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Allométries du Sapin et de l’Epicéa 1 Allométries et tolérance à l’ombre

alba and Picea abies in the Western Alps.

8.1.1 Allométries du Sapin et de l’Epicéa 1 Allométries et tolérance à l’ombre

Plusieurs études ont mis en avant les différences d’interception de la lumière entre les espèces tolérantes à l’ombre, supposées intercepter plus de lumière, et les espèces non- tolérantes à l’ombre (Canham et al., 1994; Grubb, 1998; King, 1996; Parish et al., 2008;

Shukla and Ramakrishnan,1986;Yokozawa et al., 1996).

Les houppiers des espèces tolérantes à l’ombre sont supposés être plus développés avec une hauteur à la base plus basse et un rayon plus important (Fig. 8.1). Ces différences moyennes entre espèces dans la forme du houppier ont des conséquences sur l’interception de la lumière par les individus adultes et sur l’allocation de la ressource lumineuse à l’échelle du peuplement. Le développement des espèces tolérantes à l’ombre assombrit le sous-étage forestier et limite l’installation des semis d’espèces non-tolérantes à l’ombre, accélérant ainsi la dynamique de succession.

Concernant le Sapin et l’Epicéa, au sein d’un site, des différences moyennes entre espèces pour les allométries (Fig. 3.2) et pour l’interception de la lumière (Fig. 3.4) sont observées. Mais la hiérarchie entre espèces change d’un site à l’autre (Fig. 3.4). Ces résultats sont en accord avec le concept de niche (Sec. 2.4.1 et Fig. 2.14) : suivant les caractéristiques environnementales de chaque site, les espèces sont plus ou moins adapatées et ont un houppier plus ou moins developpé. De plus, sur un site donné, les différences moyennes entre espèces sont tamponnées par une très forte variabilité individuelle (Fig. 3.4).

Il existe une limite à l’interprétation des différences moyennes entre espèces. Nos résul- tats montrent l’importance de prendre en compte l’effet site et la variabilité individuelle dans les allométries afin de bien rendre compte de l’allocation de la ressource lumineuse dans le peuplement, à la fois au niveau de l’interception de la lumière par les arbres, qui détermine la croissance, et au niveau de la lumière arrivant au sol, qui détermine la régénération.

8.1.1.2 Plasticité dans la forme des houppiers

La forme des arbres est déterminée par des facteurs endogènes, qui déterminent l’ar- chitecture des espèces, et par des facteurs environnementaux (Barthelemy and Caraglio,

2007). Au sein d’une espèce, les individus ont des formes de houppier différentes. Le mé- canisme principalement invoqué pour expliquer la variabilité intraspécifique dans la forme des houppiers est la plasticité des espèces vis-à-vis de la lumière et de l’espace disponible. Les individus s’adaptent à leur environnement et développent leur architecture là où les ressources sont les plus abondantes. Dans les peuplements denses, on remarque ainsi un élancement des arbres adultes lié à une augmentation du rapport Hauteur/Diamètre.

Différents modèles représentent la plasticité phénotypique dans la forme des houppiers, soit par une minimisation du recouvrement des houppiers d’individus voisins (Piboule

et al.,2005), soit par un allongement vertical et une augmentation du rayon du houppier en

fonction de la lumière (Vincent and Harja,2008) ou encore par une occupation maximale de l’espace (Adams et al.,2007) (Fig. 8.2). La plasticité phénotypique conduit à une fermeture de la canopée et à une homogénéisation des conditions de lumière sous la canopée. Elle participe à accélérer la dynamique de succession en excluant les espèces héliophiles qui nécessitent de la lumière pour se régénérer.

La plasticité phénotypique vis-à-vis de la lumière et de l’espace disponible est une vision déterministe de la variabilité intraspécifique dans la forme des houppiers. Nos résultats ont montré que la compétition locale n’expliquait pas la forte variabilité individuelle dans un contexte de forêt de montagne. Une forte variabilité individuelle a toutefois été quantifiée (Fig. 3.3).

La variabilité individuelle peut être due à une multitude de facteurs qui agissent à l’échelle de l’arbre. Elle peut être due à des caractéristiques génétiques qui définissent une architecture individuelle qui entre en interaction avec des paramètres environnementaux à l’échelle du micro-site : lumière, mais aussi pente, réserve en eau du sol, pierrosité, etc.. La variabilité individuelle peut également être expliquée par des perturbations ayant affecté l’individu antérieurement aux mesures. Les perturbations peuvent être associées à l’abroutissement ou à l’écorçage ainsi qu’au bris de branches dû aux chutes de neige ou aux chutes de blocs qui sont fréquentes à l’étage montagnard (Parish et al., 2008).

L’existence de la plasticité phénotypique n’est pas remise en cause par nos résultats mais l’effet de la lumière et de l’espace disponible est très difficilement isolable de celui d’autres facteurs. Le Sapin et l’Epicéa sont des conifères classés parmi les espèces les plus tolérantes à l’ombre (Ellenberg,1988). Elles sont beaucoup moins plastiques que les espèces feuillues ou les espèces héliophiles. La faible plasticité phénotypique est masquée par des

(a)

(b)

Fig. 8.1: Tolérance à l’ombre et taille des houppiers. (a) Les espèces les plus to- lérantes à l’ombre sont en bleu, les espèces les moins tolérantes à l’ombre en rouge. Les données proviennent d’espèces du sud-est des Etats-Unis (région des Appalaches), (Dietze

et al., inpress). Les espèces les plus tolérantes à l’ombre sont plus petites mais avec un

houppier plus developpé (rayon plus important et profondeur du houppier plus importante). “Relative canopy depth” = 1−(base du houppier/hauteur de l’arbre). (b) Les espèces sont classées par ordre de tolérance à l’ombre. Les données proviennent d’espèces d’Amérique du Nord (Connecticut). Les dimensions du houppier correspondent à celle d’un arbre adulte de 30 cm de DBH (Pacala et al.,1996).

(a) (b)

(c)

Fig. 8.2: Plasticité phénotypique dans la forme des houppiers. (a) Minimisation du recouvrement des houppiers voisins (Piboule et al., 2005), (b) Allongement vertical et horizontal en fonction de la lumière (Vincent and Harja, 2008), (c) Occupation maximale de l’espace (Adams et al., 2007).

facteurs qui agissent de façon antagoniste comme la pente ou les perturbations qui sont fortes en milieu de montagne. Même si la plasticité phénotypique était prise en compte via un modèle de déformation asymétrique des houppiers, il est très probable que la variabilité individuelle résiduelle serait très forte.

Dans un tel contexte, il est sans doute préférable d’avoir une vision stochastique de la variabilité individuelle. L’effet individuel est un effet aléatoire qui synthétise les effets d’une multitude de facteurs en interaction qui ne peuvent être isolés les uns des autres. Bien que les effets soient aléatoires, la variabilité est structurée : les effets restent constants pour toute la durée de vie des individus et ils participent ainsi à la différenciation et à la structuration du peuplement sur le long terme (Oldeman, 1990).

La variabilité individuelle aléatoire dans la forme des houppiers conduit à une hétérogénéi- sation des conditions de lumière sous la canopée (Fig. 3.5). Les cellules de sol entourées d’arbres adultes aux diamètres importants, et qui sont supposées recevoir moins de 5% de lumière relative, peuvent atteindre des niveaux de lumière allant jusqu’à 15% lorsque l’on prend en compte la variabilité individuelle (Fig. 3.5). Autrement dit, la variabilité individuelle dans la forme des houppiers est à même de ralentir l’exclusion compétitive des espèces héliophiles lors de la fermeture du peuplement. Dans le cas d’un mélange Sapin- Epicéa en zone de montagne, l’Epicéa ayant une probabilité de recrutement qui augmente en fonction de la lumière avec un optimum à 21% (Fig. 7.2), la variabilité individuelle offre plus de possibilités à l’Epicéa pour se régénérer.

8.1.2

Mortalité du Sapin et de l’Epicéa

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