• Aucun résultat trouvé

cHAPITRE 4 : Résultats et discussion

4.4 Analyse des actions spécifiques avec le TSAP

Le TSAP est un outil de mesure qui permet de fournir des données de performance reflétant des éléments concrets et pertinents sur le jeu de l’équipe (Catarino et al., 2017). Ces données peuvent être globales et concerner les indices généraux du jeu (VJ/min, IE, SP), ou encore être plus précises et concerner l’analyse de certaines actions plus spécifiques. D’ailleurs, l’étude des actions réalisées pendant des séquences précises de jeu figure parmi les analyses détaillées de la performance qu’il est possible de réaliser grâce à la procédure utilisée pour cette étude.

Plusieurs travaux de recherche ont montré la pertinence des analyses détaillées des séquences de jeu afin de mieux comprendre les forces et les faiblesses des équipes et aller au-delà des statistiques de jeu traditionnelles (Caty, Meunier, & Gréhaigne, 2007; Moniotte et al., 2011; Redwood-Brown, 2008). Ce type d’analyse fait ressortir des actions pertinentes que l’on retrouve systématiquement au cours du déroulement du jeu et qui ont tendance à se reproduire régulièrement (Berchebru, Meunier, & Gréhaigne, 2009).

Plus spécifiquement, il s’avère intéressant d’étudier les séquences de jeu qui précèdent un tir au but (TB) ou une perte directe du ballon (PDC, PDP, PDA) grâce aux observations effectuées. Ces phases de jeu sont considérées déterminantes et permettent de constater des tendances qui pourraient aider à comprendre et anticiper ce qui se passe afin de mieux les contrer (Moniotte et al., 2011). Cela

123

permettrait aux entraineurs d’élucider les composantes de la performance à améliorer de l’équipe et à mieux préparer leurs effectifs pour les prochaines rencontres.

Ces analyses des séquences de jeu sont possibles car les actions répertoriées au cours de chaque match de la saison sont compilées de manière chronologiques (Figure 12). Ainsi, trois exemples-types d’analyses peuvent ainsi être réalisées : (a) le calcul du nombre de passes consécutives effectuées avant la perte d’un ballon; (b) le nombre de passes consécutives effectuées avant un tir au but et (c) le nombre de ballons conquis avant un tir au but.

La Figure 12 illustre un exemple d’une section du fichier Excel utilisé pour analyser les matchs et qui permet le calcul des passes. Les cellules en couleur jaune dans la colonne « E » correspondent à des séries de passes consécutives. Ces séries sont interrompues soit par une perte de ballon à l’adversaire (cellule rouge) ou par un tir au but (cellule bleue). En fonction de ces coupures, la somme des passes consécutives de chaque série est notée dans les colonnes « O » et « P ». Plus il y a de passes consécutives avant un tir, plus cela indique que l’équipe semblait en contrôle du jeu et « construisait » une attaque. Par ailleurs, il était également possible qu’un tir au but puisse être aussi précédé par seulement un ballon conquis (BC) et représente un joueur qui a subtilisé le ballon à l’adversaire et qui a tiré au but dans la même séquence. Cette situation était notée dans la colonne « Q ».

Quelques exemples d’interprétations des actions en fonction du déroulement des évènements d’une section d’un match sont présentés ci-dessous :

- La cellule « O6898 » correspond à une perte de ballon sur une passe tentée après l’exécution de trois passes consécutives entre les joueurs numéro (23), (25) (14) et (2);

- La cellule « P6907 » correspond à un tir au but réussi après quatre passes consécutives;

124

Figure 12. Exemple de l’analyse d’une séquence de jeu amenant à un tir au but ou une perte de la possession du ballon à l’aide du TSAP.

125

La somme des passes cumulatives de toutes les séquences pour chaque match au cours de la saison pour les deux équipes (filles et garçons) a été effectuée pour les différentes séquences de jeu menant à un tir au but d’une part, et à une perte directe d’autre part. Les analyses des passes consécutives ont été classées en 4 catégories selon la longueur des séquences des passes consécutives (Tableau 18). Ces analyses ont également permis de relier les trois zones du terrain avec ces catégories afin de distinguer quelle zone correspond à la séquence la plus longue/courte.

Les analyses des 22 matchs observés indiquent que les deux équipes ont enregistré 421 TB, dont 292 tirs (69,35 %) étaient précédés par une ou plusieurs passes consécutives et 129 tirs (30,65 %) ont été précédés par un ballon conquis (BC) ou un ballon récupéré « hors contexte » (HC) comme les coups sur ballons arrêtés dont les coups francs et corners.

La moyenne des passes consécutives effectuées avant de réaliser un TB à travers toutes les rencontres est de 2,87. Ainsi, il semble que plus la séquence de passes consécutives est courte, plus l’équipe a des chances d’effectuer un TB. De là, 38 % des TB sont effectués après une seule passe alors que seulement 13,66 % des TB ont été précédés par six passes et plus. En analysant plus en détail les séquences amenant à un TB, on remarque que le nombre des séquences précédant les tirs au but réussis (TBR) est quasi égal à celui des séquences qui précèdent les tirs au but manqués (TBM). Par exemple, sur les 111 séquences précédant un TB (catégorie 0 à 1 passe), 58 d’entre elles ont abouti à un TBR et 53 ont donné un TBM. Les mêmes proportions sont observées au niveau des autres catégories de nombre des passes consécutives. À cet effet, la longueur de la séquence des passes qui précèdent un TB ne semble pas influencer l’efficacité des tirs des joueurs (si le tir au but est réussi ou non) pour les deux équipes observées.

126 Tableau 17

Répartition des séquences de passes consécutives précédant un tir au but (TB) et selon la zone du terrain

Pourcentage de passes selon la zone du terrain Catégories du nombre de passes consécutives Nombre de séquences avant un tir au but (TB) Nombre de séquences avant un tir au but réussi (TBR)

Nombre de

séquences avant un tir au but manqué (TBM) Zone défensive (ZD) Zone centrale (ZC) Zone offensive (ZO) 0 à 1 passe 111 (38 %) 58 53 0 % 9,43 % 90,57 % 2 à 3 passes 92 (31,33 %) 50 42 1,83 % 20,64 % 77,52 % 4 à 5 passes 49 (16,66 %) 26 23 7,37 % 38,25 % 54,38 % 6 passes et plus 40 (13,66 %) 22 18 15,46 % 49,21 % 35,33 % Total général 292 (100 %) 156 136 - - -

127

Le nombre relativement limité de passes précédant un TB peut refléter certaines carences technico-tactiques des joueurs de niveau universitaire ou une manière de jouer plus précipitée vers l’avant pour faire progresser le jeu et marquer. Les joueurs cherchent peut-être davantage à tirer rapidement le ballon vers le but sans prendre assez le temps pour préparer adéquatement l’attaque de l’équipe contrairement aux équipes professionnelles par exemple. De plus, des niveaux d’habiletés techniques plus faibles que les joueurs professionnels ne permettent peut-être pas aux joueurs de conserver assez longtemps le ballon afin de saisir l’opportunité de le tirer au bon moment.

Logiquement, les analyses illustrent que plus la séquence précédant un TB est courte, plus on constate que le jeu se déroule au niveau de la zone offensive du terrain. Par exemple, pour la catégorie « 2 à 3 passes », le pourcentage de passes réalisées en ZO avant de tirer le ballon est de 77,52 % contre 20,64 % pour celles réalisées dans la ZC et 1,83 % pour la ZD. En tenant compte de ces résultats, le point de départ de plusieurs attaques menant à un tir de l’équipe se situe davantage dans la zone offensive (ZO) que dans les autres zones du terrain. Cette information contraste avec les résultats de l’étude de Moura et collaborateurs (2007), qui ont trouvé que le point de départ d’une attaque d’une équipe professionnelle menant à un TB commence à partir de la zone de défense (ZD) de l’équipe (avec plusieurs séquences de 10 passes et plus). Or, il est rare qu’une séquence de trois passes consécutives par exemple, puisse commencer de la ZD sans qu’elle soit interrompue par l’adversaire, pour les équipes universitaires observées.

Les analyses démontrent également qu’au niveau du soccer universitaire, 111 transitions rapides dans le jeu ont mené à un TB. Ces transitions représentent des changements rapides du statut attaquant/défenseur entre les joueurs des deux équipes. Celles qui se réalisent principalement en ZO ont beaucoup de chances de mener à un TB compte tenu de la proximité avec le but adverse (Nadeau et al., 2008a). Des résultats similaires ont été observés dans l’étude de Moniotte et collaborateurs (2011) pour le hockey sur glace qui ont constaté que la majorité des

128

séquences aboutissant à un TB proviennent également des récupérations réalisées en ZO.

Par ailleurs, le Tableau 19 présente la répartition de la longueur de la séquence de passes qui ont mené à des pertes directes. L’analyse des matchs démontre que de nombreuses pertes de ballons à l’adversaire sont constatées avec de courtes séquences de passes. En effet, 62,45 % de la totalité des pertes directes (PD) sont précédées par des séquences de « 0 à 1 passe », alors que des séquences de « 2 à 3 passes » consécutives avant une perte directe représentent 20,82 % du total des actions répertoriées. Les catégories « 4 à 5 passes » et « 6 passes et plus » correspondent respectivement à 433 pertes directes (8,96 %) et 374 pertes (7,74 %). Selon les résultats obtenus, les équipes ont davantage perdu le ballon à l’adversaire à la suite de passes tentées (PDP) (62,27 %), comparativement à 32,77 % pour les pertes sur contrôle (PDC) et 4,95 % pour les pertes directes autres (PDA) du ballon. Selon les lois de la probabilité, les chances de perdre le ballon à l’adversaire augmentent plus le nombre de passes consécutives est élevé.

Le nombre de passes consécutives d’une séquence de jeu détermine en grande partie la qualité de conservation du ballon d’une équipe (Hughes & Lovell, 2019). Ainsi, le pourcentage élevé de pertes relatif à la catégorie « 0 à 1 passe » montre qu’il y a énormément d’échanges de ballon dans le jeu entre les joueurs des deux équipes pour le calibre de jeu observé. Ce phénomène est probablement dû au manque de contrôle du ballon et pourrait s’expliquer par le niveau d’habileté général des joueurs ou l’organisation du jeu des équipes. Ainsi, les équipes observées ont obtenu une moyenne de 1,57 passe consécutive avant la perte du ballon à travers tous les matchs de la saison. Cette moyenne de passes consécutives traduit donc un indice de conservation du ballon assez faible comparativement à des niveaux de jeu plus élevés comme le soccer professionnel (Goral, 2015).

129 Tableau 18

Répartition des séquences de passes consécutives précédant une perte directe du ballon

Type de perte du ballon Catégories de séquences

de passes consécutives

Nombre de séquences menant à des Pertes Directes (PD)

Nombre de séquences menant à des Pertes sur Contrôle (PDC)

Nombre de séquences menant à des Pertes Directes sur Passes Tentées (PDP) Nombre de séquences menant à des Pertes Directes Autres (PDA) 0 à 1 passe 3017 (62,46 %) 964 1838 215 2 à 3 passes 1006 (20,82 %) 333 663 10 4 à 5 passes 433 (8,96 %) 148 278 7 6 passes et plus 374 (7,74 %) 138 229 7 Total général 4830 (100 %) 1583 3008 239

130

Une des limites de l’outil de mesure des performances utilisé dans cette étude demeure que les observations effectuées ne permettent pas de conclure que ces pertes sont uniquement ou partiellement dues à des erreurs d’exécution techniques ou de mauvaises décisions tactiques. Il est nécessaire que l’entraineur qui prend connaissance des résultats du TSAP après un match doivent par exemple consulter la vidéo du match ou encore questionner l’athlète pour en savoir plus sur les raisons de ces pertes. Il serait toutefois possible de granuler davantage l’observation des variables du TSAP afin de préciser certaines informations du genre. Par exemple, pour les pertes sur contrôle, il serait possible de subdiviser cette variable en perte sur contrôle sans option de passe (le joueur n’avait pas d’option pour faire une passe à un coéquipier) ou encore perte sur contrôle sur ballon reçu (perte du ballon alors que le joueur vient tout juste de recevoir une passe d’un coéquipier, ce qui signifie que le joueur était probablement marqué au moment de la réception de la passe), etc. Ces précisions allongeraient certainement le temps d’analyse, mais pourraient offrir davantage d’informations aux entraineurs et joueurs sur l’explication des résultats.

Dans le même ordre d’idées, le pourcentage assez élevé de PDP observé au Tableau 19 représente une autre donnée décrivant le niveau d’habileté des joueurs. La perte directe d’une passe en tentant de faire parvenir le ballon à un coéquipier peut être due à plusieurs raisons, qui peuvent varier de la mauvaise exécution mécanique de l’action de faire la passe (composante technique) jusqu’au mauvais positionnement du joueur passeur et/ou du joueur receveur sur le terrain (composante tactique) (Gréhaigne, 2018). Ces mesures pourraient permettre à l’entraineur d’avoir un aperçu sur cet aspect technico-tactique de la performance et planifier des entrainements individuels ou collectifs pour améliorer la moyenne de passes réussies dans un match. Des précisions supplémentaires pourraient être faites comme par exemple perte directe sur passe tentée de moins de 3 mètres ou de plus de 3 mètres, sur perte directe sur passe tentée vers l’avant ou vers l’arrière, etc. La poursuite des analyses en données par joueur pourrait également donner

131

des pistes aux entraineurs sur les carences de certains individus ou même de la faiblesse de certaines phases des patrons de jeu collectifs.

Pour les résultats obtenus dans la présente étude, le pourcentage assez important de PDC (32,77 %) reflète également de possibles carences techniques ou tactiques chez les joueurs. En effet, la perte du ballon sur contrôle peut être due à une mauvaise manipulation du ballon ou une perte d’un duel face à un joueur adverse, à une mauvaise prise de décision d’aller au duel plutôt que de jouer de manière plus sûre en retrait par exemple. Là encore, les résultats de TSAP accordent à l’entraineur ou aux joueurs l’occasion d’évaluer le niveau technique ou tactique mais dans un contexte particulier du match qui a été joué.

L’interprétation des mesures des différentes variables et actions détaillées de la performance (BC, BR, TB, etc.) ainsi que le lien existant entre elles font du TSAP un outil très pertinent et pratique pour les entraineurs et les observations sont beaucoup plus précises et détaillées que celles qu’ils peuvent observer sans outil de mesure pendant le match. Les analyses effectuées dans la présente étude confirment en toute logique les constats de la littérature concernant la performance des joueurs en situation de match dans les sports collectifs. La présentation de cette démarche est une autre étape qui valide l’outil utilisé (validité de construit) pour la mesure de la performance au soccer compétitif.