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Analyse thématique des entretiens

Chapitre 4 – Approche qualitative de l’offre

2. Entretiens auprès de la grande distribution et des pétroliers

2.2 Analyse thématique des entretiens

Le réseau de stations-service

Organisation du réseau

Le réseau national de stations-service a fortement diminué depuis les années 1980. Durant l’année 2010, 500 stations-service ont fermé et le double de fermeture était prévu pour 2011. Le basculement vers une prédominance des GMS est fortement ressenti par nos interlocuteurs.

Pourtant, certains distributeurs se maintiennent sur l’ensemble du territoire français et présentent un maillage de stations plus ou moins dense selon l’importance donnée aux services de proximité. Le cas échéant, cette logique historique de dissémination des stations entraîne aujourd’hui des infrastructures vieillissantes, d’autant plus fragilisées par les travaux de mises aux normes environnementales. Le canal des propriétaires, revendeurs de faibles volumes, a été particulièrement touché tandis que le canal autoroutier a profité d’implantations supplémentaires en lien avec la multiplication des axes routiers.

D’autres distributeurs se positionnent principalement sur le secteur autoroutier et les stations en centre-ville.

D’une manière générale, la rentabilité insuffisante des stations à faible volume, souvent situées en zone rurale, a entrainé leur fermeture en grand nombre ces dernières années. Le besoin d’investissements pour effectuer les travaux de mises aux normes environnementales a d’autant plus fragilisé certaines exploitations.

En revanche, pendant de nombreuses années, le canal autoroutier a profité d’implantations supplémentaires en lien avec la multiplication des axes autoroutiers.

Pour sa part, le nombre de stations-service en GMS a également augmenté grâce à l’ouverture de nouveaux hyper et supermarchés. Hors GMS, les créations de station ex nihilo sont très rares.

Stratégie territoriale

Les GMS et pétroliers sont en concurrence directe mais ils se positionnent différemment sur la stratégie de vente. Le carburant distribué par les GMS ne sert souvent que de produit d’appel. De façon globale, actuellement près de 50 % des consommateurs utilisant la station-service fréquentent la grande surface qui lui est associée (SIA Conseil, 2011). Les distributeurs traditionnels doivent quant à eux rentabiliser l’activité de distribution de carburants.

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Certains groupes pétroliers souhaitent maintenir une couverture maximale du territoire. Leur réseau dévolu aux petites stations de campagne doit théoriquement permettre de trouver une station à moins d’un quart d’heure ou vingt minutes de son domicile. Toutefois, des difficultés sont ressenties actuellement pour mener une politique d’implantation des stations. L’urbanisme actuel exclue les petites stations de centre- ville des schémas d’urbanisation et freine parallèlement toute implantation en zones commerciale ou industrielle (concurrence des GMS en zone commerciale).

D’autres groupes ont un positionnement stratégique concentré sur les axes autoroutiers. Même s’ils peuvent posséder un réseau de stations de ville avec un litrage moyen, aucune création de station ex nihilo n’a été réalisée ou n’est prévue sur ces segments moins fréquentés.

Pour la grande distribution, l’implantation d’une station est quasiment toujours reliée à celle d’un magasin. En fonction d’une étude des « expansionnistes », la viabilité de la station est mesurée selon les zones de population, le trafic routier, le parc automobile, l’implantation des entreprises etc.

Gestion des stations et détermination du prix

Le réseau traditionnel des stations-service se répartit entre le réseau officiel (stations- service dont le fonds de commerce appartient aux compagnies pétrolières), le réseau organique (stations-service dont le fonds de commerce appartient aux propriétaires détaillants en carburant), le réseau des propriétaires détaillants (acheteurs fermes de carburant). Suivant les rapports contractuels entre la compagnie pétrolière et l’exploitant, celui-ci sera propriétaire ou non du fonds de commerce, du stock, et maîtrisera les prix de vente à la pompe proposés aux consommateurs.

Les stations des groupes de GMS sont généralement exploitées en lien avec le magasin, même si certains groupes gèrent leurs stations-service par le biais d’une entité autonome. Dans ce dernier cas, privilégiant la gestion automatisée, les opérations de changement de prix ou de suivi de stock se font par télémaintenance ; le responsable du magasin n’a aucun rôle à jouer dans ces différentes opérations. Le prix du carburant est déterminé journellement suivant les prix pratiqués par la concurrence dans un rayon spécifique (7 à 15 km). Les GMS sont alimentées par des centrales d’achat de produits pétroliers.

Les fragilités du réseau

Aides et mises aux normes

La modernisation forcée du réseau de distribution s’opère dans un contexte de durcissement des normes réglementaires liées à la protection de l’environnement. Par exemple, l’amélioration du stockage par des cuves double enveloppe, suite à l’arrêté du 22 juin 1998, devra ainsi être effective pour le 31 décembre 2013.

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Les propriétaires partenaires de réseaux de compagnies pétrolières ont été surtout impactés par les travaux de mises en conformité. Les stations intégrées aux groupes avaient souvent, quant à elles, bénéficié de travaux préalables, ce qui a permis de minimiser l’impact de la nouvelle législation.

Les stations-service indépendantes des réseaux pétroliers sont principalement fragilisées par trois causes : les obligations réglementaires de mise en conformité, les expropriations liées aux opérations d’aménagement et d’urbanisme et la survalorisation du bien foncier par rapport au fonds de commerce. La réglementation de 2010 sur les cuves double enveloppe ainsi que l’interdiction de vente d’alcool auraient fortement pénalisé les propriétaires des plus petites stations. Une autre fragilité identifiée serait le prix élevé du carburant dans les zones rurales ; « un prix à la proximité » qui est lié aux petits volumes de stockage de ces stations et à leur éloignement des zones de stockage logistique. Les aides du CPDC auraient contribué de façon conséquente aux investissements des propriétaires, spécialement en zone isolée / rurale, contribuant ainsi à leur maintien.

L’ensemble des mises aux normes a été effectué sur le réseau Colruyt ; une seule station (sur les 32) avait une cuve simple enveloppe.

Le rôle de la concurrence sur les logiques d’implantation

Pour les groupes pétroliers, la réponse à la concurrence des GMS peut passer par le développement des services qui accompagnent l’activité de la station-service, et le réseau de ville et autoroutier est privilégié au détriment des stations implantées dans des zones plus isolées.

Alternativement, elle peut aussi passer par le lancement de formules à bas coût. Plusieurs facteurs d’inégalités ont été identifiés sur ce terrain concurrentiel : 1) le manque de transparence dans la gestion de ce service par les grandes surfaces (pas de comptes séparés) ; 2) l’attitude facilitante des autorités municipales et préfectorales par rapport à l’implantation des structures commerciales ; 3) L’argument lié à la bonne qualité du carburant ne suffit plus auprès des consommateurs pour compenser les écarts de prix. L’argument qualitatif est du reste minoré par les représentants de la grande distribution, pour lesquels la qualité du carburant serait sensiblement la même.

Les perspectives d’avenir

L’automatisation du réseau

Le passage à l’automatique en zone isolée est souvent testé mais de façon marginale. La nécessité d’une rentabilité suffisante pour couvrir les coûts d’exploitation limite la possible expansion de ce modèle de station-service. En outre, l’automatisme peut présenter plusieurs inconvénients : supprimer le contact humain, devoir gérer des problèmes de sécurité, pénaliser les personnes non détentrices de carte bancaire et supprimer un centre de vie à la campagne (du fait des services associés).

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Certains distributeurs, y compris GMS, développent dans leur stratégie commerciale l’utilisation de cartes carburants pour les particuliers. Cette innovation vise notamment à réconcilier un public spécifique (par exemple les retraités) avec l’usage du paiement automatique, en palliant leur mauvaise appropriation de la carte bancaire. Du côté des professionnels, l’usage de cartes carburant permet notamment de dépasser les plafonds d’approvisionnement en caisse automatique pour effectuer le plein de carburant.

Station-service et service public

Sans se définir comme un service public, certains groupes pétroliers s’affichent comme attachés à une présence diffuse sur le territoire, y compris dans les zones faiblement peuplées. Cette stratégie tendrait donc à aller dans le sens de la pérennité de stations aujourd’hui potentiellement fragilisées, notamment dans le cas d’aides financières. Pour d’autres groupes, « l’utilité publique » de la station-service n’est pas une préoccupation et les conséquences de la fermeture d’une station pour un territoire donné ne sont donc pas envisagées.

Pour certaines GMS, la proximité est un principe fort de gestion commerciale, et certaines enseignes s’attachent donc à apporter des réponses aux besoins locaux exprimés par les responsables élus.

Perspectives d’évolution

La stratégie de certains groupes pétroliers de lancer une gamme à bas coût, afin de positionner des stations au prix de la grande distribution, reste limitée aux structures ayant des capacités de volume importantes et un certain potentiel client. La création de nouvelles stations ne semble pas possible, en partie parce que les stations-service connaissent énormément de difficultés « à évoluer dans la ville » et restent absentes de la planification urbaine.