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Chapitre II : Analyse des résultats

II. Analyse des corpus

3. Analyse des productions de Magalie

3.1. Passation individuelle

Magalie paraît ennuyée voire stressée de participer aux épreuves. Elle manifeste son inquiétude puis son mécontentement quant aux nombres d'images et à la planche proposée. Toutefois elle finit par se prêter volontiers à l'exercice.

En ce qui concerne la première épreuve, elle suit la progression des images et apporte pour chacune d'entre elles beaucoup de détails. Elle accorde notamment quelques propos au monsieur et précise tout au long de l'histoire qu'il y a du vent. Nous en déduisons qu'elle souhaite marquer la responsabilité du vent dans la mésaventure du personnage. Elle ne se contente pas de décrire les images mais entre véritablement dans l'histoire. Il transparaît une véritable implication dans son récit, elle donne l'impression de « vivre » la situation. D'ailleurs Magalie commence à signer alors que nous ne sommes pas encore assise. Les transitions sont signalées par le signe APRES, un geste de pointage sur l'image suivante ou encore le signe « FINIR » pour l'image dont il est question.

Dans la seconde tâche, Magalie débute par une énumération de quelques signes (RIVIERE, EAU et POISSON) puis entame la description de plusieurs actions de façon sommaire (Sujet + verbe). Elle termine en signant CHEVAL.

Nous n'avons complété les deux premières colonnes du tableau de recueil (cf annexe VII) qu'avec des productions à voix chuchotée. Il apparaît que le signe est prépondérant, l'oral n'étant là qu'en soutien et non l'inverse. Afin de le mettre en évidence, nous avons procédé à l'analyse des corpus.

Dès la première épreuve, Magalie décide uniquement de signer mais accompagne à de nombreuses reprises ses productions gestuelles d'émissions orales à voix chuchotée. Ces dernières sont soit redondantes (le mot signé correspond au mot dit) soit complémentaires (production du souffle du vent, soupir d'effort, interjection exprimant la surprise, production de [courrait]* qui précise le mouvement du corps effectué vers l'avant). Elle ne combine pas de gestes à visée communicative entre eux mais plutôt des gestes et des signes ou uniquement des signes. Elle accompagne ses productions gestuelles du regard. Si elle n'utilise pas le

pointage LSF, elle maîtrise le passage d'une situation de transfert à une autre.

Magalie se sert également des gestes de pointage sur l'image pour construire son

expression. D'une part, elle s'en sert pour assurer quelques transitions. D'autre part, elle ne dit

ni le mot ni le signe en question mais le pointe sur l'image (observé qu'une seule fois).

Magalie s'efforce de produire des structures signées vraisemblables : elle dessine notamment la trajectoire du chapeau selon le mouvement du vent qui le porte au loin. Les structures de transferts personnels sont enrichies de mimiques faciales nombreuses et

accentuées : souffle du vent dans la figure avec plissement des yeux, sentiment de fraîcheur

associé à un recroquevillement, gestes de réchauffement et souffle buccal, expression faciale couplée à l'interjection« oh » de stupeur et suivie d'une expression faciale d'abattement. Magalie investit également beaucoup les mouvements corporels dans les actions.

Dans la deuxième épreuve, les gestes de pointage sont utilisés uniquement pour

situer l'objet ou le personnage auquel elle fait référence. A ce propos, nous avons la

sensation que Magalie a compris que nous ne maîtrisions pas la LSF. En effet, elle commence sa description en signant RIVIERE tout en nous regardant. Elle précise ensuite de quoi elle parle en pointant la rivière sur l'image et en disant « là » (à voix chuchotée). Il semblerait qu'elle continue de produire des gestes de pointage dans le but de s'assurer de notre bonne compréhension.

Elle continue d'accompagner ses signes de productions orales à voix chuchotée. Son expression faciale est toujours animée, elle produit des bruitages buccaux, ses mouvements sont vifs et rapides. Les signes sont produits rapidement.

Enfin nous avons pu constater qu'en cas de difficultés, Magalie cherche de l'aide

auprès de son interlocuteur. Dans la situation observée , elle s'adresse d'abord à elle-même

en se posant la question « comment ça s'appelle ? » à voix chuchotée puis prend sa tête entre ses mains. Nous choisissons de lui laisser un peu de temps pour voir si elle change d'outil. Mais très vite, elle nous demande de l'aide en s'adressant à nous dans la double modalité (« c'est quoi ça ? » + signe de pointage sur le cheval suivi du signe QUOI). Nous la rassurons et nous lui proposons de le dire autrement. Nous n'avons pas l'occasion d'observer un changement d'outil car elle finit par se souvenir du signe qu'elle produit tout en murmurant « ah oui cheval ! ».

En-dehors des épreuves, ses propos sont limités et parfois inintelligibles mais toujours produits en modalité orale.

3.2. Passation collective

Magalie trouve plusieurs occasions pour s'exprimer : elle raconte le week-end de Lucie et le sien, répond à des questions qui lui sont adressées à elle ou à toute la classe et imite à de nombreuses reprises les signes produits dans son environnement (surtout ceux émis par l'instituteur).

Quelque soit la modalité d'expression de son interlocuteur, Magalie choisit en priorité

de signer. L'oral apparaît surtout avec quelques signes isolés accompagnés du mot correspondant et dans les moments de doute . C'est le cas notamment lorsque Julien annonce qu'il a vu Magalie à la foire alors que celle-ci ne l'a pas signalé dans son propre récit. Il s'ensuit un moment cocasse où l'instituteur se rend compte que Fanny a également été à la foire mais qu'elle aussi n'en avait rien dit et que les enfants se sont rencontrés entre eux. Durant cet échange, l'instituteur élève la voix, cesse de signer et par conséquent accorde une grande place à l'oral. Il interpelle notamment Magalie selon cette seule modalité. Ce sera un des seuls moments où Magalie construit une phrase à l'oral pour lui répondre. Elle se sert également de l'intonation de la voix pour s'assurer du sujet d'une question (elle signe MAC DONALD tout en émettant « mac do » avec une intonation montante).

Le reste du temps, elle investit la LSF, surtout si son interlocuteur signe. Si les signes sont combinés entre eux, nous n'avons pas eu l'occasion de noter l'utilisation de situations de transfert. Quand elle entre dans un récit, elle s'exprime uniquement en signes issus du

lexique standard qu'elle tend à accompagner de labialisation.

En outre, nous remarquons que Magalie est très attentive tant aux propos oraux que signés de l'instituteur mais qu'elle préfère imiter ses signes que répéter sa parole. Par ailleurs, un véritable échange en langue des signes s'instaure avec l'instituteur à propos de ses activités du week-end. Durant cette conversation, Magalie rebondit sur ce que l'instituteur lui signe, elle ne se contente pas de hocher la tête mais elle lui apporte des informations nouvelles. Quand il lui demande par exemple si elle a joué après avoir été mangé au Mac Donald, elle signe : JOUER / DEHORS / AVEC / Moment d'hésitation / SEULE.

Nous notons aussi que Magalie chuchote « adibou » sur épellation dactylologique de l'instituteur et amorce la production de la lettre A signée. Magalie semble donc pouvoir

reconnaître et utiliser l'alphabet dactylologique.

Enfin nous nous sommes aperçu que ses expressions faciales sont beaucoup moins marquées qu'elles ne l'étaient en situation individuelle. Il est possible qu'il soit plus facile pour elle d'investir l'expression faciale avec un support imagé. Toutefois nous émettons une réserve sur ce point et nous envisageons que ses propos n'appellent pas nécessairement de mimiques faciales particulières.

3.3. Dépouillement du questionnaire

Ses parents s'adressaient à elle à l'oral tandis qu'elle leur répondait surtout par des cris, parfois associés à un pointage sur les objets, et des mots sans faire de phrases. Depuis son entrée à la CLIS, ils la comprennent mieux quand elle parle. Elle ne crie plus pour avoir quelque chose, elle se montre moins énervée. Désormais, elle utilise surtout des phrases mais aussi des gestes pour communiquer. Les signes sont utilisés à la maison tant par Magalie que par ses parents. Nous ignorons le degré de maîtrise de la LSF par ces derniers mais nous supposons qu'elle se limite à quelques signes que Magalie et un membre de leur famille leur ont appris.

Conclusion

Nous n'avons pas beaucoup observé de changement d'outils. Magalie a principalement recours à la Langue des Signes Française qu'elle accompagne de mouvements labiaux pour compléter son expression. Elle semble se l'être appropriée comme un véritable outil de

communication, tant en classe qu'à la maison. Ceci explique que, de manière générale,

Magalie n'est pas influencée par l'utilisation préférentielle de l'oral du groupe (elle peut signer alors que les enfants autour d'elle parlent). Les rares fois où cela a été le cas, nous avons plutôt constaté une adaptation à l'interlocuteur ou au contexte avec une accentuation des outils utilisés (pointage et voix chuchotée systématiques dans la description de l'image, construction de phrases en groupe).

l'intelligibilité de sa parole. S'ils sont moins prononcés d'un point de vue corporel, ils l'empêchent tout de même à certains moments de produire les signes de manière précise. C'est pourquoi nous sommes étonnée qu'elle ait autant investie cette modalité. Nous rappelons que le diagnostic de dysphasie n'a pas été posé. Il est possible que Magalie se soit aussi bien appropriée la LSF parce que ses difficultés ne sont pas assignables à ce trouble. Par ailleurs, elle est au contact de la LSF depuis plusieurs années.