2. L’inflammation du tissu adipeux dans l’obésité 42
2.3. Inflammation du tissu adipeux 46
2.3.2. Altérations métaboliques du tissu adipeux 48
Altération de la lipolyse : La mobilisation et la mise en réserve des lipides en réponse à
des stimuli hormonaux et métaboliques sont les deux fonctions classiques du tissu adipeux. La mobilisation de cette réserve, en période de jeûne, se fait grâce au processus appelé lipolyse, qui consiste en l'hydrolyse d'un triglycéride en acides gras libres et en une molécule de glycérol. Dans l’adipocyte d’humain, ce sont les enzymes ATGL (Adipose Triglycéride Lipase) et HSL (Hormone Sensitive Lipase) qui sont responsables de ce processus permettant la libération d’acides gras libre dans la circulation afin de fournir un substrat énergétique aux autre tissus comme le foie, les muscles squelettiques et le cœur.
Lors de l'obésité, la lipolyse dans les adipocytes est considérablement augmentée, ce qui induit à une augmentation des acides gras libres. Au niveau circulant, ces acides gras vont interférer avec la fonction de plusieurs organes, induisant entres autres la résistance à l'insuline et d'autres anomalies métaboliques. Au niveau local, ces acides gras vont être reconnus par le récepteur TLR4, exprimé à la surface des adipocytes et induire une inflammation par l’activation des voies NF-‐κB, AP-‐1 et IRF. Dans le contexte de l’obésité, les acides gras libres apparaissent donc comme les inducteurs majeurs de l’inflammation métabolique (Girard and Lafontan, 2008; Lafontan and Girard, 2008; Ortega et al., 2010).
Altération du profil sécrétoire des adipokines : Comme nous l’avons déjà évoqué, le
tissu adipeux n’est plus considéré comme uniquement un tissu de stockage, mais comme un organe endocrine à part entière. Les différents types de cellulaires qui le composent (adipocytes, cellules immunitaires, cellules endothéliales, fibroblastes) produisent et libèrent diverses molécules. Lors de l’obésité, le tissu adipeux se caractérise par un changement important dans le profil de sécrétion des adipocytes (Ortega et al., 2010; Tilg and Moschen, 2006).
Modifications de sécrétion des adipokines :
•
La leptine est une hormone peptidique qui régule l’appétit en contrôlant la sensation de satiété. Elle est secrétée par les adipocytes et agit au niveau de l’hypothalamus pour diminuer la prise alimentaire. Les souris possédant une mutation des gènes codant pour la leptine (souris ob/ob), ou pour le récepteur à la leptine (souris db/db) sont hyperphages, obèses et insulino-‐ résistantes. Les patients obèses présentent une augmentation du niveau circulant de leptine. Celle-‐ci est considérée comme un facteur pro-‐ inflammatoire (La Cava and Matarese, 2004).• L’adiponectine est très exprimée par les adipocytes et possède des propriétés anti-‐inflammatoires puissantes. Chez les personnes obèses le niveau circulant d’adiponectine est diminué, et est inversement corrélé à la résistance à l’insuline. L’adiponectine augmente l’oxydation des acides gras (dans le foie et dans le muscle), le transport de glucose par le muscle, et supprime la gluconéogenèse dans le foie. L’administration exogène ou la surexpression de l’adiponectine dans des souris améliore la sensibilité à l’insuline, alors que les souris invalidées pour l’adiponectine présentent une inflammation et une résistance à l’insuline lorsqu’elles sont mises sous régime gras (Skurk et al., 2007).
Modifications de la sécrétion des cytokines et chimiokines : Le dérèglement de la
sécrétion des cytokines et chimiokines par le tissu adipeux est une caractéristique de l’obésité. Ces molécules ont non seulement une action au niveau locale où elles induisent une réponse inflammatoire, mais aussi au niveau systémique. Ici, je vous présenterai trois cytokines et chimiokines qui m’ont particulièrement intéressé durant ma thèse.
• L’IL-‐6 (Interleukin 6): Le rôle de l’IL-‐6 dans l’obésité est sujet à controverse. Elle est très exprimée dans le tissu adipeux humain et est corrélée positivement avec l’obésité (Despres and Lemieux, 2006; Kern et al., 2001). IL-‐ 6 altère la voie de signalisation de l'insuline dans les hépatocytes en raison de l’augmentation de l’expression de SOCS3 suggérant que la surexpression de l'IL-‐6 induite par l'obésité est impliquée dans la résistance à l’insuline (Wunderlich et al., 2013). A l’inverse, et de manière surprenante, les souris invalidées pour l’IL-‐6 développent une obésité avec apparition d’une inflammation hépatique (Matthews et al., 2010). L’administration de l'IL-‐6 inverse cette résistance à l'insuline. Comme l'administration centrale de l'IL-‐6 augmente la dépense énergétique et diminue l'obésité, l'IL-‐6 peut également influer sur l'obésité et la sensibilité à l'insuline par un mécanisme agissant sur le système nerveux central (Wallenius et al., 2002). Ainsi, le rôle de l'IL-‐6 dans l'obésité et la résistance à l'insuline dépend probablement des sites spécifiques d'expression.
• TNF-‐α (Tumor Necrosis Factor alpha): Le TNF-‐α est la cytokine pro-‐ inflammatoire type qui est augmentée chez les humains et les rongeurs obèses contribuant ainsi à la résistance à l'insuline (Hotamisligil et al., 1996). Le traitement d’une lignée adipocytaire (3T3-‐L1) par le TNF-‐α induit une résistance à l'insuline, et la neutralisation du TNF-‐α dans des rats obèses fa/fa améliore la sensibilité à l'insuline. De la même manière, les souris déficientes pour TNF-‐α ou pour son récepteur présentent une meilleure sensibilité à l'insuline dans le tissu adipeux et les muscles squelettiques lorsqu’elles sont nourries avec un régime gras (Uysal et al., 1997). Bien que les concentrations de TNF-‐α circulant soit positivement corrélées à la résistance à l'insuline, et que la neutralisation du TNF-‐α améliore la sensibilité à l'insuline chez les rongeurs, les effets cliniques de la neutralisation de TNF-‐α chez l'homme sont encore controversés. En effet, l'administration à court terme d’anticorps bloquant le TNF-‐α à des patients obèses souffrant d’un diabète de type 2 supprime l'inflammation mais induit une amélioration très modérée de la sensibilité à l'insuline (Ofei et al., 1996). Par ailleurs, le traitement à long terme par les bloquants du TNF-‐α de patients obèses souffrant d’une maladie
inflammatoire sévère telle que l’arthrite rhumatoïde, induit une amélioration de la sensibilité à l’insuline (Moen et al., 2005).
• CCL2 (C-‐C motif ligand 2) : Les adipocytes sécrètent plusieurs chimioattractants qui attirent les monocytes dans le tissu adipeux. Le tissu adipeux de patient obèse est caractérisé par une augmentation d’expression de CCL2, permettant le recrutement des macrophages (Kanda et al., 2006; Oh et al., 2012). Les souris invalidées pour CCL2 présentent une diminution de l’infiltration des macrophages dans le tissu adipeux et une diminution de la résistance à l’insuline (Kanda et al., 2006). A l’inverse, la surexpression de CCL2 induit une infiltration massive de macrophages dans le tissu adipeux. Cependant, dans une étude récente, Inouye et ses collègues ont démontré que l’absence de CCL2 dans les souris n’empêche pas totalement l’infiltration de macrophages dans le tissu adipeux lorsqu’elles sont placées sous régime hyperlipidique (Inouye et al., 2007). De plus, ces souris sont intolérantes au glucose et présentent un niveau sérique d’adiponectine plus bas que leurs homologues sauvages. Ces données suggèrent donc que CCL2 n’est pas l’unique médiateur du recrutement des macrophages dans le tissu adipeux (Kanda et al., 2006). A noter que CCR2 (récepteur de CCL2) joue également un rôle important dans le développement de l’obésité et la mise en place de l’inflammation du tissu adipeux (Weisberg et al., 2006).
L’ensemble de ces altérations est impliqué dans la mise en place et le maintien d’un état inflammatoire chronique du tissu adipeux. Cependant, les acteurs majeurs de cette inflammation sont l’altération du phénotype des adipocytes et l’infiltration des cellules immunitaires et plus particulièrement des macrophages (BOX 3).