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Chapitre II : Analyse des résultats

II. Analyse des corpus

4. Analyse des productions de Fanny

4.1. Passation individuelle

Pour la première épreuve, Fanny choisit de signer. Elle commence par employer des signes isolés pour replacer le contexte sans expliquer ce que fait le monsieur sur la première image. Elle continue en juxtaposant les signes mais très vite elle ne semble pas savoir comment continuer. Nous lui suggérons alors de le raconter autrement. Elle approuve notre idée de la tête puis amorce une situation de transfert personnel. Elle devient plus expressive, son discours plus riche et les liens plus évidents. Elle termine par une situation de transfert narratif. La majorité des transitions sont assurées par le signe APRES généralement suivi d'un geste de pointage sur l'image concernée.

Elle profite de la seconde épreuve pour s'engager dans une énumération à l'oral (qui porte sur tous les animaux de l'image) qu'elle accompagne systématiquement de gestes de pointage. A la fin de son énumération, nous choisissons de lui reposer la question « et qu'est-ce qu'il se passe sur qu'est-cette image ? » pour essayer d'obtenir des phrases plutôt que des mots isolés. Elle entame alors une description de quelques actions tout en continuant d'utiliser les gestes de pointage. Elle termine par une énumération qu'elle renforce par quelques signes redondants à la parole.

En complétant notre tableau de recueil (cf annexe VII), il nous est apparu que même si Fanny avait fait le choix de signer en première intention, elle ne délaissait pas complètement l'oral au profit du signe. En effet, tout au long de son récit (histoire en images), de nombreuses productions signées sont accompagnées d'une labialisation. S'il s'agit d'un paramètre de formation de certains signes, ce n'est pas le cas ici et cette constatation nous laisse penser que Fanny adjoint l'oral aux signes.

Grâce à nos grilles, nous avons ensuite noté que si Fanny décide spontanément de

signer dans la première épreuve, très vite, elle semblait en difficulté. Elle paraît faire un

effort pour se souvenir ou choisir les signes. Les signes sont juxtaposés et il y a un temps de latence entre chacun d'entre eux : le discours manque de liens et de fluidité. Seule l'amorce de la situation de transfert personnel permet de « libérer » le récit. Fanny n'a pas changé d'outil face à la difficulté mais elle a modifié sa façon de l'utiliser suite à notre incitation. Elle a eu recours aux autres structures qui font partie de la LSF, structures de grande iconicité.

Par ailleurs, elle profite du changement de tâche pour s'engager spontanément dans

une description à l'oral. Nous remarquons alors qu'elle ne signe plus du tout mais

accompagne son énumération de gestes de pointage. Quelques signes font leur apparition à la fin de l'épreuve.

4.2. Passation collective

Fanny s'exprime de plusieurs façons au cours de la séance : elle accompagne sa parole de signes isolés, elle choisit uniquement de signer et elle investit également l'unique modalité orale. Elle intervient à propos de son week-end, de celui des autres enfants, de questions collectives ou individuelles, d'éléments qui l'interpellent ou pour reproduire des signes sur imitation.

Nous remarquons qu'elle choisit de signer pour raconter son week-end alors que l'instituteur s'adresse à elle uniquement par le canal oral. A plusieurs reprises, Fanny choisit d'ailleurs de s'exprimer par un mode différent de celui de son interlocuteur.

Par ailleurs, elle semble très vite limitée dans son récit. L'instituteur tente de lui venir en aide en lui posant une question signée qui reste dans réponse. Il lui repose alors la question de départ (« alors qu'est-ce que tu as fait dimanche ? ») sans signer. Fanny rebondit sur

l'occasion et commence son récit à l'oral. Nous constatons qu'elle ne signe plus du tout et

que son discours devient plus précis, plus riche et surtout plus fluide. L'impression de lenteur qui se dégageait de son récit signé disparaît.

En-dehors du récit, les signes sont beaucoup produits sur imitation, pour répondre à

capable de reconnaître un mot épelé grâce à l'alphabet dactylologique. Toutefois nous émettons une réserve à ce propos du fait que le mot en question ait été prononcé juste avant.

Fanny est beaucoup dans l'imitation des signes sans intention de communication. Elle semble même parfois « s'amuser » à reproduire les signes. Elle montre une réelle appétence face à l'outil LSF, même si régulièrement elle ne paraît plus être attentive à ce qui se passe autour d'elle. Cet intérêt pour cette langue est présent depuis son entrée à la CLIS. L'instituteur nous a expliqué qu'au départ elle est rapidement entrée dans le signe et qu'elle signait beaucoup. Depuis quelques temps, elle utilise un peu moins les signes. Toutefois elle cherche toujours en première intention à utiliser le signe en classe même si elle est plus efficace à l'oral.

4.3. Dépouillement du questionnaire

Avant son entrée à la CLIS, ses parents utilisaient l'oral et l'écrit pour communiquer avec elle qui, de son côté, utilisait des mots isolés mais surtout des phrases. Lorsque Fanny n'arrivait pas à dire certains mots compliqués pour elle, elle parlait et faisait des gestes pour mimer. Depuis son entrée à la CLIS, elle privilégie l'association de p h rases et de gestes pour communiquer à la maison. En parallèle, elle utilise des signes de la LSF et est heureuse de les montrer à ses parents qui communiquent avec elle uniquement à l'oral. Ses proches trouvent qu'elle apprend la LSF rapidement et qu'elle s'est épanouie depuis son entrée dans une classe qu'ils considèrent plus adaptée pour elle.

Conclusion

Nous rappelons qu'elle n'est entrée à la CLIS qu'en septembre 2009. Pour le moment, Fanny ne semble donc pas s'être approprié la LSF comme un véritable outil d'expression et

de communication. Elle possède un stock lexical de base, elle a saisi le principe des

structures de grande iconicité et peut développer une expression faciale adaptée à ces situations. Mais elle demeure beaucoup dans l'imitation, les signes sont juxtaposés voire plaqués la plupart du temps. Elle donne l'impression de s'engager dans le signe

spontanément puis de s'en échapper dès qu'elle a en la possibilité. En situation

individuelle, le changement d'outil correspond au changement de tâche. En situation collective, elle délaisse le signe au profit de l'oral dès que l'instituteur le lui permet en lui

posant une question orale. Il semblerait que Fanny soit dans une étape d'appropriation du signe et des structures LSF. Elle se montre très intéressée par cet outil et n'hésite pas à y recourir.