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Il est également nécessaire de tenir compte du type d’étude. Les études observationnelles

présentées dans ce travail de thèse sont toutes des études transversales, limitant grandement

l’inférence causale. Dans chacune de ces études, on ne peut pas exclure une causalité inverse,

c’est-à-dire l’existence d’une relation inverse de celle postulée et testée. Par exemple, les

personnes minces vont peut-être être celles qui peuvent se permettre de se donner une

permission inconditionnelle de manger ou encore les personnes en surpoids ou obèses sont

peut-être moins susceptibles de pratiquer des techniques psycho-physiques du fait de leur

poids. Il est aussi fort probable que certaines de ces associations soient bidirectionnelles, en

particulier pour l’alimentation intuitive. Par exemple, pour la restriction cognitive qui a été

largement étudiée, les études ne permettent pas d’affirmer si la restriction cognitive est un

facteur de risque ou une conséquence de la prise de poids (Chaput et al., 2009; de

Lauzon-Guillain et al., 2006), ce qui peut suggérer une association bidirectionnelle.

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3 Mise en parallèle de l’alimentation intuitive, de

l’alimentation liée aux émotions et de la pleine

conscience

L’alimentation intuitive et la pleine conscience partagent des éléments communs. Dans le cas

de l’alimentation intuitive, une attention particulière est portée aux sensations physiques de

faim et de satiété (dimension « signaux ») et dans le cas de la pleine conscience aux

sensations corporelles dans leur ensemble (dimension « observation »). Une personne

pleinement consciente est attentive à ses sensations corporelles donc devrait par conséquent

être plus à l’écoute de ses signaux de faim et de satiété. La dimension « observation » était

d’ailleurs uniquement associée à la dimension « signaux » dans un échantillon d’adultes en

surpoids (Sairanen et al., 2015). Dans la précédente étude, les dimensions « agir en pleine

conscience » et « non-réactivité » de la pleine conscience étaient aussi associées à la

dimension « signaux ». De plus, la pleine conscience intègre une attitude neutre et sans

jugement vis-à-vis de ses pensées et de ses émotions (dimension « non-jugement ») que l’on

peut plus ou moins rapprocher de la notion de non-culpabilité (dimension « permission »)

introduite par l’alimentation intuitive. En accord avec cette hypothèse, une étude a montré que

ces deux dimensions étaient associées chez des adultes en surpoids (Sairanen et al., 2015).

Dans cette précédente étude, le « non-jugement » était aussi associé à la dimension « raisons

physiques » (manger pour des raisons physiques plutôt qu’émotionnelles) de l’alimentation

intuitive.

Cependant, les avis divergent à savoir si l’une englobe l’autre, si l’une entraîne l’autre, ou

encore s’il s’agit de concepts proches mais disjoints. L’alimentation intuitive et l’alimentation

consciente (pleine conscience appliquée à l’acte alimentaire) sont parfois confondues comme

une même approche anti-régime de l’alimentation (Bacon & Aphramor, 2011; Van Dyke &

Drinkwater, 2013). Bien que certaines des dimensions de la pleine conscience soient associées

aux dimensions de l’alimentation intuitive (Sairanen et al., 2015), les forces d’associations ne

sont pas suffisantes pour suggérer qu’il s’agit des mêmes concepts. Le fait de porter toute son

attention à l’action du moment est un composant unique de la pleine conscience même s’il

peut dans le cas de la prise alimentaire permettre de mieux ressentir ses signaux de faim et de

satiété et ainsi être associé à un comportement intuitif.

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Par ailleurs, les comportements d’alimentation intuitive et de pleine conscience sont tous deux

opposés à l’alimentation liée aux émotions. En effet, par définition, les personnes intuitives

mangent essentiellement en réponse aux signaux de faim et ne gèrent pas les émotions

négatives en mangeant. Nous avons d’ailleurs observé une forte corrélation négative entre

l’alimentation intuitive et l’alimentation liée aux émotions, en particulier pour la dimension

« raisons physiques ». Différemment, la définition de la pleine conscience sous-entend que

l’individu va percevoir toutes les émotions, même lorsqu’elles sont négatives, mais sans avoir

à y réagir. Cette assertion est supportée par l’observation d’une corrélation négative de la

disposition de pleine conscience et de toutes ses dimensions, sauf l’observation, avec

l’alimentation liée aux émotions (Lattimore et al., 2011). Cependant, les concepts

d’alimentation intuitive et de pleine conscience diffèrent dans la gestion des émotions. En

effet, dans sa définition même la mesure d’alimentation intuitive bannit l’alimentation liée

aux émotions : être un mangeur intuitif, c’est entre autre ne pas être un mangeur émotionnel.

A l’opposé, la pleine conscience dans sa définition propose de prendre de la distance par

rapport à l’émotion, c’est-à-dire l’observer sans se laisser emporter par elle, comme des

évènements passagers. C’est cette prise de distance qui est censée entrainer un niveau ou des

épisodes d’alimentation liée aux émotions plus limités. Une personne pleinement consciente

comprend et est consciente des connections qui existent entre les émotions et les choix

alimentaires : elle va choisir de manger ou non, tout en sachant qu’elle le fait en réponse à une

émotion. De plus, si elle choisit de le faire, elle ne va pas se juger et l’accepte.

La Figure 11 présente de façon simplifiée l’ensemble des relations entre l’alimentation liée

aux émotions, l’alimentation intuitive, la pleine conscience, la consommation d’aliments gras

et sucrés et le statut pondéral sur la base des données de la littérature et des données observées

dans ce projet de thèse.

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Figure 11 : Schéma général des associations de l’alimentation liée aux émotions,

l’alimentation intuitive et la pleine conscience entre elles et avec la

consommation de produits gras et sucrés et le statut pondéral.

Les flèches en pointillé se réfèrent à des associations observées dans la littérature tandis que

celles en trait plein ont été observées dans ce travail de thèse. Les flèches sont présentées

dans le sens hypothétique proposé mais des effets inverses peuvent bien sûr avoir lieu. La

flèche est rose si l’hypothèse est dans le sens d’une augmentation, verte dans le sens d’une

réduction. La présence du sigle féminin à côté de certaines dimensions de la pleine

conscience signifie que les associations représentées n’étaient observées que chez les femmes.

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4 Perspectives et conclusions