• Aucun résultat trouvé

ANALYSE DE LA SITUATION DE L’ANJE AU NIGER

Dans le document Fraternité - Travail Progrès (Page 14-18)

 Des pratiques d’allaitement universelles mais non optimales :

De 2006 à 2012 on note une faible amélioration du taux d’allaitement exclusif qui est passé de 14% à 23%. Les résultats de l’enquête EDSN-MICS 2012 montrent que 53% des nourrissons ont été allaités dans l’heure qui suit la naissance ce qui veut dire que 47% de nourrissons ne le sont pas. Seulement 23% de nourrissons soit moins d’un quart d’enfants sont allaités exclusivement. L’introduction d’autres liquides ou aliments est précoce, et il s’agit souvent soit de l’eau simple (56 %), des jus (16%), d’autres liquides non lactés (8 %), d’autres produits lactés (4%) ou des aliments de complément (8 %). Le problème majeur est lié à la croyance que dans un pays sahélien où il fait aussi chaud, l’enfant a soif et doit boire de l’eau. Par contre l’allaitement est une pratique quasi universelle et durant une période assez longue car 99 % des enfants de moins de six mois sont allaités et environs 93 % des enfants de 12-15 mois le sont encore. La durée médiane de l’allaitement est estimée à 20.5 mois.

Figure 3 : Allaitement selon l'âge de l'enfant (EDSN-MICS,2012)

Les informations disponibles suggèrent la persistance des facteurs liés à l’environnement socioéconomique, aux normes sociales, culturelles et individuelles qui affectent la pratique de l’allaitement.

- Certains facteurs structurels affectent toute la population tels que l’inadéquation des services de santé et d’autres services sociaux pour la promotion et le soutien à l’allaitement et l’influence de la famille et des communautés.

La loi nationale sur le code de commercialisation des substituts du lait maternel est encore sous forme de draft. Bien que le congé de maternité pour les femmes qui travaillent soit de 16 semaines et en accord avec les recommandations de l’OIT, les services n’ont pas prévu d’espace d’allaitement pour faciliter cette pratique en milieu de travail. Le personnel de santé manifeste d’importants gaps de connaissances et de compétences dans le domaine de l’ANJE, ce qui limite le soutien donné aux mères.

- La deuxième catégorie des facteurs est liée aux normes sociales notamment à la persistance de pratiques traditionnelles largement répandues qui font que d’autres produits sont administrés à l’enfant avant l’âge de 6 mois pour le protéger.. Certaines études5 et des constats sur le terrain font état des croyances et représentations que la population se fait du lait. Selon le contexte, le premier lait (colostrum) est considéré comme mauvais, sucré, chaud ou pouvant entraîner une maladie. Cela conduit les mères allaitantes à ne pas donner le lait avant de le tester ou à attendre pendant 3 ou 4 jours que le lait change de couleur et devienne blanc. Dans ces communautés, le colostrum est donc jeté pendant ce temps-là et l’enfant est nourri par le lait d’origine animale ou du lait artificiel. D’autres parts, l’influence de la famille et la communauté joue un grand rôle dans le choix de certaines pratiques surtout chez les jeunes mères.

- La dernière catégorie est liée aux facteurs individuels à savoir les facteurs inhérents à la femme et à la relation entre la mère et son bébé. En effet, la même étude a montré une série de facteurs expliquant le non-respect de la pratique d’allaitement exclusif : la crainte de la soif, l’état de santé de la mère, les problèmes de lactation, le travail de la mère (enfant confié à la garde des grandes sœurs), etc. les femmes n’ont pas toujours accès aux informations utiles, ni au soutien nécessaire pour faciliter la pratique de l’allaitement. Les facteurs individuels qui affectent la pratique de l’allaitement sont liés à l’âge de la mère, son niveau d’éducation, son état d’esprit.

La survenue d’une nouvelle grossesse a également été signalée souvent comme une cause d’interruption de l'allaitement, car, selon les croyances, le lait maternel est infecté et nuisible au nourrisson quand la mère est enceinte.

Les femmes qui travaillent ont tendance à introduire une alimentation complémentaire dès qu’elles reprennent le travail suite à l’insuffisance de soutien de leur employeur et à l’inexistence d’espace réservé aux bébés mais aussi suite à des facteurs personnels comme la fatigue, etc.

 Des pratiques d’alimentation de complément inappropriées :

En ce qui concerne l’alimentation de complément, très peu d’informations sont disponibles et cet aspect mérite une recherche d’informations complémentaires. Les quelques informations disponibles montrent que la situation est loin d’être optimale. Selon l’EDSN-MICS 2012, en effet, la proportion des enfants de 6 à 9 mois ayant bénéficié d’un aliment de complément est passée de 75% à 65% de 2006 à 2012, moins d’un enfant sur dix (6%) reçoit une ration minimale acceptable durant la période de 6 à 24 mois. Dans le groupe d’âge de 6-23 mois, 73% d’enfants allaités ont consommés des aliments à base de céréales, 15%

des aliments à base de légumineuses et de noix et 14% de la viande, du poisson ou de la volaille.

De 2006 à 2012, la prévalence de l’anémie chez les enfants de moins de 5 ans est passée de 84% à 73% et la forme sévère est passée de 7% à 3% . Cette prévalence est restée stationnaire à 46% chez la femme en âge de procréer (15 à 49 ans).

- L’alimentation de complément à partir de six mois reste très pauvre et peu variée. La nécessité de donner aux enfants une alimentation de complément spécifique à partir du 6ème mois est bien connue des femmes. Cela ne veut pas pour autant dire qu’elles l’appliquent. En règle générale, l’enfant de plus de 6 mois n’a pas une alimentation spéciale. De façon générale, les raisons de cet état de fait sont mal connues mais il semblerait que des barrières liées aux croyances, à l’insuffisance des connaissances, aux facteurs culturels et aux normes sociales affectent de façon significative les pratiques d’alimentation de complément.

Les barrières à une alimentation complémentaire appropriée sont principalement:

5 Etude du LASDEL (en février 2013, CEPED 2014)

16

- Le faible niveau de revenus des ménages qui limite la diversification des aliments : En effet, selon le rapport de l’indice humain de 2014, seul 18% des Nigériens ne vivent pas dans l’extrême pauvreté ; - L’indisponibilité alimentaire qui limite l’accès aux aliments de complément : 79% de la population

vivent dans les zones rurales ou l’alimentation est très peu diversifiée ;

- L’inadaptation des informations concernant alimentation de complément dans le contenu des outils de communication qui sont déjà utilisés sur le terrain et dans les structures de santé (outils plus centrés sur les femmes et n’incluant pas les hommes et autres décideurs; l’insuffisance dans la vulgarisation de recettes à base d’aliments locaux adaptes);

- L’insuffisance des connaissances des parents ; - les tabous alimentaires.

 Les barrières liées au genre

La responsabilité de la santé et de la nutrition des enfants est essentiellement attribuée à la femme ; L’administration de l’alimentation de complément relève de la responsabilité de la femme, qui n’a pas toujours les moyens de se procurer des denrées nécessaires . Au Niger, selon les normes sociales observées, les hommes ne se sentent pas directement concernés dans la nutrition et la santé des enfants et des femmes. La plupart des hommes ne s’intéressent aux détails de l’alimentation des enfants, ainsi qu’aux difficultés qui pourraient entraver l’allaitement et l’alimentation des enfants. Pourtant, le pouvoir de décision sur les finances de la famille et sur la production relève de l’homme.

En conclusion, la nutrition et la santé des enfants et des femmes, étant considérées comme « une affaire des femmes», ne sont pas suffisamment priorisées dans l’allocation des ressources du ménage faite par les premiers décideurs de la famille (les hommes).

- L’accès inéquitable des membres du ménage aux aliments riches : En milieu rural la responsabilité des maris et des pères est d’assurer l’alimentation de la famille. Mais ils ne sentent pas l’obligation d’approvisionner en aliments riches les enfants et les femmes. C’est ainsi qu’il est observé qu’il y a plusieurs ménages où les enfants souffrent de malnutrition chronique malgré un certain pouvoir d’achat des pères.

Enfin, il faut retenir aussi que les femmes n’ont pas le même accès facile aux aliments riche à cause de:

leur difficulté à se déplacer (suite à la surcharge de travail et leur liberté limitée de mouvement) et leur faible pouvoir d’achat.

- La surcharge de travail des femmes : les femmes sont chargées des travaux ménagers et de la garde de leurs enfants. Dans les zones rurales, les tâches ménagères sont lourdes à cause de l’éloignement des sources d’approvisionnement d’eau (54% de ménages ruraux ont la source d’eau à plus de 30 minutes de chemin) ; l’utilisation du bois de chauffe ; et le pilage manuel des céréales (mil, mais, etc…). De plus, - le grand nombre d’enfants aggrave la surcharge de travail des jeunes femmes et entrave l’allaitement

maternel exclusif et la bonne nutrition du jeune enfant (la préparation d’un « repas spécial » pour lui).

• Un contexte d’insécurité alimentaire chronique :

La difficulté d’accès à une alimentation variée et la pauvreté sont des causes sous-jacentes significatives de malnutrition au Niger et les enfants venant des groupes de population les plus pauvres sont les plus affectés. Le contexte d’insécurité alimentaire permanent limite l’accès à une alimentation adéquate et diversifiée surtout pour les ménages ruraux. Cependant, les données du Niger montrent qu’une sécurité alimentaire et économique seule ne peut garantir un bon statut nutritionnel, car la malnutrition chronique est également un sérieux problème de santé publique chez les enfants venant des familles les plus aisées (les 20% les plus aisés de la population, où 35% des enfants sont affectés).

L’agriculture n’est pas très diversifiée et la production se focalise majoritairement sur certaines cultures de base (mil, sorgho, maïs, niébé et riz).

Commented [FS9]: Étauffer ce paragraphe en faisant ressortir l’insécurité alimentaire et le lien avec les pratiques ANJE

 Des pratiques de soins et d’hygiène inappropriées :

Les pratiques adéquates de lavage de mains à l’eau et au savon sont rares , seulement 36% des mères en milieu rural et 57% en milieu urbain se lavent les mains aux cinq moments critiques comme recommandé par l’OMS6. L’hygiène est très critique durant le processus d’alimentation de complément car la contamination des aliments et boissons peut entrainer la maladie et la malnutrition. Les données du Niger montrent une grande différence de prévalence de la malnutrition chronique parmi les enfants des ménages n’ayant pas de toilettes (60%), et celle des enfants venant de ménages disposant de toilettes adéquates(40%)7.

 Une insuffisance d’accès à des services de santé de qualité :

Au Niger, les données suggèrent que le statut nutritionnel précaire des nourrissons et des jeunes enfants est directement lié à l’insuffisance d’accès aux services de santé durant la grossesse, l’accouchement et les consultations nourrissons. Ainsi, la malnutrition chronique est plus élevée (60%) parmi les enfants nés à domicile sans l’assistance d’une personne qualifiée, que parmi les enfants nés dans les formations sanitaires (44,5%)8.

 Le faible pouvoir de décision des mères (et surtout des jeunes mères) :

Au Niger les mères – en particulier les mères adolescentes– ont un statut et un pouvoir de décision très limités au sein des ménages9. Selon l’EDSN 2012 seulement 21% des femmes participent aux décisions concernant leurs propres soins de santé. Cette proportion est encore plus faible (14%) pour les filles adolescentes de 15-19 ans. Les jeunes mères ne peuvent pas décider quand et comment allaiter leurs enfants, les nourrir, les éduquer et les soigner. Leur vie et celle de leurs enfants dépendent du bon vouloir de leurs époux, de leurs belles mères et d’autres femmes influentes dans la famille. Les relations de pouvoir entre femmes, qui dépendent de l’âge et de la position dans la famille, entravent donc la possibilité réelle pour une mère d’appliquer les conseils qu’elle peut recevoir sur la nutrition, l’hygiène et la santé.

Environ 24% des jeunes filles de 15 à 19 ans se sont mariées avant 15 ans, 77% des femmes de 25 à 49 ans, avant 18 ans, et l’âge moyen au premier mariage est de 15 ans. Quand une jeune fille de moins de 18 ans tombe enceinte, son développement physiologique entre en compétition avec celui du fœtus, entrainant souvent la naissance d’un enfant avec un faible poids (inférieur à 2500g).

 L’ANJE en Situation d’urgence

Lors des situations d’urgence, les perturbations et les déplacements de populations ont un fort impact sur les taux de morbidité et de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans. Ces taux sont généralement plus élevés que dans les autres groupe d'âge jusqu’à être de 2 à 70 fois plus élevés que la moyenne. Dans la Région de Diffa, si on regarde les enfants admis dans le programme intensif de prise en charge de la malnutrition aiguë sévère, 20% sont des nourrissons de moins de 6 mois, ce qui montre que les pratiques d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant sont loin d’être optimales.

La programmation de l’ANJE dans les situations d'urgence est importante pour les raisons suivantes:

6Source: Niger, Child Survival at a Glance, 2012, sited in REACH Nutrition Analysis 7

8

9Sur ce point voir aussi : MPFPE-UNFPA, Le rôle des institutions traditionnelles et religieuses dans la promotion des droits de la femme au Niger, 2010

18

 L'allaitement est sans risque, gratuit et sauve la vie des enfants vulnérables dont les risques de décès augmentent de façon marquée dans les situations d'urgence.

 Les urgences augmentent les risques de diminuer l’allaitement maternel et d’utiliser l’alimentation mixte.

 La poursuite de l'allaitement maternel est essentielle dans la réduction du risque de diarrhée et d’autres maladies des enfants plus âgés, qui augmente en cas d'urgence.

 Les dons de SLM compromettent l'allaitement et peuvent causer la maladie et la mort.

 L’ANJE est essentielle pour réduire le risque élevé de malnutrition dans les situations d'urgence.

Une alimentation de complément sans risque, adéquate et appropriée contribuant de manière significative à la prévention de la malnutrition et de la mortalité chez les enfants après 6 mois est souvent compromise dans les situations d'urgence et nécessite une attention particulière.

Dans le document Fraternité - Travail Progrès (Page 14-18)

Documents relatifs