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PARTIE THEORIQUE

2. GAMMAPATHIES MONOCLONALES

2.2. Entités nosologiques générant des Igm

2.2.2. Amylose AL 1. Définition

L’amylose AL (AAL), A pour amylose et L pour chaine légère d’Ig, représente une prolifération monoclonale touchant des cellules B bloquées à un stade de différenciation plasmocytaire avec sécrétion d’Igm au niveau médullaire. Il s’agit de toute ou partie de la structure d’Igm capable de précipiter au niveau extracellulaire dans différents organes sous forme fibrillaire insoluble : on parle de substances amyloïdes. Cette dernière, une fois déposée, engendre une toxicité des tissus (figure 11) [12,67].

Abréviation : MGUS : gammapathies monoclonales de signification indéterminée.

Figure 11: Stade de maturation lymphopoïétique et localisation de la cellule B auxquels est rattaché le clone tumoral : l’Amylose AL systémique provient d’un clone de plasmocytes proliférant au niveau médullaire [12].

L’extension des dépôts permet également de distinguer deux formes de l’AAL. L’AAL localisée résulte du dépôt pathologique des protéines fibrillaires à chaînes légères produites par une prolifération lymphoplasmocytaire monoclonale. En revanche, l’AAL systémique du type AL résulte de la production intramédullaire d’immunoglobulines pathologiques qui sont déposées dans différents tissus [68].

L’AAL est principalement causée par l’accumulation des CLL λ qui sont : 2 à 4 fois plus fréquente que celle des CLL κ demeurant l’apanage de la maladie de Randall [69].

2.2.2.2. Epidémiologie

L’AAL est une maladie rare dont l’incidence ajusté à l’âge a été estimée en 1992 entre 5,1 et 12,8 nouveaux cas par an et par million de personnes (Etat du Minnesota, Etats-Unis) [42]. Dans ce même Etat, l’incidence a été estimée à 8,9 nouveaux cas par an et par million d’habitants [70]. En 2003, elle était de l’ordre de 11,3 nouveaux cas par an et par million d’habitants dans la région de Rennes en France [70]. Il existe une prédominance masculine modérée de l’AAL, avec une sex-ratio de 1,68 en faveur des hommes [70]. L’âge moyen au moment du diagnostic est situé entre 60 et 65 ans selon les séries, mais l’AAL peut s’observer aussi chez des adultes jeunes [69]. Cette affection peut se décliner cliniquement en MM avec atteinte organique type: CRAB, acronyme d’hypercalcémie, d’insuffisance rénale, d’anémie ou d’atteinte osseuse. La découverte est soit séquentielle : AAL puis MM (0,4% des AAL), soit concomitante avec le MM (10 à 36% des MM) ou avec la MW (5% des MW) [42,69].

2.2.2.3. Manifestations cliniques

Les signes cliniques sont nombreux et variés. Loin d’en faire un rapport exhaustif, tous les organes peuvent être atteints. Les atteintes cardiaques et rénales sont au premier rang de l’AAL. Leurs taux respectifs sont de 67% et de 60 % des patients avec AAL au diagnostic [71]. D’autres manifestations typiques telles que la macroglossie, l’hématome périorbitaire et la pseudo-hypertrophie musculaire sont relativement rares. Une atteinte des nerfs périphériques ou du système nerveux est présente chez environ 20 % des patients [71]. Les atteintes cutanées (purpura, ecchymoses…), gastro-intestinales (motilité digestive, malabsorption…), spléniques et hépatiques sont également observées [69,71]. Les dépôts pulmonaires sont souvent associés à une Igm d’isotype IgM [71].

2.2.2.4. Signes biologiques

Au point de vue biologique, l’AAL avec insuffisance rénale est caractérisée par une protéinurie glomérulaire quasi-constante, avec un syndrome néphrotique dans plus de la moitié des cas, habituellement sans hématurie microscopique. Il existe une protéinurie de Bence-Jones chez 70 % des patients, le plus souvent de type λ [72]. Au cours de l’absence d’atteinte cardiaque, les taux de marqueurs cardiaques doivent être normaux : le BNP inférieur à 5 pg/ml et la troponine T inférieure à 0,03 ng/ml [68].

Si l’AAL est associée au MM, on peut observer une hyperprotidémie accompagnée d’une VS élevée, d’une hypo-γ-globulinémie et d’un pic monoclonal à l’électrophorèse [73]. Elle peut aussi s’accompagner d’un déficit en facteur X et parfois aussi en facteurs V, IX ou d’une fibrinolyse accrue pouvant causer une hémorragie [74].

L’étude anatomo-pathologique est basée sur la biopsie non invasive de glandes salivaires accessoires ou de la graisse abdominale positives à la coloration du Rouge-Congo [75]. La biopsie rénale démontre des dépôts amyloïdes prédominant dans le glomérule, au niveau du mésangium, le long de la membrane basale glomérulaire et des vaisseaux [72].

2.2.2.5. Critères de diagnostic

L’AAL est définie par les critères de diagnostic suivants [12,76,77]:

1) la preuve de l’existence d’une prolifération monoclonale des plasmocytes par :  la présence d’une protéine-M au niveau sérique ou urinaire. Elle est cependant

indétectable dans 5-20 % des patients ;  un ratio des CLL κ/λ anormal ;

 la présence d’une plasmocytose médullaire ;

2) la présence d’un syndrome systémique liée au dépôt de substances amyloïdes avec une atteinte pouvant être multiviscérale : atteinte rénale, atteinte cardiaque, atteinte cutanée, atteinte hépatique, atteinte gastro-intestinale ou des nerfs périphériques ; 3) la coloration de la substance amyloïde positive au rouge-Congo sur des pièces

biopsiques ou biopsie ostéo-médullaire dans n’importe quel tissu ;

4) la preuve que la substance amyloïde déposée correspond à la chaîne légère établie grâce à l’analyse directe soit après coloration à l’immunoperoxydase soit à l’aide du séquençage direct ou d’examen protéomique basé sur la spectrométrie de masse, etc.

2.2.2.6. Pronostic

Le pronostic de l’AAL varie considérablement en fonction du type d’organe atteint, avec un résultat péjoratif de l’AAL cardiaque ainsi que le nombre des organes majeurs atteints [78].

Les taux élevés des marqueurs cardiaques à savoir les troponines T et Ic ainsi que les peptides natriuretiques NT-proBNP et BNP, sont des facteurs pronostiques biologiques défavorables chez les patients atteints de l’AAL cardiaque [78]. Ils ont des effets pronostiques additionnels impliquant la diminution de la médiane de survie [71,78]. Ils doivent être mesurés au moment du diagnostic puis de façon régulière tout au long du suivi chez les patients ayant une AAL systémique [71].

2.2.2.7. Traitement

Le but du traitement anti-tumoral de l’AAL est proche de celui du MM par l’abaissement rapide de production des CLL amyloïdogènes sériques, en supprimant la prolifération monoclonale sous-jacente [71].

Les familles thérapeutiques utilisées dans le traitement de fond de l’AAL sont [71,78,79]:

 les alkylants tels que melphalan,… ;

 les corticoïdes tels que prédnisone et déxaméthasone ;  les immunomodulateurs tels que lénalidomide, … ;  les inhibiteurs de protéasome tel que bortézomib, … ;

Le traitement spécifique de l’AAL doit tenir compte de l’âge et des comorbidités. En effet, l’introduction du traitement intensif avec autogreffe des cellules souches a montré ses limites d’utilisation liées à une mortalité élevée chez les patients au stade avancé : atteinte de plus de deux organes, en particulier cardiaque. Le taux de mortalité liée à la procédure thérapeutique pouvant atteindre ainsi plus de 10 % [71]. De plus, au cours de ce traitement, il faut distinguer les patients naïfs des patients en rechute (Tableau 3).

Le traitement symptomatique de l’AAL est nécessaire pour diminuer les complications organiques [67,69]. L’indication de la transplantation d’organes a été très longtemps controversée, suite à un risque de récidive des dépôts amyloïdes sur les greffons (rein, cœur) au cours de l’AAL. L’efficacité des nouveaux traitements a permis à reconsidérer la place de la transplantation d’organes dans cette maladie. Cependant, les indications de la transplantation d’organes et les modalités de la chimiothérapie restent à définir [71]. Il importe de souligner qu’au cours de l’AAL, la place de la plasmaphérèse est très limitée car le taux de chaînes légères circulantes est faible (Tableau 3) [80].

Tableau 3: Tableau récaputilatif d’approches thérapeutiques dans l'Amylose AL

Traitements Régimes thérapeutiques Indications Références

Traitements de fond

Chimiothérapie de 1ère ligne  Mélphalan-Prednisone,  Mélphalan-Déxaméthasone,  Bortézomib-Dexaméthasone

Patients avec comorbidités Rajkumar et al. [78] Huang et al. [79]

Chimiothérapie de 1ère ligne avec ASCT

 Bortézomib-Dexaméthasone (+ ASCT) suivi de :

 Melphalan 200 mg/m2 puis de :

 Bortésomib - Thalidomide- Dexaméthasone ou Thalidomide 200 mg/ m2

Patients sans comorbidités Rajkumar et al. [78]

Chimiothérapie de rechute ou réfraction

Mélphalan-Dexaméthasone-Bortézomib Patients en rechute Desport et al. [71]

Traitements symptomatiques Diurétiques Syndrome néphrotique Jaccard et al. [67,69]

Dialyse, etc. Insuffisance rénale

terminale Abréviations : ASCT : autogreffe des cellules souches hématopoïétiques.

2.2.3. Maladie de Randall