2. L’inflammation du tissu adipeux dans l’obésité 42
2.3. Inflammation du tissu adipeux 46
2.3.3. Altérations cellulaires 51
2.3.3.1. Hypertrophie adipocytaire
Le diamètre des adipocytes est un déterminant important d'un tissu adipeux dysfonctionnel. Lors de la prise de poids, l'expansion du tissu adipeux se traduit par une
hypertrophie adipocytaire (augmentation de la taille des adipocytes matures) et/ou
une hyperplasie adipocytaire (augmentation du nombre d'adipocytes matures à partir
BOX 3 : Les cellules immunitaires du tissu adipeux blanc
Le tissu adipeux est un tissu riche en cellules immunitaires. Ces cellules jouent un rôle important dans le bon fonctionnement des adipocytes, la suppression des cellules apoptotiques et le maintien de l’homéostasie du tissu des rongeurs et humains non-‐obèses. Leurs rôles dans le tissu adipeux obèse sont restés longtemps méconnus, mais commencent à être étudiés et décrits. La cinétique de recrutement au niveau du tissu adipeux est différente d’une cellule immunitaire à une autre. Alors que le nombre de macrophages, lymphocytes B, lymphocytes T, neutrophiles et mastocytes augmente durant l’obésité, celui des Th2, T reg et éosinophile est diminué. Ici, nous présenterons de manière succincte les différentes cellules immunitaires du tissu adipeux et leur rôle dans la métaflammation.
Les cellules dendritiques sont des cellules présentatrices d’antigènes. Elles reconnaissent les antigènes étrangers, les prennent en charge et présentent les peptides antigéniques sur le complexe majeur d’histocompatibilité présent à leur surface pour initier la reconnaissance de ces peptides par les lymphocytes T. Bien que difficilement détectables, les cellules dendritiques sont présentes dans le tissu adipeux et leur nombre augmente sous régime hyperlypidique. Leur rôle serait d’induire la prolifération des lymphocytes T naïfs CD4+ mais aussi des Th17.
Les mastocytes sont la première ligne de défense contre une invasion de pathogènes. Leur présence dans le tissu adipeux est assez importante (même si ils ne sont pas aussi abondants que les macrophages), et leur nombre dans le tissu augmente sous régime hyperlipidique. Ils régulent l’inflammation du tissu adipeux en régulant la croissance des microvaisseaux.
Les neutrophiles sont les leucocytes les plus abondants du système immunitaire. Grâce à leur recrutement rapide au niveau du site d’infection, ce sont les premiers effecteurs de la réponse inflammatoire aiguë. Leur rôle dans le tissu adipeux n’est pas encore bien défini. Chez la souris, certaines études ont montré que ces cellules étaient recrutées de manière rapide mais brève dans le tissu adipeux après le début l’administration du régime hyperlypidique.
Les éosinophiles sont des granulocytes qui combattent l’infection par les parasites. Ils sont présents dans différents dépôts du tissu adipeux, particulièrement dans les tissus adipeux épididymal et mésentérique (les plus métaboliquement actifs). Leur nombre décroît durant l’obésité. Ils sont responsables du maintien des macrophages du tissu en un phénotype M2 grâce à la sécrétion de facteurs anti-‐inflammatoires (ex : IL-‐4).
Les lymphocytes B sont impliqués à la fois dans la réponse immunitaire adaptative et innée. Leur nombre est augmenté dans le tissu adipeux sous un régime obésogène. Ils sont localisés dans les CLS (crown like structures) du tissu adipeux au côté des macrophages et lymphocytes T, suggérant un rôle important dans l’inflammation chronique du tissu adipeux.
Les lymphocytes T sont les cellules clefs de l’immunité adaptative. Il existe deux sous-‐groupes de lymphocytes T ; les CD4+, et les CD8+. Ils passent d’un état naïf à plusieurs états actifs durant
la réponse immunitaire. Ils sont capables de secréter aussi bien des cytokines anti-‐ que pro-‐ inflammatoires tels que IFNγ (sous-‐types Th1), IL4, IL5 et IL13 (sous-‐types Th2), IL17, IL21 et IL22 (sous-‐types TH17) et IL10, TGFβ (sous-‐types Treg). Des études sur l’homme ont montré une augmentation de la production de l’IFNγ par les Th1 qui à leur tour stimulent les macrophages de type M1 dans le tissu adipeux. L’obésité est associée à l’augmentation de la présence de Th1 et de Th17 dans le tissu adipeux. Ils sécrètent des cytokines pro-‐inflammatoires tels que IL17 et l’IFNγ qui vont activer la voie JNK. A l’inverse, les cellules Th2 et Treg joueraient un rôle protecteur contre l’inflammation du tissu adipeux en secrétant des cytokines anti-‐ inflammatoires. Durant l’obésité, ces deux types de population sont diminués dans le tissu adipeux.
Cette expansion du tissu adipeux peut engendrer plusieurs phénomènes, incluant l’inflammation, l'hypoxie, la mort cellulaire des adipocytes et une altération du flux d'acides gras (Virtue and Vidal-‐Puig, 2010). Plusieurs études ont démontré que la taille des adipocytes semble étroitement liées aux fonctions des adipocytes et aux altérations métaboliques associées à l’obésité telles que l’intolérance au glucose et l’insulino-‐ résistance (Lonn et al., 2010).
La taille des adipocytes de chaque dépôt adipeux est différente. Par exemple, les adipocytes des tissu adipeux viscéraux sont plus petits, notamment due à une activité lipolytique augmentée, alors que les dépôts superficiels ou sous-‐cutanés présentent des adipocytes de plus gros diamètres reflétant leurs capacités accrues de stockage (Bjorndal et al., 2011).
Par ailleurs, il existe également une grande variabilité inter-‐individuelle dans la taille des adipocytes pour des niveaux d'adiposité similaires. Ainsi, la prédisposition des cellules adipeuses à s'hypertrophier dans chaque compartiment adipeux varie d'un individu à l'autre (Sims, 2001). Dernièrement, des études ont démontré qu'une hypertrophie des adipocytes semblait être un déterminant majeur des complications associées à l'obésité. Plus spécifiquement, Veilleux et al. ont observé qu'une hypertrophie des adipocytes viscéraux était un indicateur important et indépendant des complications métaboliques de l'obésité. Comparativement à l'hyperplasie des adipocytes viscéraux, l'hypertrophie de ceux-‐ci est associée à une augmentation des concentrations plasmatiques de VLDL-‐triglycérides et une augmentation du ratio cholestérol-‐total/HDL-‐cholestérol. Cette même étude a aussi démontré que l'association entre l'hypertrophie des adipocytes viscéraux et un profil lipidique altéré est indépendante de la taille des adipocytes sous-‐cutané, de la composition corporelle et de la distribution des graisses chez la femme (Veilleux et al., 2011).
Par ailleurs, les adipocytes de gros diamètre sont plus lipolytiques, ont une sécrétion altérée d'adipokines et sont, de ce fait, plus résistants à l’insuline. La taille des adipocytes semble donc influencer la fonction de ceux-‐ci et le développement des complications métaboliques associées à l'obésité.
L’obésité induit également l’altération des cellules immunitaires résidentes du tissu adipeux. Cet aspect sera détaillé dans la partie consacrée aux macrophages du tissu
2.3.3.2. Les macrophages
2.3.3.2.1. Macrophages du tissu adipeux : une grande hétérogénéité
Les macrophages sont aussi bien présents dans le tissu adipeux « mince » que dans le tissu adipeux « obèse » (Weisberg et al., 2003; Xu et al., 2003). Partant de ce constat, plusieurs études se sont intéressées aux différences phénotypiques des macrophages dans ces deux conditions. La classification de ces macrophages n’est pas chose aisée car aucun système de nomenclature ne peut rendre compte de manière exhaustive de la diversité de phénotypes des macrophages du tissu adipeux. Cependant, un consensus tacite a été trouvé par la communauté scientifique pour le classement des macrophages selon deux catégories. D’une part les macrophages de type M2, jouant un rôle dans l’homéostasie du tissu adipeux, et de manière plus générale ont une activité immunosuppressive. Ils sont activés par les cytokines secrétées par les lymphocytes de type Th2 (T helper 2) telles que l’IL4 et l’IL13, ou par d’autres facteurs comme l’IL10 et l’arginase (Gordon, 2003; Gordon and Taylor, 2005). Ces macrophages sont considérés comme les macrophages résidents du tissu adipeux. D’autre part, il existe aussi des macrophages de type M1, activés par des cytokines inflammatoires tels que l’IFNγ produit par les lymphocytes de type Th-‐1 mais aussi le LPS (Lipopolysaccharides). Une fois activés, ils sécrètent des cytokines pro-‐inflammatoires tels que le TNF-‐α et/ou l’IL-‐6. Ils sont donc logiquement impliqués dans tous les processi inflammatoires (Gordon, 2003; Gordon and Taylor, 2005).
2.3.3.2.2. Macrophages du tissu adipeux : localisation et plasticité
La répartition des macrophages dans le tissu adipeux est très différente entre un tissu adipeux « mince » et le tissu adipeux « obèse ». Alors que les macrophages M2 résidents du tissu adipeux sont répartis dans le parenchyme du tissu, les macrophages infiltrés de type M1 dans le tissu obèse vont s ‘accumuler dans le tissu sous une forme de structure en couronnes appelée « crown-‐like structures » ou CLS autour des adipocytes (Cinti et al., 2005; Lumeng et al., 2008). L’obésité induit donc une infiltration des macrophages M1, mais paradoxalement le nombre de macrophages M2 augmente également. Cependant, leur proportion par rapport aux M1 diminue considérablement. Dans le tissu « obèse », la fonction des macrophages M2 serait de permettre la réparation tissulaire et faciliter l’adipogenèse (Lumeng et al., 2007).
Chez l’homme, les macrophages du tissu adipeux sous-‐cutané présente un phénotype de type M2 mais expriment également des gènes pro-‐inflammatoires (Bourlier et al., 2008; Zeyda et al., 2007). Une autre étude a montré que les macrophages présents dans les CLSs du tissu adipeux omental et sous-‐cutané présentent à la fois des marqueurs M1 (CD11c) et M2 (CD206) (Wentworth et al., 2010). La différence entre les macrophages M1 et les macrophages M2 n’est pas claire chez l’homme du moins au niveau des marqueurs qui les caractérisent.
2.3.3.2.3. Rôle des macrophages dans l’inflammation du tissu adipeux et le métabolisme
Bien que la présence des macrophages dans le tissu adipeux soit connue depuis plus de 20 ans (Kahaly et al., 1994; Ochi et al., 1988), la contribution de ceux-‐ci aux co-‐ morbidités de l’obésité est restée floue pendant très longtemps. En 2003, deux équipes indépendantes ont utilisé des analyses par microarrays pour étudier la différence dans l’expression de gènes entre le tissu adipeux de souris obèses et le tissu adipeux de souris minces (Weisberg et al., 2003; Xu et al., 2003). Ils ont montré qu’il y avait une différence importante dans l’expression des gènes liés aux macrophages comme par exemple des marqueurs de surfaces ou des facteurs secrétés. La séparation du tissu adipeux en ces différents composants, d’une part les adipocytes et d’autre part la fraction stroma vasculaire (SVF), a montré que la plupart des gènes inflammatoires spécifiques aux macrophages sont surexprimés majoritairement dans la fraction SVF des souris obèses signifiant soit une augmentation de l’expression de ces gènes et/ou une infiltration des macrophages dans le tissu adipeux des souris obèses.
Des analyses de cytométrie en flux et d’immunohistochimie ont confirmé une augmentation du nombre de macrophages dans le tissu adipeux des souris obèses (Oh et al., 2012). A noter que cette accumulation de macrophages est indépendante de l’étiologie de l’obésité. En effet, que ce soit dans le cadre d’une obésité induite ou génétique, une augmentation du nombre de macrophages dans le tissu adipeux est observée. Ces mécanismes observés dans les modèles murins sont retrouvés chez l’homme (Weisberg et al., 2003).
Comme évoqué précédemment, l’augmentation du nombre de macrophages dans le tissu adipeux lors de l’obésité est fortement associée à la résistance à l’insuline et aux co-‐ morbidités. Les macrophages peuvent changer la fonction des adipocytes en i) en
induisant une résistance à l’insuline qui a pour conséquence la dérégulation de la lipolyse basale et un stockage ectopique de ces lipides ; ii) en induisant la sécrétion de cytokines et chimiokines pro-‐inflammatoires par les adipocytes ; iii) et enfin en impactant la capacité de remodelage et d’expansion du tissu adipeux durant l’obésité (Xu et al., 2003).
Chez l’homme, l’accumulation des macrophages dans le tissu adipeux lors de l’obésité est moins prononcée que dans les modèles murins. Cependant, plusieurs équipes de recherche ont clairement décrit ce phénomène (Cancello et al., 2005; Cancello et al., 2006; Curat et al., 2004; Shapiro et al., 2013). Ainsi l’accumulation des macrophages, chez l’homme, est plus importante dans le tissu adipeux omental (viscéral) que dans le tissu adipeux sous-‐cutané (Aron-‐Wisnewsky et al., 2009; Cancello et al., 2006). Cette différence d’infiltration des macrophages selon le dépôt adipeux est une donnée importante, car elle expliquerait les conséquences métaboliques de l’infiltration des macrophages dans le tissu adipeux lors de l’obésité. En effet, les macrophages du tissu adipeux viscéral corrèlent positivement avec la glycémie à jeun et le niveau d’insuline, suggérant un lien entre l’inflammation du tissu adipeux omental et les maladies métaboliques (Wentworth et al., 2010). Enfin, il est à noter que la perte de poids, suite à un régime ou un acte chirurgical (chirurgie bariatrique par exemple), réduit la quantité de macrophages infiltrés dans le tissu adipeux omental et améliore l’homéostasie du glucose et la sensibilité à l’insuline (Aron-‐Wisnewsky et al., 2009). Il existe donc une association chez l’homme entre les phénotypes de macrophages du tissu adipeux et l’homéostasie métabolique.
2.3.4. Altérations tissulaires
Le tissu adipeux est un tissu qui possède des propriétés d’adaptation extraordinaires. Cette plasticité est nécessaire au maintien du contrôle métabolique. Lors de l’obésité, l’excès de nutriments altère de manière drastique la structure du tissu adipeux en induisant un remodelage du tissu. Ce remodelage implique tous les types cellulaires du tissu adipeux (adipocytes, cellules immunitaires, cellules endothéliales) (Lee et al.,