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3.4 Demande des bâtiments Laurana

3.4.3 Analyse détaillée de la demande des six SST de Laurana-Parc

Baisser le niveau de température des réseaux thermiques est un enjeu important pour augmenter l’efficience globale du système (moins de pertes), permettre une pénétration plus importante des ressources renouvelables ou fatales et diminuer les consommations électriques de pompage du réseau ou éviter un surinvestissement dans le réseau (diamètre des tuyaux) (IEA-DHC, 2016). Cependant, dans le cas de Laurana, une éventuelle baisse des températures de retour ne changerait probablement pas le taux de couverture de la PAC (voir la partie 3.3.5) sachant que l’enjeu énergétique de la consommation électrique de pompage reste faible. En revanche, observer et analyser ses températures de retour des SST est un point clé afin de voir les optimisations possibles pour d’autres réseaux thermiques.

Grâce aux données précises sur les six SST de Laurana, des analyses détaillées sur différentes périodes ont pu être effectuées. Une partie des données n’a pas été exploitées en raison du temps à disposition mais les données sont stockées dans une base de données toujours accessible.

Dans le cadre de cette partie, plusieurs analyses sont décrites :

 Premièrement, les courbes de charge de l’ECS des SST Laurana ;

 Deuxièmement, l’énergie consommée pour l’ECS ou le chauffage par SST à Laurana ;

 Troisièmement, les niveaux de température associés au chauffage et à l’ECS, qui détermine le niveau de température de retour sur le réseau Laurana ;

Pour bien comprendre l’architecture typique d’une SST à Laurana, un exemple d’une SST complète (avec ECS et chauffage) est montrée ci-dessous (Figure 37) :

Figure 37 : plan typique d’une SST Laurana-Parc (source CGC)

Echangeur primaire

Echangeur ECS CHAUFFAGE

Réseau primaire

SIG

Réseau secondaire Bâtiment

Cette architecture est celle d’une SST construite en 2011 et qui est typique des SST construites aujourd’hui sur les réseaux genevois. Elle possède un échangeur primaire qui sépare hydrauliquement le réseau primaire SIG (à gauche, violet) du réseau secondaire du bâtiment (à droite, rouge). Le réseau secondaire possède un collecteur qui distribue l’eau chaude soit sur un second échangeur pour les ballons d’ECS, soit sur les trois secteurs de distribution du chauffage (Voirons, Jura, Salève).

3.4.3.1 Courbes de charge de l’ECS (niveau échangeur)

Grâce aux compteurs de chaleur situés aux niveaux des échangeurs ECS, une analyse sur six mois (du 01.09.14 au 28.02.15) a été effectuée pour élaborer la courbe de charge de la demande ECS d’une journée-type. A partir des données 5 minutes issues des données à l’échangeur, chaque heure de la journée a été observée et une puissance maximum ou moyenne a été déduite. Le maximum de l’abscisse de chaque graphique correspond à la puissance nominale de l’échangeur ECS de la SST concernée.

Les huit graphiques des six SST de Laurana10 montrent les résultats suivants :

Figure 38 : puissance max (gris) et moyenne (orange) pour chaque heure de la journée – SST Chablais 3 et DC 7-9

Figure 39 : puissance max (gris) et moyenne (orange) pour chaque heure de la journée – SST DC11 et DC 13

10 Avec 3 demandes ECS séparées pour l’immeuble 10-12-14 route de Jussy grâce aux 3 compteurs installés

Figure 40 : puissance max (gris) et moyenne (orange) pour chaque heure de la journée – SST Jussy 8 et Jussy 10

Figure 41 : puissance max (gris) et moyenne (orange) pour chaque heure de la journée – SST Jussy 12 et Jussy 14

Globalement, on observe les indications suivantes :

 Une assez grande diversité dans les courbes de charge des différentes SST montrant que le comportement et le nombre d’habitants influencent le soutirage et donc la charge des ballons ECS ;

 Sur les valeurs moyennes (orange), une triple bosse de consommation :

o un premier pic autour de 4h du matin, lié au mode de gestion légionnelle et une montée en température du réseau à 70°C, en lien avec une modification de la consigne ECS de 55°C à 70°C durant cette période ;

o une deuxième demande plus importante le matin (entre 8 et 10h) et une troisième demande plus forte en fin de journée (entre 18 et 20h). Ces deux demandes sont typiques d’une demande ECS de logements ;

 Une baisse de la demande moyenne autour de 6h du matin, liée à la fin du mode de gestion légionnelle et au nouveau changement de consigne de charge du ballon ECS (de 70°C à 55°C) ;

 Des dimensionnements d’échangeurs ECS souvent assez généreux (relation entre les puissances max et les abscisses, ces dernières représentant le dimensionnement de l’échangeur) mais n’impliquant pratiquement pas d’impact financier.

3.4.3.2 Consommation spécifique d’ECS par SST

Des compteurs de chaleur situés aux niveaux des échangeurs (primaire et ECS) permettent de comptabiliser l’énergie qui est distribuée à la SST (primaire) et l’énergie spécifiquement dédiée à l’ECS. L’énergie pour le chauffage est déduite par soustraction (primaire – ECS).

Pour l’année 14-15, on aboutit au tableau suivant :

SST

Tableau 3 : Données énergétiques chauffage et ECS des SST Laurana (année 2014-2015)

La somme des énergies délivrées aux échangeurs primaires (4'349 MWh) est 2.5% plus élevée que la somme du bilan de Sankey de la Figure 6 (4'244 MWh), ce qui reste plausible dans les limites des erreurs de compteurs (+/- 3%).

Globalement, l’ECS représente 1'363 MWh11, soit 31% de la consommation d’énergie de Laurana-Parc ou 1'650 kWh/hab/an ou 41 kWh/m2/an ou 148 MJ/m2/an. Ces résultats sont dans la fourchette haute des valeurs typiques des bâtiments genevois de logements locatifs raccordés à un CAD. En effet, une analyse faite par l’UNIGE sur 62 SST du canton a montré une médiane de 1'478 kWh/hab/an ou 122 MJ/m2/an, avec un troisième quartile à 1'612 kWh/hab/an ou 155 MJ/m2/an, valeurs similaires aux résultats présentés ici. Les bâtiments de la CIGALE, également suivi par l’UNIGE, aboutissent à des résultats de 1’298 kWh/hab/an ou 113 MJ/m2/an.

Ces différents résultats correspondent à l’énergie fournie au boiler, y compris les pertes de stockage et les pertes de circulation/distribution. Ils peuvent se comparer à la valeur standard de 128 MJ/m2/an admise dans l’indice de dépense de chaleur (IDC) genevois pour les habitats collectifs (OCEN, 2014).

11 Au niveau de l’échangeur, soit avant les pertes de stockage et de distribution de l’ECS dans les bâtiments.

Une autre méthode d’évaluation peut être faite sur la base des compteurs d’eau froide situés en amont des bouilleurs d’ECS. Le calcul de l’énergie de l’ECS12 estime l’eau réellement consommée par les habitants, sans prendre en compte les pertes de boilers et de circulation, ce qui diffère des résultats du Tableau 3 présenté précédemment. Il s’agit ici de l’énergie utile, comparable aux valeurs définis par la norme SIA 380/1 qui fixe une valeur de 75 MJ/m2/an pour des habitats collectifs (SIA, 2009).

Dans les données à disposition, il manquait malheureusement un des deux compteurs d’eau froide de la SST Deux-Communes 7-913. Les principaux résultats sont résumés ci-dessous

Tableau 4 : compteurs eau froide et estimations ECS des SST Laurana (année 2014-2015)

L’analyse via les compteurs d’eau froide donne des résultats avec environ 20% d’énergie en moins que ce qui est comptabilisé aux compteurs des échangeurs ECS (1'116 MWh versus 1'363 MWh), ce qui correspondrait grosso modo aux pertes de boiler et de circulation.

Les résultats de 119 MJ/m2/an ou 1’352 kWh/hab/an, assez éloignés de la norme SIA citée précédemment, sont relativement proches en comparaison d’autres études genevoises synthétisées dans la thèse de M. Khoury qui donne la moyenne de 99 MJ/m2/an ou 1’077 kWh/hab/an sur une douzaine de bâtiments résidentiels collectifs (voir l’annexe 14 de KHOURY, 2015). De manière générale, la consommation d’ECS sur Laurana-Parc reste dans la fourchette haute mais dans une proportion plausible (26 m3/hab/an par rapport à 22 m3/hab/an dans l’étude KHOURY, 2015).

Plus globalement, d’autres facteurs pourraient expliquer partiellement la consommation relativement élevée à Laurana-Parc :

 Le nombre d’habitant indiqué par le SITG est une sous-estimation de la réalité (personnes vivant là sans être déclarées officiellement) ;

 Les compteurs d’énergie de l’ECS dans les SST sont mal calibrés ;

12 Avec 188 MJ/m3 d’eau froide, soit un ∆T de 45 K entre l’eau froide du réseau (15°C) et l’eau chaude du ballon (60°C). Ce chiffre doit être considéré comme une approximation annuelle.

13 La SST DC7_9 est composée de deux bouilleurs (HP et BP). Pour estimer l’eau froide totale, le compteur existant (HP) a été doublé, tandis que la pompe de charge du bouilleur BP a fonctionné 85% du temps de celle du bouilleur HP. Cette approche reste donc une estimation.

 Des consommations parasites sont comptabilisées, par exemple le restaurant Da Reno situé au rez-de-chaussée du route de Jussy 8.

Pour illustrer les deux premiers points, on peut observer que le bouilleur ECS du 10-10a route de Jussy consomme 30% d’énergie en plus que celui du 12-12a route de Jussy alors que selon les données du SITG, il y aurait 69 habitants au 10-10a contre 81 habitants au 12-12a.

Dans le Tableau 3, on peut aussi noter que la SST Deux-Communes 7-9 donne une valeur de 1'997 kWh/hab/an, ce qui paraît très élevé alors que l’énergie par surface (43 kWh/m2/an) est similaire aux autres SST.

3.4.3.3 Niveaux de température associés au chauffage ou à l’ECS et liens avec la température de retour sur le réseau

Dans le cadre de ce suivi, une analyse relativement fine des niveaux de température aller/retour des températures de chauffage et de l’ECS a été effectuée. Cette analyse avait été faite antérieurement à la période du suivi lié à la PAC étant donné le retard de mise en service de la PAC. Cependant, afin d’avoir des données correspondantes, les données de la SST Chablais 3 ont été entièrement reprise sur le premier semestre 2015 et donnée en exemple ci-dessous.

On montre d’abord la puissance totale au primaire (puissance prim – en orange) avec celle demandée par l’ECS (en bleu) selon la température extérieure (Figure 42) :

Figure 42 : puissance primaire (orange) et puissance ECS (bleu) pour Chablais 3 selon température extérieure (données horaires du 01.01.15 au 30.06.15)

Le maximum de l’échelle de gauche correspond au dimensionnement de l’échangeur de la SST, soit 300 kW. L’échangeur ECS est lui de 100 kW. A partir d’une température extérieure d’environ 18°C, la demande d’ECS équivaut à peu près à la demande primaire (arrêt du chauffage).

La puissance de chauffage peut être déduite par soustraction des deux puissances précédentes (Figure 43) :

Figure 43 : puissance de chauffage calculée pour Chablais 3 selon température extérieure (données horaires du 01.01.15 au 30.06.15)

Cette figure confirme la température de non-chauffage d’environ 18°C. L’abaissement nocturne (fonctionnement jour/nuit) n’est pas très clair sur ces courbes mais se voit bien en regardant les données jour après jour (non figurées ici).

Les données de température horaires à l’échangeur primaire sont montrées sur la figure suivante (Figure 44) :

Figure 44 : température aller (rouge) et retour (bleu) à l’échangeur primaire Chablais 3 (données horaires du 01.01.15 au 30.06.15)

Cette figure indique qu’il semble exister 4 modes de fonctionnement différents liés d’une part à la régulation du chauffage (régulé selon la température extérieure) et d’autre part à la demande d’ECS (selon la demande des habitants).

Pour décomposer ces différents fonctionnements, un filtre séparant les périodes avec ou sans charge ECS14 est appliqué et aboutit au graphique suivant (Figure 45) :

Figure 45 : température aller (rouge) et retour (bleu) AVEC charge ECS et température aller (orange) et retour (gris) SANS charge ECS : échangeur primaire Chablais 3 (données horaires du 01.01.15 au 30.06.15)

Les doubles lignes de chaque couleur (∆T de 5 à 10°C) représentent la fluctuation journalière liée au mode de gestion légionnelle déjà décrit (voir partie 3.2.3).

Les températures de départ sont régulées selon la température extérieure sans charge ECS (en orange) et sont constantes lorsqu’il existe une demande de charge ECS (en rouge).

Il est intéressant de comparer les points bleus (température de retour avec charge ECS) et gris (température de retour sans charge ECS). Sans chauffage, soit en dessus de 18°C, les points gris et bleus sont à peu près confondus car la température de retour n’est influencée que par la charge ECS. Cette température de retour à l’échangeur primaire est plus élevée que lorsqu’il y a seulement du chauffage.

En entre saison (Text ≈ 12°-18°C), les températures de retour à l’échangeur primaire peuvent être soit de l’ordre de 25° à 40°C lorsque seul le chauffage fonctionne (en gris - sans charge

14 Une donnée horaire est considérée sans charge ECS si la charge est plus petite que 30 minutes et inversement, cette donnée horaire est considérée avec charge ECS si la charge dure plus de 30 minutes sur l’heure analysée.

ECS), soit de l’ordre de 40° à 60°C lorsque le bouilleur ECS demande de l’énergie (en bleu - avec charge ECS).

En hiver (Text < 10°C), la charge de l’ECS influence moins les températures de retour sur le réseau en raison de la demande plus grande liée au chauffage et d’une température un peu plus élevée qui revient des radiateurs.

On constate que dès qu’il y a du chauffage (en dessous d’une température extérieure de 18°C), la charge d’ECS péjore les températures de retour au réseau.

A noter que ces températures sont celles mesurées en aval de l’échangeur (soit côté CGC secondaire), ce qui veut dire que la température sur le réseau (côté primaire SIG) sera encore un peu plus élevé en raison du pincement de l’échangeur. Des valeurs moyennées sur 1 an ½ montrent selon la SST des différences de températures à l’échangeur de 4° à 9°C entre les côtés SIG et CGC (aller et retour).

En reprenant les données horaires de la Figure 44, en les transformant en moyenne journalière et en ajoutant les données journalières de débits ou de différences de température (∆T), on aboutit aux graphiques suivants (Figure 46 et Figure 47 et Figure 48) :

Figure 46 : température aller/retour moyennes journalière échangeur primaire chablais 3 (du 01.01.15 au 30.06.15)

Figure 47 : ∆T journalier échangeur primaire chablais 3 (du 01.01.15 au 30.06.15)

Figure 48 : Débit journalier échangeur primaire chablais 3 (du 01.01.15 au 30.06.15)

Sur les données journalières, on observe très nettement la coupure de chauffage à Text jour ≈

18°C avec un ∆T plus faible et constant à environ 10°C et un débit aussi constant (car l’énergie échangée correspond à une consommation d’ECS). La diminution de ce ∆T en été est liée à l’augmentation de la température de retour de plus de 10°C (Figure 46) en raison de l’échangeur ECS.

Les niveaux de température du chauffage et les ∆T associés peuvent être observés sur l’un des trois secteurs de Chablais 3 (Figure 49 et Figure 50), les autres étant similaires :

Figure 49 : température de distribution de chauffage – secteur Voirons Chablais 3 (données horaires du 01.01.15 au 30.06.15)

La courbe de chauffe (avec abaissement nocturne – voir courbes en bleu de la Figure 49) montre des températures de retour de chauffage basses.

Figure 50 : ∆T de distribution de chauffage – secteur Voirons Chablais 3 (données horaires du 01.01.15 au 30.06.15)

En comparaison à d’autres bâtiments du même type analysés dans une autre étude de l’UNIGE, les ∆T sont bons et correspondent même au meilleur de l’échantillon (voir la valeur extrême d’un ∆T de 15.8°C à une température extérieure de 0°C - Figure 51 tiré de IEA-DHC, 2016) :

Figure 51 : ∆T observés sur un échantillon de 100 montées de chauffage dans environ 50 bâtiments genevois avec radiateurs (IEA DHC, 2016 – in press)

Pour l’ECS, on peut tracer les niveaux de température aller et retour mesurée en amont de l’échangeur ECS en filtrant lorsque la charge ECS est effective (Figure 52) :

Figure 52 : température de distribution et ∆T à l’échangeur ECS - Chablais 3 (données horaires du 01.01.15 au 30.06.15 filtrées avec charge ECS =1)

Comme prévu, la distribution de l’ECS est indépendante à la température extérieure et montre un ∆T médian d’environ 9°C, correspondant au ∆T de la Figure 47 lorsque seule l’ECS consomme de l’énergie.

Au final, les pertes aux deux échangeurs (primaire et ECS) ainsi que ce ∆T de l’ECS d’environ 10°C explique le ∆T estival de 6°C sur le réseau Laurana de SIG (voir Figure 16). Or, comme souligné précédemment, pour valoriser plus de chaleur renouvelable, baisser la température du réseau est un enjeu important.

Une possibilité d’améliorer l’échange au niveau de la SST serait de modifier son architecture afin notamment d’éviter les doubles échangeurs en été et ainsi augmenter le ∆T. Différentes architectures sont décrites dans un livre récent (FREDERIKSEN et WERNER, 2013) :

Figure 53 : Différentes architecture de SST (FREDERIKSEN et WERNER, 2013)

L’architecture typique à Genève est la E avec deux échangeurs en série (primaire et ECS). En général, les pays scandinaves15 préconisent les architectures de type D avec des échangeurs

15 comme la Finlande ou la Suède où les réseaux de chauffage sont très développés (EUROHEAT&POWER, 2015).

en parallèle (un pour le chauffage et un autre pour l’ECS). Cela permet de séparer hydrauliquement les deux besoins et donc de réguler au mieux les deux usages. De plus les pays du nord de l’Europe ont développés différents systèmes en cascade (Figure 54) :

Figure 54 : Différentes architectures de SST en cascade (FREDERIKSEN et WERNER, 2013)

Le système D (en bas à gauche) est par exemple très commun en Suède et pourrait sans doute être testé en Suisse. Il s’agit d’un préchauffage de l’eau froide de l’ECS avec le retour du chauffage plus un deuxième étage de l’ECS, permettant ainsi un accroissement du ∆T sur le réseau.