Dans cette section, nous ´etablissons des r´esultats analogues au crit`ere de Harrison 6.1.1 pour les extensions quadratiques munies de leurs automorphismes non triviaux et pour les alg`ebres de quaternions `a division munies de leurs involutions canoniques.
6.3.1
Cas des extensions quadratiques
On d´emontre le th´eor`eme 6.1.3 qui est similaire au th´eor`eme 6.1.1 tant dans son ´enonc´e que dans sa preuve :
Th´eor`eme Soient k et l deux corps de caract´eristique diff´erente de 2. Soit K = k(√a) (resp. L = l(√b)) une extension quadratique de k (resp. l) munie de son automorphisme non trivial σa (resp. σb). Alors, les assertions suivantes sont ´equivalentes :
(1) W (K, σa)' W (L, σb) en tant qu’anneaux.
(2) Il existe un isomorphisme de groupes t : k∗/NK/k(K∗)→ l∗/NL/l(L∗) envoyant −1 sur
−1 tel que la forme quadratique hha, x, yii est hyperbolique sur k si et seulement si la forme quadratique hhb, t(x), t(y)ii est hyperbolique sur l pour tous x, y ∈ k∗.
Au cours de la preuve, nous aurons besoin des deux lemmes suivants.
Lemme 6.3.1. Avec les mˆemes notations que dans la sous-section 3.2.2, le discriminant `
a signe induit un isomorphisme de groupes d± : I1(K, σa)/I2(K, σa) ' k∗/NK/k(K∗) (et
idem en rempla¸cant a par b, k par l et K par L). Preuve. Nous savons que
est un morphisme de groupes de noyau I2(K, σa). Si b est un repr´esentant de b ∈
k∗/NK/k(K∗), on a :
d±(h1, −bi) = (−1)1NrdM2(K)/K(h1, −bi) = −NrdK(−b) = b,
d’o`u l’on d´eduit la surjectivit´e de d±. Nous consid´erons W (K, σa) et W (L, σb) en tant qu’anneaux donc I1etI2en sont des id´eaux.
De plus, ces id´eaux sont reli´es de la fa¸con suivante : Lemme 6.3.2. (I1)2 = I2.
Preuve. Un simple calcul de discriminant `a signe montre l’inclusion (I1)2 ⊆ I2.
R´eciproquement, si φ ∈ I2 avec φ =ha1,· · · , a2si, ai ∈ k∗, i = 1,· · · , 2s, alors
1 = d±(φ) = (−1)2s(2s2−1)
(
2s
Y
i=1
ai
)
∈ k∗/NK/k(K∗).Nous proc´edons par r´ecurrence sur s.
Si s = 1 et φ ' ha, bi alors −ab = 1 ∈ k∗/NK/k(K∗) et donc −a = b ∈ k∗/NK/k(K∗).
Ainsi, φ =ha, −ai et φ ∈ (I1)2.
Si s = 2 et φ' ha, b, c, di alors d = abc ∈ k∗/NK/k(K∗) et
φ' hai ⊗ h1, ab, ac, bci ' hai ⊗ h1, abi ⊗ h1, aci puis φ∈ (I1)2.
Supposons s≥ 3. On peut ´ecrire φ = ha, b, ci⊥φ0 puis φ =ha, b, c, abci | {z } α ⊥ (φ0⊥h−abci) | {z } β ∈ W (K, σa).
Par hypoth`ese, d±(φ) = 1 et d±(α) = 1 donc d±(β) = 1. Par r´ecurrence, β ∈ (I1)2 puis
φ∈ (I1)2 ce qui termine la preuve.
Preuve de 6.1.3 : (1)⇒ (2) : Soit Φ : W (K, σa)' W (L, σb) un isomorphisme d’anneaux.
On sait, d’apr`es la proposition 3.2.2, que I1(K, σa) est un id´eal d’indice 2 (donc maximal)
de W (K, σa). I1(K, σa) est en fait l’unique id´eal d’indice 2 de W (K, σa). En effet, si I0
est un id´eal d’indice 2 de W (K, σa) alors h1i /∈ I0 sinon I0 = W (K, σa). De plus, quel
que soit a ∈ k∗, hai /∈ I0 sinon hai ⊗ hai = h1i ∈ I0 ce qui est faux. Soient maintenant hai, hbi ∈ W (K, σa). Comme I0 est d’indice 2, on a
hai, hbi /∈ I0 ⇒ hai⊥hbi = ha, bi ∈ I0.
Φ est un isomorphisme d’anneaux donc Φ
(
I1(K, σa))
est un id´eal maximal de W (L, σb).D’apr`es la proposition 3.2.2, on sait que le rang r : W (L, σb)→ Z/2Z est un morphisme
d’anneaux surjectif. Par cons´equent, ker(r◦ Φ) est un id´eal d’indice 2 de W (K, σa), donc
ker(r◦ Φ) = I1(K, σa). Or ker(r◦ Φ) = Φ−1
(
ker(r))
donc Φ−1(
I1(L, σb))
= I1(K, σa). Encons´equence, Φ|I1(K,σa) : I1(K, σa) → I1(L, σb) est un isomorphisme de groupes et d’apr`es
le lemme 6.3.2,
Φ
(
I2(K, σa))
= Φ(
I1(K, σa)2)
= Φ(
I1(K, σa))
2= I1(L, σb)2 = I2(L, σb).
Φ induit par factorisation un isomorphisme de groupes
I1(K, σa)/I2(K, σa)' I1(L, σb)/I2(L, σb).
Ce dernier isomorphisme induit, au moyen du lemme 6.3.1, l’isomorphisme de groupes : t : k
∗/N
K/k(K∗) → l∗/NL/l(L∗)
c 7→ d±
(
Φ(h1, −ci))
.Un simple calcul montre que t(−1) = −1. Puisque Φ induit ´egalement un isomorphisme de groupes
u : I1(K, σa)2/I1(K, σa)3 ' I1(L, σb)2/I1(L, σb)3,
on obtient le diagramme commutatif suivant : k∗/NK/k(K∗)× k∗/NK/k(K∗) (t,t) θK // I1(K, σa)2/I1(K, σa)3 u l∗/NL/l(L∗)× l∗/NL/l(L∗) θL // I1(L, σb)2/I1(L, σb)3 o`u
θK(x, y) =h1, −xi ⊗ h1, −yi mod I1(K, σa)3
pour tous x, y ∈ k∗ (et idem pour θL). Si la forme hermitienne h1, −x, −y, xyi est hy-
h1, −x, −y, xyi ∈ I1(K, σa)3, puisque
Ψ : W (K, σa) → h1, −aiW (k)
h 7→ h1, −ai ⊗ h (6.2) est un isomorphisme de groupes additifs (voir [71, Chapter 10, Theorem 1.2]),
Ψ(h1, −x, −y, xyi) ∈ I4(k).
D’apr`es le Hauptsatz de Arason-Pfister (voir le th´eor`eme 6.2.2), la forme quadratique Ψ(h1, −x, −y, xyi) est hyperbolique sur k et par suite la forme hermitienne h1, −x, −y, xyi est hyperbolique sur (K, σa).
Enfin, si la forme quadratique hha, x, yii est hyperbolique sur k alors, d’apr`es (6.2), la forme hermitienne h1, −x, −y, xyi est hyperbolique sur (K, σa) puis h1, −x, −y, xyi ∈
I1(K, σa)3. Ainsi, par commutativit´e du diagramme pr´ec´edent,
0 = u
(
θK(x, y))
= θL(
t(x), t(y))
.On en d´eduit que la forme hermitienne h1, −t(x), −t(y), t(xy)i ∈ I1(L, σb)3 ce qui implique
que la forme quadratique hhb, t(x), t(y)ii est hyperbolique sur l. La r´eciproque se montre de fa¸con similaire.
(2)⇒ (1) : On d´efinit une application Φ sur les formes diagonales en posant Φ(ha1,· · · , ani) = ht(a1),· · · , t(an)i.
Il nous faut v´erifier que cette d´efinition ne d´epend pas de la diagonalisation choisie. Si n = 1, c’est clair. Si n = 2, supposons quehu, vi ' hu0, v0i en tant que formes hermitiennes. En prenant le discriminant `a signe, on a uv = u0v0 ∈ k∗/NK/k(K∗). En multipliant par
la forme hui de part et d’autre et en se servant de l’´egalit´e pr´ec´edente, on en d´eduit que la forme hermitienne h1, −uu0,−uv0, uvi est hyperbolique et, par suite, la forme hermiti- enneh1, −t(u)t(u0),−t(u)t(v0), t(u)t(v)i l’est ´egalement. En multipliant par la forme ht(u)i, on en d´eduit que les formes hermitiennes ht(u), t(v)i et ht(u0)t(v0)i sont isom´etriques. Si n > 2, le r´esultat provient du th´eor`eme 6.2.6 et du fait que la propri´et´e soit vraie pour n = 2. Puisque t(−1) = −1, l’application Φ respecte les formes hyperboliques et induit une application bien d´efinie sur les classes de Witt des formes diagonales. Puisque toute classe de Witt admet pour repr´esentant une forme hermitienne diagonale (voir 1.2.2), Φ induit en fait une application entre W (K, σa) et W (L, σb). En outre Φ est biadditive et
multiplicative (car φ est multiplicative sur les formes de rang 1 et que celles-ci engen- drent additivement W (K, σa)) et l’inverse de t fournit un inverse pour Φ qui est donc un
isomorphisme d’anneaux. Remarques 6.3.3. (1) La preuve pr´ec´edente est similaire `a la preuve du crit`ere de Har- rison : voir [29] ou [60, §2] pour une preuve de ce r´esultat.
(2) Puisque K∗2 = DK(h1i) et que NK/k(K∗) = Dk(h1, −ai), le th´eor`eme 6.1.3 est un
Dans le th´eor`eme 6.1.3 la condition t(−1) = −1 n’est pas cons´equence des autres conditions de l’assertion (2) :
Exemple 6.3.4. Posons k = Q3 et l = Q5. Alors
k∗/k∗2 ={1, −1, 3, −3}, l∗/l∗2 ={1, 2, 5, 10}, u(k) = u(l) = 4,
et l’unique forme anisotrope de dimension 4 sur k (resp. sur l) est h1, 1, −3, −3i (resp. h1, −2, −5, 10i) (pour tous ces r´esultats, on peut consulter [34, Chapter 6, Theorem 2.2]). Posons alors K = k(√3) et L = l(√2). Par factorisation, il existe un unique morphisme surjectif de groupes θ : k∗/k∗2 → k∗/Dk(h1, −3i). Par cons´equent |k∗/Dk(h1, −3i)| divise
4. Si ce cardinal vaut 4, θ est un isomorphisme de groupes et k∗2 = Dk(h1, −3i) ce qui n’est
pas possible puisque −3 ∈ D(h1, −3i) et −3 /∈ k∗2. Si ce cardinal vaut 1, k∗ = Dk(h1, −3i)
ce qui est `a nouveau impossible puisque−1 /∈ Dk(h1, −3i), h1, 1, −3, −3i ´etant anisotrope.
Donc |k∗/Dk(h1, −3i)| = 2 et de mˆeme |l∗/Dl(h1, −2i)| = 2.
h 1, −3i ne repr´esente pas −1 sur k et h1, −2i ne repr´esente pas 5 sur l donc k∗/Dk(h1, −3i) = {1, −1}, l∗/Dl(h1, −2i) = {1, 5}.
On a un isomorphisme de groupes :
t : k∗/Dk(h1, −3i) → l∗/Dl(h1, −2i)
1 7→ 1 −1 7→ 5 De plus, h1, −2i repr´esente clairement −1 sur l et
t(−1) 6= −1 ∈ l∗/Dl(h1, −2i).
Enfin, puisque u(k) = u(l) = 4, les formes quadratiques hh3, x, yii et hh2, t(x), t(y)ii sont hyperboliques pour tous x, y∈ k∗.
6.3.2
Cas des alg`ebres de quaternions `a division
Dans cette sous-section, Q1 = (a, b)K (resp. Q2 = (c, d)L) d´esignera une alg`ebre de
quaternions `a division sur K (resp. sur L) munie de son involution canonique γ1 (resp.
γ2). Par souci de simplification d’´ecriture, nous posons la d´efinition suivante :
D´efinition 6.3.5. Deux corps K et L de caract´eristique diff´erente de 2 sont (Q1, Q2)-
´
equivalents si il existe un morphisme de groupes t : K∗/K∗2 → L∗/L∗2 envoyant −1 sur −1 tel que si la forme quadratique hhx, yii est hyperbolique sur K alors la forme quadra- tiquehht(x), t(y)ii est hyperbolique sur L qui induit par factorisation un isomorphisme de groupes ˜t : K∗/DK
(
hha, bii)
' L∗/DL(
hhc, dii)
pour tous x, y ∈ K∗. La paire (t, ˜t) estRemarque 6.3.6. Si A est une K-alg`ebre simple centrale, on d´efinit SH0(A) = coker
(
K1(NrdA/K))
= K∗/NrdA/K(A∗).Le groupe SH0 est appel´e groupe des r´esidus de normes r´eduites et est en relation avec
le groupe r´eduit de Whitehead SK1 (dont nous reparlerons dans le chapitre 7) : voir [22,
§23]. Dans notre cas, on a donc
SH0(Q1) = K∗/DK
(
hha, bii)
, SH0(Q2) = L∗/DL(
hhc, dii)
,ce qui permet de traduire la d´efinition 6.3.5 au moyen de ces groupes. Th´eor`eme 6.3.7. Les assertions suivantes sont ´equivalentes :
(1) Il existe un morphisme d’anneaux Φ : W (K)→ W (L) envoyant une forme de dimen- sion 1 sur une forme de dimension 1 et un isomorphisme de groupes Ψ : W (Q1, γ1) →
W (Q2, γ2) tels que Ψ(h1i) = h1i et
Ψ(q.h) = Φ(q).Ψ(h), pour tous q∈ W (K), h ∈ W (Q1, γ1).
(2) Il existe une (Q1, Q2)-´equivalence (t, ˜t) entre K et L telle que les formes hermitiennes
hu, vi et hu0, v0i sont isom´etriques sur (Q
1, γ1) si et seulement si les formes hermitiennes
h˜t(u), ˜t(v)i et h˜t(u0), ˜t(v0)i sont isom´etriques sur (Q
2, γ2) pour tous u, v, u0, v0 ∈ K∗.
(3) Il existe une (Q1, Q2)-´equivalence (t, ˜t) entre K et L telle que la forme quadratique
hha, b, u, vii est hyperbolique sur K si et seulement si la forme quadratique hhc, d, ˜t(u), ˜t(v)ii est hyperbolique sur L pour tous u, v ∈ K∗.
Au cours de la preuve, nous aurons besoin du lemme suivant :
Lemme 6.3.8. Soient u, v, u0, v0 ∈ K∗. Si la forme quadratique hha, bii⊗hu, v, −u0,−v0i est hyperbolique sur K alors uvu0v0 ∈ DK
(
hha, bii)
.Preuve. Puisque les formes quadratiques hu, v, −u0,−v0i et h1, −uu0vv0i ont mˆeme dis- criminant, leur diff´erence est un ´el´ement de I2(K). Ainsi
hha, bii ⊗ hu, v, −u0,−v0i ≡ hha, bii ⊗ h1, −uu0vv0i mod I4(K).
D’apr`es l’hypoth`ese et le Hauptsatz d’Arason-Pfister (voir 6.2.2), la forme quadratique hha, bii ⊗ h1, −uu0vv0i est hyperbolique sur K et donc uvu0v0 ∈ D
K
(
hha, bii)
.Preuve de 6.3.7 : (3)⇒ (2) : Soient u, v, u0, v0 ∈ K∗ tels que l’on ait
en tant que formes hermitiennes sur (Q1, γ1). D’apr`es le th´eor`eme 6.2.3, l’application
W (Q1, γ1)→ W (K) donn´ee par la multiplication par la forme norme de Q1 est injective.
L’´equation (6.3) est donc ´equivalente `a
hha, bii ⊗ hu, vi ' hha, bii ⊗ hu0, v0i
en tant que formes quadratiques. Ceci est encore ´equivalent `a l’hyperbolicit´e de la forme quadratiquehha, bii⊗hu, v, −u0,−v0i sur K et donc uvu0v0 ∈ DK
(
hha, bii)
d’apr`es le lemme6.3.8 (et aussi t(uvu0v0)∈ DL
(
hhc, dii)
). En multipliant (6.3) par la formehui on obtienth1, uvi ' huu0, uv0i
en tant que formes hermitiennes sur (Q1, γ1) et, puisque uvu0v0 ∈ DK
(
hha, bii)
,h1, u0v0i ' hvv0, vu0i
en tant que formes hermitiennes sur (Q1, γ1). L’´equation pr´ec´edente est ´equivalente `a
l’hyperbolicit´e de la forme quadratique hha, b, vv0, uu0ii sur K et par (3) la forme quadra- tiquehhc, d, ˜t(vv0), ˜t(uu0)ii est hyperbolique sur L. En remontant le raisonnement pr´ec´edent (et en utilisant t(uvu0v0)∈ DL
(
hhc, dii)
), on en d´eduit que les formes hermitiennesh˜t(u), ˜t(v)ieth˜t(u0), ˜t(v0)i sont isom´etriques sur (Q2, γ2). La r´eciproque est similaire.
(2) ⇒ (1) : supposons qu’il existe une (Q1, Q2)-´equivalence (t, ˜t) entre K et L satisfaisant
les conditions de l’assertion (2). Les hypoth`eses faites sur t impliquent, comme dans la preuve du sens indirect du crit`ere de Harrison 6.1.1, l’existence d’un morphisme Φ : W (K) → W (L) envoyant la classe de Witt d’une forme de rang 1 sur la classe de Witt d’une forme de rang 1. On d´efinit Ψ en posant
Ψ :
W (Q1, γ1) → W (Q2, γ2)
ha1,· · · , ani 7→ h˜t(a1),· · · , ˜t(an)i
.
Comme lors de la preuve du th´eor`eme 6.1.3, en utilisant la proposition 6.2.6, on v´erifie que Ψ est une application qui induit un morphisme d’anneaux et l’inverse de ˜t fournit un inverse `a Ψ. Au vu de la relation entre t et ˜t, on prouve sans difficult´e la relation de compatibilit´e entre Φ et Ψ.
(1) ⇒ (3) : supposons l’existence de Φ et Ψ comme en (1). Puisque Φ
(
I(K))
⊂ I(L), Φ induit le morphisme de groupest : K
∗/K∗2 → L∗/L∗2
a 7→ d±
(
Φ(h1, −ai))
et t satisfait aux autres propri´et´es ´enonc´ees dans la d´efinition 6.3.5 en vertu de la preuve du sens direct du th´eor`eme 6.1.1. Nous allons montrer que
Soit u∈ DK
(
hha, bii)
/K∗2 repr´esent´e par u. AlorsΨ(hui) = Ψ(h1i) = h1i d’une part et
Ψ(hui) = Φ(hui).h1i
d’autre part (noter que Φ(hui) d´esigne une forme quadratique sur L alors que Ψ(hui) est une forme hermitienne sur (Q2, γ2) ; le mˆeme abus de notation sera r´eutilis´e au cours de cette
preuve). En posant Φ(hui) = hxi, on voit que t(u) = x puis que x ∈ DL
(
hhc, dii)
ce qui im-plique que t(u)∈ DL
(
hhc, dii)
/L∗2ou encore que DK(
hha, bii)
/K∗2 ⊂ t−1(
DL(
hhc, dii)
/L∗2)
.Soit maintenant v ∈ DL
(
hhc, dii)
/L∗2 tel que t(y) = v pour un certain y ∈ K∗. Si on´
ecrit Φ(hyi) = hy0i alors v = y0 ∈ L∗/L∗2. De plus
Ψ(hyi) = Φ(hyi).h1i = hvi.h1i = h1i.
Par injectivit´e de Ψ, on en d´eduit quehyi ' h1i et que t−1(DL
(
hhc, dii)
/L∗2)⊂ DK(
hha, bii)
/K∗2.Puisque (6.4) est vraie, t induit par factorisation un unique morphisme de groupes injectif ˜t : K∗/DK
(
hha, bii)
→ L∗/DL(
hhc, dii)
avec˜
t(x) = t(x) mod DL
(
hhc, dii)
.Notons s1 : K∗/K∗2 → K∗/DK
(
hha, bii)
et s2 : L∗/L∗2 → L∗/DL(
hhc, dii)
les deuxsurjections canoniques. On a le diagramme commutatif suivant K∗/K∗2 t // s1 L∗/L∗2 s2 //L∗/DL
(
hhc, dii)
K∗/DK(
hha, bii)
˜ t 77o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o oOn montre maintenant que s2 ◦ t est surjective. Soit w ∈ L∗/DL
(
hhc, dii)
; Ψ ´etantsurjective, il existe une forme hermitienne h sur W (Q1, γ1) telle que Ψ(h) =hwi = Φ(h).h1i.
On peut supposer que h =ha1,· · · , ani et Φ(h) = hb1,· · · , bni avec a1,· · · , an, b1,· · · , bn∈
K∗ (n est forc´ement impair). En prenant le discriminant `a signe raffin´e (voir la sous-section 3.2.3) de part et d’autre de l’´egalit´e pr´ec´edente, on obtient
n
Y
i=1
bi2 = w2 mod DL
(
hhc, dii)
2et donc il existe d∈ Q∗2 tel que
(
Qn i=1bi2)
.NrdQ2/L(d) 2 = w2 ou encore w =±(
n Y i=1 bi)
.NrdQ2/L(d). L’´el´ement ±(
Qni=1ai
)
est en fait un ant´ec´edent de w par s2◦ t. En effett(± n Y i=1 ai) = ± n Y i=1 t(ai) = ± d±
(
nh1i⊥ − Φ(ha1,· · · , ani))
= ± d±(nh1i⊥h−b1,· · · , −bni) = ± n Y i=1 bi ∈ L∗/L∗2. Donc (s2◦ t)(± n Y i=1 ai) =± n Y i=1 bi mod DL(
hhc, dii)
= w.On en d´eduit que s2◦ t est surjective puis que ˜t est un isomorphisme de groupes.
Soient u, v ∈ K∗ tels que la forme quadratique hha, b, u, vii soit hyperbolique sur (Q1, γ1). La forme de Pfister hermitienne h1, −u, −v, uvi est ´egalement hyperbolique
d’apr`es le th´eor`eme 6.2.3. Ainsi :
0 = Ψ(h1, −u, −v, uvi) = Φ(h1, −u, −v, uvi).h1i
=
(
Φ(h1, −ui) ⊗ Φ(h1, −vi))
.h1i. Par d´efinition de t et de ˜t, on obtient d’autre partΨ(h1, −u, −v, uvi) = h1, −t(u)i ⊗ h1, −t(v)i = h1, −t(u), −t(v), t(u)t(v)i = h1, −˜t(u), −˜t(v), −˜t(u)˜t(v)i.
On en d´eduit que la forme quadratique hhc, d, ˜t(u), ˜t(v)ii est hyperbolique sur L. Les deux s´eries d’´equations pr´ec´edentes fournissent la r´eciproque en vertu de l’injectivit´e de Ψ. Dans le cas particulier o`u K = L, on obtient le corollaire suivant :
Corollaire 6.3.9. Les assertions suivantes sont ´equivalentes : (1) W (Q1, γ1)' W (Q2, γ2) en tant que W (K)-modules.
(2) Il existe un isomorphisme de groupes ˜t : K∗/DK
(
hha, bii)
' K∗/DK(
hhc, dii)
avec˜
t(−1) = −1 tel que la forme quadratique hha, b, u, vii est hyperbolique si et seulement si la forme quadratique hhc, d, ˜t(u), ˜t(v)ii est hyperbolique pour tous u, v ∈ K∗.
Preuve. (1)⇒ (2) : on pose Φ = idW (K) (donc t = idK∗/K∗2). L’implication (1) ⇒ (3) du
th´eor`eme 6.3.7 permet de conclure.
(2)⇒ (1) : cela provient de mˆeme de l’implication (3) ⇒ (1) du th´eor`eme 6.3.7. Remarques 6.3.10. (1) Les conditions sur l’hyperbolicit´e des formes quadratiques dans le th´eor`eme 6.3.7 peuvent ˆetre remplac´ees par des conditions similaires `a la condition de Harrison-Cordes pr´esent´ee dans l’introduction de ce chapitre ; le th´eor`eme 6.3.7 pr´esente ainsi une analogie avec le th´eor`eme 6.1.2 de Baeza et Moresi. Il pr´esente aussi quelques diff´erences :
− la bijectivit´e de Φ n’est pas suppos´ee dans l’assertion (1) ;
− il y a des conditions suppl´ementaires sur le rang pour Φ et sur l’existence d’un “point base” h1i pour Ψ dans l’assertion (1) ;
(2) Puisque K∗2 = DK(h1i) et que NrdQ1/K(Q
∗
1) = DK
(
hha, bii)
, le corollaire 6.3.9 est unanalogue quaternionique du crit`ere de Harrison 6.1.1 (dans le cas o`u K = L).
(3) En 1988, dans [35], Leep et Marshall construisent une application surjective entre Aut
(
W (K))
et l’ensemble des applications dites de “Harrison” (v´erifiant l’assertion (2) du crit`ere 6.1.1) et d´ecrivent le noyau de cette application. Leurs r´esultats utilisent le fait que tout ρ ∈ Homann(
W (K), W (L))
induit un ´el´ement ρ ∈ Homann(
W (K), W (L))
respectant la dimension des formes quadratiques et caract´eris´e par ρ(q)≡ ρ(q) mod I2
pour tout q∈ W (K). Il serait int´eressant de voir si de telles propri´et´es existent au niveau des formes hermitiennes sur une alg`ebre de quaternions pour voir si certaines hypoth`eses du th´eor`eme 6.3.7(1) peuvent ˆetre elimin´ees ou si l’on peut g´en´eraliser les r´esultats pr´ec´edents aux formes hermitiennes.
Pour terminer cette section, nous motivons notre pr´ef´erence pour la structure de mo- dule dans le th´eor`eme 6.3.7 et le corollaire 6.3.9 par deux exemples (l’un o`u le cardinal de l’anneau de Witt est infini, l’autre o`u il est fini) montrant qu’au niveau des formes quadratiques la structure de groupe de l’anneau de Witt ne suffit pas `a classer les corps `a Witt-´equivalence pr`es comme dans le crit`ere 6.1.1.
Exemples 6.3.11. (1) Cet exemple, dˆu `a Perlis, Szymiczek, Conner et Litherland se trouve en [60, §7]. Si K = Q(√3
2) et L = Q, on montre que W (K) ' W (L) en tant que groupes : en utilisant des r´esultats de Conner et Perlis et une suite exacte de Knebusch, on montre que le groupe additif W (K) est somme directe d’un groupe cyclique infini et d’une infinit´e d´enombrable de groupes cycliques d’ordre 2 ou 4 et on sait que la mˆeme chose est vraie pour L = Q (voir [71, Chapter 5, Theorem 3.4]). Le r´esultat [60, §4, Corollary 2] montre que W (K)6' W (L) en tant qu’anneaux.
de Gross et Fischer obtenue en 1965 en [28, §II.1]. On choisit K = Q2(
√
d) o`u d ∈ Q∗2\ ± Q∗22. Alors K est un corps local et
|K∗/K∗2| = 16, s(K) = 2, u(K) = 4
(voir [34, Chapter VI, Corollary 2.24], [34, Chapter XI, Examples 2.4(7), 4.2(4)]). Soit F1
un corps avec
|F1∗/F1∗ 2
| = 4, s(F1) = 2, u(F1) = 2
(F1 existe d’apr`es les r´esultats de Cordes). Alors L = F1((X)) v´erifie
|L∗/L∗2| = 8, s(L) = 2, u(L) = 4. D’apr`es [16, Theorem 4.5],
W (K)' W (L) ' C4× C4× C2× C2
en tant que groupes. Mais W (K)6' W (L) en tant qu’anneaux d’apr`es le crit`ere de Harrison 6.1.1 puisque |K∗/K∗2| = 16 6= 8 = |L∗/L∗2|.