurs activités sur de grandes étendues de terre entre le Mali, la Mauritanie et l’Algérie.

Causes immédiates et facteurs d’entretien des conflits armés et de l’insécurité

Un passé militaire et autocratique : L’existence depuis plus de 30 ans de régimes prétoriens en Mauritanie a été une source majeure d’insécurité. Ce pays a connu un régime à parti unique, suivi de régimes militaires dont les politiques répressives et les actes de gestion fautive ont été encore plus fortement décriés que ceux qu’on reprochait au régime civil. Depuis 1978, hormis une période de démocratie de 17 mois (d’avril 2007 à août 2008), issue des seules élections qu’il est probablement

permis de qualifier de « libres et équitables » au cours des 54 ans de son histoire, la Mauritanie a été gouvernée par une succession de régimes militaires répressifs 37. Fautes de gestion économique délibérées : Malgré un taux de croissance annuel moyen de 5 % du PIB depuis plusieurs années, la Mauritanie a paradoxalement maintenu son chômage à un taux dangereusement élevé. Ce taux était de 30 % en 2008, en hausse de 10 % par rapport à 2004. Et en dépit d’un net accroissement des activités économiques et du PIB par habitant, la pauvreté s’y est aggravée par suite d’une corruption très répandue, de la falsification officielle des données économiques, et de fortes augmentations des inégalités entre groupes38. Tout cela a contribué à intensifier les tensions entre groupes et l’insécurité.

Activités terroristes : La guerre civile en Algérie et ses séquelles (sous la forme d’actes de terrorisme) ont directement influé sur la sécurité en Mauritanie. Le pays a subi une succession d’attentats par des groupes terroristes armés. En avril 2005, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, groupe terroriste algérien, qui deviendra plus tard l’organisation Al- Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), a attaqué un poste de l’armée isolé à Lemgheity, dans le nord de la Mauritanie, tuant 15 soldats et s’emparant de matériel militaire. Cet attentat a été suivi de plusieurs autres attaques, y compris un assaut contre le palais présidentiel en 2010 et une fusillade en plein jour entre une cellule terroriste et les forces de sécurité à Nouakchott39.