Le système développé résout les problèmes rencontrés avec l’interféromètre Zygo
énoncés en début de ce chapitre, et améliore la qualité de la mesure. Le système fonctionne
avec une source laser ND:YAG doublée asservie sur une transition moléculaire de l’iode
assurant ensuite une instabilité de fréquence relative de l’ordre de 10-12 (10-9 pour la source
Zygo). Nous asservissons le laser sur la transition R(56) 32-0, sur la composante a10, donnant
une fréquence stable conseillée par le BIPM [CIPM2002] [Quinn2003] de valeur égale à :
f(a10,R(56) 32-0) = 563 260 223 513 (5) kHz.
Les entrées et les sorties de l’interféromètre sont assurées par des fibres optiques à
maintien de polarisation permettant une utilisation pratique sous vide sans dégradation de la
qualité du signal et sans aucune dissipation d’énergie dans l’enceinte à vide. De plus, toutes
les perturbations thermiques à proximité de l’expérience et les perturbations pouvant
apparaître dans les fibres sont contrôlées juste avant l’entrée de l’interféromètre par rapport à
une référence électronique stable. Cet asservissement en fréquence sous vide rend le système
insensible à l’indice de réfraction de l’air malgré la présence d’une partie du système dans
l’air ce qui a une influence directe sur la mesure de la phase suivant l’équation :
0
l
n
2
λ
π
φ= ⋅ (IV-3)
où φ est l‘écart de phase du signal à la sortie d’un interféromètre, n.l est la différence entre
les chemins optiques parcourus par les deux faisceaux, λo est la longueur d’onde dans le vide
du faisceau de mesure.
Nous aurions pu nous orienter vers des références de longueur d’onde insensibles à
l’indice de l’air mais la conception du système interférométrique ci-dessus rend les mesures
plus pratiques. Nous pouvons citer néanmoins deux méthodes couramment utilisées. Celle qui
consiste à mesurer la température, la pression, l’humidité, le taux de CO2 dans l’air afin de
remonter à l’indice de réfraction de l’air en utilisant les formules d’Edlén [Brich1993]
[Edlén1986] [Schenllekens1986], et celle utilisant un réfractomètre pour mesurer directement
cet indice [Thibout1999] [Khelifa1998] [Topçu2001]. Ces deux méthodes atteignent
difficilement une insensibilité relative de 5×10
−8par rapport à l’indice de l’air.
La mécanique qui a été développée et usinée en interne au LISV est amagnétique ce
qui est indispensable pour l’intégrer dans l’enceinte à vide à proximité de l’aimant permanent
de la balance.
Le changement de plan horizontal dans l’interféromètre est assuré par un cône miroir
ce qui permet une meilleure conservation de l’état de polarisation par rapport au Zygo qui
utilise un coin cube. Les deux faisceaux laser sont transportés dans l’enceinte à vide et
traversent l’interféromètre séparément. Une telle configuration évite un mélange des deux
faisceaux avant d’effectuer la mesure, ce qui n’est pas le cas dans l’interféromètre Zygo où les
deux faisceaux sont superposés ; ils ne sont pas tout à fait perpendiculaires en polarisation ce
qui génère un battement de fréquence parasite avant que la mesure ne soit effectuée.
De plus une ellipticité résiduelle sur la polarisation des faisceaux dans le Zygo entache
également la mesure d’une erreur. Les effets perturbateurs sur la mesure dus à l’ellipticité de
la polarisation des faisceaux sont fortement atténués grâce à la séparation des faisceaux.
Plusieurs expériences ont été menées dans l’optique de mesurer et compenser cette erreur
[Hou1992] [Picotto1991] [Rosenbluth1990]. Au laboratoire nous avons mesuré les défauts de
l’interféromètre Zygo par comparaison avec des mesures issues d’un interféromètre
homodyne [Topçu2005] (l’erreur de non-linéarité résultant sur le déplacement est
classiquement 20 fois plus faible dans un interféromètre homodyne par rapport à un
interféromètre hétérodyne [Wu1996]). Cette erreur a été estimée à 2 nm (1,4 nm annoncée par
le constructeur). Cette erreur n’est pas cumulative et elle n’est pas significative pour des
grands déplacements.
La conception de la structure du nouvel interféromètre et de sa source laser offre un
avantage sur la génération des déplacements nanométrique en éliminant les erreurs dues à la
non-linéarité optique. La séparation des faisceaux le long du trajet de la source laser à
l’interféromètre rend l’interféromètre insensible aux non-linéarites. Cette structure ne présente
aucun risque de mélange des faisceaux avant la réalisation des mesures. Le pouvoir séparateur
du cube séparateur de polarisation ne joue aucun rôle sur les mesures effectuées.
L’interféromètre est aveugle aux défauts de polarisation présentés par les deux faisceaux
laser.
Dans ce chapitre nous avons évoqué le cas d’une seule voie de mesure par simplicité,
mais la puissance de la source laser peut alimenter plusieurs interféromètres. Dans notre cas
nous avons besoin de trois axes de mesure pour surveiller les composantes horizontales de la
vitesse. Il suffit donc d’injecter le premier ordre de diffraction du MAO correspondant au
faisceau « f2 » dans trois fibres ou bien dans une fibre possédant un coupleur permettant de
diviser le signal en trois parties de même puissance. Le premier ordre de diffraction du second
MAO peut être divisé en trois parties et le système de contrôle de la référence optique
reproduit trois fois. Les six faisceaux dans les six fibres illuminent trois interféromètres placés
sur les trois sommets d’un triangle équilatéral inscrit dans la bobine.
A terme il est envisagé que le contrôle de vitesse sur les trois points de la bobine
élimine tous les défauts de déplacement latéral qui peuvent être générées. Au niveau de
l’électronique il n’y aura pas beaucoup de changement, les deux MAO sont suffisants pour
assurer les six faisceaux laser demandés par la méthode de contrôle de vitesse. De plus,
comme les trois voies mesureraient la vitesse de la bobine en trois points, les signaux de
mesure seraient comparés à la même référence électronique « S3 ».
4.7 Conclusion
Dans ce chapitre nous avons décrit le développement d’une nouvelle source
hétérodyne qui permettra à terme de remplacer l’interféromètre Zygo utilisé actuellement et
qui répondra mieux aux contraintes du projet. Le système proposé résoudra les problèmes liés
à l’installation du système optique sur la balance du watt et en particulier les difficultés dues
au passage sous vide susceptible d’induire la perte de polarisation des faisceaux de
l’interféromètre.
Ce type de source peut être utilisé également dans d’autres applications où une
excellente résolution est nécessaire, avec des contraintes de transport par fibre.
Cette nouvelle source a été testée et est parfaitement fonctionnelle. Des tests de
calibration restent encore à être finalisés, et l’utilisation n’a pas été jusqu’à l’implantation sur
l’expérience balance du watt à ce jour, car il est encore préférable de fonctionner avec la
source commerciale pour les expériences d’asservissement de vitesse qui vont être décrites au
chapitre suivant.
Dans le document
Contrôle de la position et de la vitesse d'une masse à l'échelle nanométrique : application à la balance du watt du LNE
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