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Les données utilisées pour l’analyse des pratiques spatialisées des frontaliers sont issues d’une enquête de mobilité quantitative portant sur un échantillon représentatif de l’ensemble des travailleurs frontaliers de 2010. L’objectif de l’analyse est de comprendre les compor-tements spatiaux des frontaliers à travers les modalités de déploiement des activités dans l’espace (espace métropolitain transfrontalier luxembourgeois) et au sein de la conjoncture espace-temps. Elle combine à la fois, l’analyse du nombre, de la succession et de la localisa-tion des activités. Enfin, elle associe des techniques issus de l’analyse spatiale et des statistiques multivariées.

1.1 Mesurer l’ordonnancement et la répartition des activités

Si les modalités de déploiement et la localisation des activités reflètent les modes de vie spatialisé des frontaliers, il s’agit de doter notre méthodologie d’outils adéquats. Au regard de la littérature et de notre grille d’analyse du lien entre choix résidentiel et mobilité quo-tidienne, deux éléments révélateurs des modalités de déploiement des activités émergent. Il s’agit d’abord des patrons d’activités qui témoignent des plannings et de l’organisations à travers leur succession au cours d’une journée de travail type. Ensuite les espaces d’activités qui permettent de mesurer la répartition des activités au sein du bassin de vie.

1.1.1 Les patrons d’activités

Bien que le concept de mobilité privilégie le déplacement comme unité de mesure et d’ana-lyse, l’approche par les activités a permis de combler certaines lacunes théoriques [Jones, 1977, Jones, 1983]. Celle-ci prend sa source dans les concepts développés au sein de l’école de Lund : l’approche de la Time Geography. L’organisation et la succession des activités dans le temps et l’espace produisent des enchaînements qui correspondent à des patrons d’activités [Vilhelmson, 1999] communs à des groupes d’individus. Témoignant de comportements spa-tiaux types d’individus qui partagent des caractéristiques sociodémographiques communes, les patrons d’activités ont notamment été utilisés dans le cadre de la modélisation multi-agents et de la géovisualisation des activités individuelles [Kwan, 2000]. Par exemple, dans le cas d’actifs, le domicile et le lieu de travail constituent les lieux structurants à partir desquels les individus peuvent déployer leurs plannings d’activités. Au schéma routinier commun aux actifs, aller au travail puis revenir au domicile, s’ajoutent d’autres activités telles que faire

les courses, déposer les enfants à l’école ou rendre visite à des amis. En d’autres termes, le patron structurant contraint domicile-travail-domicile, est complété par d’autres activités « secondaires ».

1.1.2 Structuration des patrons d’activités

Les patrons d’activités ont pu être reconstituées à partir des données de l’EMF (Figure 4.1). En effet, pour chaque déplacement, le lieu et l’heure de départ, le lieu et l’heure d’arrivée, la durée ainsi que le motif de déplacement sont demandés à l’enquêté. A partir de ces carac-téristiques et en exploitant les variables précédemment mentionnées, il est possible de chaîner les activités et les déplacements quotidiens. Les patrons d’activités ont donc été constituées grâce à la prise en compte de la succession des activités renseignées. L’objectif principal est d’analyser la longueur des patrons et le positionnement des activités par rapport à la frontière. Ainsi, la figure 4.1 correspond à la succession d’activités réalisées par un frontalier. Cette dé-marche est répliquée à tous les frontaliers pour reconstituer leurs patrons d’activités, dans un premier temps en ne tenant pas compte de la répartition des activités de part et d’autre de la frontière puis en intégrant celle-ci dans l’analyse dans un second temps (Figure 4.1).

1.1.3 Mesurer les espaces d’activités

Au-delà de l’organisation et de la succession des activités, renduent intelligible par les pa-trons, l’approche de la mobilité par les activités tient également compte de leur localisation. L’ensemble des lieux fréquentés par un individu forme un espace d’activités caractérisé par trois facteurs : la localisation du domicile et des activités régulières, ainsi que les déplacements entre les lieux fréquentés par l’individu [Golledge et Stimson, 1997, Schönfelder et Axhausen, 2010]. La durée d’activité peut également être prise en considération, constituant un quatrième fac-teur permettant de pondérer le lieu d’activité. Toutefois, les données de l’EMF ne permettent pas de tenir compte de ce dernier facteur étant donné l’information parfois incomplète ou arrondie des horaires de départ et d’arrivée des déplacement par les personnes enquêtées. Pour analyser les espaces d’activités des frontaliers, la technique d’analyse centrographique apparaît la plus pertinente. Cette technique permet caractérise et de synthétise la répartition des lieux d’activités dans l’espace [Cauvin et al., 2008].

Figure 4.2 – Ellipse de variabilité et variables spatiales

Pour chaque individu enquêté, les activités sont initialement représentées graphiquement sous la forme d’un semis de points. Ce dernier peut être analysé au moyen d’une ellipse standard (Figure 4.2) et de ses indicateurs dérivés : le centre de gravité de l’ellipse, la longueur

du grand et du petit axe ainsi que la surface de l’ellipse. L’ensemble de ces paramètres permet de résumer la dispersion et la distribution spatiale des activités [Pumain et Saint-Julien, 2010]. Dans le contexte transfrontalier de cette recherche, la prise en considération de la frontière est incontournable. Par son ajout, quatre variables supplémentaires peuvent être créées : surface de l’ellipse respectivement dans et en dehors du Luxembourg et le nombre d’activités de part et d’autre de la frontière.

1.1.4 Analyse en Composantes Principales (ACP) et Classification Hiérarchique Ascendante (CHA)

L’analyse centrographique présentée précédemment permet donc de prendre en considé-rations neuf variables continues. Cette masse d’informations doit être réduite afin de faciliter leur prise en compte et leur interprétation. La méthode la plus adaptée pour ce type d’analyse est l’Analyse en Composantes Principales (ACP). Elle permet de condenser et de résumer les informations statistiques (leur dispersion, au sens statistique du terme) [Rey et al., 1977, Bavoux et Chapelon, 2014]. Dans notre cas, il s’agit plus précisément de déterminer les cor-rélations entre les variables spatiales issues des ellipses de variabilité afin d’en dégager les principales composantes qui caractérisent la dispersion et la répartition des activités dans le bassin de vie des frontaliers. Après avoir déterminé ces composantes, une Classification Ascen-dante Hiérarchique (CAH) permet de créer des groupes de profils caractéristiques des espaces d’activités transfrontaliers [Bavoux et Chapelon, 2014].

1.1.5 La régression logistique vers la compréhension des déterminants du mode vie spatialisé des frontaliers

Pour dépasser la simple description des comportements, il apparait nécessaire d’en com-prendre les déterminants. Les groupes de frontaliers constitués à partir de la CAH donne un aperçu des différents modes de vie spatialisés frontaliers. Leur compréhension nécessite un approfondissement de l’analyse en tentant de comprendre quels facteurs favorisent l’adop-tion en particulier d’un comportement. Pour cela la méthodologie propose d’utiliser une re-gression logistique dont l’objectif est de comprendre l’effet d’autres variables individuelles sur les différents profils identifiés [Lebart et al., 2006]. Cette technique permet notamment de comprendre l’effet d’un ensemble de variables explicatives dans un modèle probabiliste unique [Hosmer Jr et Lemeshow, 2004]. Nous privilégions la méthode de régression logistique multinomiale qui permet d’expliquer les variables qui présentent plus de deux modalités. En considérant, les différents profils spatiaux comme la variable à expliquer et en la confrontant aux variables socio-démographiques, la regression permet de comprendre les déterminants

des différents groupes identifiés à partir de la CAH. Les résultats reprennent successivement les apports méthodologiques complémentaires évoqués et s’appuient sur cinq hypothèses de travail.

1.1.6 Hypothèses de travail

Les analyses s’appuient sur quatre domaines déclinés à partir des hypothèses générale et secondaires (Figure 4.3). Les deux premiers domaines concernent la longueur des patrons de déplacement et l’enchaînement des activités de part et d’autre de la frontière. Le troisième domaine d’hypothèse correspond à la localisation et à la dispersion des activités. La quatrième aborde la nature des activités. La cinquième concerne les routines spatiales. Nous proposons donc de formuler cinq hypothèses de travail à partir de ces domaines :

— Longueur des patrons d’activités : les frontaliers réalisent globalement peu d’acti-vités au cours d’une journée type de travail (HPT.1).

— Succession des activités selon le pays de travail et de résidence :Les frontaliers tendent à enchaîner plus d’activités dans leur pays de résidence (HPT.2).

— Localisation et dispersion des activités : Les frontaliers présentent des espaces d’activité centrés sur leur lieu de résidence (HPT.3).

— Nature des activités : En dehors du domicile et du travail, les frontaliers réalisent plutôt des activités contraintes dans leur pays de résidence (HPT.4).

— Routines spatiales : Les activités régulières montrent un fort ancrage des routines spatiales dans le pays de résidence (HPT.5).

Fig ure 4.3 – Dé m arche métho do log ique d’analys e des co mp ortements spatiaux des fro ntaliers du Luxemb ou rg

2 Un mode de vie spatialisé tourné vers le pays de