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Jusqu’à présent nous avons étudié uniquement la polarisabilité isotrope qui est le seul terme non nul lorsque la molécule se trouve dans le niveau J = 0. On va désormais regarder l’effet du champ laser lorsque la molécule se trouve dans un niveau rotationnel excité de l’état fondamental.

2.6.1 Forme générale

On rappelle la forme générale de la polarisabilité (voir section 2.1.3) :

α = 2J2+ 2J − 1 − 2M2

J

(2J + 3)(2J − 1) ∆α + α (2.20)

Pour une molécule isolée, en champ électrique nul, les sous niveaux rotationnels MJ sont dégénérés, or si les sous niveaux rotationnels sont peuplés de manière équiprobable

2.6.1 - Forme générale 91

Molécule Référence dp (Debye) αe(ω = 0) (a.u.) α(ω = 0) (a.u.)

LiCs This work 5.59 382.6 1.890 × 106

ref. [130] 5.523 368.8

ref. [161] 5.355 389.7

ref. [162] 367.8

NaCs This work 4.69 423.2 4.298 × 106

ref. [130] 4.607 421.9

ref. [162] 411.2

LiRb This work 4.18 345.4 9.198 × 105

ref. [130] 4.165 340.4

ref. [161] 4.046 346.2

ref. [162] 319.2

LiK This work 3.58 320.8 5.675 × 105

ref. [130] 3.565 318.7

ref. [161] 3.513 324.9

ref. [162] 326.3

NaRb This work 3.31 382.0 1.784 × 106

ref. [130] 3.306 375.6

ref. [162] 358.4

NaK This work 2.58 352.5 9.237 × 105

ref. [130] 2.579 352.3 ref. [162] 344.6 KCs This work 1.84 584.8 1.259 × 106 ref. [130] 1.906 566.0 ref. [162] 591.3 RbCs This work 1.25 622.3 1.076 × 106 ref. [130] 1.237 597.6 ref. [162] 635.0 KRb This work 0.62 513.3 1.141 × 105 ref. [130] 0.615 502.0 ref. [162] 523.8

LiNa This work 0.57 233.4 9.950 × 103

ref. [130] 0.566 236.5

ref. [161] 0.531 237.8

ref. [162] 223.7

Table 2.5 – Moment dipolaire permanent et polarisabilité statique dans leur référentiel propre

αe(0) (c’est à dire sans prendre en compte la transition rotationnelle) ainsi que la

polarisabilité statique totale des molécules hétéronucléaires bialcalines dans leur

92 Anisotropie

la polarisabilité totale est donnée par la valeur isotrope : α = 1 2J + 1 P MJ αMJ = 1 3αk + 2

3α. Par contre si la molécule se trouve dans un sous-niveau MJ bien déterminé la valeur de la polarisabilité peut varier de manière significative. Ainsi par exemple dans le cas d’une molécule de Cs2 dans le niveau X1Σ+

g, v = 0, J = 2 on obtient les valeurs αMJ=±2 = 1 870 a.u., αMJ=±1 = 3 398 a.u., αMJ=0 = 3 907 a.u..

La polarisabilité et donc le déplacement des niveaux d’énergie dépend de MJ, le champ laser a donc pour effet de lever la dégénérescence sur MJ. Pour un laser typique de longueur d’onde 1 064.5 nm et d’intensité 103 W/cm2 le splitting total des niveaux X1Σ+

g, v = 0, J = 2 de la molécule de Cs2 est de 95.5 kHz. Cette valeur est à comparer aux autres termes ayant pour effet de lever la dégénérescence des sous niveaux rotationnels. On citera par exemple l’effet Zeeman, présent dès que l’on applique un champ magnétique externe, qui dans l’état fondamental de la molécule de Cs2 induit, en champ faible (quelques dizaines de Gauss) une structure de moins de 1 MHz. Un traitement plus détaillé des effets de ces champs extérieurs sur la structure de la molécule sera abordé au chapitre4.

2.6.2 Alignement moyen

Afin d’étudier la rotation de la molécule nous avons utilisé les méthodes de l’al-gèbre angulaire, obtenant ainsi les valeurs propres des opérateurs. Une autre approche intéressante est d’étudier l’effet de l’angle θL entre l’axe du laser et l’axe internucléaire. L’Hamiltonien rotationnel étant une perturbation des mouvements électroniques et vi-brationnels on peut, comme indiqué dans la section1.5, commencer par traiter le cas où le référentiel moléculaire est fixe dans l’espace. Le produit scalaire de l’opérateur Stark peut alors s’écrire :

V = −(µzcos(θL) + µxsin(θL) cos(φL) + µysin(θL) sin(φL)).E (2.21) . x y z ~ ǫL θL φL

Figure 2.25 – Schéma d’une molécule diatomique (axe internucléaire en vert) excité par un

laser de polarisation ǫL (vecteur en rouge).

les angles θL et φLviennent des coordonnées sphériques du vecteur de polarisation du champ électrique ~E(E, θL, φL) (voir schéma 2.25). La polarisabilité dynamique issue

2.6.3 - Angle magique 93

de cet opérateur est obtenue par la même méthode que précédemment (2.9), les fonc-tions d’onde ne comprenant que les parties électronique et vibrationnelle. On a donc la polarisabilité d’un oscillateur libre :

αf ixe= cos2Lk+ sin2L (2.22) en rappelant que µx = µy (symétrie cylindrique de la molécule) d’où on déduit la relation cos2L2

x + sin2L2

y = µ2

x. Comme auparavant les transitions entre états électroniques impliquent soit l’axe parallèle soit l’axe perpendiculaire mais pas les deux en même temps ce qui explique l’absence de terme croisé. Une fois les caractéristiques du vibrateur connues on introduit l’Hamiltonien rotationnel.

Dans le cadre de ce manuscrit on se limitera aux champs faibles, l’opérateur Stark V = −αf ixeE2 peut alors être traité comme une perturbation de l’Hamiltonien rotation-nel. Les polarisabilités parallèles et perpendiculaires ne dépendant pas de l’orientation de la molécule on a au premier ordre de perturbation :

α=Dcos2L)Eαk+Dsin2L)Eα = α+Dcos2L)Eγ (2.23) où la moyenne est prise sur la fonction d’onde rotationnelle : hcos2L)i = hΨrot| cos2L) | Ψroti. Le calcul est effectué en remplaçant le cosinus par un polynôme de Legendre P2(cos(θ)), lui-même étant relié aux matrices de Wigner D2

00 : cos2(θ) = 1

3(2P2(cos(θ)) + 1) = 1

3(2D002 + 1) (2.24)

On retrouve bien sûr les mêmes résultats que précédemment, ainsi dans le cas isotrope (molécule dans un niveau J = 0 ou bien répartition équiprobable sur les sous-niveaux MJ) la moyenne du cosinus carré donne 1

3.

On notera que c’est ce formalisme qui a été utilisé par Friedrich et al.[163, 164] pour étudier l’effet Stark dans le contexte des champs forts. Ce cas ne sera pas abordé en détails ici, on mentionnera juste que dans ce cadre l’Hamiltonien Stark est ajouté à l’Hamiltonien rotationnel Hrot puis l’équation de Schrödinger est résolue. Les vecteurs propres obtenus seront différents de ceux d’un rotateur libre, la rotation de la molécule est perturbée et J n’est alors plus un bon nombre quantique. Cette perturbation du mouvement rotationnel conduit à l’alignement (ou orientation dans le cas d’un effet Stark linéaire dû à un champs statique) de la molécule.

2.6.3 Angle magique

La discussion précédente se base sur un piège dipolaire à 1D. Pour aller plus loin et prendre en compte l’effet combiné de plusieurs champs externes il nous faut maintenant étudier le cas où le champ laser n’est pas polarisé selon l’axe Z. Le vecteur polarisation peut alors être projeté sur les axes du laboratoire ce qui va nous donner des termes ǫ0, ǫ+1, ǫ−1 non nuls, qui permettent d’accéder à des niveaux intermédiaires ayant respectivement MJf = MJ, MJf = MJ − 1 et MJf = MJ + 1. La polarisabilité est donnée par la somme de ces différentes contributions. Un résultat plus concis peut être obtenu en utilisant la méthode de la section 2.6.2. En effet la formule précédente est toujours valable mais au lieu d’avoir directement θL= θ on a la relation :

94 Anisotropie

cos(θL) = cos(β) cos(θ) + sin(β) sin(θ) cos(φ) (2.25) où β est l’angle entre l’axe du laser et l’axe Z du laboratoire (voir schéma 2.26).

X Y Z ~ ǫL β φ

Figure 2.26 – Schéma du vecteur de polarisation du laser (vecteur en rouge) exprimé dans le

référentiel du laboratoire. L’axe de quantification Z est fixé par un autre champ externe.

En remplaçant dans l’expression 2.23 on a :

α= α+ γ(cos2(β)Dcos2(θ)E+ 1 2sin

2(β)Dsin2(θ)E) (2.26)

Le facteur 1/2 vient de l’intégration sur l’angle φ, la molécule étant à symétrie cylindrique sa fonction d’onde rotationnelle n’en dépend pas. On notera également que le terme croisé s’annule. En simplifiant l’expression :

α= α+ γ((cos2(β) − 12sin2(β))Dcos2(θ)E+ 1 2sin

2(β)) (2.27)

On remarque que pour un angle βm ≈ 54.7 tel que cos2m) − 12sin2m) = 0 la polarisabilité devient indépendante du niveau rotationnel dans lequel se trouve la molécule :

α = α+ γ cos2(β) (2.28)

Dans ces conditions particulières le champ laser ne lève plus la dégénérescence entre les sous niveaux rotationnels. Par ailleurs, la polarisabilité étant la même pour chaque sous-niveau, le piège dipolaire vu par la molécule est le même quelque soit le niveau rotationnel dans lequel elle se trouve. Pour ces raisons l’angle βm est dit ”angle magique“. On retrouve ainsi le résultat obtenu dans les références [165, 166].

Dans l’expérience de piégeage de Cs2 sur laquelle nous nous sommes concentrés le piège est réalisé au moyen de 3 paires de faisceaux laser perpendiculaires deux à deux de même fréquence et de même intensité. En prenant l’un des axes comme référence 1 = 0) les deux autres axes sont orientés β2 = β3 = 90°. Le potentiel ressenti par la molécule est :

2.6.3 - Angle magique 95

Avec α la moyenne des 3 polarisabilités. On voit alors avec la formule 2.27 que l’on retrouve, dans ces conditions, la polarisabilité isotrope de la molécule : α = α + 1

3γ. Toutefois cette formule n’est valable que si les 3 lasers ont la même intensité. Un réseau optique où les 3 lasers sont tournés d’un angle β par rapport à l’axe d’un champ magné-tique permettrait d’obtenir la polarisabilité isotrope quelque soit l’intensité des lasers grâce à l’angle magique. On s’affranchirait ainsi d’éventuels problèmes d’inhomogénéité des champs lasers.