Impact de la rupture de stock sur la qualité de la prise en charge des patients
4. Analyse globale :
L’estimation du phénomène des ruptures de stock de médicaments à l’officine n’est pas significative en fonction de leur stock de médicaments (p=0,72). Quelle que soit la valeur du stock de médicaments, le phénomène des ruptures de stock de médicaments devient de plus en plus important à l’officine.
Figure 45 : L’estimation du phénomène des ruptures de stock de médicaments à l’officine en fonction de leur stock de médicaments.
32,60%
46,20%
17,40%
3,80%
Très important Important Faible Très faible Impact de la rupture de médicaments sur le chiffre d’affaire de la
pharmacie. 100,00% 100,00% 100,00% 95,10% 50,00% 60,00% 70,00% 80,00% 90,00% 100,00% 110,00% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 < 100 000 MAD entre 100 000 et 200 000 MAD entre 200 000 et 300 000 MAD > 300 000 MAD Effectif Oui
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L’impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine n’est pas significatif en fonction de leur durée d’installation (p=0,4) mais significatif en fonction de leur quantité de commande médicaments qui étaient en rupture et qui sont à nouveau disponibles (p<0,005). Les officines qui commandent une quantité plus que le double de leur commande habituelle (>2), sont moins impactées sur leurs CA que celles qui commandent la quantité habituelle ou une quantité double leur commande habituelle (≤2).
L’impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine est significatif en fonction de leur stock en médicaments (p<0,005). Cet impact est plus important pour les officines à faible stock de médicaments que pour celles qui ont un grand stock de médicaments.
Figure 46 : Impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine en fonction de leur stock de médicaments.
Par contre l’impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine n’est pas significatif en fonction de leur attitude à faire passer des marchés sur les médicaments qui tombent en rupture (p=0,478). 0,00% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00% 60,00% 70,00% 80,00% 90,00% 100,00% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 < 100 000 MAD entre 100 000 et 200 000 MAD entre 200 000 et 300 000 MAD > 300 000 MAD Effectif Important
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Figure 47 : Impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine en fonction de leur attitude à faire passer des marchés sur les médicaments tombant en
rupture. 5. Discussions :
Cette étude que nous avons menée durant trois mois de juillet à septembre 2019, nous a permis d’analyser les ruptures de stocks de médicaments à l’officine et d’évaluer leurs impacts sur la prise en charge des patients et aussi le CA des officines.
Parmi les 195 résultats enregistrés, les pharmacies d’officine sont plus installées dans la région de Casablanca-Settat et la région de Rabat-Salé-Kenitra, et beaucoup moins dans les régions de Gulemime-Ouednoun et de Draa-Tafilalet dû à la faible couverture de ces zones par les officinaux. Et aussi parmi ces résultats, plus de la moitié des pharmacies sont situées dans les quartiers populaires.
Les pharmaciens affirment que le phénomène des ruptures de stock de médicaments devient de plus en plus important d’année en année et ils observent quotidiennement l’augmentation du nombre de médicaments en rupture de stocks.
83,50% 83,20% 50,00% 55,00% 60,00% 65,00% 70,00% 75,00% 80,00% 85,00% 90,00% 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 Non Oui Effectif Important
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Environ 80% des pharmaciens estiment que la communication en matière de rupture de stock est insuffisante entre toutes les parties prenantes du circuit de médicaments. Car les officines ne reçoivent aucune notification ni de la DMP, ni des grossistes, ni des industriels avant la rupture de stock d’un médicament. Ils doivent faire face chaque jour à des nouvelles ruptures sans recevoir aucune notification préalable Et aussi ils sont rarement informés sur les causes de cette rupture et sur le délai de réapprovisionnement d’un médicament en rupture. Mais pour eux, les principales causes de rupture de stock de ses dernières années sont : la baisse de prix de médicaments, l’arrêt de production d’un médicament par manque de rentabilité ou par rupture en matières premières, production insuffisante suite à une mauvaise prévision de ventes, le non-respect de stock de sécurité par les EPI et les EPGR, …
La majorité des pharmaciens s’informent rarement du phénomène de rupture de stock sur le site de la DMP. 90% des pharmaciens affirment ne pas visiter le site de la DMP pour s’informer ou déclarer une rupture de stock. Certains expliquent cette attitude par le manque d’informations actualisées quotidiennement sur les ruptures de stock sur ce site. Contre environ 10 %, pharmaciens, affirmant visiter souvent ce site surtout pour s’informer sur les ruptures étant donné que la possibilité de déclaration d’une rupture de stock n’est pas encore fonctionnelle.
Ce phénomène touche presque toutes les classes thérapeutiques et la majorité de spécialités commercialisées au Maroc. La durée moyenne de non-disponibilité d’un médicament à l’officine est de 3 mois, cette durée reste souvent variable et dépend de plusieurs facteurs dont le circuit de production, d’importation et de distribution d’un médicament.
54% des pharmaciens ne passent pas des marchés pour les médicaments qui tombent en rupture. Plus de la moitié des pharmaciens (56,5%) commandent une quantité deux fois plus que la normale. Environ 35,9% des pharmaciens commandent la quantité habituelle pour un souci de gestion de stock. Et quelques 7,6% des pharmaciens commandent une commande deux fois plus que la quantité habituelle pour mieux prévenir sa rupture de stock prochaine au cas où celle-ci interviendra très rapidement. En cas de pénurie d’un médicament, les patients se procurent de leur médicament dans un autre pays, en général en France ou en Espagne, parfois en Tunisie.
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Quant aux impacts sur la fréquence des ruptures de stocks de médicaments à l’officine, la majorité des pharmaciens (60,1%) affirment que la baisse de prix de médicaments a eu un impact très important sur la fréquence des médicaments en rupture. Depuis l’application du décret de la baisse, ils constatent quotidiennement l’augmentation du nombre de médicaments augmente de jour en jour et aussi le retrait définitif de certaines spécialités sur le marché par manque de rentabilité ou le transfert de leur de site de production dans un autre pays. 81,4% des pharmaciens, l’augmentation du nombre des médicaments génériques de ses dernières années a eu grand impact sur cette fréquence. L’augmentation énorme de génériques de plusieurs spécialités donne un véritable casse-tête aux pharmaciens pour leur mise en place dans les pharmacies ou aux médecins au moment des prescriptions en plus de l’absence de droit de substitution pour les pharmaciens. Les médicaments les moins prescrits seront les moins disponibles dans les pharmacies, et par manque de rentabilité, les industriels pharmaceutiques possèdent à leur retrait du marché causant leur rupture de stock. Et pour les 18,6% restants des pharmaciens estiment que cet impact est faible voir très faible. Certains médicaments qui possèdent une gamme de génériques, même si celles-ci tombent en rupture, le médecin a une large gamme de génériques disponible pour remplacer ces spécialités par un de leurs génériques. Par contre, l’avis des pharmaciens diverge concerne l’impact de la surconsommation d’un médicament sur sa fréquence de rupture. Une surconsommation d’un médicament ne peut être la cause de sa rupture de stock que par une mauvaise prévision des industries pharmaceutiques ou des grossistes.
Concernant l’impact des ruptures de stock de médicaments sur la qualité de la prise des patients, les pharmaciens sont unanimes que la prise en charge des patients à l’officine est très impactée par ces ruptures. Suite à l’indisponibilité de leur médicament prescrit, les pharmaciens affirment constater quotidiennement des patients qui abandonnent ou qui ont une très mauvaise observance de leur traitement.
Enfin quant à l’impact des ruptures de stock de médicaments sur les CA des pharmacies ; 32,6% des pharmaciens affirment que cet impact est très important contre 3,8 des pharmaciens qui trouvent cet impact très faible. Et 46,2% des pharmaciens considèrent cet impact important contre 17,4% des pharmaciens qui le trouvent faible.
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L’estimation du phénomène des ruptures de stock de médicaments à l’officine n’est pas significative en fonction de leur stock de médicaments (p=0,72) et aussi l’impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine n’est pas significatif en fonction de leur durée d’installation (p=0,4). Ce phénomène des ruptures devient en plus important à l’officine quelle qu’en soit la valeur du stock de médicaments.
Par contre l’impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine n’est pas significatif en fonction de leur attitude à faire passer des marchés sur les médicaments qui tombent en rupture (p=0,478). 83,5% des officines qui ne passent pas de marchés sur les médicaments qui tombent en rupture, cet impact est important ; et cet impact est de même pour les 83,5% des pharmaciens qui ne passent pas ces marchés.
L’impact des ruptures de stock de médicaments sur le CA de l’officine est significatif en fonction de leur stock en médicaments (p<0,005) et aussi cet impact est significatif en fonction de leur quantité de commande médicaments qui étaient en rupture mais qui sont à nouveau disponible (p<0,005). Les officines qui commandent une quantité plus que la double de leur commande habituelle (>2), sont moins impactées sur leurs CA que celles qui commandent la quantité habituelle ou une quantité double leur commande habituelle (≤2). Cet impact est plus important pour les officines à faible stock de médicaments que pour celles qui ont un grand stock de médicaments.
a. Exemples de cas : Cas du Lévothyrox® :
Tableau 9 : Présentation du Lévothyrox®
Principe actif Dosages Forme
pharmaceutique Lévothyrox Lévothyroxine
sodique
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Ce médicament a comme substance active, la lévothyroxine, une hormone thyroïdienne synthétique. Il est prescrit dans les situations suivantes :
- Les hypothyroïdies [71] ;
- Les circonstances associées ou non à une hypothyroïdie où il est nécessaire de freiner la sécrétion de TSH [71].
Dans la majorité des cas, l’hypothyroïdie est définitive et le traitement doit être poursuivi indéfiniment [72].
C’est un médicament vital importé au Maroc, de dosage en microgramme. Il est sous monopole, c'est-à-dire sans alternative thérapeutique disponible. En Juillet 2019, le marché marocain a été confronté à une pénurie généralisée de ce médicament essentiel à marge thérapeutique étroite.
Selon les explications du laboratoire allemand Merck, c’était une pénurie mondiale due à une augmentation accrue de la demande sur le marché pharmaceutique international dépassant les capacités de production industrielle au niveau de leurs sites globaux [73]. La même cause fut évoquée par le ministère de la santé avant d’ajouter qu’à l’annonce de la rupture, il y a eu des surstockages par certains patients des boîtes de Lévothyrox [72].
Le Lévothyrox®, l’un des médicaments les plus vendu dans les officines. Avec des milliers de patients sous traitement, qui n’arrivaient pas à se procurer du Lévothyrox dans les officines, les pharmaciens confrontaient chaque jour l’inquiétude et le désespoir des patients. L’une des solutions étaient de chercher d’autres sources d’approvisionnement, notamment en Espagne, ou en France voire en Tunisie.
L’arrêt de leur traitement indépendamment de leur volonté peut avoir des conséquences dramatiques : l’aggravation de leur pathologie, réapparition de l’hypothyroïdie d’origine ainsi que d’autres complications pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
70 Cas du Sintrom® :
Tableau 10: Présentation du Sintrom®
Principe Actif Dosage Forme
Pharmaceutique
Sintrom® Acénocoumarol 4 mg Comprimé sécable
Le médicament a comme substance active, l’Acénocoumarol, une antivitamine K (AVK).
Il est indiqué dans :
- La prévention des complications thromboembolique [74] ;
- Le traitement des thromboses sévères profondes et de l’embolie pulmonaire ainsi que la prévention de leur récidive [74].
C’est un traitement nécessitant une surveillance biologique régulière par l’INR (International Normalized Ratio) et une surveillance clinique : hématurie, gingivorragie…
Ce médicament est un anticoagulant oral, vendu à 20 MAD dans les pharmacies, un prix assez bas et accessible. C’est un médicament sous monopôle sans génériques avec des alternatives thérapeutiques à prix élevé (exemple du XARELTO® comprimé).
Le médicament a subi une baisse de prix à 17,60 MAD en mai 2019 amenant des tensions d’approvisionnement au niveau des pharmacies. Cette rupture, d’après la DMP, est due à un léger problème d’étiquetage [75]. Une deuxième cause de cette rupture était surtout le prix bas (17,60 MAD). La solution du ministère a été une nouvelle révision de son prix en le ramenant à 20,00MAD.
L’arrêt brutal d’un traitement sous Sintrom expose le patient à un risque d’un état hypercoagulabilité pouvant entraîner des complications très sévères souvent létales.
71 Autres exemples :
- Les contraceptifs oraux : la classe thérapeutique le plus souvent en rupture. Les patientes sont confrontées généralement au moment du renouvellement de leurs contraceptifs à la rupture de ceux-ci. Le plus grand risque de l’arrêt d’un contraceptif est une grossesse non désireuse. L’attitude de la patiente ou du pharmacien est d’appeler le prescripteur pour un remplacement de leur contraceptif habituel par un des contraceptifs disponibles sur le marché.
Tableau 11 : Exemples de spécialités de contraceptifs oraux commercialisés au Maroc [76]
Génération Exemples
1ère Génération Millygynon®, Triela® 2ème Génération Microgynon®, Adépal® 3ème Génération Microdiol®, Cerazette® 4ème Génération Yaz®, Jasmine®
-Cardioaspirine® 100mg comprimé, substance active : acide acétylsalicylique . C’est un antiagrégant plaquettaire. Il a longtemps été en rupture en 2019, mais avec d’équivalents thérapeutiques disponibles sur le marché pharmaceutique national comme Aspégic®, Kardégic®.
b. Recommandations des pharmaciens d’officine pour prévenir le phénomène de rupture de stock de médicaments à l’officine :
- Rigueur dans l’application de la législation en vigueur :
Respect obligatoire du stock de sécurité par les industries et les distributeurs pharmaceutiques ;
Mise en place d’une commission nationale pilotée par la DMP pour s’assurer de ce respect, et prendre des sanctions en cas d’infractions et veiller à l’application stricte des sanctions assorties.
72
- Une meilleure politique de communication entre les différents acteurs concernés: la direction de médicaments et de la pharmacie, les industries pharmaceutiques, les grossistes, les pharmaciens d’officine, les prescripteurs et les patients.
- Avoir un site internet opérationnel du ministère de la santé sur lequel : Les pharmaciens pourront déclarer les médicaments en rupture ;
Les industries pharmaceutiques et les distributeurs pourront prévenir en avance la rupture de stocks ou le retrait définitif de certaines spécialités et aussi estimer le délai de leur réapprovisionnement ;
Une publication de la liste actualisée régulière des médicaments en rupture.
- La production des génériques pour des spécialités des maladies vitales qui n’ont pas de génériques ;
- Limiter le nombre de générique pour certaines spécialités ;
- N’accorder la licence que pour certains génériques qu’ils apportent une valeur ajoutée sur la qualité de prise en charge des patients démontrée par une étude rigoureuse.
- Prescription par DCI par les médecins. - Droit à la substitution pour les pharmaciens.
- Etudier l’impact sur le marché avant la baisse de prix de certaines spécialités pour éviter le retrait de certaines spécialités sur le marché par manque de rentabilité.
73
Partie III :
74 I. Introduction :
Durant toute la période de notre travail, nous avons constaté la difficulté quotidienne de l’exercice officinale face à des ruptures de stock qui ne cessent de prendre de l’ampleur. Dans l’optique de prévenir et de gérer ces ruptures, notre travail est de donner quelques recommandations comme citées ci- dessous.