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1.   INTRODUCTION 1

1.4.   La progression en cancer de la prostate résistant à la castration et résistant

1.4.5.   Résistance après traitement à l’Enzalutamide 62

1.4.5.1.   Résistance dépendante du AR 62

1.4.5.1.1.   Amplification et surexpression du AR 62

L’amplification génique du AR ainsi que sa surexpression protéique sont à la base de la progression vers un CRPC. Elle est retrouvée chez 80% des patients qui progressent,

Cytopl asme

ARE

Gènes cibles (PSA) Survie Prolifération Croissance

P P P P AR AR co fac teu rs Noy au Testosterone 5α-reductase Dihydrotestosterone HSP AR (DHT) P P P P AR AR Amplification et surexpression du AR Mutations ponctuelles du AR Variants d’épissage du AR Activation de récepteurs alternatifs Déséquilibre entre cofacteurs Activation de voies de phosphorylation alternatives Différenciation en profil neuroendocrinien GR GR P P P P AR AR Altération de la stéroïdogenèse Dépendants du AR Indépendants du AR

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même en présence d’un faible niveau d’androgènes circulants (Edwards et al., 2003; Joseph et al., 2013; Taplin et al., 1995). Ces amplifications jouent un rôle essentiel dans l’apparition de résistance après ADT. De nombreuses études ont montré que ces phénomènes pouvaient également être responsables de la résistance à l’Enza (Conteduca et al., 2017; Wyatt et al., 2016; Azad et al., 2015; Romanel et al., 2015; Yamamoto et al., 2015).

En effet, Yamamoto et collaborateurs montrent que des cellules résistantes à l’Enza expriment à un haut niveau à la fois un AR pleine longueur et des variants d’épissage, et que l’inhibition de cette surexpression par des oligonucléotides anti-sens retarde la croissance tumorale in vitro et in vivo (Yamamoto et al., 2015). De plus, Romanel et collaborateurs indiquent que des patients présentant une amplification génique du AR, suite au traitement à l’Enza, sont moins susceptibles de répondre à l’Abiraterone (Romanel et al., 2015). Une autre étude souligne que chez des patients atteints de CRPC métastatique ayant reçu du Docetaxel, l’échec du traitement à l’Enza est associé à une amplification du AR. Ces patients présentent une diminution inférieure à 50% de leur PSA, un délai plus court d’apparition d’un second événement cancéreux, et une survie globale raccourcie (Conteduca et al., 2017). De plus, deux études démontrent que l’amplification du AR, mesurée à partir d’ADN libre circulant (ctDNA), est significativement plus fréquente chez des patients progressant sous Enza par rapport à d’autres agents (Azad et al., 2015; Wyatt et al., 2016).

1.4.5.1.2. Mutations ponctuelles du AR

Chez les patients CRPC, 5 à 30% des tumeurs, des ctDNA et des cellules tumorales circulantes (CTC) ont des mutations du AR (Coutinho et al., 2016; Azad et al., 2015; Romanel et al., 2015). L’apparition de mutations est particulièrement plus fréquente après traitement à l’Enza (Jentzmik et al., 2016). Les mutations somatiques sont majoritairement localisées au niveau du LBD, et elles aboutissent généralement à une diminution de la spécificité du ligand, de telle sorte que le récepteur puisse être activé par la progestérone, les glucocorticoïdes ou les estrogènes. Par exemple, la mutation L702H permet aux glucocorticoïdes de se fixer au niveau du AR muté (van de Wijngaart et al., 2010; Zhao et al., 2000). De plus, cette diminution de spécificité entraîne également un changement « antagoniste-agoniste », où certaines mutations du AR confèrent des propriétés agonistes aux anti-androgènes (Balbas et al., 2013; Korpal et al., 2013; Hara et al., 2005;

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Tan et al., 1997). Les mutations de ce type les plus communes sont les mutations W742C (ou W741C, selon l’ancienne notation de la séquence protéique du AR), H875Y (anciennement H874Y), T878A (anciennement T877A) et F877L (anciennement F876L) transformant respectivement le Bicalutamide, le Nilutamide, le Flutamide et l’Enza en agonistes. (Figure 1.12A).

La mutation F877L a été retrouvée suite au traitement à l’Enza à la fois dans des lignées cellulaires et chez des patients (Joseph et al., 2013; Korpal et al., 2013). En effet, cette mutation apparaît spontanément à chaque fois lorsque des cellules LNCaP sont cultivées en présence d’Enza pendant un certain temps. Cette mutation entraînerait un repositionnement de l’hélice H12 du LBD, et donc un recrutement différent de certains cofacteurs (Balbas et al., 2013). En clinique, l’apparition de cette mutation semble néanmoins être faiblement représentée (10 à 20% des patients), bien que des études supplémentaires soient requises (Robinson et al., 2015).

De plus, ce phénomène de résistance explique le syndrome de sevrage aux anti- androgènes qui est observé chez les patients CRPC, après l’arrêt du traitement anti- androgénique de première et seconde génération (Rodriguez-Vida et al., 2015). En effet, lorsque les patients arrêtent la prise d’anti-androgènes après apparition d’une résistance, on observe une diminution de la valeur de la PSA (proche de 50%) et une amélioration de l’état clinique du patient, même s’il n’y a pas de bénéfices sur sa survie globale.

Par ailleurs, l’apparition de ces mutations entraîne des résistances croisées, où les patients ne répondent pas aussi efficacement à d’autres traitements une fois devenus résistants à l’un d’entre eux. Par exemple, la mutation T878A diminue la réponse des patients à l’Enza (Conteduca et al., 2017; Romanel et al., 2015). Cependant, d’un point de vue cellulaire, des lignées résistantes à l’Enza, ayant la mutation F877L, conserveraient leur sensibilité au Bicalutamide (Korpal et al., 2013).

A) Représentation des sites mutés sur la protéine AR suite au traitement à l’Enza. Ces mutations

ponctuelles confèrent des propriétés agonistes aux anti-androgènes. B) Variants d’épissage du AR, au niveau génique et protéique, qui sont constitutivement actifs, et possèdent un NTD et DBD complets, et une perte du LBD. Le AR-V7 n’étant produit que par les exons 1, 2 et 3, et par un exon cryptique comprenant une partie de l’intron 3 (région CE3), il ne possède pas de région HR et se retrouve constitutivement au noyau. Le ARV567es étant produit par les exons 1, 2, 3, 4 et une partie du 8, il possède un NLS fonctionnel mais un LBD tronqué (*).

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Figure 1.12 : Résistances dépendantes du AR. 1.4.5.1.3. Variants d’épissage du AR

L’épissage alternatif de l’ARNm du AR est un autre mécanisme impliqué dans la progression vers le CRPC ainsi que dans la résistance à l’Enza ou à l’Abiraterone (Nakazawa et al., 2014; Ware et al., 2014). Le nombre de variants d’épissage détectés chez les patients est augmenté suite à l’hormonothérapie, suggérant un mécanisme de résistance cliniquement significatif. En effet, l’identification de variants d’épissage en 2008 a démontré que la signalisation du AR dans le CRPC métastatique et dans les mécanismes de résistance sous-jacents est plus complexe que ce qui avait été envisagé précédemment (Nadiminty et al., 2013; Dehm et al., 2008). Les variants d’épissage apparaissent lors de l’épissage alternatif, ou plus rarement suite à des altérations génétiques dans les régions codantes du AR telles qu’une recombinaison non homologue (Li et al., 2012). 3’ 5’ Gène Protéine NTD DBD CE3 N - - C Exon 1 2 3 4 5 6 7 8 AR Exon 1 2 3 CE3 3’ 5’ AR-V7 Exon 1 2 3 4 8 3’ 5’ ARV567es AR-V7 ARV567es AR N - NTD DBD HR LBD - C NTD DBDHR N -

*

- C

B

A

AR N - - C polyQ polyG 1 919 NTD DBDHR LBD 554 624 665 W742C H875Y F877L T878A

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Aujourd’hui, 22 variants alternatifs du AR sont recensés dans la littérature (Robinson et al., 2015; Ware et al., 2014; Lu and Luo, 2013). La majorité des variants identifiés produisent une protéine ayant perdu la partie C-terminale du LBD. La protéine reste néanmoins active grâce à la région AF-1 du NTD et au DBD qui sont conservés (Hu et al., 2009a; Dehm et al., 2008). Ces protéines tronquées sont donc en théorie des facteurs de transcription constitutivement actifs. Cependant, seulement ceux ayant la capacité d’être constitutivement transloqués au noyau vont permettre l’activation de gènes cibles de façon indépendante du ligand (Hu et al., 2011; Watson et al., 2010), ce qui est le cas du ARV567es. Le AR-V7, qui n’a pas une séquence NLS complète, est pourtant localisé au noyau et possède une activité transcriptionnelle (Watson et al., 2010; Hu et al., 2009a). Les variants AR-V7 et ARV567es sont les variants les plus étudiés et les plus pertinents cliniquement (Figure 1.12B). Il a été démontré chez des patients que l’expression de ces deux variants est augmentée ou induite par l‘inhibition du AR lors du traitement à l’Enza. Cependant, la surexpression du AR-V7 ou du ARV567es dans la prostate de souris transgéniques en absence de AR n’est pas suffisante pour bloquer l’apoptose induite par la castration (Sun et al., 2014; Liu et al., 2013). Par ailleurs, on observe également une augmentation de l’expression de ces variants dans des modèles de xénogreffes de souris résistantes à l’Enza (Nadiminty et al., 2013; Hu et al., 2012). Or, l’inhibition de l’expression du AR et/ou du AR-V7 sensibilise à nouveau les cellules à l’Enza, ce qui suggère bien une importance du AR-V7 dans la résistance (Li et al., 2013; Nadiminty et al., 2013).

Suite à ces résultats, différentes études cliniques ont été réalisées afin de définir le potentiel du AR-V7 en tant qu’outil prédictif de la réponse au traitement. Dans la première étude réalisée par Antonarakis et collaborateurs, la présence du variant AR-V7 dans des CTC de patients a été rapportée comme un outil prédictif de la réponse au traitement à l’Enza (Antonarakis et al., 2014). En effet, 31% des patients du groupe traités à l’Enza étaient positifs pour l’expression du AR-V7 avant le début de l’étude, et suite au traitement aucune baisse de la PSA n’a été observée, comparée aux patients n’exprimant pas le AR- V7 où 53% des patients ont répondu. Une diminution de 4 mois de la survie sans progression tumorale ainsi qu’une diminution de la survie moyenne ont également été rapportées pour les patients traités à l’Enza, exprimant AR-V7 au départ. De plus, 14% des patients n’exprimant pas le variant AR-V7 initialement finissent par l’exprimer après traitement à l’Enza ou à l’Abiraterone. Une seconde étude, basée également sur la présence d’AR-V7 dans les CTC, a corroboré ces résultats (Steinestel et al., 2015). Une

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troisième étude a évalué l’expression protéique du AR-V7 dans les biopsies de moelle osseuse avant et après 8 semaines de traitement à l’Enza (Efstathiou et al., 2015). La moitié des patients exprimant initialement AR-V7 présente une résistance innée à l’Enza (pas de diminution de la PSA, ni de bénéfice de plus de 6 mois). Ce pourcentage atteint les 70% après 8 semaines de traitement. Le AR-V7 semble donc être une cause fréquente de pharmaco-résistance à l’Enza chez les patients. Cependant, comme ces différentes études ont été réalisées chez des patients CRPC n’ayant plus d’autres options thérapeutiques, avec une maladie fortement avancée et suite à différentes hormonothérapies, l’utilisation du AR-V7 en tant qu’outil prédictif de la réponse au traitement semble limitée (Boudadi and Antonarakis, 2016). Il est à noter que ces patients maintiennent une sensibilité à la chimiothérapie, qui demeure donc un choix thérapeutique pertinent après une progression suite au traitement à l’Enza (Antonarakis et al., 2015; Nakazawa et al., 2015).

1.4.5.1.4. Altération de la stéroïdogenèse

Il est probable qu’un traitement prolongé à l’Enza entraîne des altérations de la biosynthèse intratumorale des androgènes. En effet, il a été montré que des lignées cellulaires résistantes à l’Enza régulent positivement des gènes impliqués dans la stéroïdogenèse, et notamment l’expression de l’enzyme AKR1C3 qui appartient à la famille des 17β-HSD qui permettent la conversion de la testostérone (Liu et al., 2015a).

En plus de ces mécanismes de résistance dépendants du AR, il existe plusieurs autres mécanismes, indépendants du AR, qui conduisent invariablement à l’échec du traitement. On distingue ainsi la différenciation neuroendocrinienne, la surexpression des récepteurs aux glucocorticoïdes et l’activation de voies alternatives.

1.4.5.2. Résistance indépendante du AR

1.4.5.2.1. Différenciation neuroendocrinienne

Suite au traitement à l’Enza, les patients ont un risque de rechute vers un CRPC cliniquement agressif, où une différenciation neuroendocrinienne peut influencer la progression tumorale. On observe une inhibition de la signalisation du AR et de son expression dans de nombreux cas après une hormonothérapie sélective ou après utilisation d‘anti-androgènes puissants (Aparicio et al., 2011). En effet, le CRPC et les métastases osseuses sont caractérisés par une forte hétérogénéité, à la fois dans le

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niveau d’expression du AR ainsi que dans sa distribution histologique, puisque d’après une étude sur 44 métastases osseuses CRPC, son expression varie d’absente à forte (Crnalic et al., 2010). Ainsi, alors que seulement 1% des CaP primaires sont diagnostiqués comme CaP neuroendocriniens (NEPC), jusqu’à 30% des CRPC métastatiques sont des NEPC (Carver, 2016). L’évolution d’un CaP vers une différenciation neuroendocrinienne est associée à une forte agressivité et un mauvais pronostic (Yuan et al., 2007).

Les cellules tumorales NEPC peuvent être retrouvées associées à des cellules d’adénocarcinomes, rendant le processus d’identification plus complexe (Epstein et al., 2014). Le profil neuroendocrinien semble être caractérisé par une perte d’expression de suppresseurs de tumeur tels que les gènes RB1, PTEN ou encore TP53 (Ku et al., 2017; Tan et al., 2014). En effet, chez la souris, la perte de RB1 et de TP53 mène à la formation d’un NEPC. La perte de TP53 provoque une résistance secondaire aux thérapies ciblant la signalisation du AR alors que la perte de RB1 facilite/favorise la plasticité cellulaire (Ku et al., 2017; Zhou et al., 2006). Cependant, des mutations de RB1, PTEN et TP53 sont également couramment observées chez les patients présentant un adénocarcinome de la prostate. La présence de mutations dans ces trois gènes n’est donc pas suffisante pour indiquer une différenciation neuroendocrine (Deng and Tang, 2015). D’ailleurs, l’amplification génique ainsi que la surexpression de MYCN et du gène AURKA ont également été associées à la différenciation en NEPC (Tan et al., 2014; Mosquera et al., 2013; Beltran et al., 2011). De plus, il a été démontré que le traitement à l’Enza conduisait à une diminution de l’expression de REST (Repressor Element-1 Silencing Transcription factor), un modulateur de la différenciation neuroendocrinienne (Svensson et al., 2014).

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