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Chapitre 2. Qualité et suivi de la fraîcheur du poisson : quels outils ?

II. Méthodes analytiques d’évaluation de la qualité/fraîcheur du poisson

4. Analyses physiques

Une dernière famille de méthodes utilisées pour évaluer la fraîcheur du poisson est celle des méthodes physiques avec notamment la mesure de la texture, des propriétés élec- triques du muscle et l’analyse d’image.

a. Mesure de la texture

Une des premières méthodes physiques consiste à étudier la texture du poisson en utilisant des paramètres des approches sensorielles. En effet, en cours d’altération, la chair de poisson se relâche pour adopter une texture molle caractéristique. Plusieurs méthodes ont été développées en se basant sur différents principes (Sánchez-Alonso et al. 2010). Le principe général des texturomètres consiste à mesurer la force de réaction d’un aliment suite à une déformation qui lui est imposée. Les tests développés pour l’analyse des produits de la mer sont essentiellement empiriques, i.e mesures instrumentales corrélées à des tests sen- soriels (Careche et al. 2003; Sánchez-Alonso et al. 2010).

De nombreux tests existent pour évaluer la texture d’un aliment, comme le test de Kramer et Warner-Bratzler qui utilise des lames passant à travers l’aliment (figure 2-16), la texture y est évaluée en mesurant les forces de compression/cisaillement. D’autres tests comme le test de pénétration avec un poinçon, de compression relaxation ou le profil textural ont été développés. Les mesures de force/déformation ont pu être corrélées avec des ap- préciations sensorielles comme la dureté, la cohésion, la souplesse, l’adhésivité, la fragilité ou l’aptitude à être mastiquée (Sánchez-Alonso et al. 2010).

L’utilisation de tests de compression-relaxation, a montré de bonnes corrélations entre les données d’évaluations sensorielles et les données mesurées par l’automate lors de suivis de poissons stockés sous glace ou sous forme congelée (Careche et al. 2003). L’analyse du profil textural de poissons en cours de conservation a été étudié, mais seul le paramètre de dureté possède une bonne corrélation avec les analyses sensorielles (Caballe- ro et al. 2009; Sánchez-Alonso et al. 2010). En revanche ces techniques sont répandues pour évaluer la qualité de gels de surimis (Tahergorabi et al. 2012; Debusca et al. 2014).

La texture résulte de la combinaison et de l’interaction de nombreux facteurs en par- tie méconnus, rendant la mesure instrumentale plus compliquée (Cheng et al. 2014). De nombreux facteurs influencent la texture du muscle : l’espèce tout d’abord, puis l’état biologi-

Figure 2-17 : Illustration de l'utilisation d'un Torry meter pour mesurer l'état d'altération d'un poisson entier.

Figure 2-18 : Corrélations enregistrées entre les valeurs issues de mesures réalisées sur du cabillaud entier stocké sous glace fondante par le Fischtester VI et le nombre de jours de conservation (a) ou les notes QIM obtenues (b). (Oehlenschläger et al. 2003)

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que du poisson, la méthode de pêche, d’abattage, de transformation ou de stockage Sán- chez-Alonso et al. (2010). Il est important de noter que la zone testée doit être standardisée de façon à pouvoir comparer les résultats obtenus. Les mesures du textures peuvent aussi bien être réalisées sur des poissons entiers ou sous forme de filet (Careche et al. 2003).

b. Suivi des propriétés électriques du muscle

Une seconde approche physique s’est basée sur la mesure des propriétés diélec- triques du muscle. Lors de l’altération, une lyse cellulaire est observée libérant le contenu cytoplasmique, riche en électrolytes, dans l’espace inter-cellulaire (Oehlenschläger et al. 2003). Ceci induit une modification des propriétés diélectriques du muscle, notamment de sa résistance et sa capacité électrique (Oehlenschläger et al. 2003). Ces mesures ont été corré- lées avec des analyses sensorielles réalisées sur du poisson, la résistance électrique dimi- nuant et la conductivité augmentant en cours d’altération. (Oehlenschläger et al. 2003).

Le principal instrument ayant été développé et breveté (figure 2-17) est le Torry meter (Lees et al. 1972), deux autres instruments ont également vu le jour le Fischtester VI et le RT-Freshtester (Oehlenschläger et al. 2003; Ozogul 2010).

Une étude menée sur du cabillaud entier a montré de bonnes corrélations avec le nombre de jours stockés sous glace (0,95) et la note de QIM attribuée (0,94) (figure 2-18). La saison et le lieu de pêche n’ont pas eu d’impact sur les mesures comme cela a été décrit dans une approche complémentaire. D’autres espèces ont été étudiées et ont conduit à des résultats ambivalents concernant l’évolution du signal électrique en fonction des jours de conservation (Lougovois et al. 2003; Tejada et al. 2007).

La mesure des propriétés diélectriques des muscles de poissons en phase post- mortem est un outil intéressant, rapide, corrélé aux observations sensorielles, non destructif et offrant des cadences d’analyse importantes, grâce à l’utilisation de certains appareils (Oe- hlenschläger et al. 2003; Ozogul 2010). Néanmoins, elle ne fonctionne efficacement que sur des poissons entiers avec peau, l’évaluation de la qualité de filets de poisson n’étant pas satisfaisante et limitée à cinq jours après la capture du poisson (Oehlenschläger et al. 2003). Ensuite, différentes études ont montré que le lavage des poissons à l’eau de mer impactait le signal mesuré, de plus ce type de mesure n’est pas approprié pour les poissons gras ou ceux ayant subit une étape de décongélation (Ozogul 2010; Duflos et al. 2002).

c.

Analyse d’image et altération du poisson

Le dernier type d’analyse physique pour l’évaluation de la fraîcheur du poisson est l’analyse d’image.

Le principe général de l’analyse d’image fait appel à des standards internationaux dé- finissant les paramètres L (luminosité), a (position chromatique sur l’axe vert-rouge) et b (po- sition chromatique sur l’axe bleu-jaune) comme référence s’affranchissant ainsi de biais in- hérents à l’appareil de mesure (Dupont & Steen 2004; Schubring 2010). Plusieurs types d’appareil mesurant la couleur ont été développés notamment les colorimètres trichromati-

Figure 2-19 : Séries d'images de peau de poissons obtenues à des longueurs d'ondes de 400 nm (a), 660 nm (b) et 940 nm (c). La série I correspond aux images brutes et la série II aux images à l'issue du pro- cessus de calibration.(Kröger 2003)

Figure 2-20 : Extrait du brevet européen EP 2 189 789 A1 illustrant une copie d'écran du système permet- tant l'analyse de l'œil de poissons par approche biométrique. (Autheman & Widmann 2010)

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I

Qualité et suivi de la fraîcheur du poisson : quels outils ?

ques et les spectrophotomètres. Le principe de fonctionnement de ces appareils consiste à éclairer l’échantillon et mesurer la lumière émise directement par l’échantillon ou après pas- sage à travers un réseau de diffraction (Schubring 2010). Enfin, une dernière approche con- siste à éclairer l’échantillon par une lumière monochromatique, à différentes longueurs d’ondes (figure 2-19), et de former, après une étape de calibration, ainsi une image compo- sée de plusieurs couches issues des prises de vue aux longueurs d’ondes données (Kröger 2003).

Plusieurs études colorimétriques ont évalué des critères de qualité comme la couleur de la chair de saumon et de bâton de surimi, les effets de la cuisson, du fumage, de l’adjonction de gaz dans l’emballage ou encore l’évolution des paramètres L, a, b lors du stockage de poissons (Schubring 2010). Concernant les analyses de suivis d’altération, les résultats varient d’une étude à l’autre.

Des études sur des filets de bar conservés ou non sous atmosphères modifiées ont montré des différences non-significatives du paramètre L en cours d’altération. En revanche les différentes atmosphères testées conduiraient à une évolution significative des para- mètres a et b (Poli et al. 2006; Torrieri et al. 2006). Dans le cadre de poissons gras, l’étude de l’indice de rougeur, ratio a/b, en cours d’altération a montré une évolution significative lors des neuf premiers jours de l’étude Chaijan et al. (2005). Dans le cadre de l’étude d’images monochromatiques la combinaison d’images de trois longueurs d’ondes permet le bon clas- sement de 90% des images de peau et 80% pour celles de la chair en fonction des jours d’altération (Kröger 2003), mais le calibrage préalable est important.

Une approche récente s’est attachée à utiliser les techniques de biométrie (figure 2-20) dans le but de développer un outil de caractérisation de la fraîcheur du poisson (Au- theman & Widmann 2010). Ce système permet après détection des contours de l’œil de si- tuer la pupille du poisson. A l’aide d’une analyse de l’image le dispositif détecte deux zones : celle de la transition pupille/blanc de l’œil et celle du passage de la zone blanc de l’œil/extérieur. Les créateurs de ce système notent que la taille de la zone du blanc de l’œil a tendance à augmenter au cours de l’altération.

Les analyses d’images possèdent un avantage non négligeable, celui d’être non- destructrices et rapides grâce à l’acquisition et le traitement automatique des images, ce- pendant dans de nombreux cas les images de peau donnent des résultats plus significatifs que ceux de la chair. L’inconvénient majeur de ces méthodes est donc la nécessité d’avoir un poisson entier ou un filet avec peau selon les cas.

Au cours de ce chapitre, l’évolution post-mortem de la chair de poisson et les mé- thodes analytiques visant à la mesurer ont été abordées. L’analyse sensorielle reste sans doute la méthode la mieux adaptée pour évaluer la fraîcheur d’un poisson, mais est soumise à la subjectivité des juges. De nombreuses méthodes chimiques, microbiologiques et phy- siques ont été développées, mais elles possèdent toutes des limites. Généralement, les au-

Figure 2-21 : Représentation schématique des équivalences entre méthodes sensorielles et méthodes instrumentales pour l'évaluation de la fraîcheur du poisson et le développement de l'AQI. (Olafsdottir et

Qualité et suivi de la fraîcheur du poisson : quels outils ?

teurs recommandent d’utiliser au minimum deux méthodes pour évaluer la fraîcheur d’un poisson. Suite à ces observations, une idée a émergé, celle d’une machine capable de re- produire l’analyse sensorielle à travers ces composantes d’évaluation de la texture, de l’odeur et de l’aspect du poisson. Le projet européen MUSTEC (Nesvadba 2003), Multi- sensor techniques for monitoring the quality of fish, a eu pour but de développer l’AQI ou Artificial Quality Index (figure 2-21). L’AQI a été développé en se basant sur des données provenant de texturomètre, analyseur d’images, nez électronique et appareil mesurant les propriétés électriques. Le projet MUSTEC n’a pas, à l’heure actuelle, débouché sur un appa- reil commercial, néanmoins, l’AQI mesuré offre une robustesse équivalente au QIM. Parmi les nombreuses technologies impliquées dans le projet, celle du nez électronique a été utili- sée pour mesurer la composition en composés volatils odorants et tenter de la corréler à la qualité. Ce type d’approche fera l’objet du Chapitre 3 où le lien entre odeur et qualité du poisson sera discuté.

Figure 3-1 : Occurrence du mot volatilome au sein d’articles scientifiques en fonction de l’année de publi- cation. Suivi réalisé à l'aide de Google Scholar (Juillet 2014)

Figure 3-2 : Représentations schématiques des deux utilisations possibles d'une fibre de SPME. (a) col- lection des composés par immersion et (b) collection des composés volatils dans l'espace de tête

Années de publication N o m b re d 'o ccu re n ce 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 0 2 4 6 8 10 12 14

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Etude du volatilome pour évaluer la qualité/fraîcheur du poisson frais ou transformé

Chapitre 3. Etude du volatilome pour évaluer la qualité/fraîcheur du