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Section 4 – Le modèle de persuasion adapté au cas du prospectus

2. Les antécédents du capital de la marque

Le capital-marque se définit comme « l'effet différentiel de la connaissance de la marque sur la réponse du consommateur au mix de la marque » (Keller, 2003, p. 60). L’exploration du média prospectus poursuivie au Chapitre 3 justifie d’apprécier les effets de la communication promotionnelle sur ses deux antécédents : l’attention à la marque (A) et les facettes particulières de son image (B). De manière plus indirecte, parce qu’elle est associée à une expérience affective (C), la consultation du prospectus pourrait améliorer la préférence du consommateur pour la marque par simple effet de transfert affectif.

A. L’attention à la marque

L’attention à la marque reflète l’accessibilité du nœud de la marque dans l’esprit des consommateurs (Keller, 2003, p. 67).

La revue des travaux conduits sur le média prospectus est la première à suggérer, sans toutefois le montrer explicitement, que le prospectus est une source d’information précieuse pour guider le choix du consommateur (Moriarty, 1983 ; Neslin et alii, 1987), notamment du fait de son influence sur la visibilité du produit (Bolton, 1989 ; Srinivasan et alii, 1995 ; Chandon, 1997, p. 26). Ce faisant, la revue de littérature conforte implicitement l’effectivité de l’influence de la communication promotionnelle en prospectus sur l’attention aux marques qui y figurent.

Chapitre 3 – L’exploration du prospectus

Cette pertinence se trouve confirmée par les deux phases qualitatives. L’interrogation des professionnels montrent en effet que les industriels conçoivent le prospectus comme un média de communication susceptible d’activer les marques, de les garder à l’esprit des consommateurs et de conforter finalement l’attention dont elles bénéficient.

Les entretiens semi-directifs conduits auprès des consommateurs vont dans le même sens. En mettant en évidence des bénéfices d’exploration et de divertissement, ils prouvent que les consommateurs consultent les prospectus indépendamment de toute intention d’achat. Cette consultation vise à identifier les marques, leurs caractéristiques et niveau de prix, ou plus simplement à occuper le temps. L’effet d’exposition associé à ce type de consultation peut favoriser la connaissance des marques, leur familiarité perçue et leur entrée dans l’ensemble de considération des consommateurs.

Pour ces différentes raisons, l’attention à la marque constitue donc la première variable dépendante de notre modèle conceptuel.

B. Les facettes de l’image de la marque

L’image de la marque reflète l’ensemble des associations, fonctionnelles ou symboliques, qui enveloppent une marque dans l’esprit des consommateurs (Keller, 1993).

Jusqu’ici les rares recherches à avoir envisagé les effets de la promotion des ventes sur l’image de la marque ont porté sur les associations fonctionnelles de l’image (e.g., la qualité perçue du produit ou le rapport qualité-prix). La crainte de dégrader l’image de qualité des marques n’est pas flagrante dans les réponses fournies par les industriels que nous avons interrogés : « On n’est pas chez Chanel. Nos marques c’est Harpic, Calgonit… et puis, de toute façon, même ceux qui ont de fortes images font de la promo » (Reckitt-Benckiser), « avec Porto Cruz, on évitera les gros pros hard selling, car le produit est déjà suffisamment banalisé comme ça » (La Martiniquaise). Toutefois, les entretiens semi-directifs conduits auprès des consommateurs indiquent clairement que la présence de la marque dans un prospectus peut sous certaines conditions affecter sa qualité perçue.

Dans la recherche, « en revanche, l’analyse de l’influence du prix sur les associations plus symboliques non liées au produit a reçu relativement peu d’attention jusqu’ici ouvrant la voie à de futurs travaux… Une étude systématique de l’effet des promotions sur les différents types d’association de marque fait toujours défaut et mériterait d’être entreprise. » Ce constat porté

par Czellar et Denis (2002) paraît des plus pertinents. La communication promotionnelle pourrait ainsi favoriser des associations de générosité de la marque comme le suggère Seipel (1971). Elle pourrait peut-être aussi, en concevant des opérations originales, exprimer l’idée d’une marque ludique, sophistiquée ou dynamique. D’ailleurs, les consommateurs interrogés semblent en effet interpréter la présence d’une marque insérée en prospectus de manière heuristique : la marque en prospectus passe pour une grande marque, une marque compétente, crédible et légitime. La phase qualitative menée auprès des consommateurs a également permis de souligner l’idée qu’une marque insérée en prospectus inspire d’emblée l’image d’une marque dynamique, attractive, compétitive, agressive et généreuse.

Finalement, pour suivre l’évolution de l’image de la marque, le modèle mesure la force de la qualité et de la cherté perçues de la marque (associations fonctionnelles) et la force du dynamisme perçu118 de la marque (association symbolique).

C. L’expérience affective de consultation

L’expérience affective de consultation du prospectus reflète l’ensemble des réactions affectives ressenties à l’occasion de la consultation du prospectus (adapté d’Onnein- Bonnefoy, 1999).

Si l’étude qualitative conduite sur les perceptions des consommateurs suggère effectivement l’existence de réactions affectives, les termes de plaisir et de déplaisir seraient trop forts pour les caractériser dans un contexte généralement peu impliquant. Les entretiens semi-directifs menés auprès des consommateurs mettent ainsi surtout en évidence des bénéfices affectifs d’ordre exploratoire (i.e., bénéfice d’exploration) et récréationnel (i.e., bénéfice de divertissement). Pour traduire l’existence de ces deux bénéfices affectifs, le concept d’état émotionnel est intégré au cadre conceptuel de la recherche.

Initialement proposé par Mehrabian et Russell (1974) pour expliquer la diversité des réactions émotionnelles de l’individu à son environnement, le concept d’état émotionnel se compose

118 Le dynamisme perçu est une association relativement générale de l’image de la marque, qui caractérise de nombreuses marques de produits et de services de grande consommation (Michel, 2004, p. 86 et 94). Cette association apparaît dans l’échelle de personnalité de la marque de Aaker (1997), comme dans son adaptation française par Koëbel et Ladwein (1999), et semble se renforcer dès que le consommateur est exposé à la marque, notamment sous la forme d’une communication évènementielle (Giannelloni et Valette-Florence, 1991 ; Giannelloni, 1993 ; Laborde et Durrieu, 2008) ou d’une communication d’opinion (Boistel, 2007). Chez Eisend (2006), le dynamisme perçu correspond à une dimension de la crédibilité de la source en communication marketing.

Chapitre 3 – L’exploration du prospectus

pour ces mêmes auteurs de trois dimensions : le plaisir, l’éveil et la domination. Ainsi, en fonction de ses caractéristiques, un environnement peut inspirer un plaisir, un état d’éveil et un sentiment de domination variables. Observant les problèmes de mesure de la dimension de domination ainsi que son pouvoir explicatif réduit, les recherches suggèrent toutefois rapidement de réduire la palette des réactions affectives aux seules dimensions de plaisir et d’éveil de l’état émotionnel (Russell et Pratt, 1980 ; Donovan et Rossiter, 1982 ; Bitner, 1992). Poursuivant l’exploration, Russell et Pratt (1980) remarquent que les états émotionnels qu’ils mesurent se projettent harmonieusement dans l’espace formé par les axes du plaisir et de l’éveil, sans former de tas (cf. Figure 10). Ils suggèrent alors l’utilisation des première et seconde diagonales de cet espace comme alternatives pour organiser l’espace des états émotionnels. Ainsi, les états émotionnels pourraient tout aussi bien être appréhendés au travers des dimensions de stimulation (axe gloomy - exciting) et de détente (axe distressing - relaxing).

Figure 10 La représentation des états émotionnels (Russell et Pratt, 1980)

Figure 10 (suite) La représentation des états émotionnels (Russell et Pratt, 1980)

Finalement, les dimensions de détente et de stimulation sont retenues pour appréhender les états émotionnels associés que le consommateur peut expérimenter lorsqu’il consulte un prospectus. Dans le cadre de cette recherche, ces dimensions paraissent plus pertinentes que les dimensions de plaisir et d’éveil généralement mises en avant par les travaux conduits en marketing sensoriel du point de vente. De manière surprenante, ces deux dimensions ne s’avèrent quasiment pas corrélées telles que les mesurent Russell et Pratt (1980) : ρ < 0.10. Ainsi, le consommateur peut se sentir stimulé, captivé et enthousiasmé et en même temps détendu, calme et décontracté.