• Aucun résultat trouvé

2 Un mode de vie spatialisé tourné vers le pays de résidence

2.3 Des activités quotidiennes aux activités routinières, vers le confortement des profils spatiaux

L’analyse des activités régulières permet de compléter les résultats précédents. A partir du relevé de la localisation des activités (achats, loisirs et visites), il est possible de constituer la cartographie des lieux fréquentés régulièrement par les frontaliers ainsi que leur répartition selon le pays de résidence et le pays de travail. Cette analyse apporte un complément important par rapport à la compréhension des comportements spatiaux des frontaliers du Luxembourg. En effet, les patrons d’activités et la mesure des espaces d’activités s’appuient sur la collecte des déplacements réalisés au cours de la dernière journée travaillée. Ce résultat donne un bon aperçu des comportements spatiaux des frontaliers au cours d’une journée type de travail. Nous proposons de compléter cette approche à partir de l’analyse de la localisation et de la répartition des activités régulières de l’ensemble des frontaliers d’une part et d’autre part selon les profils spatiaux obtenus précédemment. Ainsi, l’analyse des comportement spatiaux quotidiens est complétée par les comportements routiniers.

2.3.1 Localisation des activités routinières un complément pour la compréhen-sion de la localisation des activités hors travail et hors domicile

Les frontaliers réalisent principalement leurs activités routinières dans leur pays de rési-dence (Figure 4.11). 79 % des achats sont réalisés à proximité du domicile des travailleurs frontaliers contre seulement 21 % au Luxembourg. 83 % des activités de loisirs et 93 % des visites à des amis ou à la famille sont également localisés en France, en Allemagne et en Bel-gique et seulement 17 et 7 % dans le pays de travail. Les services suivent la même tendance avec 73 % contre 27 %. La localisation de ces activités est concentrée dans les pôles urbains de résidence comme Thionville et Metz en France, la ville allemande de Trêves et Arlon en Belgique. Les agglomérations de Luxembourg et de Esch-sur-Alzette constituent les princi-paux lieux d’activités routinières au Grand-Duché. L’analyse descriptive de la localisation des activités régulières corrobore les observations précédentes. En dehors du domicile et du travail, les travailleurs frontaliers tendent à favoriser la France, l’Allemagne et la Belgique pour les ac-tivités d’achats, de loisirs et de visites. Ce comportement témoignerait d’un attachement plus important au pays de résidence d’une part. D’autre part, la répartition des activités de visites montrerait que le réseau social des frontaliers est peu développé au Luxembourg. Les loisirs qui correspondent aux activités de délassement sont également un indicateur de préférence spatiale montrant un choix de localisation en faveur du pays de résidence.

Figure4.11 – Localisation et répartition des activités routinières

Afin de poursuivre l’analyse, il s’agit de s’appuyer sur les profils spatiaux identifiés pour comprendre si ces derniers sont confortés par les activités routinières.

2.3.2 Des activités quotidiennes aux activités routinières

La répartition des activités routinières selon le profil spatial permet de mieux caractériser les comportements spatiaux des frontaliers. Elle rend aussi mieux compte du choix de localisation pour des activités moins contraintes. Enfin, elle témoigne de la répartition des activités pour le profil navetteur qui demande à être précisé en dehors de la dimension domicile-travail-domicile. Dans l’ensemble, les résultats (Figure 4.12) corroborent l’analyse précédente.

Figure4.12 – Répartition des activités routinières selon le profil spatial et le pays de résidence et de travail

La grande majorité des activités routinières (achats, loisirs, visites) sont réalisées dans le pays de résidence. En moyenne, 80 et 84 % des activités achats et visites sont localisées dans le pays de résidence contre 20 et 16 % au Luxembourg. Dès lors qu’il s’agit de visites à des amis ou à la famille cette moyenne chute à 6 %. Ainsi 96 % des visites sont effectuées dans le pays de résidence. En tenant compte des profils spatiaux des nuances apparaissent. Tout d’abord, 21 % des navetteurs réalisent régulièrement des achats au Luxembourg. De même, 28 et 25 % des des frontaliers de profil intégré et hybride choisissent le pays de travail pour cette activité. A contrario, seulement 15 et 13 % des frontaliers dispersés et domocentrés réalisent des achats au Luxembourg de manière régulière. Cette tendance se confirme à travers l’activité loisirs. 28 % des frontaliers de type intégré réalisent leurs loisirs au Luxembourg. Entre 14 et 15 % des navetteurs, des hybrides et des frontalier de type dispersés réalisent régulièrement une activité de loisirs au Luxembourg. Enfin, seulement 9 % des frontaliers domocentrés déclarent réaliser des activités de loisirs au Luxembourg. Les visites à la famille ou à des amis sont moins nuancées. En effet, hormis les dispersés (2 %), la part des visites au Luxembourg se situe aux alentours de 7 %.

Les résultats semblent corroborer en partie les hypothèses de travail formulées au début de ce chapitre.

Premièrement, les patrons d’activités suggèrent que les frontaliers réalisent globalement peu d’activités en dehors du domicile et du travail. Par ailleurs, ils enchaînent plutôt leurs activités dans le pays de résidence et notamment le matin avant d’aller au travail. On observe toutefois une répartition spatiale plus équilibrée des activités réalisées après le travail entre le pays de travail et le pays de résidence. L’analyse des patrons d’activités révèle également la complexité des schémas d’activités quotidiens qui comptent jusqu’à 22 activités successives au cours d’une journée. Ensuite, la nature des activités réalisées en dehors du domicile et du travail montre que les frontaliers réalisent plutôt des activités contraintes au regard de la typologie des activités proposée dans le second chapitre de la première partie.

Deuxièmement, l’analyse des espaces d’activités quotidiens des frontaliers a permis de dégager cinq profils spatiaux. Bien que la grande majorité des frontaliers réalise seulement un aller-retour entre le domicile et le travail ou présente un fort ancrage résidentiel (profil domocentré) une part relativement importante de frontaliers est spatialement intégrée au Luxembourg. Cette tendance ne diffère pas selon le pays de résidence des frontaliers. Les Français, les Belges et les Allemands présentent une équi-répartition des effectifs selon les cinq profils spatiaux. Le niveau d’intégration dans le pays de travail à travers les activités semble par contre influencé par les caractéristiques socio-démographiques et socio-économiques des individus. Ainsi un actif frontalier en couple avec des enfants aurait davantage tendance à s’ancrer dans son pays de résidence en développant des routines spatiales qui favoriseraient la proximité au domicile.

Enfin, l’analyse de la localisation des activités régulières indicatrices de routines spatiales montre que la grande majorité des frontaliers choisissent de réaliser plutôt ces activités dans leur pays de résidence. En outre l’analyse de ces activités routinières selon les profils spatiaux conforte d’une part l’hypothèse de l’ancrage des routines spatiales dans le pays de résidence et d’autre part les caractéristiques des profils spatiaux dégagés à partir de l’analyse des espaces d’activités (domocentrés, hybrides et dispersés). Il faut signaler que le profil navetteur s’inscrit

dans la tendance moyenne de répartition des activités avec une large majorité des activités sont réalisées dans le pays de résidence.

Au regard des hypothèses générales formulées dans la première partie, les résultats des analyses montrent la tendance des frontaliers à réaliser davantage d’activités dans leur pays de résidence à proximité de leur domicile. En outre, les programmes d’activités limités et consacrés à des activités plutôt contraintes seraient susceptibles de révéler la prégnance de tensions dans les modalités de déploiement des activités. Toutefois, ces analyses quantitatives ne permettent pas de vérifier l’hypothèse d’un effet frontière qui favoriserait l’ancrage rési-dentiel. Cette approche donne cependant un bon aperçu des modalités de déploiement des activités dans le cadre contraint de l’espace-temps quotidien. En accord avec la démarche de la recherche, l’enquête compréhensive auprès des actifs frontaliers permettra d’aller plus loin dans la compréhension du rapport qu’ils entretiennent avec leurs temps de vie quotidiens et leur pays de travail. Par ailleurs, les programmes d’activités limités permettent de montrer les implications de la composition du ménage et des longs déplacements domicile-travail sur certains comportements observés dans la limite des données disponibles. De même et comme indiqué dans la démarche générale de la recherche, l’approche compréhensive permettra éga-lement de compléter l’analyse.

Une importante distance domicile-travail n’est pas nécessairement l’apanage des frontaliers du Luxembourg qui justifierait d’un repli sur le domicile. En effet, dans une configuration spa-tiale similaire, n’est-il pas possible d’observer des comportements spatiaux équivalents au sein d’autres espaces métropolitains dépourvus de frontières dès lors que la distance domicile-travail et le budget temps de transport est comparable ? Ainsi la configuration spatio-fonctionnelle domicile-travail-domicile favoriserait l’apparition d’un comportement plutôt domocentré. Ce questionnement justifie la mise en place d’une démarche de comparaison des comportements spatiaux de deux populations se déplaçant dans une configuration spatiale similaire (en dehors de la présence d’une frontière étatique au sein du bassin de vie de l’une des deux populations) et partageant les mêmes profils sociodémographiques. En cas d’observation de différences au niveau des pratiques spatialisées, cette comparaison permettrait éventuellement de révéler la prégnance d’un effet frontière sur la localisation des activités. Si les comportements observés étaient proches ou similaires, nous serions tentés d’invalider l’hypothèse de l’"effet frontière" sur les comportements spatiaux. Pour cela, et suite à l’analyse des comportements spatiaux de l’ensemble des frontaliers du Luxembourg, nous proposons de mettre en comparaison deux faisceaux de mobilité qui partagent une configuration spatiale similaire. Le premier est fron-talier et le second non fronfron-talier.

Comparaison entre des modes de vie