• Aucun résultat trouvé

ANALYSE DES ENTRETIENS Le premier entretien

Dans le document N 83/84 A.N.A.E. (Page 37-40)

bénéficiant d’un accompagnement scolaire et à domicile spécialisé

ANALYSE DES ENTRETIENS Le premier entretien

Les premiers entretiens réalisés au début de la recherche soulignent les relations très conflictuelles entre les parents et les professionnels du soin autant dans la recherche du diagnostic et de ses incertitudes (autisme non dit ou dia-gnostic différé selon les parents). Ces incertitudes diagnosti-ques vont de pair avec des prises en charge thérapeutidiagnosti-ques de l’enfant qui ne conviennent ni aux parents ni aux enfants (écart manifeste entre le souhait d’une intégration en milieu scolaire ordinaire pour les parents et une prise en charge institutionnelle pour les soignants). Ces affrontements idéo-logiques, l’incompréhension des attitudes et des discours des professionnels, sont vécus par les parents comme une remise en cause, parfois une dépossession de leur rôle parental. Le manque de connaissances sur l’autisme, la complexité des étiologies renforcent ces conflits. Les parents ont mis du temps avant de pouvoir trouver un pro-jet éducatif ou une conduite thérapeutique qui rejoint leurs attentes, qui les rassure et leur permette de se projeter dans l’avenir avec leur enfant, de se sentir restaurés dans leurs compétences de parents, de se libérer d’un sentiment de cul-pabilité, surtout chez les mères. Les parents disent alors combien ils ressentent de la satisfaction personnelle de pou-voir aider leur enfant à s’épanouir et progresser.

Les troubles du développement, de la communication et de la socialisation de l’enfant autiste ont un impact sur la vie quotidienne, l’organisation du temps, les loisirs, l’épanouissement personnel. Cette charge est ressentie plus particulièrement par les mères. Par empathie avec l’enfant, en réaction au stress maternel, certains pères apparaissent très maternants. D’autres pères ont centré leur effort sur l’investissement d’un plan de carrière professionnel pour pouvoir assurer la charge financière que représentent l’éducation et les soins de leur enfant. Ainsi, différemment, l’autisme de l’enfant affecte souvent les relations au sein du couple et celles du couple avec les amis. Il nécessite un aménagement précis de toutes les activités quotidiennes.

La prise en compte du handicap passe par une prise de conscience progressive de l’autisme, puis une volonté de compréhension des troubles de l’enfant à travers des lectu-res, des informations cherchées sur Internet, des collo-ques ; très rares sont les parents qui ne sont pas avides d’information sur l’autisme, ce qui témoigne de leur désar-roi face aux attitudes éducatives à tenir.

La comparaison avec les autres enfants du même âge ou de la fratrie, est vécue comme une véritable rupture et un traumatisme dans l’histoire familiale. L’enfant autiste doit s’inscrire dans la filiation et trouver sa place dans la famille au sein de la fratrie : si la famille élargie (grands-parents, collatéraux) offre en général un étayage affectif et un support matériel assez positifs, les difficultés de com-préhension du handicap de l’enfant autiste, diverses selon les familles, suscitent la résurgence des conflits passés de l’enfance chez certains parents.

La confrontation aux troubles de l’enfant autiste a un impact sur la fratrie. Les parents observent que celle-ci est particulièrement sensible au regard d’autrui. Certains mem-bres des fratries ont tendance à adopter des attitudes

paren-20. Décrivez comment la présence d’un enfant a affecté votre qualité de vie globale ; décrivez comment la présence d’un enfant avec un handicap a affecté votre qualité de vie globale.

tales envers leur frère ou leur sœur autiste (protection, médiation vers les autres enfants, mais aussi interrogation sur les troubles perçus et leur devenir), voire des attitudes de soignant (étayage, sollicitation, accompagnement, et remédiation envers les autres enfants) ; quelques-uns sont en souffrance. Pour les parents, le respect de l’identité et des besoins de chacun de leurs enfants est une préoccupation qui apparaît comme une problématique essentielle et complexe, qui parvient toutefois à être assumée.

En deçà de l’idéalisation et de la rationalisation notées dans les questionnaires de qualité de vie, beaucoup d’émotions, de souffrances et d’affects sont exprimés par les parents dans les entretiens. Des éléments persécuteurs exacerbés et des moments plus dépressifs peuvent s’articuler à un besoin permanent d’être dans l’agir (acting) pour faire face à la complexité des situations rencontrées.

La nécessité d’un travail de deuil d’un « enfant idéal » ou d’un « enfant normal » est explicitement évoquée par quel-ques mères. Le besoin d’un accompagnement psycholo-gique et d’une écoute bienveillante est également exprimé.

Des effets psychothérapiques liés aux premiers entretiens sont assez manifestes (soit dans le mouvement de l’entretien, soit dans l’après-coup).

Le second entretien

Lors du second entretien, les parents soulignent dans leur grande majorité une nette amélioration de leur qualité de vie, du fait notamment des soutiens apportés par les profes-sionnels chargés de l’accompagnement à l’intégration sociale en famille et à l’école. Après quelques ajustements du positionnement relationnel réciproque de l’accompagnant et des parents, ceux-ci semblent retrouver leur véritable posi-tion parentale, et non plus celle de cothérapeute ou de réédu-cateur. Plusieurs parents indiquent même que leur vie a été transformée depuis la mise en place du « coaching », aussi bien au niveau de leur vie personnelle et conjugale que de leur vie professionnelle et des loisirs. En effet, leur implica-tion dans l’éducaimplica-tion de leur enfant autiste est plus tranquil-lisée et sécurisée par les programmes mis en place et par la qualité des professionnels qui les appliquent en partenariat avec eux. Les mères en particulier peuvent, pendant le temps scolaire, être libérées de l’anxiété qui les reliait psychique-ment à leur enfant lorsqu’il n’était pas dans des conditions scolaires sécurisées. La relation entre l’école, la maison et le

« coaching » est vécue comme transparente, apaisante. Les parents expriment leur fierté d’avoir construit et animé l’association qui permet la socialisation de leur enfant et qui compense la blessure sociale éprouvée.

Les parents « croient en leur enfant », en son potentiel d’évolution, ils admirent les progrès accomplis ou ses efforts pour aller à l’école alors qu’il peut en avoir peur, par exemple. Quelques familles traversent toutefois une période de découragement, le maintien des troubles bruyants de leur enfant, alors que les apprentissages sco-laires évoluent, devient intolérable, au point que des frères et sœurs ont des problèmes de comportement à l’école. Il y a aussi la souffrance de l’enfant qui ressent sa différence et qui désespère les parents.

Les processus d’adaptation aux situations stressantes de la vie de tous les jours (par exemple, les courses dans les magasins, les vacances) sont variés et témoignent de la recherche de stratégies de résistance au stress. Comme

pour de nombreux handicaps, un travail psychique est nécessaire pour faire face au regard d’autrui, qui exprime soit de l’incompréhension face aux manifestations compor-tementales liées au handicap, soit un jugement de réproba-tion pour ce qu’autrui pense être une carence éducative.

Une certaine dépressivité, déjà notée lors du premier entre-tien, accompagne un véritable travail psychique (perlabo-ration) de compréhension des troubles de l’enfant autiste, de l’acceptation du handicap face à l’altérité. À la ten-dance à l’agir succède la prise de conscience douloureuse, qui engagera vers la réflexion et l’élaboration. L’idéa-lisation des relations de couple, notée surtout lors du pre-mier questionnaire, alors que le prepre-mier entretien expri-mait toute la souffrance et le désarroi d’avoir un enfant autiste, se teinte maintenant d’ambivalence et devient plus réaliste. La fragilisation du couple peut être exprimée, ainsi que le besoin d’un soutien psychologique.

CONCLUSION

À l’issue de deux années de suivi, la mise en place du « coa-ching » est décrite par les parents comme particulièrement positive, les soulageant au quotidien et satisfaisant leur demande militante d’une intégration scolaire et sociale de leur enfant autiste. Si l’existence vécue par les parents est perçue comme stressante, une certaine amélioration se fait jour au bout d’une année. La maîtrise des situations (locus de contrôle plutôt interne), comme l’existence d’un soutien social plutôt élevée se confirment. Le « coaching » réaffirme les parents dans leur rôle de parents, leur permet de dépasser un certain sentiment de dépossession de leur enfant autiste, généré par les prises en charge institutionnelles et les situa-tions conflictuelles entre les parents et les soignants, comme cela a été noté dans la revue de la littérature.

L’autisme d’un enfant retentit sur la qualité de vie globale de la famille : il affecte la vie du couple, la réalisation de soi aussi bien dans le travail que les loisirs, à des degrés différents selon le sexe des parents. Si la perception glo-bale de la qualité de vie est fort variable selon les familles, un changement très positif s’observe chez 4 mères, alors que la perception des pères reste stable.

Les parents interrogés ont particulièrement conscience de la place et du rôle de la fratrie au sein de la dynamique familiale, de son rôle de médiateur entre l’enfant autiste et les autres enfants. La reconnaissance de l’identité de cha-cun est parfois complexe et problématique. Les recherches rappelées précédemment soulignent l’intérêt essentiel de cette question et la nécessité de poursuivre le questionne-ment dans ce domaine afin de répondre aux besoins des frères et des sœurs d’un enfant autiste, aux demandes de conseils éducatifs des parents et d’un soutien psycholo-gique pour la fratrie.

Enfin, si beaucoup d’émotions et de souffrance sont expri-mées, un véritable travail psychique de perlaboration est visible à travers les entretiens et les réponses aux question-naires.

RÉFÉRENCES

ADRIEN (J.-L.) : « Vers un nouveau modèle de psychopatho-logie de l’autisme : la dysrégulation fonctionnelle et développe-mentale »,PsychoMédia, 3,2005, 37-41.

BEAUFILS (B.) : « Qualité de vie et bien-être en psychologie », Gérontologie et Société, 78,1996, pp. 39-50.

BECKER (C. B.), MCFARLAND (J.), ANDERSON (V.) : « A model of positive behavioral support for individuals with autism and their families : The family focus process »,Focus on Autism and Other Developmental Disabilities, 18 (2), 2003, pp. 113-123.

BLANCHON (Y. C.), ALLOUARD (G.) : « Évaluation objec-tive de la dimension handicapante de l’autisme de l’enfant et de l’adolescent »,Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 46(9), 1998, pp. 437-445.

BOYD (R. D.), CORLEY (M. J.) : « Outcome survey of early intensive behavioral intervention for young children with autism in a community setting »,SAGE Publications and The National Autistic Society, 5(4), 2001, pp. 430-441.

BRUCHON-SCHWEITZER (M.), GILLIARD (J.), SIFA-KIS (Y.), KOLECK (M.), TASTET (S.), IRACHABAL (S.) :

« Lieu de contrôle et santé »,Encycl. Méd. Chir., Psychiatrie, 37032 A 35, 2001, 6 p.

CAMPBELL (J.), SCHRAIBER (R.), TEMKIN (T.), TUSSCHER (T.) : « The well-being project : Mental health clients speak for themselves », inReport to the Cali-fornia Department of Mental Health,1989.

CHARMAN (T.), HOWLIN (P.), YBERRY (B.),

PRINCE (E.) : « Measuring developmental progress of chil-dren with autism spectrum disorder on school entry using parent report »,SAGE Publications and the National Autistic Society, 8(1), 2004, pp. 89-100.

CHOSSY (J.-F.) :La situation des personnes autistes en France, rapport public, Secrétariat d’État aux personnes handicapées, Paris, 2003.

DE LEVAL (N.) : « Scales of depression, ill-being and the qua-lity of life – is there any difference ? An assay in taxonomy », Quality of life Research, 4,1995, pp. 259-269.

EDLUND (M.), TANCREDI (L. R.) : « Quality of life : An ideological critique », Perspectives in Biology and Medecine, 28(4), 1985, pp. 591-607.

GATTEGNO (M. P.) : « Vers de nouvelles pratiques des psycho-logues auprès des personnes autistes »,PsychoMédia, 3,2005, 42-46.

GERIN (P.), MADJID (S.), DAZORD (A.) : « Propositions pour une définition de la qualité de vie subjective », in J.-L. Terra, Qualité de vie subjective et santé mentale. Aspects conceptuels et méthodologiques,Paris, Ellipses, 1994.

GHIGLIONE (R.), LANDRÉ (A.), BROMBERG (M.), MO-LETTE (P.) : L’analyse automatique des contenus, Paris, Dunod, 1998.

GRAY (D. E.) : « Accommodation, resistance and transcen-dence : three narratives of autism »,Social Science & Medicine, 53,2001, pp. 1247-1257.

HAHAUT (V.), CASTAGNA (M.), VERVIER (J.-F.) :

« Autisme et qualité de vie des familles », Louvain Médical, 121(3) (2002), pp. 20-30.

HUWS (J. C.), JONES (R. S.-P.), INGLEDEW (D. K.) :

« Parents of children with autism using an email group : A grounded theory study »,Journal of Health Psychology, 6(5), 2001, pp. 569-584.

IONESCU (S.) : « La recherche dans le domaine de la qualité de vie des personnes présentant une déficience mentale », Revue francophone de la déficience intellectuelle, 8 (1), 1997, pp. 5-17.

KIRKHAM (M. A.), SCHILLING (R. F.), NORELIUS (K.), SCHINKE (S. P.) : « Developing coping styles and social sup-port networks : An intervention outcome study with mothers of handicapped children »,Child Care Health and Development, 12(5), 1986, pp. 313-323.

KOEGEL (L. K.), STIEBEL (D.), KOEGEL (R. L.) : « Redu-cing aggression in children with autism toward infant or tod-dler siblings », Journal of the Association for Persons with Severe Handicaps, 23(2), 1998, pp. 111-118.

LAZARUS (R. S.), FOLKMAN (S.) : Stress, Appraisal and Coping,New York, Springer, 1984.

MURRAY (M.), CLARKE (S.), WORCESTER (J.) : « A tea-cher’s perspective of using PBS in a classroom for a girl with multiple disabilities », Journal of Positive Behavior Interven-tions, 4(3), 2002, pp. 189-192.

OLSSON (M. B.), HWANG (P. C.), HATTON (C., ed), BLACHER (J., ed), LLEWELLYN (G. ed) : « Influence of macrostructure of society on the life situation of families with a child with intellectual disability : Sweden as an example. Spe-cial Issue on Family Research »,Journal of Intellectual Disabi-lity Research Print, 47(4-5), 2003, pp. 328-341.

PILOWSKY (T.), YIRMIYA (N.), DOPPELT (O.), GROSS-TSUR (V.), SHALEV (R. S.) : « Social and emotional adjust-ment of siblings of children with autism », Journal of Child Psychology and Psychiatry, 45,4, 2004, pp. 855-865.

RAVAUD (J.-F.) : « La scolarisation des enfants handicapés », inA. Triomphe (dir),Données sociales : les personnes handica-pées en France,Paris, 1995, CTNERHI.

RUBLE (L. A.), DALRYMPLE (N. J.) : « An alternative view of outcome in autism », Focus on Autism and Other Develop-mental Disabilities, 11(1), 1996, pp. 3-14.

SALT (J.), SELLARS (V.), SHEMILT (J.), ABOYD (S.), COULSON (T.), MCCOOL (S.) : « The Scottish Centre for Autism preschool treatment programme. I : A developmental approach to early intervention », SAGE Publications and The National Autistic Society, 5 (4), 2001, pp. 362-373.

SALT (J.), SELLARS (V.), SHEMILT (J.), ABOYD (S.), COULSON (T.), MCCOOL (S.) : « The Scottish Centre for Autism preschool treatment programme. II : The results of a controlled treatment outcome study »,SAGE Publications and The National Autistic Society, 6(1), 2002, pp. 33-46.

SENON (J. L.), LAFAY (N.), RICHARD (D.) : « Mécanismes d’ajustement au stress », Encycl. Méd. Chir., Psychiatrie, 37400 C20, 1998, 8 p.

SIVBERG (B.) : « Family system and coping behaviors. A com-parison between parents of children with autistic spectrum disorders and parents with non-autistic children », SAGE Publications and The National Autistic Society, 6 (4), 2002, pp. 397-409.

STONEMAN (Z.) : « Supporting positive sibling relationships during childhood », Mental Retardation and Developemental Disabilities, Research Reviews, 7,2001, pp. 134-142.

STONE (W. L.), COONROD (E. E.), POZDOL (S. L.), TURNER (L. M.) : « The Parent Interview for Autism – Clini-cal Version (PIA-CV). A measure of behavioral change for young children with Autism », SAGE Publications and The National Autistic Society, 7 (1), 2003, pp. 9-30.

WHITAKER (P.) : « Supporting families of preschool children with Autism. What parents want and what helps », SAGE Publications and The National Autistic Society, 6 (4), 2002, pp. 411-426.

WOLFF (M.) : « Fonctions et compétences de l’accompagnant d’enfants et d’adultes avec autisme : vers un premier modèle », PsychoMédia, 3,2005, pp. 47-50.

WOLFF (M.), GATTEGNO (M. P.), ADRIEN (J.-L.) :

« Un modèle de l’accompagnement de personnes autistes.

Pour la valorisation de la profession », Handicaps, 2005 (à paraître).

WORLD HEALTH ORGANISATION : International Classifi-cation of Impairment, Disabilities and Handicaps : A Manual of Classification Relating to Consequences of Disease, Genève, WHO, 1980.

L’intégration scolaire

Dans le document N 83/84 A.N.A.E. (Page 37-40)