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LES VOIES TRADUITES

3.3 AU CŒUR DES AVANT-GARDES, AU CŒUR DE L'HISTOIRE .1 La Poursuite du Vent.1 La Poursuite du Vent

3.3.2 Les Amants d'Avignon 383

La même attention pour la corporéité démontrée par Claire Goll se retrouve dans les nouvelles d'Elsa Triolet, et notamment dans Les Amants d'Avignon384, où nous reconnaissons par exemple la thématique du corps féminin et de l'éclectisme de la femme, capable de jouer des rôles différents.

Il est impossible de ne pas trouver Juliette séduisante comme une dactylo de cinéma : cheveux soyeux, longs cils, élégance naturelle dans un modeste chandail collant, une jupe très courte et des talons très hauts...385

383 Le rôle des femmes devient fondamentale pendant la guerre, surtout par rapport à leur action sur le plan historique et politique. La souffrance, l'injustice et l'horreur marquent dans les écrits d'Elsa une coupure très nette entre deux univers incompatibles : d'une part l'idéal et l'âme, d'autre les contraintes matérielles, la misère et le mal. Un déchirement profond qui témoigne de la déshumanisation provoquée par l'Occupation et les horreurs de l'invasion nazie, mais qui s'accompagne également d'une célébration lyrique de la Résistance et du courage des femmes, comme dans son ouvrage Les Amants d'Avignon, Paris, Gallimard, 2007. Éléments autobiographiques nombreux et souvenirs comme source inépuisable donnent naissance à une véritable prise de conscience des difficultés de la vie, du prix de la solidarité et de la détresse des humbles. C'est précisément dans Les Amants, cit.,qu'Elsa Triolet propose l'image de Juliette Noël, femme de la Résistance qui avoue avoir des simples rêves d'amour. D'après Amy Smiley, il s'agit en réalité de « deux images qui s'annulent mais qui se rencontrent cependant dans l'élaboration du personnage de Juliette Noël, celle de la femme d'avant-guerre rêvant d'amour et celle courant les routes enneigées de l'Occupation », Amy Smiley, . Les Amants d'Avignon et le “réel” de la femme, in Marianne Gauldric-Delranc, Elsa Triolet, Un Écrivain dans le siècle, Actes du colloque international 15-17 novembre 1996, Paris, L'Harmattan, 2000, p. 154. Le conflit entre les deux âmes du personnage demeure actif et inchangé jusqu'à la fin. « Le récit des Amants d'Avignon s'écrit à partir de ce conflit sans pouvoir le dépasser. La représentation de la femme résistante exprime le tiraillement entre le connu et ses repères traditionnels et l'inconnu et le vertige d'une autonomie qui s'esquisse », Ibidem, p. 151. La tension symbolique est portée dans le récit par la possibilité de rêver, seule issue possible pour la femme peinte dans un moment de transition. Le besoin d'être assimilée à la beauté, au désir de l'homme ou à l'enfance est fort présent. Sans ce désir, Juliette aurait peut-être succombé. La fin de la nouvelle est également emblématique : lorsque la fatigue et la détresse semblent s'emparer d'elle, une autre femme, Suzanne – et nous pensons ici à une autre Suzanne, qui sera la protagoniste du roman de Claire Goll que avons traité plus auparavant – évoque une dimension de rêve, tout en l'éloignant de la réalité et des dangers de la guerre. « Et les rêves, ça la connait, Julie », Elsa Triolet, Les Amants d'Avignon, cit., p. 113. La dimension mythique et onirique viendra encore une fois à son secours.

384 Elsa Triolet, Les Amants d'Avignon, cit.

Ainsi s'ouvre Les Amants d'Avignon d'Elsa Triolet, paru en octobre 1943 sous la signature de Laurent Daniel. Dès les premières lignes il est intéressant d'observer le pouvoir expressif et communicatif attribué au corps de la protagoniste. La citation ci-dessus nous montre dans quelle mesure Elsa Triolet focalise son regard sur les détails qui encadrent la protagoniste dans une vision stéréotypée de la femme. La promotrice du « féminisme de la différence »386 ne laisse rien au hasard en décrivant Juliette : en partant de ses cheveux, de ses cils, pour arriver aux yeux rouges de chagrin. Le morcellement de l'objet fait que les clichés romanesques limitent « le corps de la femme à peu de choses : yeux, cheveux, front, bras, cheville »387. Bien que les parties décrites renvoient à une beauté conventionnelle, Elsa Triolet nous paraît vouloir interroger le corps, le scander en profondeur pour enfin le dévoiler. Le langage corporel s'exprime ainsi, à travers ce regard porté sur une physicité qui, mise au premier plan, ne paraît exister que pour être exhibée : il suffit de penser que le détail renvoyant à l'adjectif « séduisante » – c'est-à-dire les jambes – n'est qu'évoqué dans cette première description. L'attention particulière aux détails revient tout au long du texte, proposant le morcellement de l'objet suggéré par Didier, de manière que le regard se focalise encore une fois sur les cheveux et le nez :

Elle se coiffa comme elle put devant la petite glace de son sac à main. Les cendres tombaient abondamment sur ses cheveux et elle rit de se voir du noir sur le nez.388

ou, plus loin, en créant un chiasme entre le visage enfantin de Juliette et ses yeux, qui ont déjà assez vu et assez vécu :

Elle avait aussi le teint d'un enfant, maintenant que la fatigue de la nuit était balayée par l'air de la marche, et de grands yeux de femme...389

Les yeux sont à nouveau repris plus loin dans le texte:

Quelques rides sous les yeux oblongs, le regard vacillant, les cheveux qui avaient tendance à 386 Marie-Thérèse Eychart, La Femme ou l'épreuve de la différence, cit., p. 54.

387 Béatrice Didier, L'Écriture féminine, cit., p. 36.

388 Elsa Triolet, Les Amants d'Avignon, cit., p. 22.

s'éparpiller... Le sourire rare...390

ce qui met en évidence la présence du corps est présent dans le texte. Toutefois, Juliette serait-elle présente à serait-elle-même?

D'après Béatrice Didier, qui a longtemps travaillé sur l'étroit rapport existant entre l'écriture et la femme,

La présence de la personne et du sujet impose immanquablement la présence du corps dans le texte. […] C'est peut-être le seul point sur lequel la spécificité soit absolument incontestable, absolue. Si l'écriture féminine apparaît comme neuve et révolutionnaire, c'est dans la mesure où elle est écriture du corps féminin, par la femme elle-même.391

Dans cette perspective de lecture, le corps de Juliette est raconté plus que vécu, même si l'émergence de son vécu corporel est évidente. L'auteur Daniel/Triolet paraît se mettre à l'écoute du corps, de ses inclinations, de ses soubresauts. C'est un Körper qui est peint dans ses traits essentiels et qui paraît vouloir laisser le Leib de côté. Le corps n'appartient pas à son personnage, qui éprouve le sentiment de l'étrangeté et par rapport au paysage géographique et par rapport à la société ; il semble ne pas connaître le sentiment de l'appartenance au monde, impliqué dans la recherche continuelle d'un lieu qu'il puisse appeler sa « maison »392. Triolet paraît s'immerger dans un acte de contemplation, tout en restant attentive à la limite existante entre le visible et l'invisible prêché par Merleau-Ponty393. Juliette existe en tant que corps, et en tant que corps elle devient à son tour un personnage394, laissant une trace de son passage. La nécessité de vivre et de survivre tourne autour de la corporéité : « Ne vivre que pour son corps, pour le nourrir, le chauffer... »395. Le corps de Juliette existe avant tout au niveau biologique, en tant qu'organisme et organe, et son influence s'amplifie grâce à sa nature polysémique.

Le même esprit d'observation, très aigu chez un écrivain qui comme Triolet « adhère

390 Ibidem, p. 77.

391 Béatrice Didier, L'Écriture féminine, cit., p. 35.

392 Umberto Galimberti, Il Corpo, Milan, Feltrinelli, 1993, p. 75.

393 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945.

394 Umberto Galimberti, Paesaggi dell'anima, Milan, Mondadori, 1996, p. 185.

aux choses »396, se traduit dans l'attention particulière portée aux objets prenant place dans la mémoire du lecteur. Ainsi, le mobilier de la maison assume des caractéristiques humaines par le biais de la personnification: « La pendule dressait son corps étroit, on dirait un violon tiré en longueur »397. Quand le corps ne parle pas, les objets le font à sa place et les sentiments des personnages se transposent sur les choses :

Des petits chenets noirs soutenaient les flammes : ils représentaient un buste de femme, délicatement moulé, la jolie tête coiffée en bandeaux, une étoffe croisée sur les seins nus. Ces deux élégants sphinx de salons, subissant l'épreuve du feu, ne semblaient être mis dans cette méchante maison que pour ne pas laisser Juliette seule, aussi déplacés qu'elle, tombés là on se demande pourquoi, comment, une dérision...398

Des parties où le corps qui se tait et le corps qui parle s'alternent, comme si la présence du corps voulait faire face à l'absence de la parole : les dialogues des Amants399 sont en effet très courts, voire rares. Finalement, comme l'affirme Joë Bousquet, « après Les Amants d'Avignon400, il se précise que la plus aveugle réalité peut féconder l'imagination d'un écrivain et que la fascinante vision d'une muraille, par exemple, orientera ses souvenirs vers la création »401.

D'ailleurs, le travail conduit sur le corps et sur sa réception s'insère dans le procès de la quête identitaire. En lisant en début du récit : « Personnellement, j'ai toujours beaucoup aimé Juliette Noël »402, il nous paraît intéressant d'observer comment le sujet de la phrase, le je, observe la protagoniste de la nouvelle, cette Juliette revêtant la fonction de complément d'objet direct. La description physique se fait porteuse de l'existence individuelle de la femme, partagée entre l'amour pour son Célestin et la responsabilité vers la patrie, fruit de l'engagement politique au sein de la Résistance. La dualité du personnage et de son histoire ne réside pas seulement dans le développement des thèmes principaux du récit – l'amour et la politique, la vie privée et la vie publique – ni dans le conflit qui en résulte, mais aussi dans la 396 Joë Bousquet, Elsa Triolet, in « Europe », cit., p. 93.

397 Ibidem, p. 19.

398 Ibidem, p. 31.

399 Elsa Triolet, Les Amants d'Avignon, cit.

400 Ibidem.

401 Joë Bousquet, Elsa Triolet, in « Europe », cit., p. 94.

perception que l'auteur a de ses personnages et de leur existence, procédant sur des voies – ou des voix – parallèles. Juliette montre d'une certaine façon son essence double, son ambivalence403 résultante de sa féminité et conditionnant ses rapports avec le monde. Tout le long du récit elle ne tombe jamais dans le piège de l'égalité homme-femme, mais entreprend plutôt un chemin qui la porte à s'affirmer en tant que femme et donc dans sa diversité et pluralité, découvrant peu à peu ses multiples facettes. Le dédoublement investit en même temps le personnage et l'écrivain, d'autant plus que le parcours entrepris par les femmes d'Elsa se déroule sur la toile de fond de la deuxième guerre mondiale. C'est le phénomène de la dualité ambiguë : le je narrateur est double, il est masculin et féminin à la fois, ce qui crée une forte ambigüité au niveau du regard le regard porté sur la protagoniste. « Le sujet écrivant est lui-même résistant » affirme Amy Smiley404, comme pour dire que l'auteur se dédouble et s'auto représente à travers la protagoniste du récit. Dans la fiction du récit, le narrateur est un homme et avec un regard d'homme il observe Juliette : la partie féminine d'Elsa vit et la masculine regarde et écrit.

Elsa Triolet nous paraît plus présente dans le récit par rapport à ce que l’on peut s’imaginer à la première lecture : elle ne se limite pas à transposer son vécu de résistante, mais en tant que narrateur omniscient hétérodiégétique, donne son avis sur Juliette, la définissant « ravissante et très sympathique »405. Cela ne fait que souligner son « plaisir esthétique de rencontrer la beauté »406, en ligne avec l'idée que

Le jugement d'Elsa sur les femmes est extraordinairement viril. Elle qui était la féminité même, posait un regard d'homme sur ses compagnes.407

Tout en suivant la question du regard d'homme au regard de la protagoniste et, plus en général, des femmes du récit, nous soulignons « l'alliance de ce regard viril et de ce clin d'œil féminin »408, ce qui est étroitement lié au fait qu'

On ne trouvera pas dans son œuvre romanesque de femmes stupides ; on y trouvera souvent 403 Umberto Galimberti, Il Corpo, cit.

404 Amy Smiley, Représentation et Résistance, cit., p. 154.

405 Elsa Triolet, Les Amants d'Avignon, cit., p. 17.

406 Madeleine Braun, Elsa et les femmes, in Europe

407 Madeleine Braun, Elsa et les femmes, in « Europe », 49° année, n. 506, juin 1971, p. 103.

les femmes solitaires qui deviennent clochardes, et dont on voit cette espèce de descente aux enfers, aboutissement expliqué, consenti, voulu même et toujours raisonné.409

Juliette serait-elle vraiment une de ces « femmes clochardes » ?

Ce qui est certain, c'est que de sa condition de « passante »410 elle en est bien consciente, car elle affirme : « Non, je ne fais que passer... »411. Traversant le texte d'un bout à l'autre, Juliette ne s'arrête que rarement et ne le fait que pour se reposer. C'est une femme à la recherche continuelle d’elle-même, de son intériorité et de sa propre identité, que son idéal pousse à travers la campagne, dans le train, sur la Tour Saint-André. Seule, tout le temps seule et sans amis, Juliette Noël porte en elle l'idéal tragique. Forte de sa beauté, cette femme un peu secrète paraît vouée à l'aspect pratique des choses, à l'essentiel et à l'immédiat. S'efforçant de ne pas penser à son avenir, elle vit dans le présent, cachant son passé dans son sac, sous un lapin à côté des cartes d'alimentation. Prototype de l'héroïne, grâce à son masque Juliette peut agir sans se soucier ni de son adversaire ni de son ennemi, ou presque. Amy Smiley souligne l'époque de transition dans laquelle se situe la femme décrite par Elsa Triolet412, jusqu'à introduire l'idée de « la femme en transition »413. Pour le dire avec Martine Reid,

Dans Les Amants d'Avignon, Elsa Triolet se souvient et se transpose, comme elle en a pris l'habitude. Sa Juliette, c'est elle sans doute, logée aux mêmes endroits, hantant les mêmes villes, habitée des mêmes peurs et des mêmes convictions.414

L'héroïne est aussi faite à l'image de toutes ces « filles banales » :

la nouvelle célèbre leur courage et leur détermination à toute épreuve, comme celle du réseau auquel elles appartiennent, et avec elles des résistants infatigables, parfois trahis, mais toujours prêts à poursuivre la lutte.415

409 Ibidem.

410 Elsa Triolet, Les Amants d'Avignon, cit., p. 24.

411 Ibidem, p. 28.

412 Amy Smiley, Représentation et Résistance, cit., p. 151.

413 Ibidem, p. 154.

414 Martine Reid, Préface, in Elsa Triolet, Les Amants d'Avignon, cit., p. 11.

L'ambiguïté du je narrateur, homme et femme en même temps, constitue le seul et le dernier expédient encore possible pour dénoncer cet équilibre précaire – un équilibre fictif, mais toujours un équilibre –. La parabole de l'héroïne coïncide avec la défaite de la femme active, et notamment de la femme créatrice : la relation de Juliette avec l'écriture n'est que marginale, apparente. Elle est d'abord secrétaire, puis dactylo, nous paraissant garder une certaine distance par rapport au texte écrit et à la vie. Seul son activité de résistante et son rêve d'amour paraissent la secouer en lui donnant de l'énergie et de la force pour devenir enfin cette héroïne de son temps que tout lecteur connaît. La distance se révèle finalement un atout nécessaire pour maintenir l'équilibre social si précaire en temps de guerre.

Quant au sujet de l'ambiguité, il est justement question de « ce beau visage double »416 : « Créature double », comme Martine Reid la définit417, Elsa Triolet ne cessera de proposer deux cultures, deux langues, et plusieurs vies.

Elle sera aussi un remarquable passeur: au public français, elle offrira des traductions de Maïakovski et de Tchekhov avant une anthologie de la poésie russe; pour les Russes, elle traduira Aragon et quelques-uns de ses propres textes.418

Ce qui nous conduit à affirmer que l'affirmation de Juliette « Je ne fais que passer » a une valeur plus générale, se référant et au rôle de la femme dans la nouvelle et au rôle de l'écrivain dans la Résistance. Personnage principal et de transition à la fois Juliette trace un parcours circulaire qui a comme point de départ le train et comme moment d'arrivée la chambre du docteur. Juliette traverse entre autres la ville d'Avignon, qui devient l'objet d'une description passionnée et rêveuse, à travers laquelle le centre habité semble à un moment donné acquérir l'apparence d'une figure féminine, reflétant l'image de la protagoniste et assumant les traits d'un personnage vif et vivant à son tour. Tel est le sort de Lyon, qui s'opposant à Avignon dans toute sa froideur et rigidité, devient la personnification de Juliette dans une plus austère période de sa vie. Deux villes, deux parties du récit, deux plans de lecture: Avignon et Lyon – deux noms qui entre autre riment entre eux –, deux visions de la guerre, deux messages qui doivent être décodés : ces « elle est venue » et « ils sont venus » qui sont des messages, des codes de guerre et d'amour à la fois. Le sort de Juliette en tant que femme de la Résistance ne 416 Jean Marcenac, Le Beau Visage double (poème), in « Europe », cit., p. 95.

417 Ibidem, p. 8.

correspondrait pas au destin d'un écrivain de la Résistance telle qu'Elsa Triolet ? Et si on tient compte du fait que Juliette ne représente que la partie « mécanique » de l'acte de l'écriture – elle n'écrit pas de première main, elle transmet des messages, elle ne participe pas d'une façon active aux documents qu'elle produit à travers sa machine à écrire –, quelles conclusions peut-on tirer sur le rôle de l'écrivain ?

En tout cas, dans Les Amants d'Avignon419, comme en général plus dans l'œuvre d'Elsa, le fantastique et la part du rêve tiennent une place importante. C'est toutefois la guerre, avec le rôle que les femmes ont dû jouer sur le plan historique et politique, la découverte de la souffrance, de l'injustice et de l'horreur, qui marque dans l'œuvre d'Elsa Triolet une coupure très nette entre deux univers incompatibles : celui de l'idéal et de l'âme et celui des contraintes matérielles, de la misère et du mal, tout en créant un déchirement profond. La célébration lyrique de la Résistance, et plus particulièrement du courage des femmes, porte à une prise de conscience partiellement autobiographique concernant les difficultés de la vie et le prix de la solidarité. La guerre, la Résistance ne seraient toutefois qu'un prétexte pour raconter un sens d'inadéquation plus profond et le manque de liberté. Ce n'est pas seulement la participation au combat qui a poussé Juliette à l'action et au voyage – assumant par certains traits les caractéristiques de la fuite –, ce sont plutôt les contraintes liées à la position et à sa condition sociale qui au fond ne la satisfont pas. Juliette s'arrête seulement quand la maladie le lui impose, et même à ce moment elle transfigure les oiseaux de la tapisserie. C'est un autre rêve, mais un rêve de liberté, d'évasion, qui pour des causes multiples est destinée à rester tel quel. Le texte nous laisse un sens d'inachèvement, comme si la protagoniste avait été peinte dans un moment de sa vie qui aurait pu être n'importe quel autre moment de son existence, les variables auraient été les mêmes. En quelque sorte il n'y a pas de vraie évolution du