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Chapitre II : Analyse des résultats

II. Analyse des corpus

1. Analyse des productions de Julien

1.1. Passation individuelle

Lors de la première épreuve, Julien raconte l'histoire en décrivant ce qu'il se passe sur chaque image. Il n'entre pas beaucoup dans les détails, il relate les faits de façon brève mais il se montre expressif grâce à une mimique faciale d'effort et un ton de désolement. S'il signale la raison pour laquelle le chapeau s'est envolé (« à cause du de vent »), les transitions entre les images ne sont pas toutes signalées . Quand c'est le cas, elles sont marquées par l'utilisation du mot « après ».

Lors de la deuxième épreuve, Julien pose son regard sur l'image et décrit tout ce qu'il voit. Il procède à une énumération d'action (tel personnage fait telle action) et énumère quelques objets ou animaux.

Dans un premier temps, nous avons répertorié toutes les productions de Julien dans des tableaux de recueil (cf annexe V). En les remplissant, nous nous sommes aperçu que si Julien

n'accompagnait pas forcément sa parole de gestes ou de signes, la réciproque n'était pas vérifiée. En effet, il n'a jamais produit de signes ou de gestes sans les associer à la parole. Nous avons ensuite analysé ces tableaux selon nos trois grilles.

Elles nous ont permis de constater que Julien ne combinait ni les signes entre eux, ni les gestes entre eux mais uniquement des signes et/ou des gestes avec la parole. Il ne s'agit que

de signes isolés extraits du lexique standard et redondants à la parole (un signe pour un

nom commun ou un signe pour un verbe). Les quelques actions énoncées sont accompagnées de gestes de description. Julien utilise également quelques gestes de pointage pour préciser où se situe le personnage auquel il fait référence. Enfin nous avons pu remarquer que les moments d'hésitation ou de réflexion sont accompagnés de gestes sans signification

particulière qui semblent faciliter l'oralisation.

Julien ne prête pas d'attention particulière aux gestes et signes qu'il produit : il n'insiste pas dessus et ne les regarde pas. L'ensemble de cette gestualité, produite spontanément, s'inscrit naturellement dans son expression.

1.2. Passation collective

Julien est intervenu à plusieurs reprises et ceci dans le but de : raconter ce qu'il avait compris du récit de Lucie, raconter son propre week-end, répondre à des questions collectives ou individuelles ou encore exprimer une idée.

Au cours de l'ensemble de ses interventions, Julien a très peu combiné les signes LSF

entre eux. Ceci s'est produit à une seule reprise : l'instituteur s'était adressé à lui en signant

pour lui demander de raconter ce que Lucie avait fait durant son week-end. Cette dernière s'était exprimée uniquement en LSF. Julien a alors repris les signes selon l'ordre dans lequel Lucie les avait produit. Il nous est donc difficile de savoir si Julien aurait pu les combiner ainsi par lui-même ou s'il a reproduit la structure syntaxique LSF de mémoire. Quoi qu'il en soit, la seule fois où Julien a investi cette modalité unique correspond au seul moment où il

n'y a pas eu de place laissée à l'oral par ses interlocuteurs (de manière implicite).

En-dehors de ce temps, Julien a privilégié l'oral et accompagné ses productions de signes extraits du lexique standard LSF de manière ponctuelle et isolée. Certains signes sont

produits de manière approximative et d'autres sont confondus (notamment DIFFICILE et SOURIS dont les paramètres de formation sont assez proches). Julien produit également quelques signes sur imitation de l'instituteur ou de ses camarades sans intention de communiquer. Il s'agirait plutôt d'une « répétition » du signe à partir d'un modèle afin de, peut-être, mieux le produire ou se l'approprier.

En outre, nous avons pu à nouveau remarquer la production de nombreux mouvements ou gestes corporels liés aux moments d'hésitation.

Un dernier élément nous a paru intéressant. Face à un signe qu'il ne connaît pas, Julien

manifeste son incompréhension. Sourcils froncés, il interroge son interlocuteur à propos du

signe pour s'assurer de sa signification. Il s'est notamment adressé à un des enfants en lui adressant le signe QUOI et a dit en même temps à voix chuchotée « quoi ». L'enfant ne le voyant pas, Julien s'est alors tourné vers Magalie « magalie, magalie, c'est quoi ça ? » et a réalisé le signe en question. Bien que Magalie n'ait pas eu la possibilité de lui répondre, cette situation nous montre que Julien cherche à comprendre la signification des signes et n'hésite pas à interpeller ses camarades. Son comportement nous apprend aussi qu'il accorde à Magalie la possibilité de connaître les signes.

1.3. Dépouillement du questionnaire

Au sein de sa famille, Julien semble toujours avoir privilégié l'oral en s'exprimant au départ avec des cris puis avec des mots sans faire de phrases. Il lui arrivait de parler et de faire des gestes ou de montrer ce qu'il voulait quand son interlocuteur ne le comprenait pas. Depuis son entrée à la CLIS, ses proches trouvent que son langage s'est beaucoup développé (il a commencé à construire des phrases) et qu'il a progressé sur le plan scolaire. Son expression demeure principalement orale, les signes n'étant pas utilisés à la maison, ni par Julien ni par sa famille.

Conclusion

Julien utilise tous les outils langagiers à sa disposition et n'hésite pas à les combiner entre eux tout en accordant une place plus importante à l'oral. En effet, Julien n'a privilégié les signes qu'à une seule reprise, le contexte l'y incitant fortement. De la structure LSF, il a

uniquement extrait une partie d'une lexique standard auquel il accorde une place ponctuelle

et secondaire. L'oral prédomine : les signes ne font que l'accompagner et n'apportent pas

d'informations supplémentaires mais redondantes.

Les gestes ou signes « porteurs de sens » sont réalisés spontanément . Ils s'inscrivent naturellement dans son expression et ne paraissent pas lui demander un effort pour les produire. En cas d'hésitations, de doutes ou de difficultés pour trouver et/produire le

mot, des gestes « non significatifs » , lesquels correspondraient aux gestes extra-communicatifs décrits par Cosnier ou aux gestes auto-centrés définis par Colletta, accompagnent son discours. Ils semblent aider Julien à réfléchir, à construire sa pensée mais aussi à produire la parole (notamment par de nombreux mouvements de la tête vers l'avant qui lui donnent une impulsion).