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CHAPITRE II – Entre enracinement local et ouverture à la grande communauté

A. Ançar Dine et l’Union des Jeunes Musulmans du Mali : Structures associatives ou

de leader du Chérif Ousman Haïdara et de Macky Bah

Majoritairement musulman, le paysage religieux malien fut investi par un regain islamique au cours des deux dernières décennies. Ce phénomène de réaffirmation de l’identité islamique est essentiellement porté par des associations qui, de loin, dominent la sphère islamique malienne. De l’association de quartier à l’association nationale, elles sont présentes dans tous les secteurs de la société et toutes les classes sociales115. Toutes créées, ou du moins reconnues, au cours des vingt dernières années, elles mettent en place conjointement ou distinctement un nouveau mode de militantisme. L’un des mouvements qui incarne le mieux la transformation de la sphère religieuse, et qui l’a d’ailleurs portée, est l’association Ançar Dine116. Dirigée depuis ses débuts par le Chérif Ousmane Madani Haïdara, cette association a véritablement reconfiguré la sphère religieuse et est présente aujourd’hui dans plus de vingt pays dans le monde et regroupe des centaines de milliers de membres. Afin de saisir la nature de ce mouvement « à la fois populaire et controversé qui a constitué l’un des principaux espaces de transformation au Mali »117

, il importe de se pencher d’abord sur le parcours du chef spirituel et la figure d’autorité qu’il incarne.

Né dans la région de Ségou en 1955, Chérif Ousmane Madani Haïdara, descendant d’une famille de la tjijanya, prêchait dès l’âge de 13 ans118. Dès son arrivée à Bamako, en 1983, Haïdara se fait remarquer tant par les autorités que par des fidèles qui adhèrent rapidement à ses prêches. Se présentant comme un enfant béni de l’islam, Haïdara entreprend, dès lors, de remoraliser la société malienne qu’il juge en dérive. À cet effet, le site officiel de l’association rapporte que le « Chérif Ousmane Madani Haïdara s’est

115 A titre d’exemple : les étudiants (Ligue islamique des élèves et étudiants du Mali), les jeunes (Union des jeunes musulmans du Mali), les femmes (Ligue nationale des femmes musulmanes), les imams (Ligue malienne des imams et érudits pour la solidarité islamique), les leaders religieux (Ligue des leaders religieux), les oulémas (Ligue des oulémas), les intellectuels arabisants (Association islamique pour le salut) 116 À distinguer du mouvement armé du Nord Ansar Eddine, Ançar Dine existe depuis 1985, mais n’est reconnu par l’État qu’en 1991.

117 Gilles Holder, loc. cit., 2012, p. 389. 118 Selon le site officiel d’Ançar Dine France :

http://www.ancardine.com/ancardine/index.php?option=com_content&view=article&id=3&Itemid=105, page consultée le 8 novembre 2014.

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directement attaqué aux maux de la société malienne au début de ses prédications. Il a dénoncé les pratiques amorales qui se pratiquaient dans la société »119

.

Se proclamant descendant du Prophète Mahomet, le guide spirituel, à la contenance droite et contestataire, adopte une figure prophétique justifiée par son parcours qualifié de « miraculeux »120

. L’analogie à établir avec le parcours du prophète Mahomet n’est pas anodine, car elle est revendiquée par les membres d’Ançar Dine : « les prêches du guide, ce sont comme celles du Prophète. On est contre la violence, on est tolérants. C’est aux gens de choisir de devenir musulmans, on ne peut obliger personne. Il faut être correct. C’est comme ça que le Prophète a diffusé l’islam »121

. Gilles Holder va dans ce sens en qualifiant le parcours du leader « d’épopée mohammadienne »; Haïdara « s’attache à capitaliser son parcours religieux comme un modèle de vie sainte à l’image du prophète Muhammad, tout en s’efforçant de pondérer les tentatives répétées faites par ses fidèles de le présenter comme un saint, sans toutefois les en dissuader totalement »122

. Selon les membres du bureau d’Ançar Dine, le guide aurait d’ailleurs été choisi par ses adeptes : « ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas le guide qui a mis en place Ançar Dine, ce sont ses adeptes qui sont allés le voir pour le soutenir. [Ce sont] les adeptes eux-mêmes qui lui ont signifié qu’ils sont prêts à le soutenir »123

. Ces derniers affirment que le guide s’est sacrifié pour l’islam et ses adeptes.

Toujours selon la même analogie, il serait arrivé dans la capitale dans le but de rétablir l’ordre moral, tout comme le Prophète est arrivé à Médine pour sauver la population du pêcher. Ce dernier rappelle qu’à son arrivée à Bamako en 1983, il aurait eu droit au même traitement que le Prophète, soit celui d’être condamné par les autorités locales et aimé par le peuple en raison de son don d'orateur considéré comme un don de Dieu124. En adoptant des discours pour la défense des sans voix et des illettrés125, dans

119 Ibidem. 120 Ibid.

121 Entretien de groupe avec cinq membres du bureau exécutif d’Ançar Dine, dans les bureaux de l’association, à Bankoni, le 6 juillet 2014.

122 Gilles Holder, loc. cit., 2012, p. 398.

123 Entretien de groupe avec cinq membres du bureau exécutif d’Ançar Dine, dans les bureaux de l’association, à Bankoni, le 6 juillet 2014.

124Sur le site officiel d’Ançar Dine France, l’on mentionne la chose suivante dans la rubrique « miracles » accomplis par le guide : « Relever tous les défis du savoir islamique en ayant que le niveau de la 6ème année d’étude. Il a un don de parole, de la connaissance et est vraiment un guide digne de confiance », site internet d’Ançar Dine international, [En ligne] : http://ancardinehaidara.com/qui-sommes-nous/, page consultée le 12 novembre 2014. À vrai dire, le Chérif Haïdara a bénéficié d’une éducation coranique un peu plus longue.

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lesquels il n’hésite pas à accuser l’État d’être à la source des inégalités socioéconomiques126, Haïdara incarne dès lors un contrepouvoir de nature religieuse et politique face à l'AMUPI et l'État. Le témoignage d'un membre de l'association, dans la cinquantaine, souligne dans quelle mesure Haïdara symbolise une rupture et un modèle subversif, dès les années 1980, dès lors qu'il prône à la fois l'ouverture religieuse et une moralisation de la vie sociale et politique :

Dans un régime militaire, jamais personne n’a osé dire la vérité crue comme lui, l’a fait. Il disait pourquoi fermer les bars durant le ramadan s’il y a des non-musulmans et des chrétiens au Mali. C’est de l’hypocrisie de faire ça, il faut vivre et laisser les autres vivre. Il était puissant, il était subversif. Les gens n’osaient pas dire tout haut la moitié de ce qu’il disait. Il se permettait tout, il a condamné le vol, les mensonges et la tricherie127.

Notre témoin, qui a rejoint le mouvement au retour de ses études universitaires en URSS, en 1993, poursuit comme suit :

Avant Haïdara, les gens ne faisaient que prier pour être musulman. Ils volaient, ils faisaient l’adultère, ils trompaient les gens et pensaient pouvoir aller au paradis. Mais ce n’est pas ça l’islam. Il était seul contre tout le monde. On a rejoint la vérité. […] Ça m’a rassuré davantage, je voyais que l’on ne pouvait être musulman et injuste et mauvais en même temps. Je voyais les gens dans la débauche et je n’aimais pas ça. Le discours

Selon les travaux de Louis Brenner, le jeune Haïdara a été retiré de l’école française à l’âge de neuf ans par son père pour être inscrit à la toute première madrasa fondée par un Malien. Il aurait mis fin à ses études à l’âge de 19 ans après la mort de son père. Cette « école de Saada Oumar Touré offrait une alternative doctrinale aux médersas de la réforme sunnite, en conciliant la modernité sociale à une pédagogie tijâni refondée », Gilles Holder, loc. cit., 2012, p. 392. Voir également Louis Brenner, « Médersas au Mali. Transformation d’une institution islamique », Bintou Sanankoua, et Louis Brenner, dir., L’enseignement

islamique au Mali, Bamako, Jamana, 1991, p. 63-85.

125Gilles Holder, loc. cit., 2012, p. 2.

126 À titre d’exemple, lors du rassemblement du Maouloud, en 2008, celui-ci a interpelé le président de la République en rappelant qu’il est le premier responsable de l’injustice au pays et que « tant que les millions de pauvres n’auront pas de paix, le pays ne sera pas heureux et n’aura pas le bonheur tant attendu ». « Chérif Madani Haïdara à l’occasion du Maouloud 2008 : "La justice malienne fait pleurer le pauvre au profit du

riche" », Bamako Hebdo, 29 mars 2008, [En ligne] :

http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:_0yjQxrs99kJ:www.maliweb.net/category.php%3FN ID%3D28907+&cd=3&hl=fr&ct=clnk&gl=ca, page consultée le 22 novembre 2015. Celui que l’on surnomme «wilibali», s’en prend régulièrement aux plus puissants (juges, hommes politiques, etc.), en prenant la défense des plus vulnérables en abordant notamment les questions suivantes : Comment un pauvre doit-il se comporter, comment le pauvre doit gérer sa situation financière et sociale, quels outils sont à sa disposition, etc.?

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d’Haïdara rejoignait mes idées. Si tu agis d’une telle façon, tu n’es pas un musulman128.

Quant à Seidou, trésorier de la Fédération Ançar Dine internationale, âgé alors de 39 ans, il soulève également la dimension « innovante » des discours du Chérif Haïdara dans les années 1990 :

Avant, j’étais contre Haïdara quand j’étais jeune. J’ai commencé à l’écouter en 1999, et en 2000, j’ai prêté serment d’allégeance. L’islam qu’on prêchait partout dans ce temps-là, tu tues, tu voles, violes… tant que tu pries, tu vas quand même au paradis […] J’étais contre Haidara parce que j’écoutais d’autres prêcheurs, ceux-là demandaient de prier seulement. Lui, disait qu’être musulman c’est plus que simplement faire la prière, il ne faut pas être égoïste, il ne faut pas voler, ne pas forniquer… c’est lui qui a dit ça en premier et c’était le seul à dire ça. Les autres prêcheurs répandent un message faux de l’islam. Mais pour nous, c’est obligatoire de prier et de respecter les six sermons. Avant, j’étais révolté contre lui, parce qu’il n’était pas dans nos habitudes […] Il a complètement changé les mentalités »129.

Haïdara remet en cause des pratiques millénaires de l’islam en soutenant que la prière ne fait pas le musulman. En complète opposition à l’interprétation traditionnelle de l’islam, ce dernier soutient que le messie ne ressuscitera pas à la fin du monde. De plus, en prêchant et proposant une lecture coranique en bambara, le Chérif Ousmane Haïdara désacralise l’arabe, ce qui lui confère un caractère populaire hautement critiqué130. Finalement, il considère que le respect du deuxième pilier de l’islam, les cinq prières quotidiennes, ne suffit pas pour être musulman, mais qu’il faut réaffirmer son islamité pour se considérer ainsi131. En faisant de ce principe son leitmotiv, le guide spirituel redéfinit l’identité de « musulman de naissance » en opposition à celle du « vrai musulman ». En effet, Haïdara propose de dépasser l’héritage familial islamique pour une redéfinition de son islamité au quotidien. Dans ses prêches, ce dernier invite « les fidèles à une remise en ordre de leur vie quotidienne [en abordant] les rapports entre les conjoints, la régulation des conflits entre les

128Entretien avec Oumar, membre d’Ançar Dine, dans ses bureaux d’enseignement, 10 juillet 2014. 129 Entretien avec Seidou, membre d’Ançar Dine, 43 ans, dans ses bureaux (quincaillerie), 15 juillet 2013. 130

Gilles Holder, loc. cit., 2012.

131 Lacine Diawara, « Chérif Ousmane Madani Haïdara àa Option: Une voix captivante sur la voie de Dieu »,

Option, 24 novembre 2012, [En ligne]:

http://malijet.com/la_societe_malienne_aujourdhui/interview_mali/56735-cherif-ousmane-madani-haidara-a- option-une-voix-captivante-sur-l.html, page consultée le 16 avril 2017.

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coépouses, les rapports d’autorité au sein de la famille, la répartition des ressources. Puis les comportements dans l’espace de proximité doivent rendre visible, aux yeux de tous, cette réforme de la famille : tenue vestimentaire et attitudes des femmes et des enfants, déplacements dans l’espace urbain et rythme de vie, rapports au travail et à l’argent des hommes adultes, relations de voisinage »132. Cet appel à réformer le cadre de vie des fidèles et plus largement de la société met au-devant une culture du soi dans laquelle l’individu rejoint un grand projet de « réenchantement » et de « remoralisation » de la société par la redéfinition de son individualité. Fondamentalement tourné vers l’espace public, Ançar Dine travaille à « renforcer l’idée que l’islam serait apte à assurer le bien public, maintenir les identités nationales et redéfinir l’espace public africain »133

. À ce sujet, les auteures Marie Nathalie LeBlanc et Muriel Gomez-Perez ont démontré, dans une étude effectuée dans quatre pays de l’Afrique de l’Ouest134, une spécificité de l’affirmation religieuse que l’on retrouve chez les adhérents d’Ançar Dine, à savoir, une forme d' « adhésion à l’islam à titre individuel pour mieux former une nouvelle communauté islamique »135.

D’autre part, dans un contexte autoritaire et unipartite où la liberté d’expression est restreinte, les prêches de Haïdara très critiques, à cette époque, envers l’establishment religieux conduisent à grossir les rangs de ses détracteurs lesquels dénoncent « sa démagogie et son manque d’érudition religieuse »136, mais également la dimension nouvelle qu’il attribue aux pratiques de l’islam. Sa relecture de l’islam, appelée kudra, dérange au plus haut point les oulémas, imams et les leaders attachés à l’islam littéraliste. L’administration de l’AMUPI, après avoir fait pression sur le gouvernement a obtenu sa suspension dès 1983137, qui fut levée un an plus tard avant d’être ordonnée à nouveau jusqu’à libéralisation de la vie associative en 1991. Depuis, le poids du leader dans l’espace public a été accéléré par l’utilisation des mass médias et l’investissement d’espaces publics à caractères religieux et laïc dans la diffusion des prêches. Interdit d’intervention dans les chaines télévisées ou radiophoniques nationales jusqu’en 2000, Haïdara a employé des moyens de diffusions indépendants pour contrecarrer le barrage étatique qui lui était

132 Françoise Bourdarias, loc. cit., 2009, p. 21-40. 133

Gilles Holder, loc. cit., 2009, p. 16.

134 Plus précisément dans les centres urbains du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. 135 Marie Nathalie LeBlanc et Muriel Gomez-Perez, loc. cit., 2007, p. 47.

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Dorothea E. Schulz, loc. cit., 2007, p. 41. 137

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imposé138. Contournant l’espace traditionnel de prédication, ce dernier diffuse ses prêches et semons par divers moyens de communication : cassettes audio bon marché, DVD, CD- ROM et vidéo cassettes139. Ces modes de diffusion, plutôt courants en Afrique de l’Ouest, qui ont transformé le champ religieux malien, ont largement contribué au projet de "réislamisation" observé dès les années 1990 et s'inscrivent dans une tendance visible dans la sous-région. De cette économie religieuse alimentée par un marché important de diffusion de CD et de DVD islamiques, Abdoulaye Sounaye souligne, qu’au Niger, « des personnages ont émergé et des associations se sont constituées avec des programmes et une rhétorique de la défense de l’identité islamique de la société nigérienne »140

. Ces médias, largement diffusés dans l’espace public (marchés, boutiques, quartiers associatifs), ont aussi pris une importante place dans le quotidien des fidèles : « [ils] sont progressivement devenus les moyens par lesquels le sujet musulman maintient le pont avec le prédicateur et la communauté qui s’est formée autour de celui-ci. Dans l’intimité de chez soi, dans la voiture ou du bureau, ces supports médiatiques entretiennent la présence quotidienne du prosélytisme islamique »141

.

C’est en misant sur ces outils de communication et en mettant l’emphase sur le comportement du bon musulman au quotidien et le projet de remoralisation de la société que les sermons de Haïdara ont atteint de nombreux jeunes en quête spirituelle et identitaire142. La grande majorité des adhérents d’Ançar Dine interviewé a affirmé avoir découvert le mouvement par l’entremise de cassettes audio écoutées par des proches, des voisins ou des parents : « Des frères écoutaient les prêches d’Haïdara et j’écoutais avec eux et j’ai rapidement apprécié ses prêches. À moins d’être malveillants, ses prêches prennent le cœur. Au début, je me rendais aux grands évènements, je me rendais aux lieux de prêches par curiosité, et j’ai davantage adoré (sic) »143. Les individus rencontrés ont témoigné d’un modèle d’adhésion récurrent qui s’effectue en quatre temps : l’écoute des prêches, la participation à des évènements publics, la quête d’information sur le mouvement

138 Dorothea Schulz, loc. cit., 2007, p. 41.

139 Voir l’article de Françoise Bourdarias, loc. cit., 2009, p. 21-40.

140 Abdoulaye Sounaye, «La « discothèque » islamique : CD et DVD au cœur de la réislamisation nigérienne », ethnographiques.org, no.22, 2011, p. 3.

141 Abdoulaye Sounaye, loc. cit., 2011, p. 4. 142 Keïta Naffet, loc. cit., 2011, p. 113. 143

Entretien avec Aboubakar, secrétaire exécutif d’Ançar Dine, dans les bureaux de l’association, 16 juillet 2014.

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et finalement l’engagement par serment. Le gestionnaire de la boulangerie de l’association et membre d’Ançar Dine a relaté son processus d’adhésion qui s’est étalé sur deux ans :

Je faisais des activités avec eux (Ançar Dine) dès 1994. J’étais avec la Ligue islamique des étudiants et élèves du Mali. Souvent, la Ligue accompagnait Ançar Dine dans ses activités […] c’était une association sans frontières, toutes les bases islamiques se côtoyaient. Mais c’est depuis 1995 que j’ai commencé à écouter sa musique. Il y avait un mécanicien à côté de chez moi, il écoutait Haïdara. Quand je terminais de travailler, j’allais écouter avec lui. J’en ai parlé à ce vieux et j’ai commencé mes recherches, ensuite j’ai commencé à les fréquenter avant d’y adhérer144.

L’hypermédiatisation des discours religieux prend un caractère militant dans la mesure où l’investissement des lieux publics, laïcs ou religieux, devient l’une des principales stratégies de diffusion. À cet égard, et tel qu’en témoignent des militants d’Ançar Dine et non militants ainsi que la presse malienne, le rassemblement au Stade du 26 mars qui se tient à chaque Maouloud, depuis 2003145, devient l’évènement majeur de l’association146. L’évènement à caractère religieux rassemble chaque année dans un lieu laïc plus de 50 000 musulmans de toutes les tendances et associations. Renforçant à la fois l’image positive de l’association et son poids dans l’espace public, ce rassemblement se veut surtout une plateforme de débats à caractères politiques et sociétaux, où les prêcheurs abordent des sujets tels que les bonnes et mauvaises pratiques quotidiennes, l’éducation, le code de la famille, la rébellion au nord, etc.147

Cette omniprésence dans l’espace public est particulièrement visible dans le quartier où s’est établie l’association. Il est frappant de constater à quel point le quartier populaire de Bankoni est rythmé par les activités de l’association, un quartier où des fidèles,

144 Entretien avec Ali, gestionnaire de la boulangerie d’Ançar Dine, dans ses bureaux de travail, 16 juillet 2014.

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Seydou Coulibay, « Maouloud 2009 : Le prêcheur Ousman Chérif Haïdara interpelle ATT », Le

Républicain, 10 mars 2009, [En ligne]: http://malijet.com/a_la_une_du_mali/11260- maouloud_le_precheur_ousmane_cherif_haidara.html, page consultée le 20 octobre 2014.

146Modibo Fofana, « Maouloud 2014 : le secret de la forte mobilisation d’Ançar Dine », Le journal du Mali, 17 janvier 2014, [En ligne] : http://www.journaldumali.com/article.php?aid=7723, page consultée le 17 novembre 2014.

147 Brahim Diamoutémé, « Maouloud 2012: Des bénédictions pour le Mali », Le Potentiel, 14 février 2012, [En ligne] : http://www.maliweb.net/societe/maouloud-2012-des-benedictions-pour-le-mali-47747.html, page consultée le 11 novembre 2016.

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provenant de partout du Mali et de l’Afrique de l’Ouest, viennent s’y installer afin de vivre au sein de cette « famille ». Oumar, précédemment cité, qui n’habite pas Bankoni mais s’y rend régulièrement, soutient que :

En 1990, il n’y avait rien à Bamako, c’était la brousse […] Bamako s’est agrandi et le quartier de Bankoni a pris forme. Les gens viennent de partout vers Bankoni, par forcement pour y emménager. On se retrouve tous là-bas durant le Maouloud, le ramadan, on y va tous durant les cérémonies148.

La mosquée d’Ançar Dine, située en plein cœur de Bankoni, est un lieu de rassemblement pour les fidèles, même en dehors des heures de prière, il en est tout autant pour l’école coranique, en face du lieu de prière. En passant par le boulevard qui porte le nom du chef spirituel, force est de constater que sa figure est largement représentée par les habitants du