2. L’inflammation du tissu adipeux dans l’obésité 42
2.3. Inflammation du tissu adipeux 46
2.3.4. Altérations tissulaires 56
lipolyse basale et un stockage ectopique de ces lipides ; ii) en induisant la sécrétion de cytokines et chimiokines pro-‐inflammatoires par les adipocytes ; iii) et enfin en impactant la capacité de remodelage et d’expansion du tissu adipeux durant l’obésité (Xu et al., 2003).
Chez l’homme, l’accumulation des macrophages dans le tissu adipeux lors de l’obésité est moins prononcée que dans les modèles murins. Cependant, plusieurs équipes de recherche ont clairement décrit ce phénomène (Cancello et al., 2005; Cancello et al., 2006; Curat et al., 2004; Shapiro et al., 2013). Ainsi l’accumulation des macrophages, chez l’homme, est plus importante dans le tissu adipeux omental (viscéral) que dans le tissu adipeux sous-‐cutané (Aron-‐Wisnewsky et al., 2009; Cancello et al., 2006). Cette différence d’infiltration des macrophages selon le dépôt adipeux est une donnée importante, car elle expliquerait les conséquences métaboliques de l’infiltration des macrophages dans le tissu adipeux lors de l’obésité. En effet, les macrophages du tissu adipeux viscéral corrèlent positivement avec la glycémie à jeun et le niveau d’insuline, suggérant un lien entre l’inflammation du tissu adipeux omental et les maladies métaboliques (Wentworth et al., 2010). Enfin, il est à noter que la perte de poids, suite à un régime ou un acte chirurgical (chirurgie bariatrique par exemple), réduit la quantité de macrophages infiltrés dans le tissu adipeux omental et améliore l’homéostasie du glucose et la sensibilité à l’insuline (Aron-‐Wisnewsky et al., 2009). Il existe donc une association chez l’homme entre les phénotypes de macrophages du tissu adipeux et l’homéostasie métabolique.
2.3.4. Altérations tissulaires
Le tissu adipeux est un tissu qui possède des propriétés d’adaptation extraordinaires. Cette plasticité est nécessaire au maintien du contrôle métabolique. Lors de l’obésité, l’excès de nutriments altère de manière drastique la structure du tissu adipeux en induisant un remodelage du tissu. Ce remodelage implique tous les types cellulaires du tissu adipeux (adipocytes, cellules immunitaires, cellules endothéliales) (Lee et al.,
La vascularisation du tissu adipeux joue un rôle majeur dans le remodelage du tissu. Tous les dépôts adipeux sont richement vascularisés. Ceci s’explique par la nécessité des adipocytes d’être en contact avec les vaisseaux et capillaires sanguins pour avoir accès aux nutriments qui circulent dans le sang. Durant l’expansion du tissu adipeux, le développement des vaisseaux sanguins (ou angiogenèse) précède l’adipogénèse (Ledoux et al., 2008). Chez l’homme, le potentiel angiogénique diffère selon le dépôt de tissu adipeux. En effet, le tissu adipeux sous-‐cutané présente des capacités angiogéniques plus importantes que le tissu adipeux viscéral (Sun et al., 2011).
Chez les patients obèses, les capacités angiogéniques du tissu adipeux sont considérablement réduites et sont associées à une résistance à l’insuline (Pasarica et al., 2009; Sun et al., 2011). L’hypoxie du tissu est un inducteur puissant de l’angiogénèse, et lors de l’obésité, le tissu adipeux est soumis à un environnement très hypoxique. In vitro, les adipocytes et les cellules de la fraction du stroma vasculaire secrètent des cytokines pro-‐inflammatoires en réponse à l’hypoxie. Bien que l’environnement hypoxique puisse être dû à la diminution de la diffusion de l’oxygène dans les adipocytes hypertrophiques, plusieurs études ont prouvé que l’obésité induit également une diminution du flux sanguin vers le tissu adipeux (Ye, 2009).
La voie de l’HIF-‐1α (Hypoxia Inductible factor-‐1α), est une des voies activées par l’hypoxie. De manière surprenante, lorsque HIF-‐1α est exprimé de manière constitutive spécifiquement dans le tissu adipeux de souris, l’angiogenèse n’est pas augmentée. L’expression constitutive de HIF-‐1α induit l’expression de plusieurs gènes de la matrice extracellulaires (MEC) tels que les collagènes I et III. Au regard de ces observations, l’hypoxie observée dans le tissu adipeux lors de l’obésité, sert plus de signal pro-‐ fibrotique et/ou pro-‐inflammatoire que d’inducteur de l’angiogenèse (Sun et al., 2013; Ye, 2009).
La MEC est un composant crucial du tissu adipeux car elle permet le maintien cellulaire et l’intégrité structurale du tissu. La génération, la dégradation et le maintien de la MEC du tissu adipeux sont régulés aussi bien par les cellules immunitaires que par les adipocytes. La MEC est composée de collagènes fibrillaires (collagènes I et III) et non-‐ fibrillaires (collagènes IV, VI, VIII). Le collagène VI corrèle positivement avec l’IMC (Indice de Masse Corporelle) et est surexprimé dans le tissu adipeux d’obèse. Les souris invalidées pour le collagène IV ont une capacité d’hypertrophie des adipocytes augmentée, ce qui montre l’importance du collagène VI dans le contrôle de la forme de
l’adipocyte dans des conditions de surnutrition. Les produits de clivage du collagène VI génèrent des molécules qui permettent la mise en place de fibrose, grâce au recrutement de macrophages et l’activation du signal TGFβ. Le remodelage du tissu adipeux limiterait l’expansion du tissu adipeux pour favoriser le stockage ectopique des lipides (ex : foie, muscle)(Divoux et al., 2010) (Henegar et al., 2008).
Ces observations ont permis l’émergence dans la communauté scientifique de la théorie
de l’extensibilité du tissu adipeux qui prétend que c’est l’incapacité du tissu adipeux à
s’étendre qui serait à l’origine des complications métaboliques associées à l’obésité (Tan and Vidal-‐Puig, 2008). Cette capacité d’extension du tissu adipeux serait différente pour chaque individu et chaque personne possèderait une capacité d’extension maximale dépendante à la fois de facteurs génétiques et environnementaux. Une fois que cette capacité maximale est atteinte, le tissu adipeux cesse de stocker l’excèdent d’énergie, et les lipides s’accumulent ectopiquement dans le muscle ou le foie causant une inflammation et une résistance à l’insuline. Il existe plusieurs modèles animaux et humains qui renforcent cette hypothèse. Chez l’Homme, il a été montré que les individus obèses métaboliquement sains (on parle alors de « healthy obesity » ) ont une capacité d’expansion du tissu adipeux plus importante que les obèses diabétiques (Karelis et al., 2004). Ces individus présentent un niveau élevé de facteurs proadipogéniques. Ces variabilités entre individus sont très intéressantes et présuppose des différences dans la régulation transcriptionnelle des gènes impliqués dans l’adipogénèse. Il serait intéressant par exemple de regarder la régulation du récepteur nucléaire PPARγ et voir si éventuellement des complexes corégulateurs sont impliqués dans cette différence.