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Partie II : Histoire matérielle et conservation-restauration du tapa MI/1611

4.3 Altérations de surfaces

4.3.1 Empoussièrement

En plus d’un empoussièrement général léger, le tapa présente un empoussièrement plus cohésif de manière irrégulière et parfois importante, particulièrement visible sur les motifs noir et rouge (Figure 64). L’amas de poussière sur un côté de certains plis horizontaux (Figure 65) permet d’indiquer l’orientation de son montage pour sa présentation et/ou son stockage (identique à la Figure 38, p. 53).

Figure 64 : Exemple d’empoussièrement cohésif en C6. Figure 65 : Empoussièrement cohésif sur les reliefs entre E7 et E8.

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4.3.2 Marques d’eau

Lignes de démarcation

Deux grandes lignes de démarcation brunes se trouvent entre 15 et 23 cm du bas (ligne H) et à droite (colonne 12) et sont visibles de manière identique sur les deux faces de l’objet (Figure 66 et Figure 67). Elles mesurent entre 1 et 5 cm de large et la matière est devenue plus rigide et cassante à certains emplacements. Les bandes de tapa entre ces lignes et les bords du tapa sont plus blanches indiquant que des composés du matelas fibreux ou des décorations peintes ont été solubilisés et se sont concentrés dans les lignes brunes (Figure 68). La marque horizontale est plus nette et plus foncée que la verticale alors que la verticale est plus diffuse et plus régulière en termes d’épaisseur (Figure 69) ; le mouvement des composés étant probablement facilité par un phénomène de capillarité entre les fibres. Il apparaît des taches blanchâtres au niveau des losanges noirs de la colonne H (Figure 70).

Figure 66 : Emplacement des marques d’eau. Figure 67 : Apparence de la marque d’eau en H7 (avers et revers).

Figure 68 : Différences de couleur au niveau de la

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Figure 70 : Tache blanche sur un losange noir.

Les mesures de pH et de conductivité228 au niveau de lignes de démarcation brunes montrent que le

matelas fibreux s’est acidifié et qu’il a une plus grande conductivité que les parties non touchées à l’inverse des décors. Les parties lessivées ont, quant à elles, un pH plus élevé que les autres parties et une faible conductivité (Tableau 7). Il peut être déterminé que les composés solubilisés le sont dans l’eau, qu’ils sont acides et qu’ils sont en forte concentration dans les lignes brunes. Ces composés, difficilement identifiables, peuvent être issus des éléments constitutifs de l’objet ou des produits de leur dégradation.

pH Matelas fibreux Décor rouge Décor noir

De l’objet 4.77 4.75 4.69

Lignes brunes 4.26 4.97 5.10

Partie lessivée 5.38 5.65 5.62

Conductivité (mS/cm) Matelas fibreux Décor rouge Décor noir

De l’objet 2.81 1.40 1.70

Lignes brunes 5.25 0.92 1.20

Partie lessivée 0.23 0.21 0.44

Tableau 7 : pH et conductivité des marques d’eau et des parties lessivées.

Afin d’identifier plus précisément les composés qui ont formé les lignes brunes, une analyse IRTF a été effectuée sur un échantillon de fibres prélevées à cet endroit ainsi que sur un gel d’agar à 3 % dans l’eau déminéralisée appliqué pendant 1h30 sur une portion d’une des lignes. De ces deux analyses, aucune substance n’a pu être identifiée clairement, probablement à cause de leur trop faible concentration par rapport aux supports (respectivement fibres végétales et gel) qui sont très visibles. En se basant sur l’étude de Mazzuca et al.229 qui identifie les acides contenus dans les papiers de

différentes époques en en analysant des fragments à l’aide de la CLHP, une analyse similaire a été effectuée, non pas sur un échantillon de l’objet, car la perte de matière serait trop conséquente

228 Étant donné l’hétérogénéité du matériau et des lignes brunes, deux mesures ont été effectuées et la

moyenne a été retenue.

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(environ 25 cm2), mais sur un gel d’agar identique à celui pour l’IRTF (Figure 71). Pour les mêmes

raisons que l’IRTF, aucun résultat exploitable n’a pu être obtenu230.

Figure 71 : Portion de gel analysé par la CLHP (environ 20 cm).

Auréoles

Trois auréoles sont présentes à gauche de l’objet. La première se situe dans la bordure au niveau de D1, a une forme irrégulière et mesure 5 cm de large au maximum. Elle est située autour d’un trou de punaise. La seconde, de forme ovale, se trouve à cheval sur G1 et H1 et mesure 10 cm de long pour 4.5 cm de large. La troisième située en D1 et de forme irrégulière mesure au maximum 11 cm sur 7 cm (Figure 72 à Figure 74).

Figure 72 : Auréole entre G1 et H1. Figure 73 : Auréole à gauche de D1. Figure 74 : Auréole en D1.

4.3.3 Dépôts et taches

Sédiments

Un dépôt sablonneux est visible au niveau de la bordure de F12 à H12 principalement et en moindre mesure sur le reste de la bordure (Figure 75). Il est composé de très petites particules de couleur grisâtre probablement d’origine minérale (Figure 76) et recouvre environ 200 cm2.

230 Armelle Vallat (communication écrite, 23 juillet 2020). Les résultats détaillés et les conditions d’analyse

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Figure 75 : Dépôt sédimentaire en G12. Figure 76 : Dépôt sablonneux sous microscope (grossissement 215x).

Autour de certains trous de punaises, un rond orangé d’un diamètre de 15 mm s’est formé231 jusqu’au

cœur de la matière (Figure 77 et Figure 78). La présence de corrosion ferreuse a pu être mise en évidence par un test ponctuel avec de l’acide chlorhydrique232 : la solution est devenue jaune au

contact des fibres orange (Figure 79).

Figure 77 : Tache circulaire de corrosion ferreuse à

droite de D12. Figure 78 : Apparence des fibres de la corrosion (grossissement 180x). tapa colorées par

Figure 79 : Résultat du test ponctuel du fer.

231 L’emplacement exact des différentes taches se trouve sur un schéma en annexe, car ils étaient peu visibles

en petit format.

232 Le protocole est détaillé en annexe (0

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Le long de la ligne H (1 et 5 à 10), des trainées rouges longent une des lignes d’abrasion (Figure 80 et Figure 81). La coloration et l’aspect font penser à de la peinture. Un test de solubilité a permis de mettre en évidence une sensibilité plus élevée à l’éthanol, l’acétone et l’acétate d’éthyle que dans l’eau déminéralisée et le white spirit233 (Figure 82). L’analyse IRTF de cette peinture a permis de mettre en

évidence la présence un mélange d’ocre rouge, de calcite et de gomme végétale234. D’après ces

résultats et l’apparence de la peinture, il peut s’agir d’une gouache, qui contient généralement de la gomme arabique ou parfois adragante comme liant235. Il est intéressant de noter que les deux

gommes sont pourtant insolubles dans les solvants organiques usuels236.

Figure 80 : Trait de peinture rouge en H6 et H7. Figure 81 : Différence d’apparence entre la peinture rouge avec le décor rouge en G7 sous microscope

(grossissement 215x).

Figure 82 : Solubilité de la peinture rouge.

En H3, il y a un résidu de couleur blanchâtre très dur et satinée (Figure 83 et Figure 84). Il mesure 7 mm de long par 2 mm de large. Son apparence, sa couleur et son emplacement en bordure du tapa indiquent qu’il pourrait s’agir d’une sorte de mastic. L’analyse IRTF indique une substance qui

233 La teinte de la ouate pour ces deux solvants semble plutôt s’apparenter à de la saleté.

234 Analyses FTIR en annexe (2.1.5 Spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF), Cartographie,

p. 198).

235 Perego, 2005, p. 341-342. 236 Perego, 2005, p. 332-336.

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s’apparente à un mastic puisque de l’huile, de la calcite et de l’oxalate de calcium sont identifiés237 :

les deux premiers sont des composants du mastic et le troisième un produit de dégradation de type whewellite238.

Figure 83 : Morceau de mastic en H3. Figure 84 : Morceau de mastic sous microscope (grossissement 55x).

En C4, D5 et E5, il y a des auréoles brunâtres de petite taille (inférieure à 5 cm) recouvertes d’un dépôt blanc (Figure 85). Leur forme et leur apparence font clairement penser à des déjections d’oiseaux. Le blanc est soluble dans l’eau déminéralisée et un peu moins dans le white spirit239.

L’auréole est soluble dans l’eau et l’éthanol.

Figure 85 : Déjections d’oiseaux en C4, D5 et E5.

Des taches irrégulières de couleur kaki ont imprégné le matelas fibreux en bordure de C12 et D12 pour une surface d’environ 300 cm2 (Figure 86 et Figure 87). Des concrétions foncées se trouvent

également à leur surface et colorent les coton-tiges roulés dessus (Figure 88), indiquant une faible cohésion. Les taches kaki sont solubles dans l’acétate d’éthyle, le white spirit et légèrement dans l’acétone, comme l’indiquent les taches laissées sur le buvard placé en dessous, mais pas dans l’eau déminéralisée et l’éthanol, ce qui peut faire penser à une huile souillée240. Bien que l’analyse IRTF n’ait

pas pu confirmer la présence d’huile, elle a mis en évidence la présence de terre241.

237 Analyses FTIR en annexe (2.1.5 Spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF), Cartographie,

p. 198).

238 Édith Joseph, 24.06.2020, communication orale.

239 Solubilité constatée à l’aide de coton-tiges imbibés des différents solvants et roulés sur la tache. 240 Voir zone de solubilité des huiles en annexe (2.4 Triangle de solubilité, p. 209).

241 Analyses FTIR en annexe (2.1.5 Spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF), Cartographie,

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Figure 86 : Étendue et détail des taches de couleur

kaki. Figure 87 : Apparence de la tache kaki sous microscope (grossissement 215x).

Figure 88 : Solubilité des concrétions et des taches kaki.

4.3.4 Altérations de la couche picturale

Les motifs noir et rouge sont sporadiquement craquelés, au niveau macroscopique et microscopique (Figure 89 et Figure 90), de manière plus ou moins prononcée selon les endroits. Des pertes de matière sont présentes bien que la couche picturale soit néanmoins cohésive et que peu de fragments de décors sont trouvés détachés.

Figure 89 : Craquèlement en G7. Figure 90 : Craquèlement du décor rouge sous microscope (grossissement 57x).

Des abrasions sont également présentes de façon sporadique sur toute la surface du tapa. Une double abrasion en ligne suit le bord du tapa (ligne H) de manière continuelle (Figure 91).

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Figure 91 : Double ligne d’abrasions en H2.